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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

samedi, octobre 25, 2008

Victor Andréï Kravchenko, au cours du procès qu’il intenta aux Lettres françaises en 1949. Ses adversaires essaieront de tiere parti de son caractère irascible (cl. Keystone).


Ceux qui écoutent Paupau Marois cet après-midi et son projet de faire du kébékistan une républiqe communiste dont elle serait la reine, devraient se renseigner sur l’orientation marxiste de son parti. Ce n’est pas que les autres partis soient mieux: le Parti Libéral est le tronc et ses branches sont le Parti Québécois et l’ADQ.

René, son héros violent qui était communiste, a été ministre dans plusieurs ministères dans le gouvernement Lesage. Ce même gouvernement a oeuvré pour démolir le système scolaire, ce qui nous amène les cours d’éthique religieuse, une vision rosicrucienne de la secte satanique.
Tous les régimes communistes ont fonctionné et fonctionnent selon les mêmes méthodes décrites dans ce blogue. Ce qui est intéressant à savoir, c’est le fil d’Ariane qui les relie l’un l’autre: l’ésotérisme. Le bien de la population n’est pas ce qui fait battre leur petit coeur.


Comme Paupau vient de le dire: le passé est garant de l’avenir. Nous savons d’où vient son parti et son orientation.

Paupau possède une boule de crystal car elle sait ce que la population veut. Pauvre Paupau! Pourquoi ne dis-tu pas la vérité? Tu sais très bien que le lièvre du Bloc a perdu des plumes et que bientôt il ressemblera beaucoup à l’homme de Platon: un coq plumé à deux pattes.

Les valeurs québécoises de Paupau:
- tuer des enfants dans le ventre de leur mère;
- implanter des lois contre la famille;
- établir un État totalitaire.


Et Paupau vend de l’élixir magique qui guérit les crises économiques et tous ce dont souffre la plèbe. Les gauchistes, qui souvent causent les crises, sont aussi des médecins qui soignent les malades. La Pompadour pékisse en a de bonnes...

D’ailleurs, elle ressemble étrangement à cet homme qui sourit gentiment ici-bas. Remarquez que tous les dirigeants communistes au sourire éblouissant ne regardent jamais le photographe ou la foule directement. Cela peut ne paraître qu’un détail sans importance, mais c’est au contraire très significatif. Ils ont tous le culte de la personne et ils sont égocentriques.

Si vous relisiez bien Macbeth, il consulte des sorcières, tuent le roi, a toujours des complots, ne fait confiance à personne, fait surveiller tout le monde, doute de tout le monde, tue des familles entières, finit de mort violente et seul avec lui-même.

Pierre Bourgault a très bien décrit dans sa dernière scène comment les démons l’assaillaient.



Mao a mis en place un régime utopique et meurtrier à la fois. Chaque campagne politique qu’il a menée a fait des dizaines de milliers de victimes (cl. Vas/Gamma).
L'AUTEUR
Directeur scientifique de la Fondation nationale des sciences politiques, Jean=Luc Domenach a publié de nombreux ouvrages parmi lesquels Chine, l'archipel oublié (Fayard, 1992), La Chine de 1949 à 1994 (avec Philippe Richer, Le Seuil, 1995) et L Asie en danger (Fayard, 1998).



Le modèle chinois

Les dizaines de millions de morts du maoïsme ne peuvent être considérés comme un chapitre secondaire de l'histoire de la Chine. Au regard de ce terrible constat, il faut bien admettre que Mao Zedong, encensé par toute une partie de l'intelligentsia occidentale, a été l'un des plus grands criminels du siècle.


Après s'être longtemps dérobée, l'histoire a tranché: en Chine, le communisme au pouvoir a été exceptionnellement meurtrier. Les victimes politiques se chiffrent au minimum à 20 millions: 5 millions des suites de l'installation au pouvoir du PCC (1949-1954); 8 millions lors des vagues de répressions qui ont suivi, dont 2 à 3 millions durant la Révolution culturelle (1966-1971) - manipulée par Mao, cette campagne a mobilisé les masses, notamment les jeunes enrôlés dans les Gardes rouges, contre les caciques du régime -; 7 millions au moins qui n'ont pas survécu à la détention.


À ces 20 millions de morts peuvent être ajoutés les 30 à 50 millions de décès causés par la famine du Grand Bond en avant (1958-1962) - mouvement productiviste d'une ampleur inouïe qui devait permettre l'industrialisation rapide du pays et qui a finalement provoqué une catastrophe démographique. Encore faut-il noter que cette famine a été le résultat d'une erreur utopique, non d'un complot délibéré, et que le PCC s'est employé à lutter contre elle, par des importations de céréales ou des mesures de rationnement - mais il est vrai, également, que sa gravité est indissociable de la pratique totalitaire et des erreurs bureaucratiques du même PCC.

Les victimes ne se comptent pas seulement en morts, mais aussi, comme ailleurs, en innombrables personnes enfermées et brutalisées. J'estime qu'entre 1950 et 1976, environ 10 millions d'êtres humains étaient en permanence détenus dans l'équivalent chinois du Goulag* soviétique: un archipel de prisons et camps de travail aux mains de la Sécurité publique, répartis sur tout le territoire, fondés sur la rééducation par le travail et où les conditions de détention étaient particulièrement pénibles.


Une part considérable de la population chinoise a souffert des violences de tous ordres couvertes par le pouvoir: durant la seule Révolution culturelle, une centaine de millions de Chinois auraient été battus, estropiés, humiliés, contraints au divorce ou à l'exil...

Mais le coût humain ne s'arrête pas là. D'autres dommages sont difficiles à évaluer, voire simplement à décrire. Comment, par exemple, évoquer la désespérance de ceux qui, à un moment ou à un autre, avaient cru au communisme? Les suicides ont été nombreux en Chine. Et que dire des destructions culturelles, parfois irrémédiables: monument abattus, bibliothèques brûlées, folklore interdits, talents assassinés.

Aujourd'hui encore, il faut prendre en compte comme victimes du communisme les dizaines de millions de paysans misérables opprimés par des cadres corrompus; les autres, aussi nombreux, qu rêvent de fuir à l'étranger et n'y parviendront jamais; ou les écrivains dissidents obligés de cacher leurs manuscrits.

Ces ravages ne peuvent être considérés comme un chapitre tragique, certes, mais secondaire de l'histoire de la Chine populaire. Ils en sont au contraire un résultat direct, et par là témoignent spectaculairement de l'évolution du pays.

Il existe en effet une césure décisive entre les deux périodes délimitées par l'arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1978_1979. Le régime à la fois utopique et meurtrier sous Mao devient modernisateur et simplement policier avec Deng. Le premier voulait changer la Chine pour changer le monde. Deng, lui, a voulu moderniser la Chine pour l’intégrer au monde.

Avant 1979, chaque campagne politique entraîne des dizaines, voire des centaines de milliers d'exécutions. Après, les chiffres s'effondrent: les quelques milliers de morts de la répression de Tiananmen en juin 1989 et la dizaine de milliers d'exécutions annuelles dans les années suivantes sont, à juste titre, un scandale pour la conscience universelle, mais marquent tout de même l'entrée de la Chine dans une ère où le pouvoir ne tue que s'il l'estime nécessaire pour se maintenir en place.

Dans son ensemble, le nombre des détenus a beaucoup diminué _ il est peut-être de 3 ou 4 millions aujourd'hui alors que la population a augmenté, si bien que la proportion des personnes incarcérées n'a plus rien d'exceptionnel.

La détention elle_même s'est transformée: alors qu'elle avait pour objet dans les années 1950 la «réforme de la pensée», c'est-à-dire un véritable meurtre de la personnalité, elle ne vise plus qu'une mise à l'écart brutale; et la menace vient désormais, pour le prisonnier, des gangs qui règnent dans les centres de détention. Pour avoir les meilleures chances de survivre, il faut de l'argent ou des relations...

La même césure historique se répercute sur l'identité des victimes: essentiellement politique durant l'époque maoïste, de plus en plus banalement criminelle par la suite.

Dans les années 1950, le nombre des prisonniers militaires - Japonais, à la suite de la guerre sino-japonaise de 1937-1945, ou membres du Guomindang, le parti nationaliste en guerre contre le PCC entre 1946 et 1949 - rappelle tout d'abord que le communisme chinois est né de la guerre. Ensuite, la proportion relativement importante de victimes étrangères (ou de Chinois ayant des liens avec l'étranger) souligne son caractère nationaliste, voire xénophobe: durant la Révolution culturelle, il suffisait, pour être soupçonné d'espionnage, de posséder un objet d'origine occidentale. Enfin, la forte présence de citadins parmi les victimes, en particulier de diplômés, et à rebours la faible part des ruraux confirme que le communisme maoïste n'était industrialiste que par nécessité, et qu'il n'a jamais renié sa trajectoire rurale.

Ces originalités sont cependant en partie corrigées par une caractéristique plus générale de la répression totalitaire en Chine, à savoir qu'elle frappe aussi au hasard des circonstances locales, des lubies des chefs, voire de la nécessité de remplir des quotas chiffrés.

Au contraire, la proportion des victimes «politiques» a brutalement diminué lorsque, à partir de 1978, Deng Yiaoping a réhabilité des millions de prétendus «contre-révolutionnaires». Malgré les quelques campagnes qui ont suivi (contre la «pollution spirituelle» de 1983-1984, contre le mouvement démocratique en 1989-1990), les détenus politiques représentent aujourd'hui moins de 1 % de la population carcérale - ce qui recouvre tout de même plusieurs dizaines de milliers de personnes... La quasi-totalité des exécutions capitales touchent des criminels de droit commun et autres mafieux.

Ainsi, l'examen des basses oeuvres du communisme chinois conduit à deux conclusions. La première est qu'il a été globalement très meurtrier. La seconde, qu'il a aussi beaucoup évolué, d'un délire utopique et sanglant à un compromis plus banalement policier avec le capitalisme.

NOTE
* Cf. lexique, p. 43.




Le Grand Bond en avant, lancé en 1958, devait conduire à l'industrialisation du pays, notamment par la multiplication des hauts-fourneaux. Il tourna à la catastrophe (cl. Keystone).


L'HISTOIRE OCTOBRE 200 PP. 64-67


L'AUTEUR
Maître de conférences d'histoire contemporaine à l'université Denis-Diderot-Paris-VII, Pierre Brocheuxa publié Ho Chi Minh (Presses de Sciences po, 2000) et Du conflit d'Indochine aux conflits indochinois (Complexe/IHTP, 2000).

Pol Pot et la destruction du Cambodge


Pol Pot, mort dans des circonstances troubles en 1998, incarne le désastre qui a frappé le peuple cambodgien entre 1975 et 1979.

Quand, au nom de l'utopie communiste, des centaines de milliers de personnes se trouvèrent victimes d'un massacre organisé.



Le 15 avril 1998, Pol Pot mourait dans la forêt cambodgienne. Son nom est resté associé au régime despotique imposé aux Cambodgiens pendant trois ans, huit mois et vingt jours, entre 1975 et 1979. Cette période se solda par une hécatombe de vies humaines qui valut à cette tragédie la qualification de génocide ou d'autogénocide (1).

La mort de Pol Pot intervint dans la phase ultime de décomposition du mouvement khmer rouge*, confiné au réduit d'Anlong Ven au nord_ouest du pays: son dirigeant fut arrêté par ses propres partisans et compagnons, jugé pour trahison et pour avoir ordonné l'exécution «de nombreux compatriotes», selon les mots de son lieutenant Ta Mok, un des très rares dirigeants khmers rouges d'origine paysanne.

Un dénouement assez trouble au demeurant: Ta Mok, surnommé «le boucher», et Khieu Samphan, ancien Premier ministre du Kampuchéa démocratique (dénomination donnée par les dirigeants khmers rouges, après 1975, à l'ancien royaume du Cambodge), reprochaient-ils à Pol Pot les centaines de milliers de morts dont s'était rendu coupable son régime, ou seulement le tout récent assassinat du chef des forces armées khmères rouges, Son Sen, et de sa famille? Au moment où l'on parle d'instaurer un tribunal pour juger les Khmers rouges, ces hommes n'ont_ils pas saisi l'occasion de faire endosser à Pol Pot la responsabilité des massacres afin d'obtenir le pardon ou du moins l'amnistie pour eux-mêmes?

Mais le régime instauré par le Parti communiste khmer est-il identifiable au seul Pol Pot? Si «polpotisme» il y eut, s'agissait-il d'un stalinisme des Tropiques, d'une déviation du léninisme, du «maoâme vu par des cons» comme l'écrivit André Malraux ou d'un phénomène particulier surgi d'un terreau spécifique?

Commençons, pour tenter de répondre à ces questions, par cerner la personnalité de Pol Pot. Nous ne disposons aujourd'hui que d'une seule biographie de lui, rédigée par l'historien américano_australien David Chandler, au terme d'une longue enquête (2). Où nous apprenons que, derrière ce pseudonyme de Pol Pot, se dissimulait un certain Saloth Sar, étudiant en France de 1949 à 1952, dans un établissement privé d'enseignement technique supérieur.

Les témoignages sur ce séjour à Paris sont rares et flous pour la simple raison que Saloth Sar fit par la suite assassiner la plupart de ceux qu'il fréquentait alors. On sait néanmoins qu'il appartenait à un groupe de boursiers cambodgiens qui, en majorité, avaient adopté une attitude contestataire vis_à_vis du roi Norodom Sihanouk - placé sur le trône en 1941 grâce aux Français -, ce qui leur valut la suppression de leurs subsides. La radicalisation de ces jeunes gens les conduisit vers la doctrine léniniste, d'autant plus naturellement que, dans la péninsule Indochinoise, une guerre d'indépendance nationale opposait le Vietminh de Ho Chi Minh, constitué d'éléments communistes et nationalistes, au corps expéditionnaire français.

Pendant ce séjour européen, le jeune Khmer a-t-il été influencé par le communisme soviétique? On sait qu'il fréquenta le cercle cambodgien d'études marxistes. Pour sa part, Pol Pot dira avoir été marqué par La Grande Révolution de Kropotkine (3). Une chose est sûre: au tout début de 1953, Saloth Sar retourne au pays sans avoir achevé ses études et sans être titulaire d'aucun diplôme. Sans doute aspire-t-il déjà à devenir un militant révolutionnaire.
En 1953, l'Indochine est toujours en guerre. C'est aussi l'année où Norodom Sihanouk obtient de la France l'indépendance du Cambodge. Un Cambodgien qui se réclame de la mouvance communiste n'a d'autre choix que de rejoindre les rangs du Parti communiste indochinois (PCI) qui recrute majoritairement ses membres parmi les Vietnamiens et dont la direction, vietnamienne elle aussi, définit sa stratégie et sa tactique selon les intérêts des communistes vietnamiens. Les Cambodgiens y sont encore peu nombreux et font figure d'élèves pour ne pas dire d'auxiliaires.

En 1954, alors que la conférence de Genève met fin à la guerre d'Indochine et que la France reconnaît l'indépendance du Vietnam, les communistes cambodgiens forment deux groupes distincts: celui des militants e combattants du PCI (que Norodom Siha nouk appelle les Khmers-Vietminh pou les discréditer), dont Pol Pot fait partie, et celui des «retours de France», qui ne sont pas membres du PCI.

D'après le peu que l'on sait de lui, Saloth Sar a séjourné dans les bases du Vietminh situées sur le territoire cambodgien. Le retour à la réalité cambodgienne (une société sous_développée, un régime monarchique à caractère féodal, inégalitaire et arbitraire, où s'exerce le bon vouloir du prince et de sa famille) se double pour lui d'un apprentissage de la révolution sous une direction vietnamienne qui lui est certainement apparue, à la longue, comme un tutorat pesant.

La période 1954-1960 est celle de la laborieuse gestation d'un parti communiste cambodgien, à travers des refontes successives auxquelles se trouve associé celui qui se fait désormais appeler Pol Pot (nom assez répandu dans les campagnes cambodgiennes, que Saloth Sar, issu d'une famille aisée vivant dans l'orbite des cercles princiers, choisit afin de se démarquer de son milieu d'origine). En 1960, le Parti des travailleurs khmers est fondé. En 1963, après que la police royale en eut tué le secrétaire général, Tou Samouth, Pol Pot devient le dirigeant du parti, qui sera rebaptisé Parti communiste khmer (PCK) en 1966. Il prendra sa retraite en 1985, mais conservera son influence sur les décisions des forces khmères rouges jusqu'en 1997.

En 1965, alors que les États-Unis engagent directement et massivement leurs forces militaires au Vietnam, Pol Pot est reçu à Hanoï avec les égards dus au dirigeant d'un parti frère, même s'il est considéré comme un frère cadet. L’année suivante, il se rend à Pékin où l'accueil est plus chaleureux. Dès ce moment-là, le ressentiment et l'hostilité de Pol Pot vis-à-vis de ses camarades_mentors vietnamiens prêts à ménager Norodom Sihanouk, qui les aide en sous-main, s'accentuent, tandis que la Chine maoïste exerce sur lui une attraction certaine. Le soutien de Pékin va lui permettre de prendre ses distances vis-à-vis de Hanoï.
Lorsqu'en 1970 le général Lon Nol renverse Sihanouk et met fin à la neutralité bienveillante du Cambodge à l'égard des Nord_Vietnamiens, il consomme le partage des Cambodgiens. Et la tourmente s'abat sur le paisible pays.

En avril 1975, les communistes khmers prennent Phnom Penh, où l'afflux des réfugiés a fait passer la population de un à 3 millions (sur 7 millions de Cambodgiens). Leur règne débute par une opération spectaculaire: la ville est vidée de toute sa population et quelques bâtiments symboliques, comme celui de la Banque nationale, sont détruits. L'évacuation a lieu dans un extrême désordre où la coercition s'allie à l'impréparation: hommes, femmes, enfants et vieillards, malades et bien_portants, personne ne trouve grâce aux yeux du nouveau régime du Kampuchéa démocratique.

D'entrée de jeu, la distinction entre «peuple ancien» (les Cambodgiens qui peuplaient les territoires contrôlés par les Khmers rouges de 1970 à 1975) et «peuple nouveau» (ceux qui vivaient à Phnom Penh ou dans les villes tenues par le gouvernement du général Lon Nol) instaure deux catégories auxquelles échoient bons ou mauvais traitements et pour beaucoup un sort fatal. La discrimination s'exerce aussi selon des clivages ethniques ou religieux qui correspondent partiellement à une appartenance citadine et professionnelle.
Les citadins sont assimilés à l'ancien régime et aux exploiteurs du peuple; les 600 000 Vietnamiens, y compris les pêcheurs du lac Tonlé Sap, déjà victimes de pogroms meurtriers sous Lon Nol, sont chassés du Cambodge; les Chinois qui n'ont pas fui (entre 300 000 et 400 000) sont maltraités; les Chams, musulmans (ils étaient environ 250 000 en 1975), sont sujets à des brimades et à des massacres, que l'on ne peut toutefois chiffrer.

Les discriminations se poursuivent par la séparation forcée des membres d'une même famille, parents et enfants, frères et soeurs. L’objectif est de défaire les solidarités anciennes pour recomposer la société selon l'idéologie égalitariste qui impose un comportement communautaire et brise les individualités. En même temps, afin de détecter et d'extirper du corps social les éléments «contre-révolutionnaires», la surveillance mutuelle est renforcée et la délation encouragée. Cette épuration entraîne le massacre d'un nombre de personnes impossible à évaluer.

Il s'agit enfin de soumettre cette population anéantie, mal ou insuffisamment nourrie, à un labeur prolongé. Les enfants eux_mêmes, plutôt que d'aller à l'école, sont envoyés aux champs et aux ateliers. Les grands chantiers (creusement de canaux, érection de barrages_réservoirs) mobilisent la main_d'oeuvre et les images qu’en donne la propagande évoquent l'Empire khmer (IXe- XIIIe siècle) et ses immenses chantiers pour l'édification du temple d'Angkor Vat, parmi d'autres.

L'économie est bouleversée. La propriété collective est substituée à la propriété privée, la monnaie est supprimée. Les aléas des récoltes et du ravitaillement alimentaire, en 1976 et 1977, aggravent considérablement la situation des Cambodgiens. Plusieurs centaines de milliers d'entre eux furent victimes de disette alimentaire et de pénurie médical ainsi que de traitements brutaux.

Ce régime terroriste suscite des révoltes qui conduisent à des affrontements sanglants. On évalue les victimes des purges à une centaine de milliers parmi lesquelles 20 000 ont subi un calvaire de plusieurs mois à Tuol Sleng, en 1978, dans un lycée transformé en centre de détention, de torture et d'exécution.

Le bilan des sacrifices est très lourd si l'on admet qu'il y eut entre 400 000 et 900 000 exécutions et entre 700 000 et 1 200 000 victimes de traitements inhumains (surcharge de travail, faim, maladies, non-assistance aux faibles). L’ampleur et la cruauté de ce drame résultent de trois facteurs: l'ambition démesurée de réaliser une utopie collectiviste, de moderniser une société à marche forcée, avec une brutalité inouïe; une rage à se démarquer du voisin vietnamien à travers la réactivation de haines passées et de revendications irrédentistes, ce qui conduit à une véritable épuration ethnique et à des agressions frontalières (1975, 1976, 1977); les répercussions de cette politique dans le camp communiste khmer. Par exemple, dès 1976, Hou Youn, une figure marquante du communisme cambodgien, est assassiné parce qu'il s'est opposé à l'évacuation des villes et à la fermeture des lieux de culte.

La révolution dévore ainsi ses propres enfants. Au début de 1978, le groupe dirigeant, que l'on peut désormais appeler «polpotiste», engage de véritables opérations militaires contre d'autres Khmers rouges, principalement basés dans l'est du pays, considérés comme des «agents vietnamiens» ou «des esprits vietnamiens dans des corps cambodgiens». Selon un procédé classique d'amalgame, ils sont accusés d'être des a agents de la CIA, du KGB et du Deuxième Bureau français. Ta Mok, fidèle à cette tradition, déclara, après le procès de Pol Pot, que celui_ci était «un agent vietnamien».

Le Kampuchéa démocratique s'écarte-t-il du schéma marxiste-léniniste au point que les communistes puissent le répudier? Ou n'en est_il qu'une variante? Pour Michaël Vickery, la révolution cambodgienne fut une révolution paysanne; selon Ben Kiernan, elle se démarque du marxisme_léninisme par sa dimension raciste (4). Fondamentalement, ces explications refusent la filiation de cette révolution avec le marxisme parce qu'elle maculerait la doctrine du sang versé par sa démence meurtrière.

Rapporter les intentions et le projet des communistes cambodgiens, y compris Pol Pot, aux conditions objectives qui étaient celles du Cambodge (niveau de développement économique, social et culturel) nous permet bien d'y déceler le schéma marxiste-léniniste appliqué à l'évolution des sociétés. Le moteur de l'histoire est, dans ce cas, la lutte des contraires, une formule large pour rendre compte de la lutte des classes déclinée à la cambodgienne: opposition ville_campagne, antagonismes interethniques confondus avec la lutte des classes. À quoi s'ajoute la dénonciation de la religion qui conduit à la fermeture des pagodes bouddhistes, des églises chrétiennes et à la persécution, allant jusqu'au massacre, des Chams musulmans.

Après avoir décidé du sort fatal d'au moins un million de ses compatriotes, Pol Pot connut une fin lamentable, comme le montrent les photos qui nous sont parvenues de lui: menotté à un pilier de paillote puis allongé sur sa couche mortuaire avec, à ses côtés, sa femme et sa fillette, seules pour pleurer sa mort.

Kang Kek leu, dit Duch, qui dirigea le centre de Tuol Sleng et exécuta de sa propre main des détenus, y compris des enfants, fut arrêté en 1999. Sa «confession» éclaire les responsabilités, du sommet à la base, dans la chaîne de commandement khmer rouge (5). Selon ses affirmations, c'est le groupe dirigeant dans son ensemble, composé de Pol Pot, Nuon Chea, Son Sen, Khieu Samphan, qui prenait la décision d'exécuter les prisonniers de Tuol Sleng. Les ordres étaient transmis à Duch par Nuon Chea, personnage clé qui, aujourd'hui, coule des jours paisibles de rentier du côté de Païlin.

À la fin de 1978, raconte-t-il, lorsque 300 soldats khmers rouges de la zone est furent incarcérés à Tuol Sleng, Nuon Chea ordonna à Duch: «Ne vous cassez pas la tête à les interroger, tuez-les!» Par la suite, en 1983, Nuon Chea reprocha à Duch de ne pas avoir fait disparaître les archives de Tuol Sleng avant l'arrivée des troupes vietnamiennes qui, en 1979, mirent fin au régime khmer rouge: «Vous êtes le seul à ne Pas l'avoir fait, vous êtes un imbécile!»

«Regardez-moi, ai-je l'air d'un sauvage? J'ai la conscience tranquille» (6): parents, amis, anciens élèves, combattants et cadres khmers rouges qui ont eu affaire à Pol Pot le dépeignent comme un homme doux, affable, bon pédagogue; Norodom Sihanouk lui-même déclara qu'il lui trouvait du charisme (7).

Pol Pot n'était pas un monstre mais un révolutionnaire convaincu de lutter pour une bonne cause: l'indépendance et le bonheur du peuple cambodgien. Il fut aussi un «Khmer originel»: ainsi signa-t-il ses premiers articles, et sans aucun doute son nationalisme oblitéra_t_il fortement les idées socialistes et internationalistes auxquelles il avait adhéré en France. Comment ces convictions se sont_elles muées en fanatisme meurtrier? Le passage de l'angélisme au terrorisme demeure un mystère, à moins d'admettre qu'un homme est aussi un être qui, dans certaines circonstances, a «une aptitude ordinaire à une extraordinaire inhumanité».

NOTES:


* Cf. lexique, p. 43.

1. H. Locart et J._L. Margolin ont engagé une discussion sur ces concepts
dans Communisme no. 59-60, 2000.

2. David Chandler, Pol Pot Frère Numéro Un, Paris, Plon, 1993.

3. Dans La Grande Révolution (1896), Pierre Kropotkine voit la Révolution
française comme un vaste soulèvement de la paysannerie aux aspirations libertaires, image de la révolution russe à venir.

4. B. Kiernan, Le Génocide au Cambodge (cf. Pour en savoir plus, p. 73): cf. aussi L’Histoire no. 223, pp 90-91.

5. Duch est le seul Khmer rouge à avoir confesser ses crimes, Far Eastern Economic Review (9 et 13 mai 1999).

6. Pol Pot, Far Eastern Economic Review (30 octobre 1997).

7. Norodom Sihanouk, Norodom Sihanouk Prisonnier des Khmers rouges,
Paris, Hachette, 1986.

Pol Pot à Pékin lors de la fête nationale chinoise le 1er octobre 1977 (cl. Keystone/Sygma).



Ossuaire de victimes du génocide présenté dans le musée qui occupe désormais les locaux de l’ancienne prison de Tuol Sleng (cl. AFP/R. Elliott).



Nuon Chea, le second de Pol Pot.

Il est directement impliqué dans les exactions du régime.



Un homme mis à mort, à coups de pelle, en février ou mars 1996. Ce sont entre 400 000 et 900 000 personnes qui ont été exécutées de 1975 à 1979 (Cl. Taieb/Sygma.)



vendredi, octobre 24, 2008

Des nostalgiques du communisme, réunis sur la place Rouge, effigie de Lénine et de Staline en tête, le 7 octobre 1998 (cl. L. Uimonen/Sygma)

L'HISTOIRE OCTOBRE 2000 PAGE 68


NOSTALGIE DU COMMUNISME


L'AUTEUR

Professeur à l'université de Paris-X-Nanterre, Pierre Chuvin est membre du comité de rédaction de L’Histoire. Il a récemment publié Les Art de L’Asie centrale (Citadelles et Mazenod, 1999).

Pierre Chuvin a passé cinq ans à Tachkent, capitale de l'Ouzbékistan, après la fin de l'URSS, de 1993 à 1998, comme conseiller culturel à l'ambassade de France et directeur de l'Institut français d'études sur l'Asie centrale.


Cinq ans au contact d'une population qui luttait pour survivre et redéfinir son identité.
Nostalgie du communisme


La dissolution de l'URSS, le 31 décembre 1991, a-t-elle marqué pour les ex-Soviétiques la fin d'un rêve ou d'un cauchemar? La réponse varie évidemment selon les lieux et les personnes, mais le nombre de ceux qui, aujourd'hui, expriment des regrets pour tel ou tel aspect de l'ancien régime reste surprenant. Ne nous y trompons pas: à Tachkent, l'URSS dont il s'agit est celle du long règne de Brejnev (1964-1982). Khrouchtchev, perçu comme un colonisateur intolérant, et Gorbatchev, occupé à rétablir le contrôle du centre sur cette périphérie opaque, sont rejetés. Quant à Staline, dans sa figure désormais mythique les crimes mal connus n'effacent pas l'aura du chef de guerre. Regretter ne veut pas dire que l'on souhaite un rétablissement intégral; mais, outre que la distance embellit souvent les images, une nostalgie à dimension variable trouve facilement de quoi se nourrir dans la réalité concrète (1).


D'abord dans l'affaiblissement, qui n'est toujours pas enrayé, du système éducatif et l'effondrement de la protection sanitaire et sociale. Auparavant, l'enseignement, férocement sélectif, fabriquait ses propres élites selon des critères certes éloignés des nôtres; mais il donnait des chances à une partie assez large de la population et proposait un éventail de disciplines, notamment artistiques et scientifiques, à niveau élevé. Si on a pu, à juste titre, définir le système défunt comme le «meilleur moyen de promotion des médiocres», c'était surtout vrai pour les sciences humaines.

La médecine était gratuite et les soins convenables, au moins pour les affections routinières; on avait accès aisément aux «sanatoriums» et maisons de repos, voire à des vacances en Crimée. L’individu qui n'était ni dissident ni forte tête, une écrasante majorité de la population, était pris en charge du berceau à la tombe. «Il y avait un futur.» Ce futur s'est écroulé d'un coup et les retraités sans famille se sont trouvés contraints à la mendicité ou à vendre, piteusement exposés sur une couverture dans les marchés en plein air, les quelques «trésors» qu'ils avaient pu préserver.

Il y avait aussi un idéal. Contrairement à l'idéologie nazie qui ne pouvait pas cacher longtemps ses aspects haineux et hideux, cet idéal était fait de fraternité et de dévouement. Si perverti fût_il dans la pratique, il n'en restait pas moins affiché et ceux qui n'avaient jamais franchi les frontières du monde socialiste pouvaient considérer le décalage entre les slogans et la réalité comme une imperfection réparable.

Certes, l'illusion se dissipait à la première visite dans une grande surface en France, au premier séjour de coopérant en Algérie. L'une ou l'autre déchiraient le voile de la propagande; les anciens pionniers élevés dans la dévotion au communisme se rendaient compte que leur patrie était, du point de vue économique, beaucoup plus proche d'un pays du tiers_monde que d'un pays développé et si de surcroît ils faisaient partie d'une minorité nationale, Ouzbeks ou autres, ils prenaient conscience du caractère colonial de la présence russe dans leur République. Mais quelle fraction de la population cela concernait-il?

En contre-partie, qu'ont gagné les ex-Soviétiques? Une liberté de mouvement bien partielle. L’URSS était une prison, peut_être, mais une immense prison. Les étudiants d'Asie centrale envoyés à Moscou ou Léningrad, les Moscovites ou Biélorusses qui venaient se dépayser à Samarcande et Boukhara éprouvaient au moins une sensation de découverte.

Aujourd'hui, les Républiques se referment, imposent des visas, d'autant plus stricts que le visiteur est un plus proche voisin. Les voyages à l'étranger sont théoriquement possibles, mais les pays d'Europe occidentale ont mis au point des systèmes de visas draconiens, parfois humiliants dans les procédures de délivrance, très peu efficaces pour arrêter le flux des prostituées, presque dissuasifs pour les autres.

Quant aux libertés politiques et économiques, elles tendent à se restreindre dans presque toutes les Républiques issues de l'ex_URSS. Dans certaines, elles ne sont même jamais apparues, comme en Biélorussie, ou brièvement, comme en Ouzbékistan. Les régimes qui voulaient se donner un visage ouvert se durcissent, comme au Kirghizstan.

La population s'en accommode, car elle craint plus que tout l'anarchie et le règne des gangs, mafias et trafiquants en tout genre, ainsi que les explosions de haine ethnique qui ont démenti si cruellement, dès le début de la libéralisation, les refrains internationalistes _ les étudiants africains, abandonnés de leurs États et livrés au racisme ordinaire, en ont su quelque chose. Les peuples déportés par Staline, Tatars de Crimée, Meskhètes, ont aujourd'hui plus de difficultés encore pour regagner leurs patries perdues et l'antisémitisme s'étale sans fard, dans les groupes paramilitaires cosaques ou chez le gouverneur de Krasnodar, dans le Kouban.

Nombre d'aspects pénibles et vexatoires du régime précédent subsistent, les corvées notamment, corvées du samedi, ou réquisitions pour la cueillette du coton. Paradoxalement, le maintien au pouvoir de nombre d'anciens responsables contribue à les atténuer. Car on les connaît, on sait comment traiter avec eux, par quels intermédiaires les aborder.

Et pourtant, dans les anciennes républiques soeurs, ni ce bilan décevant ni ces vives nostalgies n'amènent à souhaiter la restauration de l'Union. Même pour les Républiques d’Asie centrale, dont il est devenu banal de dire que leur indépendance a été imposée et non pas conquise, cette indépendance parait un acquis définitif. Pas tellement parce qu'elle a en partie rétabli la liberté religieuse et de conscience. Mais parce qu'elle introduit une forme de liberté d'initiative, d'entreprise.

La première réponse, aujourd'hui, d'un Ouzbek à la question «Que vous a apporté l'indépendance?», c'est: «Pouvoir construire ma maison» - c'est-à-dire préserver ou restaurer la famille élargie. La seconde: «Pouvoir faire du commerce» - c'est-à-dire aller à Doubaï et paradis analogues rapporter de gros ballots dont on détaillera le contenu sur les marchés du pays.

Est-ce trop peu? Il ne faut pas demander aux gens d'être des héros - c'est ainsi que le communisme s'est enfoncé dans les crimes.

Contentons-nous de ne pas rester tout à fait indifférents. Et souhaitons que, dans le plus vaste État du monde et ses anciens satellites, le flot des déceptions ne fasse pas renaître réellement la nostalgie de l'État le plus effrayant de la planète.

NOTE:

1. Pour comprendre le regard d'une communauté sur son passé, voir la réalisation vidéo d'un metteur en scène de Tachkent, Mark Weil, Tachkent fin de siècle, inédite en France.

À la défunte émission de TQS, L’avocat et le diable, les animateurs partageaient les mêmes sentiments que Karl Marx et les communistes en ce qui concerne spécialement l’Église Catholique.

Pour le canard Guy Fournier, l’Église Catholique maltraite les homosexuels parce que’elle ne veut pas célébrer de basses messes pour les marier. Les homosexuels ont parfaitement le droit de se marier, mais pas entre-eux: ils peuvent marier un autre homosexuel du sexe opposé. S’ils copulent et ont des enfants, ils peuvent même les faire baptiser. De nombreux anciens homosexuels quittent la vie homosexuelle et se marient. Cela est possible et de nombreux cas en témoignent.

Le canard oublie dans son analyse, qu’il a eu plusieurs «femmes» et qu’il est en compétition avec Elizabeth Taylor (Ti-lard) pour le nombre de divorces. Il a déclaré que ses fils étaient aussi divorcés. Le canard Fournier est vraiment un modèle pour la société. Il peut se permettre de critiquer et de donner des leçons de bonne conduite à tous tellement il est brillant.

Pour l’ancien triolet de l’émission qui fait partie du passé de TQS, l’Église Catholique devrait être gérée comme une république banane: les fidèles se réunissent et décident ce que Dieu devra accepter. C’est l’Église buffet chinois, mais sans les baguettes.

Les deux autres papes - Stéphane Gendron, dit le petit Hitler ou innocent III; Richard Desmarais, le pape innocent II - se prennent pour de grands savants. Ils disent que la religion est la drogue du peuple. C’est exactement ce que prétend Karl Marx. Nous en avons contemplé les résultats dans tous les pays communistes.

Le problème du trio, c’est que les trois papes innocents croient aux miracles. Ils croient vraiment que l’univers s’est fabriqué par lui-même, las d’attendre la venue des athées et anticléricaux. Le créateur de l’émission l’Avocat et le diable a tout simplement liquidé sa création.

Le canard Fournier était fier de mentionner un libre qui s’intitule Les crimes de l’Église catholique. Le seul problème, c’est que la preuve manque. Il ne peut pas prouver ce qu’il avance. Qui plus est, l’Église catholique n’a jamais fait massacrer des Sauvages, comme les Européens le croient, mais les a convertis à la chrétienté.

Je vais mettre le dossier complet sur les Sauvages plus tard dans ce blogue. J’en ai mis une infime partie, mais il en manque énormément.

Le lapin de Varennes du Bloc Québécois affirme que les gens de l’Opus Dei sont dangereux. Pauvre petit Karl Marx! Le marxisme a prouvé être criminel et sanguinaire. Le lièvre de l’Arctique ne dit mot sur ce qui se passe en Chine communiste. Il n’a jamais mentionné les millions d’avortements et les punitions dont sont victimes ceux qui dépassent les quotas du un enfant par famille, ceux qui ont été déportés pour faire place aux Jeux Olympiques, etc., etc. Et le lièvre se prend pour un sauveur de la fameuse nation québécoise. Heureusement que cette nation ne se reproduit pas.


jeudi, octobre 23, 2008

VISION DE SANGER = VISION DE HITLER = VISION DE KARL MARX = CULTE DE LA MORT = PROFOND MÉPRIS DE LA VIE = DESTRUCTION DE L’HUMANITÉ



Le discours des médias commencent à changer. C’est qu’ils sentent que le vent tourne mal pour eux.

Ce matin à RDI, pour la première fois depuis des décennies, un médecin osait parler des taches physiques et psychologiques que cause l’avortement à la femme. Le médecin n’a pas franchi le pas de remettre en question le soi-disant droit de la femme de tuer ses enfants si bon lui semble, mais l’animateur ne l’a pas rabrouer.

La société d’État savait certainement ce dont allait parler le médecin. La question qui se pose: Pourquoi ce changement de cap?

Duceppe, le lièvre de Varennes, ainsi que les partis de gauche qui méprisent la vie en prétendant être les défenseurs des enfants - c’est le cas de tous les partis de l’opposition au fédéral, et de tous les partis au provincial, est d’accord que la vie d’un enfant vaut moins que la vie d’un blanchon (bébé phoque) et que les poulets.

Marx faisait partie d’une secte. Ne l’oublions pas.

Lapin Duceppe peut très bien conter des menteries et chiquer de la gomme à mâcher en même temps.



Entretien avec Pierre Hassner = Chercheur associé au CERI

«Le communisme a été aussi meurtrier que le nazisme»



Peut-on comparer le nazisme et le communisme?

Le second est-il, comme le premier, intrinsèquement meurtrier?
Les réponses de Pierre Hassner, qui refuse de considérer Staline uniquement comme un dévoiement du communisme.
Pour lui, à partir d'un projet politique différent, les deux idéaux ont bien abouti à l'anéantissement de populations entières.





L'Histoire: Pourquoi, en France du moins, quand on demande si le nazisme et le communisme peuvent être comparés, cela fait-il scandale? Est-ce que cela a toujours fait scandale? Et est-ce si scandaleux?

Pierre Hassner: Je trouve toujours légitime de comparer. Dans un livre récent, qui s'élève par ailleurs contre la notion de totalitarisme, on trouve cette formule: «Seule la comparaison permet de montrer 1'unicité (1).»

Je ne comprends pas la position de Claude Lanzmann qui dit qu'essayer tout simplement d'expliquer, de comprendre la Shoah ou le nazisme c'est déjà blasphémer, qu'il faut préserver à cet événement son statut de totale inintelligibilité.

En revanche, je reprendrais volontiers à mon compte la formule que l'historien allemand Ernst Nolte a employée récemment, et à laquelle il a d'ailleurs le tort de ne pas vraiment se conformer lui_même: «Il ne s'agit pas de relativiser le nazisme, mais de le mettre en relation (2).» Donc identification non, comparaison oui.

D'autre part, pourquoi et pourquoi particulièrement en France à certaines époques la comparaison fait_elle scandale? Comment expliquer à la fois l'énorme retentissement du Livre noir et le scandale qu'il a suscité?

Là je dirais qu'il y a d'un côté des gens qui n'ont pas fait leur deuil du communisme, qui considèrent encore que c'était quand même l'espoir, qu'il y avait bien les camps, les procès, les déportations, mais que mettre l'accent là_dessus plutôt que sur l'espoir de libération auquel ils ont consacré leur jeunesse est un véritable sacrilège: une dimension affective pour des gens qui ont été engagés là_dedans et qui ne veulent pas être traités de criminels.

N'oublions pas, d'un autre côté, qu'fl y a une certaine optique, dans la présentation et l'exploitation qui ont parfois été faites du Livre noir, qui revient à dire, en deux mots: le communisme c'était le crime, par essence, avec le corollaire implicite ou explicite que d'une part il n'y a pas d'autres aspects du communisme, au niveau des intentions idéologiques ou des réalités sociales, qui méritent d'être examinés ou rappelés, et que d'autre part il n'y a rien d'unique dans les crimes du nazisme et en particulier dans la Shoah.

Pour ma part, je tiens à l'idée banale que le nazisme était d'emblée pour l'inégalité, la violence. Donc une doctrine par essence et intention criminelle, du moins aux yeux de la morale chrétienne, alors que le communisme, et c'est là tout son mystère, a commencé par un idéal universaliste et égalitaire, prônant la suppression de l'État, et a fini par aboutir à quelque chose d'aussi tyrannique et meurtrier que le nazisme.

L'H.: C'est cela qui différencie, profondément, les deux systèmes - l'idéologie dont ils s'inspirent, ce que vous appelez «l'intention»?

P.H.: On pourrait de façon assez paradoxale commencer par souligner que le totalitarisme communiste a été beaucoup plus étendu et complet que le nazisme, qui, lui, était beaucoup plus ciblé, mais aussi beaucoup plus radical. Dans l'Allemagne nazie, si vous étiez un Juif, ou un Tzigane ou un malade mental, vous étiez détruit; si vous résistiez au régime vous vous retrouviez dans un camp de concentration.

Mais si vous étiez un Allemand apolitique qui faisait son métier, certes vous risquiez de mourir à la guerre puisque la logique de Hitler était une logique de guerre, mais vous pouviez aussi bien survivre, et poursuivre une existence tranquille. Dans le cadre du IIIe Reich les évêques restaient les évêques, les philosophes faisaient de la philosophie, les musiciens de la musique. Il n'y avait pas cette espèce de pénétration du politique dans toutes les sphères de la vie et de la pensée qu'on voit à l'oeuvre dans le communisme.

Cela étant, tous les deux sont un mélange de religion dévoyée et de science dévoyée: à la fois on prétend être absolument scientifique (les races, les classes, etc.) et on fait appel à une loyauté, à un culte du sacrifice, à un culte du chef empruntés aux religions.

On peut dire que le nazisme est davantage une pseudo_religion et le comrnunisme davantage une pseudo_science. François Furet dans Le Passé d'une illusion insistait surtout sur ce qu'ils ont en commun, l'antagonisme avec la bourgeoisie, le fait qu'ils sont tous les deux nés de la guerre.

Certes, mais on peut être contre la bourgeoisie soit parce qu'on veut l'égalité totale et qu'on n'aime pas l'inégalité qui vient du pouvoir de l'argent, soit au contraire parce qu'on veut appartenir à une élite aristocratique et esthétique, qu'on méprise la platitude bourgeoise et qu'on a la nostalgie romantique des héros: c'est l'idée, exprimée par le philosophe polonais Kolakowski, que le communisme est un enfant dévoyé des Lumières et le nazisme un enfant dévoyé du romantismes (3).

Le nazisme c'est la réaction, le chant du cygne, du groupe traditionnel hiérarchique guerrier, contre l'esprit d'universalité annoncé à la fois par le christianisme et par la bourgeoisie, puis par le marxisme; c'est la réaffirmation de l'élite combattante, de l'homme qui s'accomplit avant tout dans le combat et dans la guerre.

Dans Les Grands Cimetières sous la Lune Bernanos explique que ce qu'il appelle les voix de la terre, c'est-à-dire les voix de la force et de la cruauté, auxquelles s'opposent les voix des faibles, celles que le christianisme a pour la première fois fait entendre, sont réaffirmées par le nazisme qui proclame: Malheur aux faibles!


Pour me résumer, si on jette par-dessus bord toutes les contraintes morales, institutionnelles, etc. qui font la civilisation, finalement ce qu'on trouve ce n'est pas le communisme, c'est le nazisme.

L'H.: En somme, le point de départ du communisme et du nazisme est radicalement différent. Mais à l'arrivée, c'est la similitude qui l'emporte?

P.H.: En effet, une fois que s'est mise en route ce que j'appellerais la dynamique totalitaire. Ainsi, à partir de la violence générale sévissant dans la société russe, et à partir de la violence particulière instaurée par Lénine et les bolcheviks, il se crée une dynamique de la terreur, où l'idéologie d'origine est diluée, où chacun devient à la fois bourreau et victime...

Précisons par ailleurs, pour nuancer cette incontestable divergence du point de départ, qu'il y avait déjà chez Marx un côté très violent et radical de la pensée: Proudhon et Bakounine lui demandaient, lors de leurs discussions théoriques, pourquoi il donnait l'impression de se trouver en face d'ennemis à éliminer et pas simplement de contradicteurs. Et n'oublions pas ces propos de Lénine: «Les mencheviks me disent: "Permettez_nous de dialoguer avec vous" et moi je leur dis: "Permettez-nous de vous coller au mur"»...

On ne peut donc pas se cacher derrière l'inspiration d'origine pour ne pas parler des crimes du communisme. Emporté par sa prétention à l'absolu et par sa conception guerrière de la politique, il finit,

dans certaines formes extrêmes, comme le stalinisme, ou le régime de Pol Pot, par ne plus se distinguer vraiment du nazisme.

L'H.: Vous évoquez une «dynamique totalitaire». La notion de totalitarisme, c'est l'outil qui sert habituellement à comparer les deux régimes. Lui accordez_vous une totale validité, une totale pertinence?

P.H.: C'est l'opposition libérale au fascisme qui en premier lieu a reproché à celui_ci d'être totalitaire. Mussolini a repris le terme: «Totalitaire? Oui, parfaitement, et je m'en flatte, nous voulons un État total!»

Par la suite, pendant la guerre froide, la comparaison allait de soi aux États_Uni avec les grands livres d'Hannah Arendt tandis qu'ici il n'y avait pas grand_monde pour en parler, parce que les intellectuels se trouvaient sous la domination sinon du marxisme au moins du «progressisme»: Raymond Aron fut le seul à rendre compte des travaux d'Hannah Arendt (4).

Dans les années 1970, est_ce l'«effet Soljenitsyne» ou autre chose, il y a eu une véritable découverte du Goulag (*5) et le concept de totalitarisme s'est imposé en France. Ce concept, essentiellement négatif, prend tout son sens au rebours de ce qu'est la démocratie libérale. Il y a dix mille différences entre le communisme et le nazisme mais il y a une chose qu'ils ont en commun: c’est l’hostilité déclarée aux libertés de l'individu.

L'H.: Vous souscrivez donc à l'idée de totalitarisme? On y revient toujours?

P.H.: Ce que Hannah Arendt a génialement compris et mis au centre, c'est qu'il existe une dynamique, un mouvement totalitaire, qui est commun aux régimes nazi et communiste. Ce quelque chose de commun qui est central, ce délire logique, cela se traduit par le fait que Staline décapite sa propre armée, sa propre élite, a plus peur de son propre peuple que de Hitler, et se lance dans les grandes purges qui ont profondément bouleversé et déstabilisé son pays, tout comme Hitler, au plus fort de la guerre, quand il commence à la perdre, considère qu'il est plus important de voir ses camions circuler pour détruire les Juifs que de se battre contre ses ennemis: c'est le même paroxysme irrationnel.

Pour ce qui est de la définition de l'ennemi, malgré tout, et bien que Staline ait déporté des peuples entiers, les Tchétchênes, les Tatars et d'autres, et bien qu'il y ait eu de plus en plus une dimension ethnique, raciste dans son oeuvre de destruction, bien que le génocide cambodgien soit un effroyable mixte de racisme et d'idéologie, on peut dire tout de même que l'obsession antisémite est caractéristique du nazisme et que chez les communistes il s'agit avant tout de se débarrasser des ennemis de classe, les bourgeois. La race dans un cas, la classe dans l'autre.

L'H.: Comment expliquez-vous la bien réelle déstalinisation qui a touché l'URSS après la mort de Staline, en 1953, et a amené un certain dégel? Cela signifie que le totalitarisme peut mourir de sa belle mort?

P.H.: C'est une des grandes critiques qu'on a adressées au Livre noir: le régime de Brejnev ou bien les démocraties populaires dans les années 1970 n'étaient pas des régimes de terreur totalitaire. Mais que vaut cette critique, puisque le régime de Hitler n'a duré que douze ans et qu'il a été vaincu par une guerre extérieure: personne ne peut savoir, si la Seconde Guerre mondiale n'avait pas eu lieu ou si les Allemands l'avaient gagnée, comment les choses auraient évolué. Que serait devenu le nazisme victorieux? Aurait-on assisté à une déhitlérisation, comme on parle de déstalinisation?

L'H.: Oui, mais le nazisme a aussi commencé avec Hitler. Peut-on vraiment imaginer le nazisme sans Hitler?

P.H.: Je comprends l'objection. Mais, comme le montrent Soljenitsyne et le Livre noir, la terreur communiste a commencé avec Lénine et n'a plus été la même après Staline. Le totalitarisme a subsisté mais a dépéri. Il aurait pu en aller de même du nazisme après Hitler.

D'autre part, on ne peut pas s'en tenir à dire que l'URSS après Staline a évolué, puisque à l'autre bout du monde Pol Pot ou Mao au même moment exterminent encore plus de monde. Il y a donc bien incontestablement un phénomène communiste, qui est meurtrier.

Cela étant, pourquoi est-ce que, après Staline, brusquement le système s'amollit, pourquoi est-ce que, quand surgit une véritable opposition, au lieu de massacrer tout le monde ou de déporter en masse en Sibérie, le pouvoir soviétique semble perdre confiance en lui_même? Pourquoi Gorbatchev voulait_il à ce point se faire accepter par l'Occident, accepter par les démocraties, pourquoi ce mirage des élections?

C'est assez étrange et cela parait inexplicable mais cela s'est produit aussi chez des généraux de droite d'Amérique latine qui ont fini par organiser des élections et par y être battus.

La sortie des dictatures, c'est une énigme. Qu'est_ce qui fait que, après avoir régné par la terreur, après avoir organisé des élections truquées à 99% pendant un demi_siècle, brusquement vous voulez vous concilier les gens, réconcilier le parti et le peuple comme le voulait Dubcek?

C'est quelque chose que je ne comprends pas mais qui a bien eu lieu dans le cas du communisme russe.

Mais n'en tirons pas argument pour dire que Staline était un accident de l'histoire, ou un dévoiement du communisme. Car, je le répète, et Mao, et Pol Pot répondent à la même logique à l'autre bout du monde, avec langue de bois, culte délirant du chef, terreur, pouvoir absolu. C'est bien le communisme qui a affamé la Corée du Nord, en a fait un pays anéanti aux mains d'une clique militaire et du parti.

L'H.: Vous avez évoqué l'obstination antisémite caractéristique du régime nazi. Pour vous, il y a bien une singularité d'Auschwitz?

P.H.: Oui. Même s'il semble bien qu'il y ait eu au Goulag des camps où régnait l'acharnement à humilier les gens, où on voulait les déshumaniser, je crois pouvoir dire quand même que dans les camps soviétiques on faisait travailler les gens jusqu'à épuisement, ou bien on les laissait mourir de faim, de froid, de vexations. L’entreprise de négation de l'humanité propre au nazisme est vraiment singulière. Je pense qu'il y a dans la radicalité de la folie antisémite chez Hitler, dans cette négation de l'homme, quelque chose qui distingue vraiment Auschwitz et la Shoah.
Même si Staline a tué plus d'individus que Hitler, et Mao plus d'individus que tous les deux réunis, il me semble que l'hitlérisme était plus radical, avec l'idée de détruire totalement un peuple, de faire qu'il n'ait pas le droit d'exister sur la terre. Je ne crois pas que les communistes aient jamais été jusque_là. C'est sur quoi je diverge d'avec Stéphane Courtois ou Jean-François Revel, ou Ernst Nolte lui-même qui dit: «Marx est l'inventeur de la Solution finale puisqu’il préconise la disparition de la bourgeoisie en tant que classe

Je sais bien qu'on a par endroits radicalement exterminé les koulaks, que la famine en Ukraine était vraiment provoquée. J'ai appris en lisant le numéro de la revue Communisme sur le Livre noir qu'existait ce que Jean-Louis Panné appelle «le paradigme de Félix»: Félix Dzerjinski, le futur fondateur de la Tcheka (*), recommandait d'accélérer les choses; «Nous, les marxistes, nous avons toujours dit que le rapport des forces sociales se modifie avec le temps en fonction du développement économique, des faits sociaux, etc. Mais ne croyez_vous pas que l'on puisse modifier le rapport des forces sociales d'une autre manière, c'est_à_dire en exterminant la classe hostile (6)?» On ne peut pas nier que cette idée a habité les promoteurs de la révolution d'Octobre.

L'H.: Alors, à quoi tient la différence, la singularité?

P.H.: D'abord à ce que le passage du processus historique à l'assassinat collectif est graduel, incomplet et plus ou moins inconscient de Marx à Dzerjinski en passant par Lénine et Staline. Ensuite, peut_être, à un certain esprit allemand qu'on peut désigner par l'expression todernst (sérieux jusqu'à la mort).

Je ne dis pas que le nazisme est la résultante naturelle de l'histoire allemande, mais il y a des sources culturelles très nettes; beaucoup de gens en Europe étaient antisémites au tournant du siècle mais les Allemands étaient peut_être les seuls à prendre la chose vraiment au sérieux.
C'est pourquoi je m'oppose à la logique des travaux d'Ernst Nolte: tenter de diluer la spécificité allemande, dire qu'ils avaient peur des communistes et puis que les Juifs leur avaient déclaré la guerre aussi, puisqu'ils étaient très nombreux dans l'appareil bolchevique, et que Weiszmann, leader des sionistes, avait dit en 1939 que le peuple juif devait se considérer en guerre avec l'Allemagne nazie, et que par ailleurs il y a eu l'Action française, le fascisme et que tout cela relève de la même chose, qu'il s'agit d'un grand mouvement séculaire (7).

Là où je retrouve Ernst Nolte, c'est quand il dit: la véritable révolution c'est la révolution que Marx a décrite dans le Manifeste communiste, la révolution de la bourgeoisie, de ce que nous appellerions aujourd'hui la mondialisation, et nazisme et communisme sont des réactions à ce mouvement.

Mais alors qu'il voit le nazisme avant tout comme une réaction au communisme, comme à la fois une peur et une imitation du bolchevisme, il me semble que l'impulsion antisémite et raciste est beaucoup plus profonde chez les nazis que l'anticommunisme: ils ont plusieurs fois envisagé des arrangements avec les communistes et jamais avec les Juifs.

L'H.: Est-ce qu'on n'entre pas là dans des distinctions tellement subtiles qu'elles n'ont plus lieu d'être, au regard de ce qu'ont souffert les victimes des deux systèmes?

P.H.: Il est vrai que les gens qui sont attachés à la singularité et à l'incomparabilité, si l'on peut dire, d'Auschwitz, peuvent être des Juifs ou des Israéliens qui, dès que l'on critique la politique d'Israël, brandissent la Shoah. Or être les héritiers de ceux qui ont été soumis au crime le plus abominable ne vous exempte pas de la critique dont tout homme, ou tout État peut être l'objet.

D'autres trouvent aussi dans l'unicité d'Auschwitz un alibi pour se désintéresser des génocides cambodgien, arménien, bosniaque, etc.

Pour moi, Auschwitz reste cependant un symbole. Il s'est passé là quelque chose d'inédit. De même, les Allemands avec leurs expériences médicales ont été au_delà de l'horreur. Même si, inversement, il y a chez les Russes toute une littérature bureaucratique tout aussi effrayante à un autre point de vue: des papiers signés Khrouchtchev, Mikoyan qui demandent au camarade Staline l'autorisation de fusiller cinq cents personnes de plus dans telle population, étant donné que la norme du plan est déjà remplie et qu'ils seraient contents de la dépasser, sur le modèle du plan de l'industrie on détruit comme on produit.

En fait, à chacun son style: chaque régime opère sa sélection criminelle selon sa mythologie propre, celle d'une purification raciale opérée par des savants devenus sorciers et tortionnaires dans un cas, celle d'une purification politique obtenue dans le cadre d'une planification devenue folle dans l'autre.

À vrai dire, toutes ces querelles sur Auschwitz, cette réévaluation permanente, cette question sempiternelle de savoir ce qui a été le pire, ça me glace, ces attitudes de procureur et de gardien du temple d'un côté, ces attitudes de dénégation ou de banalisation de l'autre... Il y a quand même mieux à faire: une réflexion philosophique sur ce qui dans la nature humaine et dans le processus de la civilisation a permis les barbaries du xxe siècle, et une action politique pour empêcher leur retour sous d'autres formes.


(Propos recueillis par Véronique Sales.)

NOTES
* Cf. lexique, p. 43.
1. lan Kershaw et Moshe Lewine, Stalinism and Nazism. Dictatorship in comparison, Cambridge University Press, 1997, p. 1.

2. Lors du colloque «Origines et émergences des régimes totalitaires en Europe, 1900-1934», 7 au 9 juin 2000.

3. L. Kolakowski, Commentaire, no. 82, pp. 367-371.

4. Commentaire, numéro spécial, vol. 8, no. 28-29, pp. 416-425.

5. Cf. Pierre Hassner, «Le totalitarisme vu de l'Ouest», La Violence et la paix, Paris, Le Seuil, «Points», 2000, p. 164.

6. Jean-Louis Panné, «Le paradigme de Félix», Communisme no. 59-60, 1999, p. 127.

7. Voir l'ensemble de l'oeuvre d'Ernst Nolte, et en particulier ses articles recueillis dans l'ouvrage collectif Devant l'histoire, Paris, Le Cerf, 1988, et sa correspondance avec François Furet, Commentaire, Plon, 1998.


L'HISTOIRE OCTOBRE 2000 P. 43

LEXIQUE


COLLECTIVISATION: désigne l'appropriation collective des moyens de production dans les campagnes, décidée par Staline en 1929, dans le cadre de la mise en place du premier plan quinquennal.

CRIMES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES: ils sont définis par les quatorze alinéas de l'article 58 du Code pénal de 1926, aboli en 1958. Ils recouvrent: la trahison, le sabotage, le complot, l'appartenance a un parti autre que le PC. Ces « crimes » sont passibles d'une peine allant de dix ans de camp jusqu'à la peine de mort.

DÉKOULAKISATION: en principe, le koulak est un paysan propriétaire aisé. En lançant la collectivisation des terres en 1929, Staline entreprend par la même occasion la «dékoulakisation», c'est-à-dire la «liquidation des koulaks en tant que classe». Dans les faits, on appela koulak tout moujik (paysan) qui résistait à la collectivisation.

GOULAG: mot constitué par un sigle (Glavnoie Oupravlenie LAGuereï, direction principale des camps) se référant au système concentrationnaire soviétique, dont la mise en place a commencé sous Lénine en 1918. Le mot a été répandu en Occident par le livre d'Alexandre Soljenitsyne, L'Archipel du Goulag, en 1974. La Chine, avec l’aide de l'URSS, a mis en place chez elle l'équivalent du Goulag, appelé Laogaï.

« GRANDE TERREUR » : période de deux ans (fin 1936-fin 1938), dite aussi « Ejovschina » , durant laquelle Nikolaï Ejov fut commissaire du peuple à l'intérieur, caractérisée par une terrible répression.

KHMERS ROUGES: nom donne, par dérision, par le roi du Cambodge Norodom Sihanouk aux communistes cambodgiens.

TCHEKA: abréviation pour « Commission extraordinaire de lutte contre la contre-révolution et le sabotage », créée le 7 décembre 1917 à l'instigation de Lénine et Dzerjinski. Première police politique du nouveau régime, elle est l'ancêtre de la Guépéou (1922), puis du NKVD (1934).

ZEK: ZK, abréviation du terme «détenu». Employée à partir des années 1930.


mercredi, octobre 22, 2008

L'HISTOIRE OCTOBRE 2000 PAGE 73

POUR EN SAVOIR PLUS


OUVRAGES GÉNÉRAUX

  • S. Courtois, N. Werth et alii, Le Livre noir du communisme, rééd. Pocket, 1999.

  • F. Furet, Le Passé d'une illusion, Laffont/Calmann-Lévy,1995.



SUR L'UNION SOVIÉTIQUE

  • P Barton, L’Institution concentrationnaire en Russie, Plon, 1959.

  • M. Buber-Neumann, Prisonnière de Staline et de Hitler, Le Seuil, 1986-1988.

  • R. Conquest, La Grande Terreur et Sanglantes Moissons, Laffont, 1995.

  • A. Graziosi, The Great Soviet Peasant War, Harvard University Press, 1996.

  • M. Malia, La Tragédie soviétique, Le Seuil, 1995.

  • N. Werth et G. Moullec, Rapports secrets soviétiques, 1921-1991, Gallimard, 1995.



SUR LA CHINE

  • J.L. Domenach, Chine, l'archipel oublié, Fayard, 1992.

  • H. Wu, Le Goulag chinois, Dagorno, 1996.

SUR LE CAMBODGE

  • D. Chandler, The Tragedy of Cambodian History Politics, Yale University Press, 1991.

  • B. Kiernan, Le Génocide au Cambodge, 1975-1979, Gallimard, 1998.

  • M. Sliwinski, Le Génocide khmer rouge: une analyse démographique, L’Harmattan, 1995.


LES INTELLECTUELS FRANÇAIS


  • N. Berberova, L’ffaire Kravchenko, Arles, Actes Sud, 1990.

  • A. Kriegel, Ce que j'ai cru comprendre, Laffont, 1991.

  • J.-L. Panné, Boris Souvatine. Le premier désenchanté du communisme, Laffont, 1993.

NAZISME-COMMUNISME

  • A. Besançon, Le Malheur du siècle, Fayard, 1998.
  • F. Furet et E. Nolte, Fascisme et communisme, Plon, 1998.
  • I. Kershaw et M. Lewin (dir.), Stalinism and Nazism, Cambridge Univ. Press, 1997.
  • Rousso (dir.), Stalinisme et nazisme, Bruxelles, Complexe, 1999.

L'HISTOIRE» A PUBLIÉ

«Révolution et tragédie. Le siècle communiste», spécial, no. 223.

  • «Mao et la Révolution culturelle», dossier, n0. 182, pp. 40-7.
  • J.-. Marie, «La tragédie des peuples déportés», no. 180, pp. 86-93.
  • N. Werth, «Goulag: les vrais chiffres», no. 169, pp. 38-51; «Comment Staline a affamé l'Ukraine», no. 188, pp. 78-84.


mardi, octobre 21, 2008

Ne vous précipitez pas à cette rencontre comme la misère sur le pauvre monde: elle a eu lieu en 2000. Mais c’est intéressant de voir que si vous habitez Rens, non seulement vous pouviez aller à un concert d’Édith Piaf, mais aussi avoir une vie mondaine intellectuelle bien remplie.


RENCONTRE

Le communisme est_il une utopie?

Au programme des Rendez-vous de l'histoire de Blois: «Les utopies, moteurs de l'histoire?»
On ne présente plus Les Rendez-vous de l'histoire, qui se tiennent depuis trois ans à Blois au mois d'octobre. C'est à chaque fois l'occasion de débats et de conférences avec les plus grands historiens, d'expositions, d'un salon du livre, d'un prix du roman historique, de projections de films, d'ateliers pour les enseignants, de rencontres dans le cadre de «cafés historiques».
Cette année, le thème retenu est «Les utopies, moteurs de l'histoire?» Les utopies politiques, scientifiques, urbaines, pédagogiques. Une utopie, enseigner la vérité historique? se demandera Dominique Borne, inspecteur général de l'Éducation nationale.


Une utopie, le féminisme? s'interrogera Michèle Riot-Sarcey, professeur à l'université de Paris-VIII. Tandis qu'Évelyne Lever s'intéressera à Mme de Pompadour; François Bédarida à Winston Churchill; Madeleine Rebérioux aux socialistes français, etc.

Parmi les nombreux débats, celui organisé par L’Histoire portera sur «Le communisme est_il une utopie?».

Animé par Michel Winock, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, il réunira Stéphane Courtois, directeur de recherche au CNRS,

Jean-Luc Domenach, directeur scientifique de la Fondation nationale des sciences politiques,
Jean-Michel Gaillard, conseiller référendaire à la Cour des comptes, et Marc Lazar, professeur à l'université de Paris-X.


Les 13, 14 et 15 octobre à Blois.

Rens. 02.54.56.09.50; rdv_histoire.com


L'HISTOIRE N̊ 247 OCTOBRE 2000 p. 39


Génocides et crimes de masse

Comment caractériser les crimes du communisme?


Ni crimes de guerre ni génocide, ils relèvent de la catégorie des «crimes de masse». Les travaux sur les crimes du communisme posent une question de terminologie particulièrement importante: sur quelle notion peut-on s'appuyer pour établir une claire différenciation entre les cas de destructions de populations civiles et d'autres formes de violences collectives, telles que la guerre ou l'insurrection armée?


L'expression «crime de masse» permet de réfléchir en histoire à une définition des massacres de populations civiles, y compris le génocide, à savoir «l'intention de détruire un groupe en tant que tel» (convention de l'ONU de 1948).

Le crime de masse n'est pas un crime de guerre: il ne procède pas de «ce délire du champ de bataille» dont parle l'historien américain Christopher Browning (Des Hommes ordinaires, Les Belles Lettres, 1994) pour décrire les atrocités commises par des soldats contre d'autres soldats dans la dynamique même de la guerre.

Le crime de masse consiste en une destruction pure et simple de civils en grand nombre. Cette destruction, qui s'accompagne souvent d'atrocités contre des hommes, des femmes, des enfants, résulte d'une politique délibérée, ce que Frank Chalk et Kurt Jonassohn appellent la «tuerie d'un seul côté».

Les situations historiques et politiques sont très différentes d'un pays à l'autre. De cette diversité, on peut dégager deux dynamiques criminelles fondamentales, en fonction des objectifs visés:

1) La soumission d'un groupe

Le but est de détruire partiellement un groupe pour soumettre totalement ce qui en restera. Les responsables comptent sur l'effet de terreur pour atteindre un tel résultat.

Soit il s'agit «seulement» de parvenir à la capitulation du groupe visé pour lui imposer sa propre domination politique. L'URSS de Staline en offre un exemple singulier.

Soit il s'agit, une fois cette soumission obtenue, d'engager un projet de «rééducation» des membres survivants du groupe. C'est ce qui fut réalisé dans la Chine de Mao Zedong.

2) L'éradication d'un groupe

Le but est de faire disparaître un groupe d'un territoire contrôlé ou convoité par le pouvoir.

Soit on détruit partiellement le groupe pour le contraindre à fuir. La purification ethnique en ex-Yougoslavie au cours des années 1990 en est un exemple. Soit on détruit totalement le groupe, sans laisser à ses membres la possibilité de s'enfuir. La notion de «territoire à purifier» devient alors secondaire par rapport à l'extermination totale du groupe. L'extermination des Juifs par les nazis en est l'illustration extrême.

Quel que soit son objectif, la logique du crime de masse est proche de celle de la guerre. Elle repose sur la construction d'une figure de l'ennemi, fût-il un ennemi intérieur, à mâter ou à éliminer.

Jacques Semelin
Chercheur (CNRS) associé au CERI.



Présentement, le groupe cible est celui des chrétiens, mais plus spécialement des catholiques, plus difficiles à leur javeliser le cerveau.


Un orphelin, lors de la famine en Corée du Nord, sous King Kong II en 1997.



Lors de la dernière élection fédérale, les partis communistes ou à tendance communiste et anticléricaux ont mené une campagne de peur dans la «mission» d’arrêter Harper.

En philosophie, il s’agit du sophisme de l’homme de paille. Il s’agit de créer un personnage méchant de toutes pièces, puis d’associer la personne à cet homme de paille. C’est une pratique connue et efficace.

Ce que le public inconscient ne sait pas, c’est que cet homme de paille est la réplique exacte de son créateur. En ce cas-ci, la réplique exacte des partis et régimes communistes que vénèrent les soeur sourire Layton, le lièvre aux yeux bleus du Bloc, les verdoyants à la Suzuki qui comparent les humains à des dollars, et les communistes comme Bob Rae qui pullulent dans le PLC - les «L» majuscules, comme nous les appelons affectueusement.

Le lapin de Varennes accusait Harper de vouloir emprisonner des enfants avec des adultes, dans les mêmes cellules. «C’est l’école du crime», clamait-il la main sur le coeur et l’arme à l’oeil.
La cul-blanc savait très bien qu’il mentait. Mais la fin justifie les moyens, peu importe les conséquences.


Tout cela fait partie des crimes du communisme et nous démontre bien que les communistes n’ont jamais changé de tactiques. Communiste un jour, communiste toujours!

Mais la vérité est toute autre. Celui, ou plutôt ceux, qu’il faut arrêter, ce sont ceux qui tuent 35 000 bébés par avortement chaque année au Québec, en jurant que la peine de mort pour les meurtriers est inhumaine et indigne de notre soi-disant régime civilisé, etc.

King Kong II de la Corée du Nord a fait mourir des enfants, tuer leurs parents, et continuent ses acations présentement. Duceppe, Layton, Dion, Alouette, ne disent mot.

J’espère que cet enfant va faire réfléchir ceux qui sont victimes de la propagande du NPD-Bloc Québécois-PLC.


lundi, octobre 20, 2008

Le discour de Zarko, le président français, a «zoutré» les séparatisses, ce qui est la bonne nouvelle. Il se trouve que la seule partie importante de son sermon était le passage où il nous déclare son affiliation avec Paul Desmarais. C’est la mauvaise nouvelle. Quand on connaît le personnage, nul besoin de plus de détails. Nous savons de quel bois se chauffe Zarko.

Voici le texte revu et adapté au lecteur d’aujourd’hui.


Entre parenthèses et en italique, je donne la définition de certains mots dont le sens peut échapper au lecteur néophyte en ancien ou vieux français. Autant que possible, je n’ai pas changé la tournure de phrase par respect pour l’auteur.

Le lecteur va apprendre, s’il ne le savait pas, l’origine des noms de certains lieux.
L’auteur n’explique pas ce que veut dire «Forillon». Ce nom, mentionné par Jacques Cartier, serait du portugais qui veut dire: gros rocher ou écueil en mer. L’histoire ne dit pas si c’est Jacques Cartier qui lui a donné le nom, ou bien si l’endroit était déjà connu d’autres marins.




Explication pour les esprits lents:

À cette époque, les navigateurs possédaient bien des GPS (système de localisation par satellites), mais les satellites n’étaient pas encore sur orbite. Alors, les marins plantaient des gros rochers pour s’y retrouver. Au lieux de GPS, une vigie montait au haut du mât (nid de corbeau), et indiquait la position du navire au pilote. Cela avait pour avantage de combattre le chômage.

En ci qui concerne les errants, ou vagabonds, ou «robineux» (pour ceux qui connaissent le terme), les clochards de Montréal, l’auteur en explique l’origine. Donc, la prochaine fois qu’un quêteur vous demande de l’argent pour payer ses études (acheter de la drogue), s’offrir un café (acheter de la bière) ou payer le taxi qui doit conduire sa femme qui doit aller accoucher à l’hôpital, soyez généreux. Ces «guenilleux» sont les descendants des premiers habitants du quartier Hochelaga-Maisonneuve, ce qui explique la pauvreté connue du coin.

Un de ces descendants m’a vraiment demander de l’argent en me disant que c’était pour payer le taxi pour sa femme qui devait accoucher. Il ne savait pas, l’innocent, qu’il était devant les bureaux de l’aide sociale, et que de l’autre côté de la rue se trouvait la maison des sages-femmes pour justement aider à faire accoucher. Le type venait d’accoucher d’une bonne menterie. Ce qui est encor plus comique, des naïfs lui donnaient des sous.

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Du dessein de Messieurs de Montréal.


Un grand homme de bien, n'ayant jamais vu la Nouvelle-France que devant Dieu, se sentit fortement inspiré d'y travailler pour sa gloire. Ayant fait rencontre d'une personne de même cœur, ils envoyèrent, en l'an 1640, vingt tonneaux de vivres, et d'autres choses nécessaires pour commencer en son temps une nouvelle habitation en l'île de Montréal.

L'année dernière, ils firent passer quarante hommes commandés par le sieur Maisonneuve, gentilhomme champenois, pour jeter les fondements de ce généreux dessein. Cette entreprise paraîtrait autant téméraire, qu'elle est sainte et hardie, si elle n’avait pour base la puissance de Celui qui ne manque jamais à ceux qui n'entreprennent rien qu'au branle (impulsion donnée à une chose) de ses volontés; et qui saurait ce qui se passe pour faire réussir cette grande affaire, jugerait aussitôt que Notre Seigneur en est véritablement l’auteur. Mais disons deux mots de cette île, devant que de passer outre.

On compte depuis l'embouchure du Golfe Saint-Laurent, jusque au Forillon de Gaspé, où le Golfe se rétrécit et se fait rivière, soixante lieues; depuis le Forillon de Gaspé jusqu’à Tadoussac, quatre-vingts-dix lieues; depuis Tadoussac jusqu’à Québec, quarante lieues; depuis Québec jusqu’à Trois-Rivières, vingt-huit ou trente lieues; depuis Trois-Rivières jusqu’au Fort de Richelieu, qu'on bâtit sur la Rivière des Iroquois (maintenant la rivière Richelieu), douze lieues; depuis cette Rivière jusqu’à Montréal, douze autres lieues: si bien que depuis l'embouchure du grand fleuve et du Golfe, jusqu’à cette île, on y compte prés de deux cents lieues; et toute cette grande étendue d'eau est navigable, en partie par de grands vaisseaux, en partie par des barques.

L'île de Montréal a environ vingt lieues de tour; elle est baignée d'un côté du grand fleuve Saint-Laurent, et de l'autre de la Rivière-des-Prairies. Ces deux grands fleuves se joignant ensemble, font comme deux lacs ou deux grands étangs. Aux deux bouts de cette île, il y a quantité d'autres îles plus petites, fort agréables; la plus belle après l'île de Montréal, c'est l'Île Jésus. Il sort des terres une autre petite rivière du côté nord, nommée des Habitants, la rivière l'Assomption, et des Sauvages 8taragauesipi, laquelle se jette dans cette grande étendue d'eau qui se rencontre à la pointe plus basse de Montréal. Toutes ces eaux se rassemblant et marchant de compagnie, prennent le nom du grand fleuve Saint-Laurent; quinze lieues plus bas, tout auprès de l'embouchure de la rivière des Iroquois (le Richelieu actuel), qui vient du côté du Midi, ce grand fleuve s'ouvre et se dilate derechef, et fait le lac que nous appelons de Saint-Pierre, qui peut avoir quatre ou cinq lieues de large, et sept ou huit de long, est parsemé de quantité de belles îles; d'un côté et de l'autre il se rétrécit, pour reprendre une autre fois le nom du fleuve de Saint-Laurent, à deux lieues ou environ plus haut que l'habitation et que le fleuve de Trois-Rivières. Mais pour remonter à notre île, je dirai en passant que l'aspect d'une belle montagne qui s'y rencontre, lui a fait porter le nom de Montréal ou Mont-royal.

Jacques Cartier, qui est le premier de nos Français qui l'a découverte, écrit qu'il y rencontra une ville nommée Hochelaga. Cela s'accorde bien à ce qu'en disent les Sauvages, qui la nomment Minitik 8ten entag8giban, l'île où il y avait une ville ou une bourgade; les guerres en ont banni les habitants. Elle donne un accès et un abord admirable à toutes les nations de ce grand pays: car il se trouve au nord et au midi, au levant et au couchant, des rivières qui se jettent dans les fleuves de Saint-Laurent et dans la Rivière-des-Prairies qui environnent cette île; de sorte que si la paix était parmi ces peuples, ils pourraient aborder là de tous côtés. Omnia tempus habent, tout se fera avec le temps.

Ces messieurs qui entreprennent de faire adorer Jésus-Christ dans cette Île, firent cet hiver dernier une action vraiment chrétienne. Ce sont personnes de vertu, de mérite et de condition, gens qui font profession de servir Dieu publiquement (que ces termes me sont agréables, servir Dieu publiquement), ne rougir point pour les bassesses de Jésus-Christ, et ne se point enfler pour les grandeurs de la terre. Ces âmes d'élite s'étant rassemblées en la grande église de Notre-Dame-de-Paris, ceux qui portent le saint caractère (la marque), disent la sainte messe, et les autres se communièrent à l'autel de cette Princesse tout chargé de miracles; ayant le Sauveur du monde avec eux, ils dédièrent et consacrèrent à la Sainte Famille l'île de Montréal, desirant qu'elle se nommât dorénavant Notre-Dame-de-Montréal. Mais écoutons, s'il vous plaît, ce qu'une personne de vertu, qui se cache aux hommes et qui est bien oonnue des anges, écrit sur ce sujet.

Puisqu'on désire quelque instruction plus ample des particularités de cette société, voici ce que j'en puis dire. Environ trente-cinq personnes de condition se sont unies pour travailler à la conversion des pauvres Sauvages de la Nouvelle-France, et pour tâcher d'en assembler bon nombre dedans l'île de Montréal qu'ils ont choisie, estimant qu'elle est propre pour cela, leur dessein est de leur faire bâtir des maisons pour les loger, et défricher de la terre pour les nourrir, et d'établir des séminaires pour les instruire et un Hôtel-Dieu pour secourir leurs malades. Tous ces messieurs et dames s'assemblèrent un jeudi vers la fin du mois de février de cette année 1642 sur les dix heures du matin en l'église de Notre-Dame-de-Paris, devant l'autel de la Sainte Vierge, où un prêtre d'entre eux dit la sainte messe, et communia les associés qui ne portent point le Caractère. Ceux qui le portent célébrèrent aux autels qui sont à l'entour de celui de la Sainte Vierge: là tous ensemble ils consacrèrent l'île de Montréal à la Sainte Famille de Notre Seigneur, JÉSUS, MARIE et JOSEPH, sous la protection particulière de la Sainte Vierge; ils se consacrèrent eux même, et s'unirent en participation de prières et de mérites, afin qu'étant conduits d'un même esprit, ils travaillent plus purement pour la gloire de Dieu et pour le salut de ces pauvres peuples, et que les prières qu'ils feront pour leur conversion et pour la sanctification d'un chacun des dits associés, soient plus agréables à sa divine Majesté. Nous esperons tous que votre Révérence embrassera cet ouvrage, et qu'elle ira en personne aider ces pauvres Infidèles, pour leur faire connaître leur Créateur.

Ces messieurs me permettront de leur dire en passant, qu'on ne mène personne à Jésus-Christ que par la Croix; que les desseins qu'on entreprend pour sa gloire en ce pays, se conçoivent dedans les dépenses et dedans les peines, se poursuivent dedans les contrariétés, s'achèvent dedans la patience, et se couronnent dedans la gloire.

La précipitation dans cette affaire ne vaut rien; le zèle y est excellent, la bonne conduite extrêmement requise, et la patience mettra la dernière main à ce grand ouvrage.

Le quinze octobre de l'année dernière, 1641, jour dédié à la mémoire de Sainte Térèse, uniquement aimée et amante de la Sainte Famille, Monsieur le Gouverneur, le R. P. Vimont et plusieurs autres personnes bien versées en la connaissance du pays, arrivèrent au lieu qu'on a choisi pour la première demeure qui se doit faire dedans cette belle Île, que j'appellerais volontiers l'Île Sainte, puis que tant d'âmes l'ont si saintement consacrée à la Sainte Famille.

Le dix-sept mai de la présente année, 1642, Monsieur le Gouverneur mit le sieur de Maisonneuve en possession de cette île, au nom de Messieurs de Montréal, pour y commencer les premiers bâtiments: le R. P. Vimont fit chanter le Veni Creator, dit la sainte Messe, exposa le Saint Sacrement, pour impétérer (obtenir) du Ciel un heureux commencement à cet ouvrage; l'on met incontinent (aussitôt, sur-le-champ) apres les hommes en besongne (au travail); on fait un réduit (dernier asile de défense) de gros pieux pour se tenir à couvert contre les ennemis. Le vingt-huit juillet une petite escouade d'Algonquins passant en ce quartier là, s'y arrêtèrent quelques jours: un capitaine (chef) presenta son fils au Baptême âgé d'environ quatre ans: le Pere Joseph Poncet le fit Chrétien, et le sieur de Maisonneuve et Mademoiselle Mance le nommèrent Joseph, au nom de Messieurs et de Mesdames de Notre-Dame-de-Montréal. Voilà le premier fruit que cette île a porté pour le Paradis, ce ne sera pas le dernier, Crescat in mille millia.

Le quinze août on solennisa la première fête de cette Île-Sainte, le jour de la glorieuse et triomphante Assomption de la Sainte Vierge. Le beau tabernacle que ces messieurs ont envoyé fut mis sur l'autel d'une chapelle, qui pour n'être encor bâtie que d'écorce, n'en est pas moins riche. Les bonnes âmes qui s'y rencontrèrent se communièrent. On mit sur l'autel les noms de ceux qui soutiennent les desseins de Dieu en la Nouvelle-France, et chacun s'efforça de bannir l'ingratitude de son cœur et de se joindre avec les Ames saintes qui nous sont unies par des chaînes plus précieuses que l'or et que les diamants, chanta le Te Deum en action de grâces, de ce que Dieu nous faisait la grâce de voir le premier jour d'honneur et de gloire, en un mot la première grande Fête de Notre-Dame-de-Montréal; le tonnerre des canons fit retentir toute l'île, et les démons, quoi qu'accoutumés aux foudres, furent épouvantés d'un bruit qui parlait de l'amour que nous portons à la grande Maîtresse; je ne doute quasi pas que les anges tutelaires (tuteurs) des Sauvages et de ces contrées n'aient marqué ce jour dans les fastes du Paradis.

Apres l'instruction faite aux Sauvages, se fit une belle procession après les vêpres, en laquelle ces bonnes gens assistèrent, bien étonnés de voir une si sainte cérémonie, où on n'oublia pas à prier Dieu pour la personne du Roi, de la Reine, de leurs petits Princes et de tout leur empire; ce que les Sauvages firent avec beaucoup d'affection. Et ainsi nous unîmes nos vœux avec tous ceux de la France.

Apres la fête on fut visiter les grands bois qui couvrent cette île; et étant amenés à la montagne dont elle tire son nom, deux des principaux Sauvages de la troupe, s'arrêtant sur le sommet, nous dirent qu'ils étaient de la nation de ceux qui avaient autrefois habité cette île; puis en étendant leurs mains vers les collines qui sont à l'Orient et au sud de la montagne: Voilà, faisaient-ils, les endroits où il y avait des bourgades remplies de très grande quantité de Sauvages; les Hurons, qui pour lors nous étaient ennemis, ont chassé nos ancêtres de cette contrée, les uns se retirèrent vers le pays des Abnaquiois (Abénaquis), les autres au pays des Iroquois, et une partie vers les Hurons mêmes, s'unissant avec eux; et voilà comme cette île s'est rendue déserte.

Mon grand-père, disait un vieillard, a cultivé la terre en ce lieu-ci; les blés d'Inde (maïs) y venaient (poussaient) très bien, le soleil y est très bon. Et prenant de la terre avec ses mains: Regardez, disait-il, la bonté de la terre, elle est très excellente.

On ne s'oublia pas là dessus de les inviter et de les presser de retourner en leur pays, et de leur déclarer le dessein des capitaines, qui envoient ici du monde pour les secourir, leur promettant qu'on les aiderait à bâtir de petites demeures, et à défricher la terre dont ils ont perdu l'habitude, s'étant quasi rendus errants de sédentaires qu'ils étaient. Ils promirent qu'ils traiteraient de cette affaire en leur pays.

L'un d'eux nommé Atcheast, père du petit Joseph, homme qui parait paisible et qui a fait rencontre d'une femme aussi posée que lui, assura qu'il retournerait au printemps avec toute sa famille.

Les autres étaient dans la même volonté; mais ils n'osèrent jamais donner parole de s'arrêter ici pour défricher la terre, la crainte des Iroquois leurs ennemis, leur donne trop de terreur; non pas qu'ils ne soient assurés aupres de nos habitations, mais ils n'oseraient s'écarter pour leur chasse ou pour leur pêche. Les ennemis peuvent aisément venir aux aguets et dresser des embûches à ceux qui s'écartent tant soit peu des lieux de défense: si bien que j'ai de la peine à croire qu'il y ait jamais grand nombre de Sauvages à Notre-Dame-de-Montréal, que les Iroquois ne soient domptez, ou que nous n'ayons la paix avec eux. Il faut espérer que cela se pourra faire, nonobstant les difficultés présentes.

On sollicitera tant le Ciel en l'une et l'autre France, qu'en fin le Dieu du Ciel et de la terre donnera sa bénédiction à cette pauvre terre, Et videbit omnis caro salutare suum.
Amen, Amen.



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