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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

mercredi, janvier 07, 2009

TROISIÈME PARTIE

ILLUSTRATIONS

MARXISME· LÉNINISME
Anciens NOS. 92 et 93 de Verbe


CHAPITRE 1

LE MATÉRIALISME

A CARACTÈRE DIALECTIQUE

L'« HUMANISME DU TRAVAIL »

ET LA «RÉVOLUTION PERMANENTE»





Les idées elles-mêmes, et les théories de l'esprit seront vues, par le marxisme, dans cette optique de la plus grande action révolutionnaire, telle que nous l'avons étudiée au chapitre précédent. S'il est navrant d'entendre tant de catholiques employer seulement les termes de «forces spirituelles», c'est peut-être parce que la formule exprime la seule façon dont un marxiste peut s'intéresser aux idées. Pour lui, vraiment, elles ne peuvent avoir que cet aspect de «FORCES», et si la formule «forces spirituelles» est irremplaçable pour quelqu'un, c'est bien pour lui.

Si l'on croit, en effet, que la puissance des idées a besoin d'être apprise à un marxiste, sous prétexte qu'il se dit matérialiste, il suffit de lire la «treizième leçon» du manuel de Politzer (1) sur «le rôle et l'importance des idées dans la vie sociale».

«Un préjugé très répandu, y est-il dit, consiste à croire que le matérialisme marxiste est indifférent aux idées, qu'il ne leur reconnaît aucune importance, aucun rôle. Cette leçon va montrer qu'il n'en est rien, qu'au contraire les marxistes prennent idées et théories tout à fait au sérieux. La preuve en fut donnée par Marx lui-même: s'il avait refusé tout pouvoir aux idées, aurait-il consacré sa vie à l'élaboration et à la diffusion de la théorie révolutionnaire?... Tant s'en faut, par conséquent, que le marxisme néglige la puissance des idées. «Nous ons dit (écrit Staline) (2) que la vie spirituelle de la société est un reflet des conditions de sa vie matérielle. Mais pour ce qui est de l'importance de ces idées et théories sociales, de ces opinions politiques, de leur rôle dans l'histoire, le matérialisme historique, loin de les nier, souligne, au contraire, leur rôle et leur importance considérables dans la vie sociale, dans l'histoire de la société...»

«Ceux qui reprochent au marxisme de négliger les idées, reprend Politzer, lui font, sciemment ou non, un procès qui ne le concerne pas. Ils lui imputent une erreur qui est celle du matérialisme vulgaire. Nier l'importance des idées, c'est là une position anti-scientifique, que le matérialisme dialectique a toujours combattue.» (3)

1. - Le caractère dialectique du matérialisme marxiste

Matérialisme dialectique: tout est toujours dans ce dernier mot quand il s'agit du marxisme. On se trompe donc profondément quand on donne au mot «matérialisme» son sens le plus courant pour l'appliquer au marxisme. La plupart de nos contemporains, ignorant Hegel et ne sachant pas ce que cela veut dire, oubliant le mot «dialectique» et, ne se souvenant que du mot «matérialisme» considèrent le marxisme comme un matérialisme vulgaire, lequel consiste à ramener tout le réel à la matière. Ce qui fait qu'on y admet encore une réalité, la réalité même de cette matière.

Or Marx rejette cette conception «fixiste», «dogmatique». Son matérialisme est dialectique, historique. Entendez qu'il refuse de se fonder sur l'idée d'une matière qui apparaîtrait dès lors comme la seule vérité. Engels a précisément reproché au matérialisme du XVIIIe siècle son « incapacité de con si« dérer ... la matière ENGAGÉE DANS UN DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE... Cela tenait, ajoutait-il, à la façon métaphysique, c'est-à-dire anti-dialectique de philosopher à cette époque.»(4)

Pour Engels et Marx, en effet, il n'y a pas plus de vérité matérielle à connaître que de vérité spirituelle parce qu'il n'y a aucune réalité, même matérielle, qui existe et qui dure. Il n'y a et il n'y aura jamais que le jeu des forces matérielles en œuvre dans l'histoire, l'incessant changement de forces matérielles en lutte (cf. note 4).

Le spirituel à son tour n'est que le produit des forces matérielles.

«C'est l'origine matérielle des idées qui fonde leur puissance», affirme Politzer (5). Car les idées en tant que telles n'ayant pas de sens pour un marxiste, ce sont les forces matérielles qu'elles sont susceptibles d'engendrer qui peuvent seules intéresser ce dernier (6). Car, ainsi que le notait Marx: « La théorie elle aussi devient force matérielle lorsqu'elle pénètre les masses» (7). Et un marxiste a trop le sens de tout ce qui est force pour refuser de voir la puissance de ce genre de force-là. Il en fera même le ressort d'une arme nouvelle: «l'arme idéologique», que d'authentiques «spiritualistes» seront bien incapables d'employer comme lui.

Mais les «idées» n'auront de sens pour le marxiste que: - comme reflets «des besoins du développement de la vie MATÉRIELLE de la société»; - comme pouvoir «d'utiliser à fond» leur FORCE «MOBILISATRICE, ORGANISATRICE ET TRANSFORMATRICE» (8).

D'où l'équivoque du langage «spiritualiste» employé souvent par les marxistes pour décrire l'action des idées dans l'histoire. Même lorsqu'il s'agit de conceptions morales et religieuses, ce n'est jamais sous l'angle de la vérité ou de l'erreur qu'ils en parlent. Elles sont le produit de forces matérielles à un moment donné. Elles s'insèrent dans les luttes révolutionnaires dont elles sont un instrument.

Ainsi depuis les choses matérielles proprement dites, jusqu'aux choses de l'esprit, le marxisme prétend tout interpréter, tout expliquer, tout ordonner.

Une idéologie qui serait universelle.

Ses prétentions universalistes sont incontestables. «Le communisme, écrit Marx (9), étant un naturalisme achevé, coïncide avec l'humanisme. Il est la véritable fin de la querelle entre l'homme et la nature et entre l'homme et l'homme... Il résout le mystère de l'histoire et il sait qu'il le résout.»

Et Lénine (10): «La doctrine de Marx est harmonieuse et complète; elle donne aux hommes une conception cohérente du monde.»

Et Politzer (11). «Le marxisme est une idéologie qui forme un tout et qui permet de trouver les réponses à toutes les questions.»

Un universalisme de l'action pure, du «mouvement intégral», des puissances transformatrices de l'homme et de la nature, tel est le marxisme.


2. - L'«humanisme du travail»

«L'homme est occupé à sa machine, écrit dans la «Konsomolskaïa Svrodd», gazette des Konsomols (jeunesses communistes), l'une de ces jeunes ouvrières que fanatise le plan quinquennal. L'homme se fait travailleur de choc; il ne peut plus regarder sa femme en face et songer aux bagatelles de la vie. II fait cas de chaque minute de travail comme on fait cas de sa chair. Par la machine qu'il commence à chérir il prend conscience de sa parenté fraternelle avec le pays, avec la révolution et conçoit de l'amour pour eux» (12).

Un universalisme du travail? Certainement! Et, si l'on veut, un humanisme de l'«homo faber», plus même que de l'«homo œconomicus». Mais par ces distinctions, on pressent déjà combien le marxisme, en dépit de ses prétentions universalistes, est, en réalité, partiel, unilatéral.

N'admettant que l'action, ou ramenant tout à elle, il reste un humanisme exclusif.

Et combien d'anti-communistes, qui, aujourd'hui ne pensant qu'à l'action, à l'énergie, au rendement, à l'efficience, à la force, à la puissance, et qui ne voulant rien voir au-delà du travail producteur et de ses résultats matériels, ne se doutent guère de quel esprit ils sont. Toutes gens qui annoncent, en effet, que la civilisation à naître sera une civilisation du travail, autant dire une civilisation où le travail, la production matérielle, la puissance industrielle seront les valeurs suprêmes de la vie. Savent-ils que dans l'état actuel des esprits, et à présenter seulement les choses ainsi, la seule civilisation du travail, c'est le marxisme?

Encore et toujours, il apparaît ici comme la réalisation suprême, la «prise de conscience» de la «civilisation moderne». Sombart l'a noté, dans son «Apogée du capitalisme»: «Nous devons nous habituer peu à peu à cette idée qu'entre le capitalisme stabilisé et réglementé, et un socialisme rationalisé et UTILISANT TOUTES LES RESSOURCES DE LA TECHNIQUE, la différence n'est pas grande; de sorte que la destinée des hommes et l'avenir de leur civilisation ne subiront pas, du fait d'une organisation socialiste de l'économie, une orientation différente de celle conditionnée par une organisation capitaliste; le mode de travail reste le même dans les deux cas, et, dans les deux cas, l'ensemble de l'économie repose sur la déshumanisation».


Changer les lois de l' histoire

Reste que le marxisme a pour lui l'avantage d'une systématisation plus cohérente et plus complète. Un humanisme du travail, a-t-on dit. Pour le marxisme, en effet, l'homme n'existe qu'en tant qu'il modifie le monde par son labeur, son action. L'homme est travail et il n'existe qu'en modifiant le monde par son travail. Pour le marxisme il n'y a dans l'homme que le travailleur.

Comme Engels l'écrit dans «Anti-Dürhing», travailler «c'est humaniser le monde, supprimer les conditions du milieu primitif qui enchaînent l'humanité, c'est créer des conditions où l'homme ne soit plus assujetti aux lois primitives de l'animalité (! ?) de l'histoire; c'est accomplir l'acte libérateur du monde. Voilà la mission du prolétariat moderne.» (13).


Engendrer sans cesse une nouvelle humanité

«Dans la production, écrit Karl Marx, les hommes n'agissent pas seulement sur la nature, mais aussi les uns sur les autres» (14).

«De proche en proche, écrit M. Roger Garaudy, l'organisation politique, le statut moral et religieux des sociétés dépendent pour l'essentiel de leur mode de production» (15).

L'homme est rigoureusement déterminé par ses rapports sociaux. Il n'est qu'un rouage de la société. Et la société est déterminée, à son tour, par la production matérielle. L'homme, donc, évolue constamment au gré des forces de l'industrie.

«L'homme nouveau» marxiste change sans cesse de nature. Il n'est pas, il ne sera jamais définitif. Il SE FAIT par une révolution continue, permanente.

Le paysan de l'époque féodale, le bourgeois du XVIIe siècle, l'ouvrier des fabriques, contemporain de Marx, ne sont que des produits de leur temps, lui-même fonction des systèmes économiques et de leurs luttes.

Ce sens universel de l'homme que le clacissisme français retrouve dans l'antique Pyrrhus comme dans l’Espagnol Rodrigue, ou le bon monsieur Jourdain, bourgeois de Paris, ce sens universel de l'homme n'existe pas pour les marxistes. Ces personnages ne sont que les phases successives d'une humanité qui s'édifie elle-même par son travail.

«Toute la prétendue histoire du monde, écrit Marx (16) n'est rien d'autre que la production de l'homme par le travail humain.»

Ce que nous avons dit à propos de la «dialectique» trouve ici une rigoureuse application.
Le marxisme est un humanisme TOTAL... mais un HUMANISME INVERSÉ? Humanisme de l'action, du devenir, du mouvement pur.

«Pour lui, conclut M. Jean Daujat (17), rien n'existe que par l'action humaine. Et il ne connait rien d'autre que l'homme qui se fait lui-même par son action» (18).


3. - La «Révolution permanente»

Totalitarisme du travail et de la puissance transformatrice de l'homme, le marxisme ne propose aucune autre fin à son action que l'action même, une toujours plus grande action: la Révolution continue, la Révolution permanente.

«La notion de royaume temporel de la Foi que (Marx) tient d'Israël, écrit M. Jean de Fabrègues (19), va se trouver, par lui, à la fois déviée et retournée (proprement subvertie). Nous voici au mot de Malraux: «La Révolution joue le rôle que joua la Vie éternelle». La Révolution est explication du monde, de son mouvement, de son rythme; elle en donne le sens, le but; elle en est l'espoir et elle en sera l'achèvement... La Révolution est rédemption, elle est aussi création, NOUVELLE CRÉATION du monde... la Révolution engendre non seulement des rapports nouveaux entre les hommes, un monde nouveau, mais très exactement aussi un HOMME NOUVEAU» (20).

C'est là, peut-être, un des aspects les plus méconnus du marxisme.

Combien pensent, en effet, que le communisme est d'autant plus violent qu'il a une vue plus précise de la cité idéale, cité d'où toute injustice serait bannie, et qu'il est impatient de l'atteindre comme le terme de ses efforts.

Rien de plus anti-marxiste qu'une telle conception de la cité future.

Bien loin de présenter les choses ainsi, le marxisme, s'est défini, tout au contraire, comme «socialisme scientifique» par opposition au socialisme dit «utopique» parce qu'il tendait précisément à décrire la belle ordonnance d'une cité idéale, dont la réalisation devait faire l'objet de nos efforts.


Foi absolue dans l'histoire infaillible

Or, écrit Plekhanov (21), «les socialistes utopistes s'en tenaient au point de vue abstrait de la nature humaine et jugeaient des phénomènes sociaux selon la formule: «oui est oui, et non est non». La propriété privée, ou bien correspond ou bien ne correspond pas à la nature humaine; la famille monogamique ou bien correspond, ou bien ne correspond pas à cette nature, et ainsi de suite. Considérant la nature humaine comme immuable, les socialistes (utopistes) étaient fondés à espérer que, parmi tous les systèmes possibles d'organisation sociale, il y en avait un qui correspondait plus que tous les autres à cette nature. D'où le désir de trouver ce système le meilleur, c'est-à-dire correspondant le mieux à la nature humaine... Marx introduisit dans le socialisme la méthode dialectique, portant ainsi un coup mortel à l'utopisme. Marx n'invoque pas la nature humaine. Il ne connaît pas d'institutions sociales qui ou bien correspondent ou bien ne correspondent pas à cette dernière. Déjà dans «Misère de la philosophie», nous trouvons ce reproche significatif et caractéristique à l'adresse de Proudhon: «M. Proudhon ignore que l'histoire entière n'est pas autre chose qu'une modification constante de la nature humaine» (22).


Tous les chefs, tous les maîtres marxistes sont d'une franchise extraordinaire sur ce point.

«Le communisme, écrit Karl Marx lui-même, n'est pas pour nous un état qui doive être créé, un idéal destiné à orienter la réalité, nous appelons communisme le MOUVEMENT effectif qui supprimera la situation présente. Les conditions de ce mouvement sont données par cette situation.»

Et Engels (23): «... L'humanité ne saurait parvenir à un état parfait. Une société parfaite, un état parfait sont des choses qui ne peuvent exister que dans l'imagination; au contraire toutes les conditions historiques qui se sont succédées ne sont que des étapes transitoires dans le développement sans fin de la société humaine allant de l'inférieur au supérieur.»

Cela n'est-il pas normal?

Comme l'a fort bien dit A. Camus (24): «La dialectique appliquée correctement ne peut pas et ne doit pas s'arrêter... Un mouvement auquel on refuse un commencement ne peut avoir de fin.»

Et comme l'écrit encore M. Henri Lefèvre: «Le communisme scientifique se détermine par le mouvement tout entier de l'histoire... Le Parti, c'est l'incarnation de l'Idée révolutionnaire dans l'histoire. L'histoire ne connaît ni scrupules, ni hésitations. Inerte et infaillible, elle coule vers son but. À chaque courbe de son cours elle dépose la boue qu'elle charrie et les cadavres des noyés. L'histoire connaît son chemin. Elle ne commet pas d'erreurs. Quiconque n'a pas une foi absolue dans l'histoire n'a pas sa place dans les rangs du Parti...» (25).

Une remise en cause perpétuelle de tout

Or, qui oserait penser que l'histoire puisse suspendre un jour sa vertu dialectique, et cesse d'exiger cette remise en cause perpétuelle et révolutionnaire de tout?

«Il n'y a rien de définitif, d'absolu, de sacré devant (une telle conception), dit Engels; elle montre la caducité de toutes choses, et rien n'existe pour elle que le processus ininterrompu du devenir et du transitoire, de l'ascension sans fin de l'inférieur au supérieur, dont elle n'est elle-même que le reflet dans le cerveau pensant. Elle a, il est vrai, également un côté conservateur; elle reconnaît la justification de certaines étapes de développement de la connaissance et de la société pour leur époque et leurs conditions, mais seulement dans cette mesure. Le conservatisme de cette manière de voir est relatif, son caractère révolutionnaire est absolu - le seul absolu, d'ailleurs, qu'elle laisse prévaloir.»

Caractère absolu de ce qui est spécifiquement révolutionnaire; voilà une des notions les plus marxistes qui soient! Contre toutes les notions du sens commun la Révolution, pour un marxiste, n'a pour fin que la Révolution. Elle n'est pas un moyen ordonné à quelqu'autre chose qu'elle, un moyen de réaliser, par exemple, telle amélioration souhaitable, supprimer tel abus, après quoi on s'arrêterait (26).

Staline l'a écrit sans la moindre dissimulation (27): «Pour le réformisme la réforme est tout... Pour le révolutionnaire, au contraire, le principal c'est le travail révolutionnaire, et non la réforme. Pour lui la réforme n'est que le produit ACCESSOIRE de la Révolution. C'est pourquoi, avec la tactique révolutionnaire, dans les conditions d'existence du pouvoir bourgeois, une réforme devient naturellement un instrument de désagrégation de ce pouvoir, un instrument de renforcement de la Révolution, un point d'appui pour le DÉVELOPPEMENT CONTINU du mouvement révolutionnaire» (28).

Encore une fois, rien de plus anti-marxiste qu'une révolution conçue en vue d'atteindre un but stable, la guérison d'un mal social (29), l'ordonnance d'une certaine cité conçue à la façon d'un terme, d'une fin, d'un point d'arrêt.


«Il n'y a pas de but précis»

Il n'est pas et il ne peut pas être d'autre but à la Révolution que la Révolution elle-même, pleinement triomphante et définitivement victorieuse. Cité révolutionnaire où la production ayant atteint des proportions énormes, la puissance technique étant devenue prodigieuse, l'action collective de l'homme pourra transformer de fond en comble ce que nous croyons être encore les constantes de l'ordre humain ou de la nature humaine. Toute résistance, tout frottement, toute inertie paralysante ayant été supprimés, la vitesse du moteur, dont nous parlions plus haut, passera comme à l'infini, bien loin de tendre à s'arrêter (30).

Reste que cette super-vitesse, ce caractère superrévolutionnaire de la cité de l'avenir ne sauraient faire figure de fin véritable.

Au reste pour illustrer cet aspect si mal vu du marxisme, recopions un passage du livre «Hitler m'a dit», de Hermann Rauschnig (l3): «Je lui fis remarquer qu'on arrivait ainsi au bolchevisme et au communisme (32) comme en Russie.

« - Mais non, mais non, répondit Hitler, vous êtes victime d'un vieux sophisme dont il faut vous débarrasser. Ce qui reste du marxisme, c'est la volonté de construction révolutionnaire, qui n'a plus besoin de s'appuyer sur des béquilles idéologiques et qui se forge un instrument de puissance implacable pour s'imposer aux masses populaires et au monde entier. D'une téléologie à base scientifique, il sort ainsi un vrai mouvement révolutionnaire, pourvu de tous les moyens nécessaires à la conquête du pouvoir.

« - Et le but de cette volonté révolutionnaire?

- Il n'y a pas de but précis. Rien qui soit fixe ne fois pour toutes. Avez-vous tant de peine à comprendre cela? «Je répondais qu'en effet j'étais un peu déconcerté par ces perspectives insolites.

« - Nous sommes UN MOUVEMENT, VOILA LE MOT QUI DIT TOUT... Nous savons qu'il n'y a pas d'état définitif; qu'il n'y a rien de durable, qu'il n'y a qu'une évolution perpétuelle. Ce qui ne se transforme pas, c'est ce qui est mort. Le présent est déjà passé. Mais l'avenir est le fleuve inépuisable des possibilités infinies d'une création toujours nouvelle» (33).

Il est facile de voir combien ces propos sont aussi marxistes qu'hitlériens.


Le marxisme est un «socialisme dialectique»

«Le communisme, écrivait Karl Marx, est une phase réelle de l'émancipation et de la renaissance humaine, phase nécessaire pour l'évolution historique prochaine. Le communisme est la forme nécessaire et le principe énergique de l'avenir prochain. Mais le communisme n'est pas, en tant que tel, la fin de l'évolution humaine...» (34).

Encore une fois, le marxisme ne conçoit et ne sait voir que des forces, des mouvements. Il n'est donc pas d'erreur plus grossière à son endroit (erreur commune cependant!) que de croire qu'il s'est donné pour but un certain mode d'organisation sociale qui, une fois atteint, rendrait inutile, par sa perfection même, l'action révolutionnaire, et permettrait, dès lors, une sorte de repos, de calme, sinon d'arrêt.

C'est là l'idéal du socialisme utopique. Le marxisme lui, est un SOCIALISME DIALECTIQUE. Pour lui la Révolution ne saurait être que permanente, continue.

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Notes:
(1) Principes fondamentaux de philosophie, p. 243. Édit. Sociales, Paris.

(2) Matérialisme dialectique et matérialisme historique, p. 10, citation faite par Politzer.

(3) «Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire», dira même Lénine, dans Que Faire? p. 26.

(4) F. Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique (nouvelle édit., 1945, Édit. Sociales, Paris, p. 17). On remarquera que Engels critique ce matérialisme «mécaniste» du XVIIIe siècle en termes dialectiques. Les connaissances scientifiques de l'époque, fruit de l'évolution économique de la société, l'auraient déterminé, comme le libéralisme industriel du XIxe siècle déterminait le matérialisme de Marx.

(5) Opus cit. p. 248. Cf. Engels, Études philosophiques, p. 28: «Notre conscience et notre pensée, si transcendantes qu'elles nous paraissent, ne sont que le produit d'un organe matériel, corporel, le cerveau.» Cf. Lénine, Cahiers philosophiques: «Les concepts sont les produits les plus élevés du cerveau qui est lui-même le produit le plus élevé de la matière.»

Cf. Staline, Matérialisme dialectique et matérialisme historique, p. 10-11: «La pensée est un produit de la matière, quand celle-ci atteint dans son développement un haut degré de perfection; plus précisément la pensée est un produit du cerveau.»

(6) On voit par là la différence d'optique: car le chrétien aussi croit à la force des idées, mais il mesure la qualité de cette force à la vérité de ces idées, à leur sainteté, etc. Toutes choses qui n'ont pas de sens pour un marxiste.

(7) Critique de la philosophie du droit de Hegel, Œuvres philosophiques, t. I, p. 96, Édit. Costes, 1927.

(8) Cf. Staline: Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, p. 19, Édit. Sociales, Paris, 1945.

(9) Morceaux choisis, p. 229.

(10) L'Éducation, n̊ 3, mars 1913. «Marx a cela de génial qu'il a répondu aux questions que l'humanité avancée avait déjà soulevées. Sa doctrine naquit comme la continuation directe et immédiate des doctrines des représentants les plus éminents de la philosophie, de l'économie politique et du socialisme.» (Ibid.)

(11) Opus. cit.

(12) Marc Chadourne; L'U.R.S.S. sans passion (cité par L. de Poncins, 1942, Édit. Beauchesnes, Paris, L'énigme communiste.)

(13) Dans la doctrine catholique tous les êtres humains possèdent une même nature: la nature humaine, quelles que soient les conditions sociales dans lesquelles ils vivent (cf. Verbe, nos 107 et suivants, Introduction à la politique).

Le marxisme, au contraire, nie que l'homme conserve une nature humaine permanente. Il transforme sans cesse sa nature par le travail et l'action. Il est l'agent d'une révolution continuelle et radicale du monde et de lui-même. Il n'y a donc aucun point commun entre la conception chrétienne de la vie sociale et «l'humanisme du travail» tel que le marxisme le conçoit.

(14) Cité par M. Roger Garaudy: Le matérialisme historique, p. 17, Edit. Sociales, 1946.

(15) R. Garaudy, opus. cit. M. Garaudy est un auteur marxiste contemporain, agrégé de l'Université.

(16) Economie politique et Philosophie, Œuvres complètes, t. VI, p. 38-40.
(17) Opus. cit., p. 19 et 20.

(18) Pour la doctrine catholique le travail n'est pas imposé à l'homme afin qu'il transforme sa nature. Il est un moyen de continuer la Création, d'assurer sa vie et celle de sa famille, de faire son salut. La production matérielle n'a de sens que pour le service des personnes humaines, créées à l'image de Dieu. De même, la société, disait Pie XII, est faite pour l'homme et non l'homme pour la société».

(19) La Révolution ou la Foi, p. 65, Desclées, édit., 1957.

(20) «Entre la Foi et cette notion de la RÉVOLUTION ABSOLUE, poursuit M. de Fabrègues, il n'y a ni compromission, ni composition possibles: elles s'excluent puisqu'elles sont toutes les deux des explications du monde et DES RE-CRÉATIONS DE L'HOMME et qui s'opposent diamétralement.»

(21) Les questions fondamentales du marxisme, p. 106 et 107.

(22) Cf. ce jugement de M. Henri Lefèvre: «Saint-Simon, Fourier, Louis Blanc, Proudhon... restaient des utopistes, construisant imaginairement une société idéale.» (Le Marxisme, Bordas, édit.)

(23) Ludwig Feuerbach, p. 10. Bureau d'éditions, 1936.

(24) L'Homme révolté, p. 276. N.R.F., 1951.

(25) Le Marxisme, Bordas, édit., Paris.

(26) Pie XII, avec son admirable clarté de pensée, montrait l'opposition radicale d'une telle Révolution avec les données de la raison et de la foi. «Et comment, écrivait-il, la gloire du Créateur et Restaurateur de toutes choses pourrait-elle resplendir dans un monde qui serait fondé nécessairement sur les contradictions et les disharmonies?...

«Il est donc vain d'attendre la perfection et l'ordre du monde d'un certain processus immanent, dont l'homme resterait le spectateur étranger, comme l'affirment certains. Cet obscur immanentisme est un retour à l'antique superstition qui déifiait la nature; et elle ne peut s'appuyer comme on le prétend, sur l'histoire, sinon en falsifiant artificiellement l'explication des faits. L'histoire de l'humanité dans le monde est bien autre chose qu'un processus de forces aveugles; elle est un événement admirable et vital de l'histoire même du Verbe divin; elle a pris son départ en Lui et s'accomplira par Lui au jour de l'universel retour au premier principe, quand le Verbe incarné offrira au Père, comme témoignage de sa gloire, sa propriété rachetée et illuminée par l'Esprit de Dieu.» (Pie XII, Aux peuples du monde entier à l'occasion de Noël, 22 décembre 1957.)

(27) Des principes du léninisme, p. 100.

(28) Cf. Lénine, repoussant lui aussi cette perspective d'une action prétendue révolutionnaire qui aurait pour but réel l'obtention d'avantages matériels, d'une amélioration sociale:

«En fait, écrivait-il, seul l'ouvrier arriéré s'en tient à la lutte économique (entendez: la lutte pour une simple amélioration de son état). L'ouvrier révolutionnaire repoussera avec indignation tous les raisonnements sur la lutte pour les revendications permettant des résultats tangibles... car il comprendra que ce ne sont que des variations sur la vieille chanson du kopeck d'augmentation par rouble.» - Œuvres complètes, t. IV, p. 476-477, et encore: «Pas un socialiste («scientifique») ne s'est avisé de «promettre» l'avènement de la phase supérieure du communisme; s'ils la prévoient, c'est qu'ils supposent une toute autre productivité du travail que celle d'aujourd'hui...» (P.B.L. 7, p. 108-109.)

(29) Cf. Lénine: «... Enfin, presque tous les socialistes d'alors et en général les amis de la classe ouvrière ne voyaient dans le prolétariat qu'une plaie; ils voyaient avec effroi cette plaie grandir à mesure que se développait l'industrie. Aussi cherchaient-ils tous les moyens d'arrêter le développement de l'industrie et du prolétariat. Marx et Engels mettaient au contraire tout leur espoir dans la croissance continue de ce dernier. Plus il y a de prolétaires, plus grande est leur force en tant que classe révolutionnaire, plus le socialisme est proche et possible.» Karl Marx et sa doctrine, p. 42, Édit. Sociales, Paris.

Que penser dès lors de ceux qui, parmi nous, vont claironnant que ce qu'il faut quand même admirer, dans le mouvement communiste, c'est qu'il a eu pitié du prolétariat et que son mouvement de révolte est né en voyant l'excès de sa misère? Bien loin de songer, au contraire, à guérir cette plaie du prolétariat, le marxisme la cultive et s'en sert.

(30) «C'est le rôle des hommes de mobiliser, d'organiser les forces déjà existantes, pour améliorer le rythme de la nécessaire évolution et des nécessaires révolutions. (Le matérialisme historique leur demande)... d'accélérer le rythme des nécessaires transformations.» Roger Garaudy, Le matérialisme historique, Les lois de l'histoire, p. 23, fasc. IV, «Cours de l'Université nouvelle », Edit. Sociales, Paris, 1946.

(31) p. 212. Paris, 1939.

(32) Et le fait est que l'observation est pertinente. S'il est petit-neveu du dynamisme germanique de Fichte, l'hitlérisme est, comme le marxisme, éminemment hégélien. Le R.P. Riquet le faisait remarquer dans ses prédications de Carême sur Le chrétien face au pouvoir.

Il citait un passage significatif de Mein Kampf: «Le combat est toujours le moyen de développer la santé et la force de résistance de l'espèce et par suite, la, condition préalable de ses progrès», écrivait Hitler. «Dans cette lutte incessante pour la vie et la maîtrise, le vainqueur, prédestiné par la pureté et les qualités de son sang, c'est l'Aryen - «le Prométhée de l'humanité». Il doit ses succès à un double fait dans la droite ligne de la DIALECTIQUE du Maître et de l'Esclave. D'abord «la capacité qu'il possède de se sacrifier pour la communauté, pour ses semblables»... C'est à cette disposition d'esprit intime que l'Aryen doit sa situation dans le monde et que le monde doit d'avoir des hommes; car elle seule a tiré DE L'IDÉE PURE la FORCE CRÉATRICE qui, en associant par une union unique en son genre, la force brutale du poing à l'intelligence du génie, a créé les monuments de la civilisation humaine». Mais une seconde condition apparaît non moins indispensable... «Ce ne fut pas par hasard que les premières civilisations naquirent là où l'Aryen rencontra des peuples inférieurs, LES SUBJUGUA et les SOUMIT à sa volonté. Ils furent le premier INSTRUMENT TECHNIQUE au service d'une civilisation...» (Adolph Hitler, Mein Kampf, 1924, traduction J. Gaudefroy, Demonbynes et A. Calmettes, Paris, 1934; p. 285 et 296-298. Cité par le R.P. Riquet, Le chrétien face au pouvoir, 1. Le maître et l'esclave, p. 12, Spes, Paris, 6 mars 1949.)

(33) Toujours l'idéal d'une évolution, d'une révolution continue, permanente! Cf. tel passage d'un discours de Mustapha Kémal, qui montre, lui aussi, à quel point cette notion a conquis des esprits qu'on ne penserait peut-être pas taxer de marxisme: «Les révolutions, disait le dictateur turc, doivent être fondées « dans le sang. Une révolution qui n'est pas fondée dans le sang ne sera jamais PERMANENTE...» Discours devant la grande assemblée nationale d'Ankara, le 8 août 1926.

(34) Morceaux choisis, p. 228.

lundi, janvier 05, 2009

CHAPITRE II



LE MARXISME-LÉNINISME FACE À LA SCIENCE, À LA MORALE ET À L'ACTION TACTIQUE





4 (*). - La science prolétarienne


Et la même façon de voir se retrouve dans les sciences. S'il est un domaine cependant où la vérité paraît être l'objet des moindres recherches, c'est celui-là.

Combien de fois nous a-t-on dit qu'en ce chapitre au moins le marxisme devait bien se trouver contraint de se fixer, d'adhérer à une certitude, de croire à la vérité, au sens le plus traditionnel de ce mot.

Nouvelle erreur...; et dont il serait d'autant plus facile de se défendre que les communistes, certainement, ne sauraient faire plus qu'ils ne font pour marquer la différence qui existe, à leurs yeux, entre la science prolétarienne et la science bourgeoise. Ici encore ce qui permet de comprendre l'opposition c'est le rappel de ce que nous venons de dire. La science prolétarienne est éminemment dialectique. Son objet n'est point tant de connaître que de TRANSFORMER. C'est moins l'ÊTRE qui l'intéresse dans ce qu'elle peut découvrir que les forces, l'énergie, les nouvelles possibilités de transformation à mettre au service de la Révolution.


La science prolétarienne, «force motrice de l'histoire»

Rien ne sert de s'en aller dire à un marxiste que la science comme telle, en tant que science même, consiste d'abord à savoir. Distinctions bien connues, vous répondra-t-il; manifestations classiques d'un déplorable esprit métaphysique. Pour le marxiste le fait de savoir ne peut pas être isolé, considéré à part.

«Suivant Staline, écrit M. Raymond Guyot (35), la science ne peut se définir en dehors de son contenu de réalité, de son pouvoir concret de transformation... Or, qu'est-ce que la pratique véritable? C'est l'acte transformateur affrontant la réalité pour y porter la marque de l'homme. La pratique c'est le développement historique et révolutionnaire des forces productives et des rapports sociaux. Il est donc impossible de comprendre aucune forme d'activité humaine sans se référer aux rapports sociaux, aux rapports de classe. Pas plus que l'art, pas plus que la littérature, pas plus que la pédagogie ou le sport, la science n'échappe à cette loi...»


«La science bourgeoise, écrit de son côté M. Gérard Vassails (36), du moment qu'elle s'est saisie de l'expérimentation, s'est persuadée, tout au long de son histoire, qu'elle détenait le monopole de la recherche de la vérité sur la nature; pratique qu'elle conçoit seulement comme technique spécialisée. Au contraire, dans la société socialiste, la pratique est considérée pour ce qu'elle est en réalité: savoir l'activité sociale tout entière - en l'espèce l'édification du socialisme - et la source de tout progrès révolutionnaire en science.»

Formules pleines d'équivoques, encore et toujours, où le sens commun distingue une effarante confusion entre la science elle-même et l'usage qu'on en peut faire, le sens qu'on peut lui donner. Mais, précisément l'essentiel du marxisme est dans la volonté de fondre ainsi les choses, et de refuser les distinctions du sens commun (37).

Ainsi, pour Staline, «la science s'appelle science(!!) parce qu'elle ne reconnaît pas les fétiches (38), parce qu'elle ne craint pas de porter la main sur les choses qui ont fait leur temps...»

On le voit, même en ce domaine, l'évolution, la révolution de tout, la transformation universelle demeurent la seule préoccupation du marxisme. La science n'est point pour le marxisme un moyen de connaître le monde, mais, encore et toujours, de le transformer.

La science pour le marxisme n'est point vérité (au sens ordinaire de ce mot), elle est force (39).

«La science, lisons-nous dans le discours de Engels sur la tombe de Marx, la science était pour lui une force motrice de l'histoire, une force révolutionnaire. Si une découverte nouvelle dans chaque science théorique était capable de le transporter de joie, encore qu'on n'en pût peut-être pas prévoir du tout l'application pratique, comme il se réjouissait plus encore lorsqu'il s'agissait d'une découverte ayant un effet révolutionnaire immédiat sur l'industrie, sur le développement historique en général.»


5. - La morale communiste

«L'histoire est a priori amorale, fait dire M. Arthur Koestler à l'un de ses personnages (40); elle n'a pas de conscience... Vouloir mener l'histoire selon les maximes du catéchisme, c'est laisser les choses en état.»

Après de tels propos, après tout ce qui vient d'être dit sur l'action marxiste, peut-on parler encore de morale communiste? La notion de morale est-elle même concevable en un pareil système?

Si l'on donne à ce mot son sens le plus rudimentaire de détermination d'un comportement humain en fonction d'un but à atteindre (41), l'existence d'une morale marxiste est incontestable.


Lénine s'est chargé de répondre fort explicitement.

«La morale communiste existe-t-elle, s'est-il lui-même demandé (42)? Y a-t-il une moralité communiste? Certes oui. On se représente souvent que nous n'avons pas de morale à nous, et la bourgeoisie nous reproche souvent, à nous communistes, de nier toute morale. C'est là une façon d'escamoter les idées, de jeter de la poudre aux yeux des ouvriers et des paysans.

«Dans quel sens nions-nous la morale, l'éthique? Mais dans le sens prêché par la bourgeoisie qui déduit la moralité des Commandements de Dieu (43). Nous disons naturellement, à ce propos, que nous ne croyons pas en Dieu, et nous savons bien que le clergé, les propriétaires fonciers, la bourgeoisie invoquent la Divinité pour défendre leurs intérêts d'exploiteurs. Ou bien, au lieu de déduire la moralité des commandements de l'éthique, des Commandements de Dieu, ils la déduisent de phrases idéalistes ou semi-idéalistes qui, en fin de compte, ont toujours également la plus grande ressemblance avec les commandements de Dieu (44).

«Nous répudions toute moralité provenant d'une inspiration étrangère à l'humanité, étrangère aux classes sociales. Ce n'est, disons-nous, que mensonges, duperies... Nous disons que notre moralité est entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte de classe du prolétariat (45). Notre moralité se déduit des intérêts de la lutte de classe du prolétariat. C'est pourquoi nous disons: la morale con sidérée en dehors de la société humaine n'existe pas pour nous; c'est un mensonge (46). La morale pour nous est subordonnée aux intérêts de la lutte de classe du prolétariat.» - «Notre devoir est de lui subordonner tous les intérêts. Nous y subordonnons notre morale communiste. Nous disons: est moral ce qui contribue à la destruction de l'ancienne société d'exploiteurs (47).»

«Le seul critère moral que nous reconnaissions, dit encore le personnage de M. Arthur Koestler, est celui de l'utilité sociale (48).»

Une morale adaptée aux conditions changeantes de la Révolution


Rien qui ressemble donc - Lénine est formel - à une morale fondée sur des impératifs stables, principes de vérité et de bien, qui rappelleraient plus ou moins les Commandements de Dieu. Point de condamnation du mensonge, du meurtre ou du vol comme tels. Rien ne peut être dit bon ou mauvais en soi. Selon la préoccupation constante du marxisme, la moralité d'un acte ne peut se concevoir en dehors de la société «humaine»; c'est-à-dire, sans référence à la lutte de classe et au plus grand profit de la Révolution. Quoi d'étonnant, dès lors, à ce que les maximes de l'immoralité la plus scandaleuse soient diffusées par les marxistes, si l'on obtient par là une plus rapide désagrégation de la société bourgeoise? Mais que la licence, le divorce, l'union libre viennent à menacer l'énergie du camp révolutionnaire, les formules rigoristes seront immédiatement remises en honneur.

Ainsi s'explique le revirement de Moscou au sujet de l'éducation sexuelle, de l'avortement ou du divorce.

«Au cours des premières années de l'État Soviétique, écrit, sans la moindre gêne, Guseva, des ennemis du socialisme (49) répandirent la théorie... prétendue révolutionnaire de l'amour libre qui, en réalité, n'avait rien de commun avec la morale communiste... En contraste, la moralité prolétaire reflète les nouveaux rapports qui sont en train de prendre forme dans les milieux ouvriers. Il ne s'agit pas de la disparition de la famille, sous le régime socialiste, comme le prophétisaient les théoriciens bourgeois anarchistes (50), mais de son renforcement et de son perfectionnement sous nulle autre forme que sa forme monogame...

«On ne saurait être d'accord avec le Professeur V. N. Kolbanovsky (qui déclare que): «Le droit de divorcer existe dans des cas exceptionnels, psychologiques ou autres.» «Faire dépendre le sort et le bien-être de la famille soviétique d'éléments purement biologiques... c'est exclure l'influence qu'ont sur l'amour les éléments que sont les idées, l'intimité spirituelle (sic) entre mari et femme et le sentiment de leur devoir social.»

Et Guseva, étudiant ensuite les seules raisons qui lui paraissent justifier le divorce, ne semble retenir que le cas où l'un des conjoints «trahirait sa patrie» (sic).

Un autre «moraliste» russe A.S. Makarenko n'est pas moins explicite: «La Révolution socialiste d'octobre a supprimé l'inégalité politique, légale et économique des femmes mais certaines gens ont interprété de façon erronée cette liberté et ont décidé que la vie sexuelle humaine pouvait comporter une succession déréglée de maris ou d'épouses... Ces pratiques amènent nécessairement un relâchement et une vulgarisation des rapports qui sont indignes de l'être humain...» Et Makarenko avance les vrais raisons du marxisme:

«Dans sa vie sexuelle comme dans sa vie en général, l'homme ne saurait oublier qu'il est membre de la société, citoyen de son pays, qu'il PARTICIPE À NOTRE CONSTRUCTION SOCIALISTE... L'homme soviétique ne saurait ignorer les exigences de la morale sociale, qui... dans le domaine sexuel, imposent des obligations précises à tous les citoyens... N'ÊTRE HEUREUX OUE DANS L'AMOUR FAMILIAL et ne chercher les joies de la vie sexuelle que dans le mariage (51).»

Quand on se souvient des anciennes attaques communistes contre la famille (52), ces lignes ont de quoi surprendre. Ne serions-nous pas en présence d'une authentique conversion? En aucune façon! Et c'est Makarenko qui se charge de donner lui-même la raison de tout cela:

«Comprenez-moi bien, écrit-il, je suis partisan d'une certaine mesure de militarisation. Non le pas de l'oie! MAIS L'ÉCONOMIE DES FORCES! (53).»

Et, par cet aveu même, on peut voir que nous sommes toujours en plein marxisme!

Ce dernier ne croyant spécifiquement à la vérité de rien et n'ayant pour but que de provoquer une synchronisation de forces toujours plus fortes au service de la Révolution, sa morale ne consiste pas à respecter telles maximes, tels principes dits moraux une fois pour toutes. Tout peut être pris et laissé tour à tour (54). L'amour de la patrie sera tantôt bafoué, tantôt exalté, selon que la cause révolutionnaire pourra en tirer profit en tels lieu et moment donnés. Et de même en ce qui concerne l'amour libre, la frénésie sexuelle, le divorce, l'avortement. Forces destructrices, le marxisme les favorisera pour mieux ébranler l'ordre traditionnel; mais il saura les combattre tout aussi bien, par souci du plus grand rendement ou de «l'économie des forces» de la société révolutionnaire. Dans la mesure où la solidité familiale pourra servir cette dernière, elle sera dite bonne; mais que la tendance de la famille à la stabilité vienne freiner l'action marxiste, elle sera combattue aussitôt, et démantelée, disloquée dans la proportion convenable.

«Autant que... pas plus que» saura dire le moraliste marxiste à la façon de saint Ignace (55); mais un «autant que ... pas plus que», au service de la Révolution, non au service de Dieu et dans le respect de son ordre. L'inversion est radicale.

La haine, la terreur, les massacres, les tortures, tout pourra et devra servir (56). Ainsi le veut la morale marxiste. Les crimes, dès lors, pourront s'accumuler sans troubler le moins du monde la conscience du militant révolutionnaire.

Rigueur de la morale révolutionnaire et souci d'autocritique.

En un sens, pourtant, ce dernier n'a pas la conscience élastique. Il s'examine, et sait se reprocher ses fautes, s'accuser même publiquement (57), se soumettre à la critique et pratiquer l'auto-critique. Voire, il cherche à éveiller autour de lui le même état d'esprit, à aviver le regret des fautes commises contre la Révolution avec le désir de les réparer. Autrement dit, il est vraiment un homme à préoccupations morales. Les plus ardents agitateurs marxistes peuvent même donner une impression de pureté, d'un certain «angélisme» (et cette impression en a trompé beaucoup) mais cet angélisme rend d'autant plus redoutable leur influence subversive, car les démons aussi sont des anges!

II suffit de savoir seulement que le vrai marxiste ne conçoit pas ses fautes en fonction du Décalogue, ou de quelque chose d'approchant, mais en fonction du plus grand service, du plus grand triomphe de la Révolution (58).


Peu lui importe dès lors le sang versé (59).

Sa morale est la morale de la subversion universelle.

Elle est sans pitié comme la progression de l'Histoire.

6. - L'action tactique (60)

Cette morale éminemment guerrière, tout ordonnée au plus grand succès de la Révolution, détermine la tactique du marxisme et, même, se confond avec elle. À bien l'observer, en effet, le péché, pour le marxisme, est essentiellement (et ne peut qu'être) une faute contre le mouvement révolutionnaire, faute tactique par conséquent.


Les fautes tactiques

Et si la passivité, le conservatisme, la tiédeur, l'ignorance, l'indifférence, en bref, tout ce qui risque de freiner plus ou moins directement la marche de la Révolution représentent des fautes graves contre cette dernière, l'imprudence, l'irréflexion, l'intempestivité, l'inconsidération, l'élan anarchique, pour animés qu'ils soient par un zèle révolutionnaire ardent, doivent être considérés comme des péchés non moins graves, puisqu'ils risquent de tout compromettre (61).

«Les camarades atteints d'impétuosité révolutionnaire, écrit Mao-Tsé-toung, commettent une faute. » (62)

D'où l'extrême sévérité des marxistes contre des attitudes ou formules d'action que des «bourgeois» tendraient à considérer cependant comme authentiquement révolutionnaires. D'où le chapitre très symptomatique de Mao- Tsé-toung (63) sur «l'élimination des conceptions erronées»: l'uitra-démocratisme (64), l'égalitarisme absolu (65), le subjectivisme (66), l'individualisme (67), la mentalité de hors-la-loi (68), l'aventurisme ou putschisme (69), etc... Or, pour combattre ces erreurs, ces fautes, le premier remède, sinon le remède universel proposé par Mao-Tsé-toung est dans le renforcement de la formation idéologique (ce que nous appellerions la formation doctrinale). «Il faut, écrit le chef communiste chinois, montrer l'inconsistance théorique de l'ultra-démocratisme et liquider radicalement de telles conceptions (70). Il faut expliquer que l'égalitarisme absolu n'est qu'une illusion... et qu'en outre il ne peut y avoir d'égalitarisme absolu, non seulement lorsque le capitalisme n'a pas encore été détruit, mais même plus tard, sous le socialisme (71). L'essentiel c'est d'éduquer les membres du Parti de telle sorte que leurs conceptions et toute la vie intérieure du Parti prenne une orientation politique scientifique... Pour cela il faut: éduquer les membres du Parti pour qu'ils apprennent à analyser la situation politique et à apprécier les forces des classes en lutte selon la méthode marxiste-léniniste, et renoncent aux analyses et aux appréciations subjectivistes... (72). Il convient au premier chef de renforcer le travail éducatif afin de triompher de l'individualisme sur le plan idéologique... (73). Liquider la mentalité de hors-la-loi en renforçant le travail éducatif et la critique des conceptions erronée ... (74). Liquider le putschisme grâce à la lutte idéologique... (75).»

Si l'on comprend, en effet, que la morale marxiste a pour but le service toujours plus efficace de la Révolution, il apparaît clairement que le devoir de se former pour être plus habile est la première obligation de tout bon révolutionnaire. Devoir de formation idéologique donc, non point tant pour connaître (dogmatiquement) une prétendue vérité marxiste, mais pour AGIR, ou tout au moins, pour comprendre le jeu, voire les perpétuelles contradictions de l'action communiste.


Premier stade tactique: pourrir et berner l’adversaire

Tactique tantôt violente (76) et tantôt pacifique, révolutionnaire toujours.

«La guerre à outrance entre le communisme et le capitalisme est inévitable. Aujourd'hui, évidemment, nous ne sommes pas assez forts pour attaquer. Notre moment viendra dans vingt ou trente ans. Pour vaincre il nous faudra un élément de surprise. La bourgeoisie devra être endormie. Nous commencerons donc par lancer le plus spectaculaire des mouvements de paix qui ait jamais existé. Il y aura des propositions électrisantes et des concessions extraordinaires. Les pays capitalistes stupides et décadents coopéreront avec joie à leur propre destruction. Ils sauteront sur la nouvelle occasion d'amitié. Aussitôt que leur garde sera découverte nous les écraserons de notre poing fermé (77).»

«Nous ne pouvons oublier, déclarait Staline au 15e Congrès du parti bolchevik (78) ce qu'a dit Lénine au sujet de la construction du socialisme dans notre pays, laquelle dépend en grande partie de la mesure où nous réussirons à retarder la guerre avec les pays capitalistes. CETTE GUERRE EST INÉVITABLE, mais elle peut être RETARDÉE JUSQU'À CE QUE LA RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE MÛRISSE en Europe où jusqu'à ce que DES RÉVOLUTIONS COLONIALES éclatent... Voilà pourquoi le maintien des relations pacifiques avec les pays capitalistes est une tâche obligatoire pour nous.»

«Tous les détours, tous les zigzags de notre politique n'ont qu'un seul but: la révolution mondiale (79).»

Étant ainsi fixés sur la nature de l'action communiste, il nous reste à examiner son développement historique.

Tout ce qui peut constituer en face de la Révolution un élément de permanence, de stabilité sociale sera vigoureusement attaqué, non pas à la manière d'émeutes anarchistes mais selon un plan déterminé et une discipline inflexible.

«La révolution communiste, lit-on dans le «Manifeste» (80) est la rupture la plus radicale avec le régime traditionnel de propriété; rien d'étonnant, si, dans le cours de son développement, elle rompt de la façon la plus radicale avec les idées traditionnelles... Cela ne pourra, naturellement, se faire, au début que par une VIOLATION DESPOTIQUE du droit de propriété et du régime bourgeois de production...»

Le prolétariat constitué en classe doit détruire «par la VIOLENCE l'ancien régime de production».

L'État lui-même sera pris d'assaut. Engels faisait à ce propos l'éloge des Blanquistes sous la Commune (81).

«Ils partaient de ce point de vue qu'un nombre relativement petit d'hommes résolus et bien organisés était capable, à un moment donné propice, non seulement de s'emparer du gouvernail de l'Etat, mais aussi, en déployant une grande énergie sans égard à rien, de s'y maintenir assez longtemps pour réussir à entraîner la masse du peuple dans la révolution et à la grouper autour de la petite troupe directrice. Pour cela, il fallait, avant toute autre chose, la plus sévère centralisation dictatoriale de tout le pouvoir dans la main du nouveau gouvernement révolutionnaire.»

Dans cette première phase, nous l'avons vu, l'action révolutionnaire s'en prendra surtout aux forces de résistance de l'ancienne société: la propriété (82), l'armée, l'attachement à la patrie, la famille, la religion... Mais cela, sans parti-pris dogmatique, non pour affirmer une «vérité» contraire à celle que ces institutions pourraient défendre, mais pour désagréger le dispositif adverse, afin que la Révolution puisse passer (83).

Le marxisme saura donc mettre au point des formules de désagrégation adaptées à chaque peuple, à chaque race, à chaque religion (84). Et il est d'autant plus habile pour y parvenir qu'il n'a, lui, aucune proposition, aucune vérité à défendre ou à proposer. Bien au contraire, spécialiste en appréciation de forces, il saura montrer un réalisme extraordinaire dans sa façon d'utiliser ou de manœuvrer celles-ci. La moindre faille sera mise à profit, les discordes cultivées, les contradictions développées avec une sûreté dialectique infernale (85).

Le marxisme se donnera même une apparence «spiritualiste» dans certaines conférences des peuples afro-asiatiques. Les déchaînements contre le matérialisme des «occidentaux», voire contre le communisme ne lui inspirent nulle crainte! Il sait qu'il peut créer facilement un climat révolutionnaire en attisant les vieilles haines. Déjà en 1926 le «Japan Adviser» écrivait après la 1re Conférence de la Ligue panasiatique tenue à Nagasaki: «le sentiment antioccidental fut le seul lien qui unit les membres de la conférence». Et après un voyage en Asie, M. Sylvain Lévi notait en 1924: «On salue et on aime les Soviets, moins pour ce qu'ils apportent que pour ce qu'il détruisent. On voit en eux le libérateur qui humiliera, qui écrasera les maîtres dont l'oppression a si longtemps fait souffrir... (86).»

Ne retrouve-t-on pas invariablement le même thème de l'action marxiste: susciter et exacerber tout ce qui peut produire des contradictions, des luttes, un climat permanent de Révolution?


Second stade: utiliser les forces du vaincu au service de la Révolution

Mais dès que la Révolution a pris solidement racine dans un État, un pays quelconque, l'intérêt même de l'action révolutionnaire exigeant qu'ils deviennent le plus fort possible, tout sera mis en œuvre pour que, non seulement les éléments de faiblesse soient supprimés, mais pour faire contribuer à la puissance conquérante de la Révolution des forces que le communisme avait dû combattre jusque-là.

C'est ainsi qu'il peut être amené à «tendre la main» à ce qu'il avait d'abord rejeté, non pour l'utiliser en tant que tel, mais pour récupérer, s'il est possible, les forces qui s'y trouvent au profit de la Révolution (87).

Même attitude en ce qui concerne l'armée. Combattue et bafouée tant qu'elle défendait l'ordre ancien, l'armée sera exaltée, respectée, dès qu'elle apparaîtra comme un des plus sûrs instruments de puissance de la Révolution (88).



Et la patrie à son tour sera l'objet d'une double attitude. Objet de mépris et de haine tant que son amour risque de favoriser le respect du passé. Au contraire, le patriotisme sera méthodiquement entretenu dès qu'il pourra favoriser l'action révolutionnaire: quand une patrie, par exemple, suffisamment gagnée à l'idéologie nouvelle, met un point d'honneur à la servir comme son propre bien (89).

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Notes:


(*) Nous continuons la numérotation des différentes «Illustrations du Marxisme-Léninisme» pour faciliter l'enchaînement logique des chapitres de cette IIIe Partie.


(35) Les Éditions de la Nouvelle Critique. Science bourgeoise et science prolétarienne, p. 44. M. Guyot est un membre très en vue du P.C.

(36) Opus cit., Science bourgeoise et science prolétarienne, p. 32.

(37) Cf. ce texte où les confusions signalées apparaissent nettement: «Le réalisme (!) de la méthode scientifique nous oblige à envisager le monde comme un ensemble de forces», écrit M. Roger Garaudy (Le Matérialisme historique, p. 23, édit. Sociales, Paris, 1946) «L'ÉTUDE DE LEURS RAPPORTS, de leurs équilibres, de leurs évolutions et de leurs résultantes est un problème SCIENTIFIQUE.

«Il nous faut donc (!) ORGANISER CES FORCES et c'est en organisant les masses, en faisant pénétrer en elles la conscience de leur force (et c'est là notre TRAVAIL PRATIQUE) que l'humanité sortira du règne de la fatalité pour entrer dans celui de la liberté (Engels).»

(38) Entendez: tout ce qui peut avoir un certaine caractère de permanence, de vérité stable.

(39) Il en est de même pour la littérature: «Le peuple attend des livres, des pièces, des films susceptibles évidemment de l'enrichir dans ses connaissances de la vie, mais susceptibles SURTOUT D'AIDER LE PARTI dans sa lutte grandiose pour un monde communiste.» (Literatournaïa Gazeta, 25 décembre 1948).

- De même encore en géographie:

«En éditant des livres sur des pays de démocratie populaire, l'édition géographique ne doit prêter attention qu'à ce côté de la question». (Pravda, 12 janvier 1949).

(40) Le Zéro et l'Infini, p. 173, Calmann-Lévy, édit.

(41) Exemple: pour un catholique la fin de l'homme c'est Dieu. Comme le dit saint Ignace, dans le «Principe et Fondement» de ses Exercices Spirituels: «L'homme a été créé pour louer, honorer et servir Dieu...» La morale chrétienne est déterminée par là-même. Le mal, le péché, dès lors consisteront à se détourner de Dieu, pour lui préférer la créature. La Volonté explicite de Dieu (Décalogue, Révélation, Dogme) et sa volonté implicite (ordre naturel voulu par Lui) apparaîtront comme les normes de cette morale.

(42) Cité par M. Léon de Poncins: L'Énigme Communiste, p. 56.
Édit. Beauchesne.

(43) Rien de plus anti-marxiste, en effet, que le Décalogue, autant dire un impératif moral, immuable, stable, s'imposant comme la volonté d'un Être Suprême, principe et fin de l'univers, et la Vérité même.


(44) Il est symptomatique de comparer l'identité quasi parfaite de la morale ainsi définie par Lénine et de cette «morale nouvelle» condamnée il y a quelques années par Pie XII (18 avril 1952). «Le signe distinctif de cette morale, écrivait le Pape, est qu'elle ne se base point sur les lois morales universelles, comme par exemple les Dix Commandements, mais sur les conditions ou circonstances réelles et concrètes dans lesquelles on doit agir».

(45) C'est dans ce sens, par exemple, que Lénine s'exprime dans son ouvrage: Maladie infantile du Communisme, écrit en 1920: «Il faut être prêt à tous les sacrifices, user même, s'il le faut, de tous les stratagèmes de ruse, de méthodes illégales, être décidés à se taire, à celer la vérité, à seules fins de pénétrer dans les syndicats, d'y rester et d'y accomplir, malgré tout, la tâche communiste... Se lier d'avance, dire tout haut à un ennemi qui, pour l'instant, est mieux armé que nous, si nous allons lui faire la guerre et à quel moment, c'est bêtise et non ardeur révolutionnaire. Accepter le combat lorsqu'il n'est manifestement avantageux qu'à l'ennemi c'est un crime, et ceux qui ne savent pas procéder par «louvoiement», accords et compromis pour éviter un combat reconnu désavantageux sont de pitoyables dirigeants politiques de la classe révolutionnaire».

(46) Cité par M. L. de Poncins, opus cit., p. 50.

(47) Lénine, Œuvres Complètes, T. XXV, pp. 465-466, Discours à la jeunesse.

(48) Le Zéro et l'Infini, p. 191, Calmann-Lévy, édit.

(49) En réalité, ces prétendus «ennemis du socialisme» comptèrent parmi eux les chefs les plus authentiques du marxisme.

(50) Trotsky, «liquidé» il est vrai, se plaisait à reconnaître que «la Révolution d'octobre tint honnêtement parole à l'égard de la femme... Elle tenta héroïquement de détruire l'ancien foyer familial croupissant, institution archaïque, routinière, étouffante...»

(51) Si nous nous sommes permis de citer aussi longuement des textes de cet ordre, c'est parce qu'il nous a été donné de lire une étude où l'on se proposait de déterminer les fondements idéologiques d'un anti-communisme qui ne serait pas négatif. Après avoir compris, semble-t-il, que le Décalogue pouvait être ce fondement, l'auteur jugeait bon, néanmoins, d'écarter les sixième et neuvième commandements comme intéressant moins la morale sociale... Les trois premiers commandements ayant déjà été supprimés comme se rapportant à Dieu, le Décalogue se trouvait donc réduit de moitié quant au nombre même de ses articles, et à rien si l'on veut se donner la peine de réfléchir à ce qui fonde sa vertu. La force du Décalogue, en effet, ce qui l'impose, ce qui fait qu'on doit lui obéir, c'est qu'il est un ordre de Celui qui a par excellence le droit de commander et d'imposer: Dieu. Parce que Dieu seul peut être considéré comme maître de tout et de tous. Privé, au contraire, des trois premiers commandements, le Décalogue ne devient plus qu'une prescription, une recommandation d'hygiène qu'on appliquera certes avec profit, mais que rien ne pourra imposer raisonnablement à celui qui n'en voudra pas. Qui niera, dès lors, que les communistes soient plus cohérents dans leur système? Et qui s'étonnera qu'ils puissent taxer de mauvaise foi les tenants de la morale bourgeoise quand il est manifeste que nous laissons et que nous prenons ce que nous voulons dans un texte qui devrait nous apparaître rigoureusement sacré: le Décalogue. Pouvons-nous encore parler de morale quand nous nous permettons aussi effrontément de réduire à cinq les dix commandements? N'estil point navrant de penser que (pour le quart d'heure, s'entend) les communistes ont, plus que nous, un sens aigu de l'importance sociale de la monogamie, de l'indissolubilité du mariage et du contrôle de soi en matière sexuelle?

(52) Marx ne reprochait pas au libéralisme économique d'avoir détruit la famille, envoyé la femme à l'usine, dégradé la moralité conjugale, arraché les enfants du foyer et multiplié les taudis. Il voyait, au contraire, dans ce libéralisme odieux une étape NÉCESSAIRE dans la destruction de la famille traditionnelle et l'évolution vers le type marxiste de l'éducation et de la société conjugale.

Lénine cite dans Karl Marx et sa doctrine (Édit. Sociales, Paris, 1946, p. 29-30) les passages cyniques du Capital (vol. III, p. 178, N.R.) que voici:

«Il n'en reste pas moins, conclut Marx après avoir critiqué l'esclavage libéral, que la grande industrie, par le RÔLE DÉCISIF QU'ELLE ASSIGNE AUX FEMMES, aux adolescents et AUX ENFANTS des deux sexes, dans les procès»... (mot du jargon marxiste, en français: dans les systèmes) «de production socialement organisés et EN DEHORS DE LA SPHÈRE FAMILIALE, pose une NOUVELLE BASE ÉCONOMIQUE POUR UNE FORME SUPÉRIEURE DE LA FAMILLE ET LES RELATIONS ENTRE LES DEUX SEXES. Il serait naturellement aussi absurde de considérer comme absolue la forme germano-chrétienne de la famille que les anciennes formes romaine, grecque, orientale, qui forment d'ailleurs une série de développements historiques successifs... C'est du système de fabrique qu'est sorti LE GERME DE L'ÉDUCATION DE L'AVENIR, qui unira, pour tous les enfants au-dessus d'un certain âge, le travail productif à l'instruction et à la gymnastique...» etc.

«Ce n'est pas l'ancienne famille avec son souci exclusif des siens, qui va nous former l'homme de la société de demain; ce qui va nous former l'homme nouveau de la société nouvelle, ce sont les œuvres socialistes telles que terrains de jeu, jardins, foyers et tant d'autres encore, où l'enfant passera la plus grande partie de sa journée et où de sages éducateurs feront de lui un communiste conscient de la grandeur de cette devise sacrée: solidarité, camaraderie, entraide, dévouement à la collectivité.» (Kollontai, La famille et l'État communiste, p. 7.)

«L'indissolubilité du mariage est en partie conséquente de la situation économique dans laquelle est née la monogamie, en partie conséquente de l'exagération religieuse... Une disparition de l'inclination ou son éviction par un amour passionnel nouveau fait de la séparation un bienfait pour les deux parties comme pour la société.» (Engels, L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, 1884. Trad. Bracke-Desrousseaux. Edit. Costes, 1946, p. 91.)

On voit l'erreur grossière de ceux qui prétendent encore que le marxisme a combattu la misère des familles ouvrières, au siècle dernier, et montré le chemin à une Église liée à la bourgeoisie! Il faut n'avoir rien compris à la «morale de l'action» pour raisonner ainsi. Si même l'Église avait attendu Marx pour dénoncer les abus du libéralisme (ce qui est faux historiquement) elle n'aurait eu qu'à rappeler ses principes les plus constants pour lui opposer la doctrine et la pratique de la justice et de la charité.

Marx au contraire, à moins de renier sa dialectique, ne pouvait critiquer le libéralisme et lui opposer une conception de l'homme plus juste. Il ne pouvait voir en lui qu'un ferment de révolution à exploiter.

(53) Il n'est pas jusqu'au principe d'hérédité et de solidarité familiale, si combattus dans les sociétés «bourgeoises» qui ne soient reconnus quand la Révolution est en place, et pour assurer sa puissance.

Le décret du 6 juin 1934 (article 2) prévoit les peines dont est passible la famille d'un militaire qui fuit à l'étranger.

«Les membres majeurs de la famille du militaire déserteur sont punis de 5 à 10 ans de prison s'ils ont connu la désertion sans la dénoncer, et de 5 ans de déportation en Sibérie s'ils n'en ont pas eu connaissance».

(54) On remarquera combien les systèmes «modernes» ont préparé cette mentalité.

Entre l'individualisme de Hume, dont on va voir un spécimen, et l'utilité de la «classe» ou de la Révolution, il n'y a qu'une question de degré. Dans l'un et l'autre cas on trouve le refus d'une morale fondée sur des principes immuables et transcendants.

«Cette faculté qui nous permet de discerner le vrai du faux, lit-on dans une note des deux premières éditions de l' « Enquête sur l'Entendement Humain» (Aubier, traduction 1947, p. 49, note 1), cette faculté et celle qui nous fait percevoir le vice et la vertu ont longtemps été confondues l'une avec l'autre et l'on supposait que toute la morale était construite sur des relations éternelles et immuables qui, pour tout esprit intelligent, étaient aussi invariables que toute proposition sur la quantité et le nombre.

«Mais récemment un philosophe, M. Hutcheson, nous a enseigné, par les arguments les plus convaincants (!) que LA MORALE N'EST RIEN DANS LA NATURE DES CHOSES et qu'elle est entièrement RELATIVE au goût mental de chaque être particulier... de la même manière que les distinctions du doux et de l'amer, du brûlant et du froid naissent du sentiment particulier de chaque sens ou de chaque organe».

(55) Cf. ses Exercices Spirituels: Principe et Fondement: «L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu... Et les autres choses qui sont sur la terre sont créées pour l'aider dans la poursuite de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. D'où il suit qu'il doit en faire usage AUTANT qu'elles le conduisent vers sa fin et qu'il doit s'en dégager AUTANT qu'elles l'en détournent...»

(56) Cf. Engels: «La révolution est un acte par lequel une partie de la population impose sa volonté à coups de fusils, de baïonnettes, de canons, c'est-à-dire par des moyens extrêmement autoritaires. Le parti qui a vaincu est dans la nécessilé de maintenir sa domination au moyen de la terreur».

- Cf. Lénine: Les leçons de l'insurrection de Moscou: «Un gouvernement socialiste ne peut se mettre à la tête d'un pays s'il n'existe pas de conditions suffisantes pour qu'il puisse prendre aussitôt les mesures voulues et ÉPOUVANTER la bourgeoisie de façon à gagner les premières conditions d'une politique conséquente». «Dissimuler aux masses, écrit encore Lénine, la nécessité d'une guerre acharnée, sanglante et exterminatrice, comme but immédiat de l'attaque future, c'est se tromper soi-même et tromper le peuple». (Cité par M. L. de Poncins, L'énigme communiste, p. 51. Ed. Beauchesnes.)

(57) Il est bien évident que nous ne parlons pas ici de ces autoaccusations spectaculaires, dont les célèbres procès d'épuration de l'U.R.S.S. ont donné maintes fois l'exemple; nous parlons des séances d'auto-critique ordinaire, sans qu'il soit possible d'invoquer la moindre contrainte policière, torture, etc.

(58) Alors que la conscience, par exemple, condamne Buchenvald dans l'absolu, comme contraire à l'ordre naturel et divin, la conscience marxiste condamne Buchenvald comme un «crime nazi». Elle ne condamnerait pas un Buchenvald qui serait instrument de terreur pour le plus grand succès de la dictature du prolétariat. Et, de même, les communistes se font gloire de ne jamais voler. Mais ils n'auront aucun scrupule à confisquer légalement les biens des ennemis du peuple... , etc. Cf. également ces réflexions caractéristiques de Mao-Tsé-toung: «Toutes les guerres de l'histoire se divisent en tout et pour tout en deux catégories: les guerres justes et les guerres injustes. Nous sommes pour les guerres justes et contre les guerres injustes. Toutes les guerres contre-révolutionnaires sont injustes, toutes les guerres révolutionnaires sont justes». (Œuvres choisies, T. I, p. 215, 216.)

- «Nous ne sommes pas contre toutes les guerres... Nous sommes pour la guerre libératrice, anti-impérialiste, RÉVOLUTIONNAIRE bien qu'une telle guerre, comme on le sait, loin d'ignorer les «horribles effusions de sang» les connaisse même en abondance.» (Lettre de Staline à Maxime Gorki, 17 janvier 1930.)

- «Si la guerre est menée par le prolétariat après qu'il a vaincu la bourgeoisie dans son propre pays, si elle a pour OBJET DE RENFORCER ET DE DÉVELOPPER LE SOCIALISME, cette guerre est légitime et sainte (!)». (Lénine, mai 1918.)

(59) Cf. George Sand, citée par Marx en réponse à Proudhon (Discours de M. Thorez du 22-1-35): «Le combat ou la mort, la lutte sanguinaire ou le néant. C'est ainsi que la question est invinciblement posée».

- «Il faut exciter les nations bourgeoises à s'entre-dévorer: Y a-t-il des antagonismes profonds à exploiter dans le monde capitaliste contemporain? Le premier qui nous touche le plus est celui du Japon et de l'Amérique. La guerre se prépare entre ces deux pays. Mais pouvons-nous, en l'occurrence, rester indifférents et nous borner à dire que nous ferons de la propagande du communisme dans ces pays? Ce serait juste, mais insuffisant. La politique communiste a pour tâche pratique d'exploiter ce conflit en excitant les ennemis l'un contre l'autre ». Lénine, Œuvres complètes, T. XXV, 592.

- «Il faut transformer la guerre étrangère en guerre civile. La transformation de la guerre des peuples en guerre civile est l'unique travail socialiste à l'époque du choc impérialiste entre les bourgeoisies armées de toutes les nations. À bas les niaiseries sentimentales et les soupirs imbéciles après la paix à tout prix! Levons l'étendard de la guerre civile». Lénine, édit. russe XIII, p. 12. (Pages choisies, RE., p. 26.)

- «Le seul fait que nous sommes prêts à utiliser les contradictions internationales, pour obtenir dans tous les cas la victoire des armées de l'U.R.S.S., signifie que nous envisageons avec beaucoup de calme, la possibilité de la guerre». (Déclaration de M. Thorez, 17-10-35.)

(60) Sur la tactique révolutionnaire marxiste cf. DOCUMENT III du présent ouvrage.

(61) André Marty se rendit tristement célèbre pendant la guerre d'Espagne en «liquidant» la «Confédération Nationale du Travail» (d'esprit anarchiste) et la «Fédération anarchiste ibérique», dans ce pays.

Les bolcheviks avaient fait de même en 1917 avec les anarchistes russes.

(62) Opus cit., p. 138.

(63) Œuvres choisies, T. l, p. 122 à 135. On ne peut lire ce chapitre sans ironie. Ce qu'il dénonce n'est-il pas en effet ce que dénoncent aussi maints contre-révolutionnaires? Faut-il en conclure que l'expérience ayant instruit Mao-Tsé-toung, ce dernier est à deux doigts de se convertir? Voilà bien l'erreur... On oublie que le marxisme étant essentiellement anti-dogmatique ne CROIT pas plus à une VÉRITÉ révolutionnaire qu'à une VÉRITÉ contre-révolutionnaire. Pour le marxisme, la Révolution n'est pas quelque chose qui se professe à coups de citations de Marx, comme disait Liou-Chao-tchi; pour lui la Révolution se fait et est à faire, et s'il apparaît que telles propositions réputées révolutionnaires risquent d'entraver en telles circonstances la marche de la Révolution, ces propositions révolutionnaires devront être combattues et auront à céder le pas DEVANT LA PRATIQUE RÉVOLUTIONNAIRE, seule loi du marxisme.


(64) Faute de ceux qui tendaient à «réclamer à tort et à travers la réalisation dans l'Armée rouge de ce qu'on appelle le centralisme démocratique allant de bas en haut, pour qu'on examine d'abord les questions en bas et qu'on prenne seulement ensuite les décisions en haut... (D'où) la répugnance avec laquelle on exécute les décisions du Parti». Mao-Tsé-toung, opus cit., p. 126.

(65) «À un certain moment, les tendances au nivellement ont été très répandues dans l'armée russe... Si un officier va à cheval certains ne se rendent pas compte que cela lui est nécessaire pour l'accomplissement de sa tâche et ils ne voient dans la chose qu'une marque d'inégalité... Au ravitaillement ils exigent des parts rigoureusement égales, sans tenir compte du fait que certains se trouvent dans des conditions particulières...», etc. ibidem, p. 120.

(66) «Certains membres du parti sont fortement atteints de subjectivisme. Cela les empêche fort d'apprécier exactement la situation, et de diriger leur travail... le subjectivisme aboutit inévitablement soit à l'opportunisme, soit au putschisme. Les critiques subjectivistes dans le Parti, les vains bavardages, les mauvais tours qu'on se joue les uns aux autres, tout cela aboutit à des chamailleries sans principes, à l'effondrement des organisations du Parti». Ibidem, p. 130.

(67) «Les tendances individualistes se manifestent de la manière suivante: l'esprit vindicatif, l'esprit de groupe, l'esprit mercenaire, le goût des plaisirs, la passivité et le tire-au-flanc ... ibid, p. 131, 132.

(68) «Cette mentalité se manifeste: 1. - par la tendance à étendre notre influence politique, non pas grâce à un travail obstiné pour créer des bases révolutionnaires, mais uniquement par des actions de partisans; 2. - par la tendance à accroître les effectifs de l'Armée rouge... en recrutant n'importe qui; 3. - dans la répugnance à mener de rudes combats et dans la tendance à arriver le plus vite possible dans les grandes villes pour pouvoir y ripailler à plaisir.»

(69) Les tendances putschistes se «manifestent: par des actions irréfléchies, entreprises sans tenir compte des conditions objectives et subjectives...», ibidem, p. 135.

(70) Ibidem, p. 126.

(71) Ibidem, p. 129.

(72) Ibidem, p. 130.

(73) Ibidem, p. 132.

(74) Ibidem, p. 134.

(75) Ibidem, p. 135.

(76) «La violence joue un rôle dans l'histoire, un rôle révolutionnaire; elle est, suivant le mot de Marx, l'accoucheuse de toute vieille société grosse d'une société nouvelle, l'instrument à l'aide duquel le mouvement social se fait place et brise les forces politiques mortes ou figées.» (Engels, P.B.L. 7, p. 23). Cf. Lénine: «la dictature du prolétariat est une lutte opiniâtre, sanglante et non-sanglante, violente et pacifique, militaire et économique, pédagogique et administrative contre les forces et les traditions de la vieille société.»

(77) Dimitri Z. Manuilsky, président du Conseil de Sécurité de l'O.N.U. en 1949, dans une conférence à l'École Lénine de Guerre Politique (1931). Cf. également Lénine: «La bourgeoisie ne voit qu'un seul aspect ou presque du bolchevisme: l'in surrection, la violence, la terreur; elle s'efforce dès lors de se préparer de ce côté à la résistance et à la riposte. Il est possible qu'elle y réussisse dans certains cas, dans certains pays, pour un laps de temps plus ou moins court; il faut tenir compte de cette éventualité et ne la point redouter. Mais le communisme pousse littéralement par tous les pores de la vie sociale, ses bourgeons existent partout, la «contagion » a pénétré dans l'organisme, s'y est implantée solidement et l'a envahi tout entier. Que l'on ferme avec un soin particulier une des issues, la contagion trouvera toujours une autre issue, parfois la plus inattendue...» (La maladie infantile du communisme).

(78) 2 décembre 1927.

(79) Rapport du VlIe Congrès mondial du Komintern (2 août 1933).

(80) Marx-Engels: Manifeste du parti communiste, 1848, Édit du Centenaire, Paris, 1948.

(81) 1891: La guerre civile en France.

(82) La propriété notamment sera considérée comme une abomination, parce qu'elle est un facteur de durée, de stabilité, d'enracinement. «Elle empêche les hommes, note fort bien M. Jean Daujat, d'être des prolétaires entièrement disponibles pour l'action révolutionnaire... On s'étonne parfois de voir les marxistes favoriser le développement de la grosse concentration anonyme et capitaliste et défavoriser la petite propriété personnelle, paysanne ou artisanale. Cet étonnement montre qu'on n'a rien compris au marxisme et qu'on se le figure comme la défense des «petits» contre les «gros»... Les petits propriétaires, les petits patrons ne sont pas des prolétaires, ils constituent quelque chose d'établi dont le grand nombre serait un obstacle à l'action révolutionnaire. Le grand nombre des petits propriétaires satisfaits rendrait impossible l'appropriation collective de tous les biens à la collectivité prolétarienne. Le marxisme ira donc dans le sens d'une prolétarisation croissante. Il faut pour cela que toute la propriété soit de plus en plus concentrée aux mains de quelques-uns... On nationalise les usines Renault, on ne nationalise pas un garage ou un mécanicien de village. Le marxisme se doit donc de combattre particulièrement tout ce qui maintiendrait la petite propriété personnelle et le petit patronat...»

(83) Cf. Lénine: «Dans cinquante ans, les armées n'auront plus grand sens, car nous aurons suffisamment pourri nos ennemis avant que le conflit n'éclate pour que l'appareil militaire dont ils disposent ne puisse être utilisé à l'heure du besoin.»

(84) C'est en pareille matière que la distinction que nous tendons à faire entre le marxisme et le communisme apparaît plus utile... Soit, par exemple, l'opposition bourgeoisie-prolétariat. Combien pensent qu'elle constitue «l'essentiel« » du marxisme, sous prétexte qu'elle sert de fond à toute la propagande communiste... En réalité, bien loin d'être «essentielle» au marxisme, une telle opposition n'est qu'une forme de l'action marxiste dans les pays industriels... Dans les pays primitifs, au contraire (colonies ou autres), l'action marxiste cherchera et saura provoquer d'autres luttes, d'autres oppositions. C'est ainsi qu'elle excitera, ou éveillera même les nationalismes des peuples de couleur pour les lancer contre les «colonialistes», etc. Partout le marxisme cherche à introduire la contradiction. Voilà ce qui le constitue en propre. C'est là l'essentiel!... Le conflit «bourgeoisie-prolétariat», qui pour beaucoup représente le tout du communisme, n'est donc qu'une manifestation particulière du marxisme, bien loin de le constituer en propre... En conséquence, puérilité de ceux qui croient suffisant pour combattre le marxisme de réfuter les thèses bien connues du communisme sur les contradictions de la société libérale, etc. Quand ils auront fini, ils ne seront pas peu étonnés de s'apercevoir que le marxisme a déjà pris mille autres formes... après lesquelles ils s'épuiseront à courir pareillement et aussi vainement.

(85) Ne croyant à la vérité de rien, le marxiste excelle à saisir la logique, le mécanisme de tout. Il nous a été donné de vivre assez familièrement avec divers agitateurs révolutionnaires, parfaits marxistes. Et ce n'est pas sans surprise au début, que nous dûmes constater à quel point ils saisissaient (beaucoup mieux que maints catholiques) la force d'enchaînement, la logique rigoureuse de l'enseignement et de la doctrine de l'Église. Ils appréciaient sa puissance, et l'admiraient même en un sens, mais sans penser jamais, en bons marxistes qu'ils étaient, à se demander si la vérité ne serait pas là, et s'il n'importerait pas de la servir. La dialectique seule du catholicisme les arrêtait, comme le mécanisme d'une chose peut arrêter précisément un esprit curieux de mécanique...

(86) Cité par H. Massis: Défense de l'Occident, p. 120-121, Plon, édit., Paris.

(87) Cette pénétration habile de tout organisme n'épargne même pas les associations sportives:
«Une lutte intense contre les organisations sportives bourgeoises est nécessaire...

«Les associations sportives ouvrières sont très importantes pour la lutte d'ensemble du prolétariat... Elles peuvent appuyer efficacement les formations de combat révolutionnaires: aussi les P.C. les utilisent-ils à cet effet.» (V Congrès mondial de l' «Internationale Communiste», 1924. Compte rendu analytique, p. 446-448).

(88) Cf. l'explication que M. Thorez donne de sa désertion en 1939, dans un discours à l'Assemblée nationale, reproduit par l'Humanité du 6 décembre 1947:

«Mon devoir a été de me placer à la tête des militants communistes traqués et persécutés, pour mener le combat nécessaire contre les traîtres qui se préparaient à livrer le pays à Hitler.» Les «traîtres» n'étaient pas les communistes soumis à Staline, allié des Allemands, depuis le pacte germano-russe de 1939, mais... ceux qui luttaient pour défendre leur patrie!...

On ne peut comprendre de telles aberrations sans recourir à la conception de la patrie comme instrument de la Révolution, la seule admise par les communistes.

(89) «D'où une série de positions contradictoires, écrit M. Jean Daujat (opus. cit., p. 35), commandées par les seules exigences de l'action et qui n'étonneront que ceux qui ne connaissent pas la dialectique et la logique interne du marxisme. Si, par exemple, l'État communiste a besoin de natalité pour être puissant et si la famille apparaît en la circonstance comme le moyen le plus efficace de natalité, on encouragera la famille... Si le maintien de certaines formes de propriété privée ou de responsabilité personnelle apparaît comme favorisant le rendement de la production industrielle ou agricole, et pouvant, par là, contribuer à la plus grande puissance matérielle de l'État communiste, on jugera que ces formes de propriété privée sont tout à fait conformes au communisme. De même on instaurera une forte hiérarchie et des cadres privilégiés, s'il le faut, pour accroître la puissance de l'État communiste...»

«Quant à ceux qui servent à l'étranger, par exemple, et ne sont pas citoyens de l'État communiste... ils devront, s'ils sont marxistes, considérer celui-ci comme leur véritable patrie et tout sacrifier à ses intérêts. Quant à la patrie légale, leur attitude variera selon l'intérêt de l'État communiste. Cette attitude sera antipatriotique, antimilitariste, poussant à la sédition et à la désertion si leur patrie légale est en conflit avec l'État communiste. Si leur patrie légale est l'alliée de l'État communiste, ils seront, au contraire, les plus patriotes, les plus militaristes, les plus zélés des citoyens.»
(opus cit., p. 36.)

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