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jeudi, avril 12, 2007

98-100 Le Parlement européen

Anonyme, « Heal Thyself », The Economist, 13 avril 1991, pp. 48-50.

TRADUCTION

Le Parlement européen
Aide-toi, le ciel t’aidera
Notre correspondant de Bruxelles soutient que le Parlement européen doit mettre de l’ordre dans sa maison pour mériter désormais plus de pouvoir.
Le Parlement est souvent son pire ennemi. Il sollicite plus d’influence, encore se comporte-t-il parfois de façon qui le fait sembler indigne des pouvoirs qu'il a déjà: amender la législation et approuver le budget de la Communauté européenne. Ce n'est pas juste son inclination pour des résolutions de secours sur des événements éloignés. Les 518 euro-députés, qui se rencontrent pendant une semaine par mois à Strasbourg, sont servis par une bureaucratie de 3 600 fonctionnaires qui coûtent plus que 500 000 000 d’écus (600 000 000$) l’an à gérer. L'efficacité est sapée par les rivalités nationales, la partisannerie politique et les manoeuvres de groupes obscures comme les francs-maçons.
Le Parlement n'est comme aucun autre dans le monde. Il n'a ni majorité, ni opposition. Ses membres viennent de 66 partis, qui se combinent en 10 groupes. Ces groupes ont des représentants au Bureau, le comité d’euro-députés qui dirigent les affaires parlementaires. L'existence parlementaire ambulante - les comités se rencontrent à Bruxelles mais la plupart des fonctionnaires sont basés au Luxembourg - n’aide en rien à la bonne gestion. Les hauts fonctionnaires font souvent des aller retour du Luxembourg à Bruxelles plusieurs fois par jour. Le coût pour dédoubler ou tripler certains emplois et bureaux équivaut à 15 % du budget parlementaire. La plupart des euro-députés veulent demeurer à Bruxelles, mais les gouvernements du Luxembourg et de la France insistent pour que le Parlement reste un cirque ambulant. Travailler en neuf langues ne fait qu’ajouter à la confusion. La masse salariale des interprètes et traducteurs compte pour 35 % des salaires.
Les hauts fonctionnaires parlementaires, les directeurs-généraux, gagnent chacun 350 000 francs belges (10 000 $) par mois (presque entièrement exempt d'impôt) pour diriger un « conseil d’administration ». Beaucoup d'entre eux n’ont pas le pouvoir de leurs équivalents dans la Commission européenne. Tandis que dans la commission les nominations des cadres supérieurs dépendent de la nationalité et de la compétence, dans le Parlement, la politique complique les affaires. Les décisions du Bureau sur les emplois reflètent souvent une entente entre des groupes politiques: un fonctionnaire socialiste, par exemple, prendra un poste et un démocrate chrétien un autre. Les groupes politiques influencent les nominations jusqu’en bas de l’échelle connue comme A3 (A7 étant la catégorie administrative la plus basse et Al la plus haute, un directeur général).
Fréquenter la salle des pas perdus de la Chambre en quête de nouvelles et de généreux contrats pour les intérêts du parti national ou de la nation, quoique préjudiciable à la saine gestion, est au moins ouvert et visible à tous. L'influence des francs-maçons est plus insidieuse. Beaucoup de fonctionnaires prétendent que les francs-maçons ont trop d'emprise sur les nominations et promotions. Une tentative, cette année, d’expulser par la force le contrôleur financier parlementaire a ranimé des querelles sur la franc-maçonnerie qui remonte à une décennie.
L’affaire de Compte
En 1982 la Cour des vérificateurs, le chien de garde financier de la CE, a découvert que 4 000 000 francs belges avaient disparus de la caisse du bureau des euro-députés. En juillet 1980, Henri de Compte, qui dirigeait la caisse, avait transféré 400 000 francs belges (valant alors 950 000 $ en devise américaine) du compte parlementaire courant à un compte de dépôt non déclaré à la Midland Bank de Londres. En septembre et novembre 1981, M. de Compte a essayé d'encaisser deux chèques valant 52 000 livres sterling sur le compte de dépôt (la somme des intérêts qui s'étaient accumulés et l'équivalent de quelque 4 000 000 francs belges de l’époque).
Mais les banques britanniques n’ont pas permis les retraits en chèque des comptes de dépôt. Ainsi, bien que M. de Compte ait pu encaisser les chèques, la Midland débitait le compte courant. N’eut été de cet incident, la Cour des vérificateurs n’aurait jamais pu découvrir le problème, car ces transactions n'avaient pas été enregistrées dans les livres parlementaires à l'époque. À ce jour, les comptes parlementaires annuels montrent un trou de 4 100 000 francs belges.
Il n'y avait aucune preuve pour prétendre que M. de Compte avait commis un délit. Mais Piet Dankert, alors le président parlementaire, l'a muté et à porté des plaintes disciplinaires contre lui pour avoir excédé ses responsabilités et enfreint aux principes de la saine gestion financière. Il y a eu une forte résistance à la punition de M. de Compte : parmi ses défenseurs, il y avait des fonctionnaires et des euro-députés des loges maçonniques françaises. M. Dankert était incapable de le mettre à la porte.
En 1985 la Cour des vérificateurs a produit un rapport détaillé sur les 4 100 000 francs belges manquants. Il n'a jamais été publié. Ayant décrit le comportement d’« irrégulier » et de « sérieuse négligence » dans la gestion de la caisse, il remarque que « la tentative de cacher le déficit par la manipulation va à l’encontre de toute gestion financière régulière. » Le rapport conclut : « L'autorité responsable de la comptabilité, M. de Compte, et le titulaire du compte d'avances de caisse, Klaus Offerman, doivent être tenus responsables. »
Armé de ce rapport, Lord Plumb, qui était à ce moment-là le président, a enfin réussi à rétrograder M. de Compte d'A3 à la catégorie A7 en 1988. Mais M. de Compte a fait appel au Palais de justice européen et après sa retraite en 1989, retirait une pension A3. Le tribunal de première instance a entendu son appel en mars, mais n'a pas encore décidé.
M. de Compte prétend que quand il a encaissé les deux chèques, il a mis l'argent directement dans le coffre-fort du bureau, bien qu'il n'y ait aucune entrée dans les livres jusqu'à février 1982, (la Cour des vérificateurs dit que l'entrée a été faite après qu'elle eût vérifié les livres en mars 1982). La défense de M. de Compte repose sur la revendication que les deux chèques qu’il a encaissés et le 4 100 000 francs belges manquants sont totalement sans rapport. Il dit que les pertes proviennent de la mauvaise gestion accumulée au cours des années et que, s'il y avait des méfaits, il est injuste de le choisir comme bouc émissaire plutôt que ses subalternes. Il signale aussi qu'en 1984, le Parlement a voté pour approuver son traitement des comptes 1981.
Sa rétrogradation a irrité ses partisans. Plusieurs d'entre ceux qui ont lutté contre lui prétendent que leurs carrières ont par la suite souffert de représailles par les maçons. Deux loges maçonniques principales de la France sont bien représentées dans le Parlement : le Grand Orient, qui penche à gauche et la Grande Loge qui penche au centre-droit. Les maçons de toutes les couleurs et nationalités semblent de temps en temps collaborer.
Depuis que la franc-maçonnerie a été inventée, en Grande-Bretagne au 17ième siècle, comme une société secrète consacrée à la fraternité universelle et la vérité, beaucoup de maçons ont enrichi le monde - Wolfgang Amadeus Mozart et George Washington parmi eux. Mais quelques maçons n’ont pas respecté les hauts idéaux et ont employé la fraternité secrète comme une voie d'enrichissement pour eux-mêmes.
L'influence maçonnique dans le Parlement européen est particulièrement forte dans le conseil d'administration. Il est responsable des bâtiments et du développement de la propriété, qui représente un cinquième du budget parlementaire. Les critiques des maçons estiment que trois directeurs sur neuf sont des maçons. Des trois, deux ont dit à « The Economist » qu'ils ne l’étaient pas et un a décliné une entrevue.
Parmi les euro-députés européens, la maçonnerie est la plus commune dans les partis avec des origines anticléricales. Un membre haut placé du parti socialiste français estime qu'environ un tiers de ses euro-députés sont des maçons. Plusieurs euro-députés disent que les maçons sont inoffensifs. Lord Plumb a dit : « Il y a beaucoup de maçons au sommet de l'administration, mais puisqu'ils n'emploient pas leur influence incorrectement, ce n'est pas un problème. » Marijke Van Hemeldonck, un socialiste flamand, a dit que la franc-maçonnerie est insignifiante dans le Parlement. « Ce qui m'inquiète, c’est l'influence de l'agriculture et des groupes de pression industriels, l'Opus Dei et Oxbridge. »
La croisade d'O'Hannrachain
Eoghan O'Hannrachain est un pointilleux officieux irlandais, dont le travail, comme contrôleur financier, est de mettre son veto aux dépenses quand les règlements financiers n'ont pas été suivis. Plusieurs fois par an il exerce son veto, souvent seulement pour être cassé par le Baron Enrique, le président parlementaire actuel.
La Cour des vérificateurs n'aime pas cela. Elle a fait des remarques dans un rapport publié en décembre dernier que les six cassations de 1989 « ont autorisé le maintient de mesures qui n'observaient pas les règles en vigueur ». Une des six concernait une conférence à la Barbade, où des fonctionnaires et des euro-députés rencontraient les représentants des pays du Tiers-Monde. M. O'Hannrachain avait refusé son approbation parce que les dépenses dépassaient le budget de 300 000 écus de 30 %. Sa décision a été cassée pour que les hôteliers barbadiens puissent être payés; tels aspects pratiques rendent parfois la cassation nécessaire.
Cette année, on a donné la permanence à trois contractuels à temps partiel de la cantine et de la librairie. M. O'Hannrachain a refusé son autorisation parce que les procédures de recrutement normales n'avaient pas été suivies, mais sa décision à été cassée.
M. O'Hannrachain s’était fait des ennemis quand, en 1987, il avait refusé d'autoriser les dépenses sur un entrepôt dans Zaventem, une banlieue de Bruxelles. Le directeur général, Jean Feidt, un socialiste français, avait été en pourparlers pour louer l'entrepôt pendant trois ans comme un dépôt pour la papeterie parlementaire; deux sites alternatifs meilleur marché étaient à l'étude. À cause des erreurs cléricales, la facture estimée pour le loyer de l'entrepôt était trois fois ce qu'elle aurait dû être et la facture pour le gaz et l'électricité avait décuplé. Mais le Parlement était pris avec le contrat.
La résistance à M. O'Hannrachain a augmenté l'année dernière quand il a pris la ligne dure sur les dépenses d’ordinateurs. Un projet connu sous l’acronyme BUDG était supposé fournir un système de gestion de l'information pour le Parlement. Après que 3 000 000 d’écus eurent été dépensés sans que le système ne soit livré, M. O'Hannrachain a refusé de sanctionner de nouveaux paiements. BUDG a dû être abandonné.
Un autre projet, OVIDE 2, était supposé donner accès aux membres à de l'information utile comme les ordres du jour et les résolutions, mais était des années en retard sur le programme. Le directeur de l’informatique, Girard Bokanowski, a renégocié le contrat lui-même pour que certaines clauses de pénalité pour livraison avec retard soient renoncées. M. O'Hannrachain est intervenu et on a finalement donné à M. Bokanowski un autre travail de rang équivalent.
Les sympathisants de M. Bokanowski - incluant les compatriotes français et quelques maçons - accusèrent M. O'Hannrachain de prendre des décisions politiques plutôt que simplement vérifier si les gens suivaient les règles. Yves Galland, un vice-président du Parlement, a écrit au président, M. Baron, mentionnant douze cas où, a-t-il allégué, M. O'Hannrachain avait fait des erreurs. Le contrôleur financier, disait la lettre, était coupable « de maccarthysme financier ». Quand on l’a questionné à propos de la franc-maçonnerie, M. Galland a répondu : « Je n'ai jamais entendu parler de l'influence maçonnique dans le Parlement - quoique je sois le premier président du Parti Radical français à ne pas être un maçon. »
John Tomlinson, un député travailliste européen, a écrit un rapport pour le comité de contrôle budgétaire qui repousse les plaintes contre M. Ohannrachain. « On doit percevoir le contrôleur financier comme indépendant de l'administration », a dit M. Tomlinson. Il suggère que toute cassation soit faite par le conseil du comité de contrôle budgétaire et non, comme à présent, par le conseil du secrétaire général. M. Tomlinson a été déconcerté par des cambriolages dans son bureau. Des fichiers avaient été mis sens dessus dessous, mais les objets précieux étaient restés intacts. Il dit des maçons : « Ils pourraient prouver qu'ils sont aussi innocents qu'ils disent qu'ils sont, en étant d'accord avec un registre des intérêts maçonniques pour les membres et les fonctionnaires. »
Avec un peu d’aide de quelques amis
Le Parlement est un piètre gérant de personnel. Ses procédures d’embauche et de promotion sont encombrantes. Beaucoup d’employés travaillent beaucoup moins que les 37.5 heures prescrites par semaine. Personne ne peut se rappeler un renvoi, à part le cas d'un huissier qui buvait régulièrement en service.
« Les hauts fonctionnaires restent trop longtemps au même poste », dit Diemut Theato, un député allemand démocrate chrétien. Elle est concernée par le sureffectif, mais ajoute : « Combien d'administrations nationales pourraient faire face au déplacement entre trois sites et toujours accorder la flexibilité avec les besoins des membres ? »
Enrico Vinci, le secrétaire général, est un maître de l'improvisation qui s’assure que les travaux administratifs, dans le sens que les comités produisent leurs rapports et que membres reçoivent les documents justes au bon moment dans la bonne langue. Son sens de l’organisation, une mémoire d’éléphant et le charme sicilien l’aident dans son travail. Mais il ne peut pas diriger les choses comme il veut. Comme il est sous la pression constante des groupes politiques. Même les admirateurs de M. Vinci estiment qu'il tolère de temps en temps trop la faiblesse humaine.
La méthode de recrutement est trop ouverte à l’abus. Les candidats qui passent un examen sont mis sur une liste dont ils peuvent plus tard être choisis pour un travail. Un comité de sélection des employés juge chaque examen. Les membres du comité sont parfois influencés par la nationalité ou le parti. Selon Peter Price, un conservateur britannique qui préside le comité de contrôle budgétaire, c'est l'exception plutôt que la règle q’un membre du comité favorise un individu, mais cela arrive trop souvent. »
L'année dernière, un examen a eu lieu pour recruter dix administrateurs. Le comité de sélection a évalué des candidats et il est apparu que, puisque quatre candidats avaient fini dixième ex-aequo, la liste finale comporterait 13 noms. L’un de ceux ajoutés sur la liste était un ami intime d'un membre du comité de sélection. Certains membres du comité étaient gênés du grand écart entre les résultats des examens oraux et écrits de certains candidats et ont mis en doute les résultats dans un rapport minoritaire. Les hauts fonctionnaires ont maintenant une entente tacite que seulement ceux qui finissent dans les neuf premières places seront considérés pour des emplois.
Beaucoup de fonctionnaires parlementaires essayent d'améliorer la gestion. Les directions du personnel et des finances travaillent sur le personnel, la mobilité et le respect des règles financières : M. O'Hannrachain met maintenant son veto sur des dépenses environ dix fois par an, comparé avec trente il y a quelques années. Mais il reste beaucoup à faire.
La racine du mal réside dans le laxisme budgétaire du Parlement. En théorie, le Conseil des ministres doit approuver le budget chaque année. Mais selon une entente verbale entre le Parlement et le conseil, personne ne pose de question sur le budget de personne d’autre. Le Parlement peut dépenser autant que cela lui plaît tant qu'il se tient sous les plafonds de généreux budgets quinquennaux convenus en 1988.
Chaque année, le secrétaire général propose un projet de budget et le Bureau, qui aime être généreux envers les membres et le personnel, essaye de l'augmenter. Le comité du budget essaye de le réduire, mais le budget final - voté sur par une pleine session du Parlement - est toujours plus élevé que le premier projet.
La proposition de 1992, du secrétaire général, est de 580 000 000 d’écus, comparés avec 510 000 000 cette année. Ce saut reflète les demandes des euro-députés pour de meilleures gratifications. Ils reçoivent chacun déjà 2 500 écus par an pour leurs dépenses pour les billets aériens partout où ils veulent aller (les voyages d’affaire parlementaire sont payés de toute façon), mais ils veulent 4 000 écus. Ils veulent des leçons gratuites de traitement de données pour leurs aides - qui sont déjà 1 200 sur les listes de paye parlementaires. Et ils demandent une caisse de retraite qui coûtera 6 000 000 d’écus.
Environ la moitié des dépenses excédentaires de la prochaine année sera sur la propriété. De la part du Parlement, des promoteurs privés construisent 360 000 mètres carrés (468 000 verges cubes) d'espace de bureau à Bruxelles, incluant une chambre pour l'assemblée. Pour pacifier le groupe de pression Strasbourg, le Parlement construit aussi une nouvelle chambre et 1 825 bureaux à Strasbourg. On n'a pas consulté les gouvernements de la CE sur ces décisions.
Qu'est-ce qui doit être fait ?
Les euro-députés doivent prendre plus d'intérêt à l'administration parlementaire et moins à leur propre confort. Pourquoi, par exemple, ne peuvent-ils pas utiliser des taxis à Strasbourg et Bruxelles au lieu du service de chauffeur spécial qui coûte au Parlement plus que 2 000 000 d’écus par an ? Les groupes politiques doivent promettre de ne pas s'immiscer dans les nominations des directeurs administratifs. La politique de personnel doit obliger les fonctionnaires à changer de poste après quelques années et des règles équitables doivent être rédigées pour les comités de sélection.

Le Parlement et le conseil doivent déchirer leur accord tacite sur les dépenses, qui tient plus d'une charte de criminels. Par dessus tout, la France et le Luxembourg doivent permettre au Parlement de s’établir à Bruxelles. Seulement alors le Parlement pourrait-il commencer à convaincre le monde que c'est un corps responsable, digne de ses revendications pour plus de pouvoir.
L'ÉCONOMISTE le 13 AVRIL 1991


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