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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

vendredi, octobre 31, 2008

DOCUMENT V
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Le marxisme et la guerre d'Espagne


L'extension du joug communiste à la moitié de l'Europe, à la Chine, au Viet-Minh, l'influence du bolchevisme en Orient et l'habile propagation de l'idéologie marxiste dans presque tous les pays, nous font oublier les événements qui, pour être plus anciens, n'en prouvent pas moins la malfaisance du communisme.

Ces événements sont pourtant une leçon et un espoir. Ils nous montrent que le triomphe du communisme n'est pas fatal quand on sait opposer à sa dialectique de contradictions et de destructions, les forces saines du pays, celles qui se fondent sur d'authiques traditions chrétiennes et sur l'harmonieuse ordonnance des valeurs propres à une nation.

À cet égard, l'exemple de la guerre d'Espagne (1936-1939) est particulièrement instructif. Nous nous bornerons, pour en parler, à citer les textes des Papes Pie Xl et Pie XII ou ceux des Évêques espagnols, désireux de ne traduire ici que la pensée exprimée par le Souverain Pontife et la Hiérarchie, en dehors de toute appréciation qui ne relèverait plus de la doctrine mais de l'opinion.



LA RÉVOLUTION MARXISTE EN ESPAGNE ÉTAIT PRPARÉ DE LONGUE DATE:

Le recul du temps nous fait parfois oublier que la révolution ne fut pas un phénomène subit en Espagne. Dès le 3 juin 1933 le Pape Pie Xl adressait à l'épiscopat de cette nation l'Encyclique «Dilectissima nobis». Le Saint-Père écartait, tout d'abord, la question du régime républicain, instauré en 1931, comme n'étant pas du ressort de l'Église.

«Il est évident pour tous, disait-il, que l'Église catholique, sans s'attacher à une forme de gouvernement plutôt qu'à une autre, pourvu que soient sauvegardés et protégés les droits de Dieu et de la conscience chrétienne, ne fait aucune difficulté pour s'accorder avec toutes les institutions civiles: qu'elles aient la forme royale ou républicaine, qu'elles soient sous le pouvoir aristocratique ou populaire.»

Mais le gouvernement espagnol a voté une loi qui prive l'Église de tous ses biens, écarte les religieux de l'enseignement et dissout plusieurs congrégations.

«Ce Nous a été une cause de grand étonnement et e de profonde douleur que certains parmi ceux qui combattent l'Église aient osé, pour justifier leurs attaques, affirmer publiquement que leurs projets leur étaient imposés par la nécessité de défendre la République.

Pareil argument est évidemment si calomnieux et e si faux qu'il nous est permis de conclure justement que la lutte menée contre l'Église espagnole a moins pour cause l'incompréhension de la foi catholique et de ses œuvres bienfaisantes que la haine et l'hostilité que favorisent et poursuivent contre le Seigneur et contre son Christ les destructeurs de tout ordre religieux et civil, groupés en Sociétés secrètes, comme on le voit au Mexique et dans la République russe.»


LA GUERRE CIVILE


Le Cardinal Archevêque de Tolède, Monseigneur Goma y Tomas, publiait, de Pampelune, en novembre 1936, un document sur la guerre civile. Il en montrait tout d'abord le caractère typiquement marxiste. C'est vraiment la lutte de l'idéologie dialectique contre le christianisme.

«Cette guerre affreuse est, au fond, une guerre de principes, de doctrines, la guerre d'une conception de la vie et de la réalité sociale contre une autre, d'une c civilisation contre une autre. C'est la guerre que soutient l'esprit chrétien espagnol contre cet autre esprit, si on peut l'appeler esprit, qui voudrait fondre tout l'humain, depuis les sommets de la pensée jusqu'aux petitesses de la vie journalière, dans le moule du matérialisme marxiste. D'un côté les combattants de toutes idéologies qui représentent partiellement ou intégralement la vieille tradition et la vieille histoire de l'Espagne; de l'autre côté, un conglomérat informe de combattants dont le but principal est, plus que le triomphe sur l'ennemi, la destruction de toutes les valeurs de notre vieille civilisation.

Il montrait ensuite les ruines accumulées par cette guerre des doctrines perverses contre la civilisation chrétienne: «... On n'a jamais vu dans l'histoire d'aucun peuple, un ensemble d'horreurs comme celles qui se produisirent en Espagne pendant ces quatre mois. Des milliers de prêtres et de religieux ont succombé, parmi eux dix évêques, parfois au milieu de scènes honteuses et de tourments inouïs. Le Prêtre, c'est l'homme de «Dieu»: et pour annihiler Dieu, les «sans-Dieu» et les «contre-Dieu» devaient éliminer ses représentants de la Société. Quand l'hécatombe des oints du Seigneur parviendra à la connaissance du monde entier, car aujourd'hui elle est encore un secret qui se cache dans les régions non conquises, elle apparaîtra vraiment effrayante.

Avec les «ministres de Dieu», les maisons de «Dieu» eurent aussi à souffrir. Un nombre considérable d'églises, dont beaucoup étaient l'orgueil de l'art, la synthèse de notre histoire, toutes chargées des trésors de piété que les siècles avaient accumulés en elles, centres vivants de la foi traditionnelle de notre peuple, ont été incendiées et beaucoup jusqu'au ras du sol. La disparition de chefs-d'œuvre qui auraient pu former une collection unique au monde a causé à l'art espagnol un dommage irréparable.

La destruction de bibliothèques et d'archives, la profanation de sépultures, les attentats contre les vierges consacrées à Dieu, le meurtre d'enfants innocents, les formes de la férocité la plus répugnante dans les milliers d'assassinats commis, l'instinct sacrilège qui a poussé ces hommes sans Dieu ni loi à la destruction de ce qu'il y a de plus représentatif de notre civilisation chrétienne, surtout les saintes images de Jésus-Christ et de la Très Sainte Vierge, voilà le caractère inhumain de cette explosion de passions sauvages qui ont bouleversé, depuis qu'éclata la guerre, la société espagnole...

Il faut y joindre cette décapitation de l'état-major catholique, ces massacres des «droitiers» qualifiés, c'est-à-dire des chrétiens exemplaires, chefs des organisations religieuses de toute nuance, qui ont succombé par milliers sans autre crime que la profession de la foi de leurs ancêtres et leurs travaux d'apostolat, sans autre jugement que le caprice des ennemis de nos organisations chrétiennes.

N'omettons pas un fait terrible: la destruction systématique de la richesse privée et nationale et de leurs sources. La richesse est la force et le lien de tout système social et politique. Elle était, avec tous les défauts de notre structure économique, la force de l'Espagne traditionnelle. Il fallait la détruire, et cela d'autant plus que la conception marxiste ou communiste de l'État n'a ni philosophie, ni âme, ni valeur autres que le monopole de la richesse matérielle. De là vient la systématique et immense spoliation que nous avons subie. La fortune privée et publique, quand cela fut possible, est passée aux mains des dirigeants.

Voici le processus: abolition de la propriété privée, confiscation des biens, interversion des comptes, soviétisation des exploitations et industries, dépôt à l'étranger de l'or de l'État, persécution systématique et souvent assassinat - des directeurs des grandes industries, confiscation des immenses trésors artistiques. Ainsi, l'ancien régime a été privé de ses plus fermes soutiens, ainsi ont été comblés les vides creusés par l'ambition personnelle, et une richesse énorme est entrée dans les coffres du futur État soviétique. Ainsi, dans la mesure où l'ont voulu les révolutionnaires, ont été démantelés l'âme et le corps de l'Espagne.»


LES CAUSES DE LA GUERRE CIVILE


Monseigneur Goma y Tomas notait, comme causes lointaines de la révolution... «le travail tenace de plusieurs années d'inoculation de doctrines étrangères dans l'âme du peuple; la législation impie, déterminée par la pression des Sociétés secrètes de caractère international; le prosélytisme de Moscou aidé par le courant d'or qui, sans cesse, affluait en Espagne, produisant la trahison des dirigeants et la perversion des masses; la mystique fascinatrice du communisme exotique, l'âme tartare, le génie de l'internationalisme étranger...»


Quant aux causes immédiates:


«Ce n'est pas ici le lieu d'indiquer les défauts de notre race et de nos coutumes sociales; nous voulons seulement rechercher, d'après notre jugement, la cause immédiate du désastre.

L'oubli de nos traditions et de notre histoire; ce prurit, vieux de deux siècles, qui nous a fait copier servilement l'étranger dans le domaine littéraire, législatif et moral; l'incompréhension des problèmes du moment; l'instabilité des charges politiques; l'orientation plébéienne de nos démocraties; la comédie du parlementarisme et les mensonges du suffrage; la formation défectueuse de la conscience nationale et la désorientation dans les problèmes internationaux; l'égoïsme et la fourberie en politique; la maladie des nationalismes particularistes, et, de l'autre côté, l'organisation administrative d'un État géométrique ne tenant aucun compte des conditions ou des tempéraments particuliers: chacun de ces points serait un chapitre du livre de notre décadence.»

Conséquences pour l'Espagne même: son morcellement en républiques de type soviétique, les cris de «Vive l'Espagne russe», l'exacerbation de tout ce qui divise un peuple et l'asservit.


De tels maux ne menacent pas seulement l'Espagne. Que les autres peuples comprennent la leçon.

«Aux peuples frères, à ceux qui compatissent à nos «malheurs, à ceux qui traversent les mêmes dangers, nous disons de s'amender à notre exemple; qu'ils ne se croient pas immunisés contre le mal qui a empoisonné l'âme de notre peuple et l'a conduit aux affres de la mort. Toute société est une culture dans laquelle le communisme proliférera si Dieu, qui est la vie et le bien des esprits, en est absent, ainsi que l'autorité qui émane de Dieu, garante de la justice et de l'ordre social. « Crise de Dieu, crise d'autorité, elles existent aujourd'hui dans la presque totalité des peuples.»


LA LETTRE COLLECTIVE DE L'ÉPISCOPAT ESPAGNOL

Le 1er juillet 1937 les Évêques espagnols adressaient «à ceux du monde entier» une lettre collective à propos de la guerre civile.

Le but de leur lettre, précisaient-ils, est d'éclairer les catholiques des autres pays, trompés souvent par des informations tendancieuses, sur la vraie situation de l'Espagne.

«C'est un fait, et prouvé par une abondante documentation, que la pensée d'une grande partie de l'opinion étrangère ne coïncide pas avec ce qui a eu lieu réellement dans notre pays. Il se peut que les causes de cette erreur soient: l'esprit anti-chrétien, qui a vu dans la querelle de l'Espagne une partie décisive se jouant pour ou contre la religion de Jésus-Christ et la civilisation chrétienne; le courant opposé de doctrines politiques qui prétendent à l'hégémonie du monde; le travail tendancieux des forces occultes internationales; enfin l'antipatrie, se servant de certains espagnols égarés, qui se prévalent de leur qualité de catholiques, et ont ainsi causé un tort énorme à la véritable Espagne. Et ce qui nous fait le plus de chagrin, c'est e qu'une grande partie de la presse étrangère ait contribué à cette «déviation» intellectuelle qui pourrait être funeste aux intérêts sacrés pour lesquels on lutte dans e notre patrie.»


LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION


Trop souvent les catholiques étrangers ignorent les souffrances de leurs frères espagnols, les persécutions qu'ils subissent, la façon dont fut déclenchée la révolution.

«L'incendie des temples à Madrid et dans les provinces en mai 1931, les révoltes du mois d'octobre 1934, spécialement en Catalogne et en Asturies, où l'anarchie régna pendant deux semaines: la période turbulente qui va de février à juillet 1936, pendant laquelle furent détruites ou profanées 411 églises et furent commis environ 3 000 graves attentats d'ordre politique et social, présageaient la ruine totale de l'autorité publique, qu'on a vu souvent céder à la force des pouvoirs occultes qui surveillaient son fonctionnement.

Notre régime politique de liberté démocratique fut ébranlé par les procédés arbitraires de l'autorité de l'Etat et par la co-action gouvernementale qui faussa la volonté populaire, en montant une machine politique contre la majorité de la nation, de sorte que, aux élections parlementaires du mois de février 1936, et avec plus d'un demi-million de voix de majorité sur les gauches, les droites obtinrent 118 députés de moins que le Front populaire; et cela parce qu'on avait annulé arbitrairement les votes de provinces entières. Ainsi fut viciée, dès son origine, la légitimé du Parlement...

Le 27 février 1936, et à l'occasion du triomphe du Front Populaire, le Komintern décrétait la Révolution espagnole et la finançait, au moyen de sommes exorbitantes. Le 1er mai suivant, des centaines de jeunes gens réclamaient publiquement à Madrid des bombes, des pistolets, de la poudre et de la dynamite pour la prochaine Révolution. Le 16 du même mois, le représentant de l'U.R.S.S. se réunissait à la Maison du Peuple, à Valence, avec des délégués espagnols de la IIIe Internationale, et voici le neuvième de leurs accords: «Charger l'un des secteurs de Madrid (désigné par le numéro 25 et composé de policiers en activité) d'éliminer les personnages politiques et militaires destinés à jouer un rôle intéressant dans la contre-Révolution». Pendant ce temps, de Madrid jusqu'aux villages les plus éloignés, les milices révolutionnaires recevaient l'instruction militaire et on les armait abondamment tant et si bien que, au moment où éclata la guerre, ils comptaient 150 000 soldats d'assaut et 100 000 de choc.

Il se peut, Vénérables Frères, que l'énumération de ces faits vous paraisse indigne d'un document épiscopal. Nous avons néanmoins tenu à la substituer aux raisons de droit politique qui pouvaient justifier un mouvement national de résistance. Sans Dieu, qui doit être à la base et au sommet de la vie sociale, et sans l'autorité, que rien ne peut remplacer dans ses fonctions de créatrice de l'ordre et de conservatrice du droit civil; et d'autre part, avec la force matérielle au service des sans-Dieu et des sans-conscience, manœuvrés par des agents puissants, d'espèce internationale, il était fatal que l'Espagne glissât vers l'anarchie, qui est le contraire du bien commun, de la justice et de l'ordre social. C'est à ce degré qu'en sont tombées les régions espagnoles où la révolution marxiste a suivi son cours normal.»


LE SURSAUT NATIONAL

«Il reste donc acquis, comme première affirmation de cet écrit, que cinq ans d'outrage aux sujets espagnols dans l'ordre religieux et social avaient mis en danger l'existence même du bien public et produit une tension énorme dans l'esprit du peuple espagnol; qu'une fois épuisés les moyens légaux, l'idée était entrée dans la conscience nationale qu'il n'y avait plus de recours qu'en la force pour maintenir l'ordre et la paix; que des pouvoirs étrangers à l'autorité tenue pour légitime, avaient décidé de renverser l'ordre constitué et d'instaurer le communisme par la violence; et enfin que, de par la logique fatale des faits, l'Espagne n'avait que cette alternative: ou périr sous l'assaut définitif du communisme destructeur, déjà préparé et décrété, comme cela est arrivé dans les régions où le mouvement national n'a pas triomphé, ou tâcher, dans un effort titanesque, de se débarrasser de ce redoutable ennemi et de sauver les principes fondamentaux de sa vie sociale et de ses caractéristiques nationales.»


Les Evêques citaient les faits à l'appui de cette affirmation.


LA BARBARIE COMMUNISTE


«Peu de temps avant la révolte, étaient arrivés de Russie 79 agitateurs spécialisés. La Commission nationale d'unification marxiste, à ce moment-là, ordonnait la constitution de milices révolutionnaires dans toutes les villes. La destruction des églises ou au moins de leur mobilier fut systématique et en série. Dans le court intervalle d'un mois, tous les temples furent rendus inutilisables au culte. Dès 1931, la Ligue athée comprenait dans son programme un article ainsi conçu: « Plébiscite sur la destination qu'on doit attribuer aux églises et maisons paroissiales»; et un des Comités provinciaux énonçait cette règle: «Le local ou les locaux consacrés jusqu'à présent au culte seront destinés à des magasins collectifs, marchés publics, bibliothèques populaires, maisons de bains ou d'hygiène publique, etc., selon les besoins de chaque ville.» Pour l'élimination des personnes en vue que l'on considérait comme ennemies de la révolution, on avait établi préalablement des «listes noires». Dans certaines, et en première place, figurait l'évêque. Quant aux prêtres, un chef communiste avait dit, devant l'attitude du peuple qui voulait sauver le curé de sa paroisse: «Nous avons l'ordre de détruire toute cette graine.»

La preuve la plus éloquente que la destruction totale des temples et le massacre total des prêtres étaient une chose préméditée, c'est le nombre épouvantable des victimes. Quoique les chiffres ne soient pas encore fixés, nous pouvons compter près de 20 000 églises détruites ou entièrement pillées. Le nombre des prêtres assassinés (en moyenne 40 pour 100 dans les diocèses dévastés, dans quelques-uns cela va jusqu'à 80 pour 100) s'élève, pour le seul clergé séculier, à environ 6 000. On les chassa avec des chiens; on les poursuivit à travers les montagnes; on les traqua avec acharnement dans toutes les cachettes possibles. On les tua sans procès, le plus souvent sur-le-champ, sans autre raison que leur fonction sociale de prêtres...»



LA RÉVOLUTION FUT À LA FOIS ANTI-ESPAGNOLE ET ANTI-CHRÉTIENNE

«Cclte révolution fut essentiellement «anti-espagnole.» L'œuvre de destruction fut accomplie aux cris de: «Vive la Russie!», à l'ombre du drapeau international communiste. Les inscriptions murales, l'apologie de personnages étrangers, les commandements militaires aux mains de chefs russes, la spoliation de la nation en faveur de métèques, l'hymne international communiste, autant de preuves, et suffisantes de la haine portée à l'esprit national et au sentiment de la patrie.

Mais surtout, cette révolution fut «antichrétienne». Nous ne croyons pas que, dans l'histoire du christianisme, et dans un laps de si peu de semaines, se soit produite une telle explosion de haine contre Jésus-Christ et sa sainte religion. Dévastation si sacrilège que le délégué des rouges espagnols, envoyé au Congrès des «sans-Dieu», à Moscou, a pu déclarer: L'Espagne a surpassé de beaucoup l'œuvre des Soviets, car l'Église, en Espagne, a été complètement anéantie.

Les martyrs se comptent par milliers; le témoignage qu'ils ont porté est une espérance pour notre pauvre patrie; mais peut-être ne trouverions-nous pas, dans le Martyrologe romain, une forme de martyre non employée par les communistes, sans en excepter la crucifixion, et d'autre part, les objets et les machines modernes ont permis de nouveaux supplices.

La haine envers Jésus-Christ et la Vierge est arrivée au paroxysme, et, dans les centaines de crucifix poignardés, dans les images de la Vierge bestialement souillées, dans les affiches placardées à Bilbao, où l'on blasphémait sacrilègement la Mère de Dieu, dans l'infâme littérature des tranchées rouges où l'on ridiculise les mystères divins, dans la profanation réitérée des images sacrées, nous pouvons deviner la haine de l'enfer, incarné en ces malheureux communistes. «J'avais juré de me venger de toi», criait l'un d'eux à notre Seigneur enfermé dans le tabernacle. Et, déchargeant son pistolet, il ajoutait: «Rends-toi aux rouges, rends-toi au marxisme.»

La profanation des reliques sacrées a été épouvantable: on a détruit ou brûlé les corps de saint Narcisse, de saint Pascal Bailon, de la bienheureuse Béatrice de Silva, de saint Bernard Calvo et de bien d'autres. Les formes assumées par la profanation ont été si invraisemblables qu'on ne peut pas les concevoir sans supposer une suggestion diabolique. Les cloches ont été brisées et fondues. Le culte, absolument supprimé dans tout le territoire communiste, à l'exception d'une petite portion du Nord. Grand nombre de temples, parmi lesquels de vrais joyaux d'art, ont été totalement dévastés: à cette œuvre inique on a forcé à travailler de pauvres prêtres. Des images fameuses, objets de la vénération séculaire, ont disparu pour toujours, détruites ou brûlés. En maintes localités, l'autorité a obligé les citoyens à livrer tous les objets religieux leur appartenant pour les détruire publiquement; qu'on juge ce que cela représente dans l'ordre du droit naturel, des liens de famille et comme violence faite à la conscience chrétienne.»


LE MYTHE DE LA GUERRE DES «CLASSES»

La provocation à tant de crimes n'incombe pas à l'Espagne, mais au communisme international importé de Russie, lequel est fort peu soucieux d'améliorer le sort des pauvres.

«On dit que cette guerre est une guerre de classes et que l'Église s'est rangée du côté des riches... Eh bien! c'est justement en Espagne que la plupart des régions pauvres se sont libérées des horreurs de la guerre. Et c'est dans les provinces où le coefficient la richesse et du bien-être du peuple était le plus grand que la révolution fut le plus acharnée. Oublierons-nous notre législation sociale et nos institutions prospères de bienfaisance et d'assistance publique et privée, toutes d'origine espagnole et très chrétienne. Le peuple a été trompé par des promesses irréalisables, incompatibles non seulement avec la vie économique du pays, mais encore avec n'importe quel genre de vie économique organisée. Telle est la situation: d'une part des régions indemnes où tout marche bien, et de l'autre, du côté de la domination communiste: la misère.»

Bien des Espagnols ont été trompés par les fausses théories.

«Cette haine de la religion et des traditions patriotiques, prouvée par le fait que tant de choses sont perdues pour toujours, cette haine est venue de Russie, importée par des Orientaux à l'esprit pervers. Pour l'excuse de tant de victimes, envoûtées par une «doctrine de démons», rappelons qu'au moment de mourir, condamnés par la loi, nos communistes se sont, dans leur immense majorité, réconciliés avec le Dieu de leurs pères. A Majorque, il n'en est mort dans l'impénitence que 2 pour 100; dans les régions du Sud, pas plus de 20 pour 100, et dans celles du Nord peut-être pas 10 pour 100. C'est une preuve de la tromperie dont a été victime notre peuple.»



LES INGÉRENCES D'IDÉOLOGIE ERRONÉES DANS LA LUTTE CONTRE LE MARXISME


La presse étrangère accusait les armées nationales de cruautés. Les évêques répondent:

«Il y a un écart énorme, infranchissable entre les deux partis, en ce qui concerne les principes de la justice et la façon de l'administrer. Bien plus, nous pourrions dire que les actes du Front populaire n'ont été qu'une suite terrible d'offenses à la justice, à Dieu, à la société et aux hommes. On ne peut pas parler de justice quand on élimine Dieu, principe de toute justice. Tuer pour tuer, détruire pour détruire, dépouiller l'adversaire non belligérant, tels sont les principes de conduite civile et militaire que nous voyons observés par les uns et qu'on ne saurait imputer aux autres sans mensonge.»



DÉCLARATION DU PAPE PIE XI

Recevant des réfugiés espagnols le 14 septembre 1936, le Pape Pie Xl déclarait:

«On dirait qu'une satanique préparation a rallumé, et plus vive encore, dans la voisine Espagne, cette flamme de haine et de persécution plus féroce, réservée, de l'aveu même de ses ennemis, à l'Église et à la religion catholique, car elle est l'unique véritable obstacle au déchaînement de ces forces qui ont déjà fait leurs preuves et donné leur mesure dans l'essai de renversement de tous les ordres, de la Russie à la Chine, du Mexique à l'Amérique du Sud, preuves et préparations précédées, accompagnées incessamment d'une universelle, assidue et très habile propagande pour la conquête du monde entier à ces absurdes et désastreuses idéologies qui, après avoir séduit et fait fermenter les masses, ont pour but de les armer et de les lancer contre toute institution humaine et divine...

Au-dessus de toute considération politique terrestre, Notre Bénédiction s'adresse d'une manière spéciale à tous ceux qui ont assumé la difficile et périlleuse tâche de défendre et de restaurer les droits et l'honneur de Dieu et de la religion, c'est-à-dire les droits et la dignité des consciences, première condition et la plus solide base de tout bien-être civil et humain.»

À la fin de cette allocution, le Pape montre combien cette tâche est «difficile et périlleuse», car la défense risque parfois d'être «excessive et non entièrement justifiable» et il peut s'y mêler « des intentions moins droites et d intérêts égoïstes ou «de parti qui interviennent pour troubler et altérer toute la moralité de l'action et toutes les responsabilités.»

Car la lutte du peuple espagnol contre le marxisme devint bientôt une véritable guerre internationale où le nazisme et le fascisme se taillèrent leur part.

C'est pourquoi le Pape, dans son radio-message du 24 décembre 1936 montre l'équivoque de «ceux qui affirment être les défenseurs de l'ordre contre les forces subversives, de la civilisation contre les débordements du communisme athée et qui vont même jusqu'à s'arroger la primauté sur ce terrain ... (mais qui) se laissent dominer et guider par des idées fausses et funestes.»


LA VICTOIRE DES ARMES CATHOLIQUES

Mais, après de longues souffrances, l'Espagne chrétienne connaissait enfin la victoire.

Dans un radio-message à la nation espagnole, le 16 avril 1939, le pape Pie XII disait:

«Avec une immense joie, Nous Nous adressons à vous, très chers Fils de la catholique Espagne, pour vous exprimer Nos paternelles félicitations pour le don de la paix et de la victoire par lesquelles Dieu a daigné couronner l'héroïsme chrétien de votre foi et de votre charité, éprouvé par tant et de si généreuses souffrances... Les desseins de la Providence, très chers Fils, se sont manifestés une fois encore sur l'héroïque Espagne. La nation choisie par Dieu comme principal instrument d'évangélisation du Nouveau Monde et comme rempart inexpugnable de la foi catholique vient de donner aux prosélytes de l'athéisme matérialiste de notre siècle la preuve la plus élevée qu'au-dessus de tout se placent les valeurs éternelles de la religion et de « l'esprit... »


jeudi, octobre 30, 2008

DOCUMENT V
La révolution marxiste au Viet-Nam
Témoignage d'un officier français.
(Extraits.)



Les combattants français, au Tonkin, avaient été fortement impressionnés par l'efficacité et le sérieux viet-minh, l'ardeur, la solidarité et le courage des communistes, malgré tout ce qui pouvait les faire détester. Inversement, beaucoup avaient souffert de nos faiblesses, de notre légèreté, de notre incorrigible suffisance intellectuelle, de notre comportement routinier et incohérent, et surtout de notre absence d'enthousiasme et de foi.

Voilà ce que ressentaient confusément ces gens, dont j'étais, quand survint l'armistice de Genève.

Le Cessez-le-Feu, puis les accords de Trung Gia, entraînèrent des tâches nombreuses et pénibles, au contact des cadres de l'armée viet-minh, de l'armée populaire Viet-Nam, dans des conditions qui permettaient de beaucoup voir et de beaucoup converser; puis se déclencha le mouvement massif d'exode des réfugiés catholiques des évêchés tonkinois, qui nécessita le travail, triste mais exaltant, du recueil et du transbordement vers le Sud-Vietnam de ces populations admirables.

Au contact prolongé avec les Viets, beaucoup passèrent de la gêne confuse à une inquiétude profonde, enregistrant la destruction d'une partie de leur propre système de pensée - si on peut appeler système ce charriage d'idées isolées, divergentes, décentrées, qui remplit souvent nos esprits à notre époque.

Le témoignage des catholiques vietnamiens fut le coup de fouet qui nous fit sortir de l'inquiétude stérile et passer à l'espérance. Alors vint le désir de combler le vide, d'apprendre, d'acquérir de nouvelles certitudes, mais celles-ci cohérentes, réfléchies, éprouvées, dures aux chocs et impénétrables à l'acide marxiste-léniniste.

Curieusement, ces raffermissements dans l'ordre intellectuel vinrent renouveler chez certains la flamme vacillante du spirituel. Prouvant ainsi que tout est lié et interagissant et que ce qu'il faut c'est une conception du monde, de la vie, la vraie, celle que nous enseigne l'Église, et que, comme l'a dit Pie XII, «la vérité doit être vécue, appliquée, communiquée dans tous les domaines de la vie.»

En automne 1954, à l'intermousson, la marine assurait à Haï-Thon, Samson, dans le Than-Hoa, dans la partie sud du delta tonkinois, deux missions différentes.

De cette rivière du pays viet-minh, communiste depuis 1945 (reddition des Japonais), il fallait recueillir les prisonniers de l'Union Française rendus par l'armée populaire Vietnam et les transporter à Haïphong; et, inversement, faire débarquer les prisonniers viet-minhs, rendus à l'armée populaire Vietnam et provenant de nos zones. Cela, sous un contrôle rigoureux, réciproque, pour vérifier la bonne exécution des clauses concernant les prisonniers.

Il fallait aussi fournir notre aide matérielle à l'armée populaire Vietnam pour le transbordement de ses troupes ralliant le nord par des cargos français, soviétiques, polonais, norvégiens, transbordement à la terre par le moyen de nos bateaux de transport à fond plat, qui, seuls, pouvaient naviguer aisément sur la rivière. Chacune de ces opérations comportaient une préparation, une exécution et une critique en commun. C'est dire la continuité du contact qu'on était appelé à avoir avec les cadres viet-minh.

La critique faisait l'objet d'un procès-verbal. Certaines séances d'établissement de procès-verbal durèrent une quinzaine d'heures. Pourquoi cela, me direz-vous?

Parce qu'il fallait obligatoirement aboutir à un procès-verbal. Chaque partie le voulait réellement, pour apporter à ses autorités cette fausse preuve d'entente, cette garantie factice que les accords d'armistice étaient observés ou que, s'ils ne l'étaient pas, la chose était imputable à l'adversaire.

Là, commençait la discussion, avec des accusations énormes et inacceptables. Les Viet-Minhs ne parlaient jamais français en séance officielle, et un interprète était toujours présent alors; mais ils le faisaient volontiers en privé ou pendant les suspensions de séances. Malgré tout, la perte de temps due à la différence de langue était relativement faible.

Ce qui prenait vraiment du temps, c'était d'essayer de combler le fossé de la pensée. Ce fossé était immense et les ponts introuvables ou dangereux, ne profitant souvent qu'aux seuls communistes.

Je n'étais personnellement pas préparé à comprendre à quel point la soi-disant vérité communiste est opposée à la nôtre; elle est plutôt un exercice continuel de mauvaise foi systématique, ce qui est logique, puisque, comme l'a dit Lénine, «le critère de la vérité, c'est la pratique». C'est-à-dire que la fin justifie les moyens.

Or, la dialectique et les dialecticiens m'étaient presque inconnus. Comme bien d'autres, je n'avais pas étudié la dialectique; et on ne nous avait pas montré comme elle pouvait transformer un Vietnamien quelconque en un homme nouveau communiste, le Viet-Minh, véritable combattant communiste, et non un «coco» à la française, qui montre devant son idéologie les mêmes faiblesses et l'ignorance que l'on retrouve souvent, triste constatation, chez le catholique français devant la doctrine de l'Église.

La dialectique était partout, car les conversations ne pouvaient être exclusivement administratives; c'était absolument impossible avec des communistes. Ils cherchaient à convaincre, à gagner, non seulement sur le point débattu, mais sur l'ensemble, sur tout, et par tous les moyens. Quel que soit le sujet traité, vous étiez en peu de temps attaqué sur tous vos points faibles.

Ils disent «tout est politique», et cet axiome devient véritable chez eux, car ils l'appliquent. Mais cela nous agresse, politiquement, et surtout métaphysiquement, puisque la base de leur idéologie, c'est le matérialisme dialectique, essentiellement athée. Si on ne dialogue pas, - persuadé que, comme le disait Monseigneur Jouin, «la guerre est religieuse, et si nous voulons vaincre, nous devons d'abord nous mettre sur le vrai terrain du combat» - on court à des échecs bien sentis.

Les prisonniers viet-minhs amenés de l'extérieur, encore tranquilles et assez amicaux quelques heures avant leur débarquement, devenaient nerveux, distants, puis hostiles, au débarquement, qui se passait dans des effusions patriotiques, avec des arcs de triomphe, banderoles de propagande, drapeaux brandis sous notre nez.

Si seulement il avait été possible de répliquer avec les prisonniers de chez nous, en les faisant manifester lors de leur embarquement... Il n'en était pas question, car ces pauvres gens, en état de faiblesse physique, étaient sous l'empire psychologique viet-minh jusqu'à bord du bateau. Nombre d'entre eux portaient sans gêne les insignes d'O Chi Minh et chantaient en vietnamien les chants communistes tactiques: chant de la paix, chant de l'union des peuples, etc... Ces gens n'étaient pas véritablement communistes, ils étaient simplement écrasés et endoctrinés sur des thèmes simples mais choisis. Les prisonniers africains quittaient leurs accompagnateurs, commissaires politiques et cadres de propagande, en les embrassant avec émotion, car, habilement, ceux-là les suivaient depuis des mois, de camp en camp, et avaient joué de l'amitié. Nous avions toutes les peines du monde à persuader certains de ces prisonniers libérés nord-africains, de ne pas saluer, du bateau, les Viet-Minhs de la plage, par de grands mouvements de casque de latanier et par des chants d'amitié marxiste.

Ces Africains allaient, sans aucune désintoxication, après une permission brève, revenir dans leurs unités comme si rien ne s'était passé.

Ces troupes restèrent dans l'armée ou furent ensuite rendues à la vie civile en Algérie ou ailleurs. Les désertions et la guerilla politique d'Afrique du Nord, réalité actuelle, montrent bien qu'il y avait quelque chose de déposé dans leur cerveau, quelque chose que nous n'avons ni voulu, ni su enlever et remplacer.

Sur la rive Viet, ils avaient pu voir et graver dans leur esprit, préparé par toutes les soirées d'endoctrination des camps de prisonniers, les textes d'immenses banderoles en français et en arabe, slogans de chez nous, «vive le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes», et d'autres, «vivent les libertés démocratiques». Dernières visions du pays rouge.



MARXISME CONTRE LIBÉRALISME OU LE POT DE FER CONTRE LE POT DE TERRE


Pendant les discussions soutenues à la libération de ces prisonniers, les Viet-Minhs faisaient constamment appel aux principes philosophiques de 89. J'essayais plusieurs fois de lutter sur ce terrain, naïvement, et fus battu à chaque occasion. Rien de ce qui faisait notre semblant d'arsenal idéologique officiel ne pouvait servir efficacement; bien au contraire, nos pseudo-arguments offraient à l'adversaire comme autant de têtes de pont lui permettant de pénétrer dans notre pauvre citadelle idéologique. Les idées, le vocabulaire, la tendance d'esprit, tout servait l'adversaire. Tous mes camarades, dans des situations identiques, eurent la même expérience et arrivèrent à ]a même conclusion.

Le seul procédé qui permettait un combat favorable était de refuser le contenu laïciste, libéral, ou matérialiste du vocabulaire employé, et de prendre le contenu catholique en le disant ouvertement.

J'ai dit combat favorable, et non victorieux. En effet, trouver empiriquement la vérité de cette méthode ne suffisait pas; il aurait fallu savoir l'utiliser, et nous ne le savions pas ou guère; nous n'étions pas formés; nos connaissances de la doctrine catholique étaient nulles ou sommaires; un catéchisme lointain, quelques évangiles, quelques lectures éparses et superficielles. Insuffisances sur le dogme, nullité sur la doctrine sociale. Et, évidemment, sur chacune de mes ignorances, à chacune de mes contradictions, j'étais attaqué à fond.

Et pourtant, même avec ce bagage squelettique, le combat était favorable; avec une doctrine bien connue et bien appliquée, il eût été victorieux.

Dans certains cas, la crainte de leurs autorités supérieures et du Parti me permettait de faire plier les Viet-Minhs. Dans un cas même, je réussis à obtenir un gros avantage par générosité, par charité: en abandonnant ouvertement, explicitement une contrainte possible. Les Viet-Minhs demandèrent une suspension de séance, délibérèrent entre eux sur la ruse perfide que cachait un geste aussi inexplicable, et revinrent me faire répéter mes paroles, sceptiques et ahuris, pour repartir en discuter pendant une deuxième suspension. À leur retour, ils me donnèrent accord brièvement, sans explications, et passèrent nerveusement à un autre sujet.




Les interlocuteurs étaient choisis et sympathiques par eux-mêmes.

Enthousiasme: Le commandant Quang se vantait de n'avoir jamais appris grand-chose à l'école et d'avoir, en fait, été éduqué entièrement en neuf années d'armée populaire; et cela était vrai. Il savait son marxisme-léninisme par cœur et pouvait citer chaque paragraphe des accords de Trung Gia et de l'armistice de Genève. Cet ancien paysan de la rizière était pénétré de sa mission; lors d'une manifestation de masse des prisonniers viet-minhs parmi les banderoles et les drapeaux rouges, il applaudissait en marquant, avec ses soldats, la cadence des airs chinois et russes chantés par une foule encadrée de solides chefs de chorale. Je l'examinais alors de biais: je vis alors avec surprise, sur son visage émacié, une expression presque mystique; ses yeux mouillés de larmes avaient un regard transformé.

Dignité: Le capitaine Le Vinh, licencié en droit, qui ne voulait pas que je fasse parvenir par la commission mixte une lettre à sa femme, à Hanoï, et qui, tout en me remerciant de ma proposition, me disait préférer attendre que Hanoï soit «libérée» et que quelques mois n'étaient rien pour qui avait attendu des années.

Humilité: Chôc, commissaire politique et interprète remarquable, ancien professeur de mathématiques à Vinh, parlait français à la perfection, citait Racine et Montesquieu, connaissait à fond sa philosophie et avait de surprenantes lumières sur le catholicisme dont il usait de façon diabolique. À une suspension de séance, alors que nous étions restés seuls à bavarder, il me dit comment il était venu du nationalisme anticolonialiste au marxisme: en prison, éduqué par un compagnon de cellule, en 1938. À sa sortie de prison, il n'avait rien entrepris, jusqu'en 1945, début de la guerre révolutionnaire. Ainsi, j'avais bien tort d'avoir pour lui des égards que je n'avais pas pour les autres officiers viet-minhs (ces égards, je les avais pour son âge, sa gentillesse naturelle et sa plus grande culture); et il continuait: «car je suis en fait méprisable, je ne suis qu'un lâche intellectuel opportuniste».

C'est encore lui qui disait: «Vous savez, la lutte contre le capitalisme, c'est la lutte contre une forme de pensée facile à détruire en même temps que nous verrons crouler sa puissance matérielle, l'Amérique. Mais le véritable obstacle qui s'oppose à nos idées, c'est la forme de pensée de l'Église. Ce sera le combat le plus dur et le plus long.» Il disait cela en finale, après avoir, dans toutes nos discussions, essayé de masquer le vrai problème, le véritable conflit.

Ces gens-là croyaient réellement qu'ils ouvraient une route vers une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs enfants. Tous les soirs presque, depuis qu'ils étaient dans l'armée populaire, ils étudiaient et disséquaient en commun les œuvres de Staline, Mao-Tse-toung, Engels, Truc Chinh, mélange diabolique de réalité et de songe, moitié vraisemblance, moitié mensonge, splendidement préparé pour des gens à qui la France n'avait pas suffisamment fait oublier un passé de millénaires de faim, de maladie et de labeur éreintant, à qui surtout on n'avait pas donné de nourriture spirituelle.

Ces gens que nous nous représentons trop souvent comme d'épais matérialistes, se comportent souvent comme des idéalistes au sens populaire du mot.

Dans une telle ambiance, la première réaction est évidemment de s'améliorer et de soigner les apparences; on cherche à son tour à édifier. C'est presque automatique: les explications à mon équipage n'étaient pas nécessaires; ils étaient d'eux-mêmes impeccables, uniforme et attitude, quand certains d'entre eux, à tour de rôle, m'accompagnaient à terre. Cela était d'un grand réconfort au milieu des humiliations multiples qu'imposaient les Viets.

La persuasion, la conviction, la contrainte jouaient contre nous.

Dans l'ensemble, les quarante jours que je passais ainsi derrière le rideau de bambou en république démocratique viet-nam furent très déprimants, car si Tsoun Tsé, le penseur chinois du Ve siècle avant Jésus-Christ, a dit: «Connais ton ennemi et connais-toi toi-même, et tu seras «invincible», je me rendais tristement compte que ni moi ni mes camarades ne réunissions les conditions exigées.

CONNAÎTRE L'ENNEMI: En fait, nous l'ignorions presque entièrement: sa pensée de base, ses méthodes, son action idéologique, sa cinquième colonne dans notre propre cerveau. Rien n'avait été fait pour nous éduquer à cet effet.

SE CONNAÎTRE SOI-MÊME: Ce qui s'était révélé, c'était qu'on ignorait sa véritable force, qu'on l'ignorait et qu'on ne pouvait pas s'en servir véritablement et complètement, car cette vue confessionnelle n'était pas une vue officielle et nationale. Le pire, c'était que ce qu'on croyait être de son côté n'était qu'un décor vermoulu d'idées fausses, cédant complaisamment au premier assaut de l'ennemi.


LA VICTOIRE CATHOLIQUE

Cela, c'était la constatation en quelque sorte négative que nous fîmes. Mais il y eut heureusement des faits positifs qui renforcèrent splendidement des découvertes faites dans l'humiliation. Ces faits furent la résistance des catholiques tonkinois et leur exode.

Là, nos marins purent voir, aider et recueillir des hommes simples et pauvres, paysans et pêcheurs, des femmes et des enfants, éduqués par leur lutte de neuf ans contre la persécution religieuse et l'endoctrination de l'athéisme militant, et quittant villages, rizières et buffles pour prendre, souvent dans un combat inégal à coups de bâtons et de pierres contre des mitraillettes, le chemin qui les menait vers la liberté de leur foi.

Je ne suis pas près d'oublier le spectacle de ces catholiques vietnamiens entassés sur mon bateau, dans la nuit, certains malades de la mer, d'autres se nourrissant du riz et du thé que leur prodiguaient les matelots attentionnés et plus émus qu'ils ne le laissaient paraître, et tous allant à tour de rôle à l'avant s'agenouiller et prier tout haut devant un autel qu'ils avaient improvisé sur un caisson à munitions, crucifix et image de la Vierge, éclairés par une lampe de pont.

Tous ceux qui l'ont vu ne pourront jamais oublier non plus le spectacle des onze jonques du village de Vinh Yen Dong, arrivant avec 1 300 catholiques à bord, après dix jours en mer dont trois sans vivres. L'une de ces jonques jeta son ancre au milieu de la rivière de Haïphong et hissa le drapeau jaune et blanc du Vatican, et tous les réfugiés, groupés autour de leur curé, entonnèrent un Te Deum.

Quelques jours plus tard, vingt-sept catholiques chinois arrivaient de Chine sur une jonque minuscule. Aucune jonque de réfugiés n'arriva de la zone viet-minh ou de Chine, qui ne contint une majorité énorme de catholiques. Avant l'évacuation finale du réduit de Haïphong par nos troupes et la marine, et le repli dans le sud, ce que nous connaissions de ce qui se passait derrière le rideau de bambou, c'était par les réseaux de renseignements que formaient les paroisses catholiques que nous l'apprenions. Combien de catéchistes risquèrent et rencontrèrent la mort en courant à travers le pays, contactant ici et là leurs frères catholiques et glanant des renseignements, donnant des mots d'ordre concernant l'évacuation.

Ces gens, qui étaient au demeurant souvent d'ardents nationalistes vietnamiens, ne servaient pas la France officielle. Ils servaient leur foi, et cette foi était celle de deux millions de leurs compatriotes. Ils ne travaillaient intimement avec nous, contre l'oppression antireligieuse, que lorsque nous nous réclamions d'une France catholique.

Alors que tous leurs compatriotes, boudhistes, confucianistes étaient écrasés par le rouleau dialectique, cerveaux et consciences, seuls les catholiques vietnamiens résistèrent, comme leurs frères catholiques chinois, mais au prix de leur vie souvent.



CONCLUSION

Cet exemple doit nous faire méditer, et il faut, à mon sens, en tirer les leçons suivantes: devant le Marxisme-Léninisme tactique autant que devant le Marxisme-Léninisme théorique, on ne peut opposer victorieusement qu'une foi profonde, une obéissance sans restrictions au Saint-Père, une connaissance étendue des directives de l'Église dans le domaine temporel, de la doctrine sociale de l'Église.

Il est malhonnête et lâche pour nous catholiques d'oublier qu'en face de nous les militants communistes d'un tiers de la population mondiale étudient en profondeur leur idéologie, non isolément mais en groupe, en cellules, en cercles d'étude, de façon efficace et en profondeur.

Qu'ils le fassent sous la contrainte ne change rien à l'importance de ce fait. D'ailleurs, la contrainte n'existe qu'au début, par la suite tous ces communistes travaillent avec ardeur, intéressés et habitués.

Ne pas étudier les conséquences de notre foi, toutes les conséquences temporelles, m'a semblé, en revenant en France, d'une terrible gravité.

Ce devoir du catholique d'aujourd'hui ne peut être fait isolément; il faut l'accomplir efficacement et sans erreurs doctrinales. Cette formation, je n'ai trouvé que La Cité Catholique qui la donne, qui la donne d'autant mieux qu'elle ne fait que cela, qu'elle a été créée pour cela.

Depuis que j'y ai adhéré, je remercie le Ciel de m'y avoir conduit.

UN ANCIEN D'INDOCHINE.
TABLE DES MATIÈRES



Lettres - Préfaces IV
Table Logique XIII
Avertissement 1

PREMIÈRE PARTIE
  • Marxisme et «Civilisation Moderne» 5

  • DEUXIÈME PARTIE
    Dialectique et Aliénations 57

TROISIÈME PARTIE
  • Illustrations du Marxisme-Léninisme 89

QUATRIÈME PARTIE

  • Applications Economiques et Politiques du Marxisme-Léninisme: Communisme, Bolchevisme, Titismes, etc. 155

DOCUMENT I
  • Condamnations du Communisme 217

DOCUMENT II

  • Documents Pontificaux 243

DOCUMENT III
  • Tactique Révolutionnaire 295

DOCUMENT IV
  • Rappels historiques 325 DOCUMENT V La dialectique Marxiste-Léniniste à l'œuvre dans le Monde 355

Table des matières 401



L'HISTOIRE NO. 247 OCTOBRE 2000 p.35


Stéphane Courtois - Directeur de recherche au CNRS


LES CRIMES DU COMMUNISME


Depuis 1917, tous les régimes communistes ont été des régimes criminels. L’URSS de Lénine, puis de Staline, la Chine communiste, le Cambodge de Pol Pot, Cuba ou la Corée du Nord sont responsables de la mort de millions d'individus. Les exécutions politiques, le Goulag ou la déportation de peuples entiers sont aujourd'hui bien connus. A cette énumération, tragique, il faut désormais ajouter de terribles famines, parfois orchestrées par le pouvoir. De ces mécanismes destructeurs et meurtriers, on peut dresser des bilans chiffrés, incontestables. Il reste à comprendre comment un idéal politique émancipateur a pu devenir une machine à broyer les individus. Mais personne aujourd'hui ne eut plus nier ni discuter les faits.



L'HISTOIRE OCTOBRE 2000 PAGES 36-37


L'AUTEUR:

Directeur de recherche au CNRS, Stéphane Courtois est directeur de la revue Communisme. Il a notamment participé au Livre noir du communisme (Laffont, 1997, rééd. Pocket, 1999).




Cent millions de morts? Le bilan d’une tragédie
Stéphane Courtois, Directeur de recherche au CNRS
Comment expliquer que les régimes marxistes-léninistes aient produit les plus importantes hécatombes du siècle ? Les réponses de Stéphane Courtois, qui, en 1997, avait supervisé la publication du Livre noir du communisme.
Ce livre événement, au-delà des débats et dès polémiques, a profondément modifié notre vision du système communiste.


1. QU’EST-CE QUE LE COMMUNISME?

Le communisme, compris comme société égalitaire et harmonieuse, a d'abord existé en tant que philosophie sociale et politique très ancienne, remontant même à Platon, et a ouvert le champ à d'innombrables utopies qui considéraient souvent l'abolition de la propriété privée des moyens de production, mais aussi des biens personnels, comme la clé du bonheur et de la fraternité.

Le mot est apparu à la fin du xviiie siècle sous la plume de Restif de La Bretonne, mais c'est à partir des années 1840 qu'il devient d'usage courant. On le trouve sous la plume d'Étienne Cabet et de Pierre Leroux. Il se réfère notamment au « babouvisme », c'est-à-dire à la conjuration des Égaux fomentée par Gracchus Babeuf, en 1795. Véritable acte de naissance du communisme moderne qui articule le projet d'une société idéale, égalitaire, assurant le «bonheur pour tous» et un mouvement révolutionnaire enraciné dans le social et le politique.

Mais le mot prendra tout son sens avec Marx et Engels, auteurs du Manifeste du parti communiste, datant de 1848. «Communisme» et «communiste» deviennent alors synonymes de «marxisme» et «marxiste».

Le mot «socialisme», lui, est un peu antérieur dans l'usage ; il se répand au début des années 1830. Cependant, tout au long du dix-huitième siècle, la confusion est constante entre «socialisme» et «communisme», le premier étant souvent considéré comme une étape permettant d'accéder au second. En effet, les partis socialistes d'Europe, appelés aussi social-démocrates, et organisés à partir de 1889 dans la IIe Inter-nationale, se réclamaient pour la plupart du marxisme.

Ainsi, en France, l'unification du mouvement socialiste, réalisée en 1905, s'est faite sur la base théorique du marxisme, Jules Guesde, soutenu par les Allemands, ayant pu l'imposer à Jaurès. Officiellement donc, le mouvement socialiste d'avant 1914 est marxiste, révolutionnaire, et aspire à la société sans classes, c'est-à-dire au communisme. Jaurès, du reste, emploie le mot « communisme », «collectivisme», « socialisme » indifféremment.

Mais, dans les faits, les grands partis marxistes de l'Internationale étaient devenus réformistes, rejetant aux calendes grecques l'idée de la révolution prolétarienne. Les actions de l'Internationale pour empêcher la guerre de 1914 se révèlent vaines, et les partis socialistes allemand et français participeront à l'effort de guerre national: la crise de l'internationalisme était ouverte. Cependant deux partis socialistes avaient refusé toute compromission avec le patriotisme bourgeois: le Parti socialiste italien et le Parti social-démocrate bolchevique de Lénine. C'est lui, Lénine, après la révolution d'Octobre, qui va véritablement établir la ligne de partage entre le communisme et le socialisme démocratique.

Pourtant, dès les années 1890, Émile Durkheim, un des fondateurs de la sociologie et ami de Jaurès, avait clairement identifié dans le communisme et le socialisme deux philosophies politiques radicalement distinctes, l'une reposant sur l'attribution égalitaire des richesses, l'autre sur une amélioration constante des processus de production amenant un accroissement continu des richesses et une élévation générale du niveau de vie (1).

Mais c'est Lénine qui, avec le cynisme d'un politicien professionnel et le messianisme d'un prophète, va créer le communisme comme mouvement politique spécifique. Rompant définitivement avec le socialisme démocratique, il appela à une guerre civile générale et au déclenchement d'une révolution prolétarienne mondiale. Cette rupture politique fut marquée, en mars 1918, au Vlll' congrès du parti bolchevique, par une rupture sémantique: après d'âpres discussions, Lénine imposa le changement de nom de son parti qui de «social-démocrate» devint «communiste». Immédiatement fut associée à ce nom une doctrine radicale, bien résumée dans un petit catéchisme révolutionnaire rédigé par Boukharine et Preobrajenski, l’ABC du communisme.

Sur la base de cette doctrine et de la politique des bolcheviks au pouvoir en Russie fut créée en 1919 une organisation mondiale, l'Internationale «communiste» ou Komintern. Regroupant tous les révolutionnaires qui souhaitaient rompre avec le socialisme traditionnel et démocratique, elle leur imposa une discipline très stricte, quasi militaire, et opéra une sévère sélection de ses cadres. Tous les partis affiliés devinrent des sections nationales de cette Internationale « communiste ». Dès ce moment, le communisme, jusque-là philosophie sociale, repose sur une doctrine, une organisation internationale et une stratégie mondiale très fortement unifiées à Moscou.

Il devient ce qu'Annie Kriegel a nommé un «système communiste mondial», qui, au gré des conjonctures favorables, se structura en trois cercles concentriques (2):

1) celui des partis-États formé des pays où les communistes avaient pris le pouvoir (URSS en 1917, démocraties populaires en 1945-1948, Chine en 1949, etc.);

2) celui des partis, composé de l'ensemble des partis communistes organisés dans le Komintern puis, après 1943, dans un système de relations bilatérales avec l'URSS et de conférences internationales (plus de 80 partis dans le monde);

3) enfin le sous-système des alliances du mouvement communiste avec d'autres forces anticapitalistes et anti-impérialistes (le mouvement syndical à travers l'Internationale syndicale rouge dans les années 1920-1930 puis la Fédération syndicale mondiale après 1945 ; le Mouvement de la paix, encore très actif en Europe dans les années 1980 pour empêcher l'installation des fusées Pershing américaines alors que les Soviétiques avaient installé depuis des années leurs SS20 le mouvement de décolonisation et de libération nationale dans les pays du tiers-monde).

C'est la formidable unité de ce mouvement qui justifie l'usage du terme générique de «communisme» pour désigner et définir des réalités au premier abord aussi différentes que l'expérience bolchevique menée en Russie sous Lénine (1917-1923) puis sous Staline (1928-1953), la révolution maoïste en Chine, la prise du pouvoir par les communistes dans les prétendues démocraties populaires, le communisme asiatique - de la Corée du Nord de Kim Il-sung au Vietnam de Ho Chi Minh en passant par l'enfer de Pol Pot -, ou encore les coups d'État transformés en régime communisé de Castro à Cuba, de Mengistu en Éthiopie ou de Dos Santos en Angola.

Notes:
* cf. lexique, p. 43.

1. Émile Durkheim, Le Socialisme, PUF, 1992.

2. Annie Kriegel, Le Système communiste mondial, Paris, PUF, 1984.
L'HISTOIRE OCTOBRE 2000 PAGES 38-41



2. QUEL EST LE BILAN DE CES RÉGIMES COMMUNISTES?

Un véritable désastre économique, culturel et surtout humain.


Certes, chaque pays a fait l'expérience du communisme dans une conjoncture spécifique, l'a supporté à sa manière, y a résisté selon sa culture propre. Néanmoins, tous ces partis, tous ces régimes, tous leurs chefs et leurs cadres ont ce point commun d'avoir adhéré à la doctrine marxiste-léniniste, d'avoir considéré l'expérience léniniste comme fondatrice d'une «lutte finale» entre le communisme et le capitalisme impérialiste, d'avoir appliqué les mêmes modèles d'organisation et de fonctionnement du pouvoir, et d'avoir pour beaucoup d'entre eux (Mao, Ho Chi Minh, tous les dirigeants des démocraties populaires, tous les chefs des grands partis communistes occidentaux des années 1920-1970) été, peu ou prou, sélectionnés, formés, nommés et contrôlés dans le cadre de l'Internationale communiste dirigée par Staline, comme nous le démontrent un peu plus chaque jour les archives désormais accessibles à Moscou et en Europe de l'Est.

La tragédie communiste peut s'apprécier à plusieurs niveaux. Sur le plan économique, le désastre a été général ; l'ex-URSS, l'un des pays les plus riches en matières premières, a connu le fiasco que l'on sait et dont les conséquences continuent et continueront encore longtemps de peser sur les populations (3). Les pays de l'Est ont pris, après 1945, un retard très net sur l'Europe occidentale, avec parfois des conséquences dramatiques, comme pour l'Albanie qui a sombré dans l'anarchie et le règne généralisé des mafias, ou la Roumanie où les communistes ont été de fait au pouvoir jusqu'en 1996 et ont ruiné l'économie. Plusieurs d'entre eux font un effort important pour accéder à l'Union européenne mais sont malheureusement encore loin du compte : le temps perdu ne se rattrapera pas en quelques années.

Le communisme a laissé le Cambodge, la Corée du Nord et l'Éthiopie exsangues. Le Vietnam et Cuba sont en situation de faillite permanente. Quant à la Chine, elle doit faire face à la reconversion d'une production entièrement administrée en une économie de marché, à un gigantesque chômage et aux explosions sociales qui s'ensuivent.

Le désastre a été également culturel avec la fermeture au monde pendant des décennies, l'abrutissement inévitable, conséquence du matraquage idéologique, la répression systématique d'une intelligentsia, d'une presse, d'éditions libres. A cela s'ajoute la destruction de civilisations, à travers le saccage systématique des églises en ex-URSS, des objets d'art en Chine au temps de la Révolution nommée par antiphrase «culturelle», d'ensembles architecturaux d'une valeur historique et esthétique inestimable dans la Roumanie de Ceausescu et, aujourd'hui encore, l'annihilation de la civilisation tibétaine par les Chinois.

Sans oublier les catastrophes écologiques telles celle de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986 et celle de l'assèchement de la mer d'Aral lié aux travaux d'irrigation massive en ex-URSS.

Cependant, ces désastres ne sont que la toile de fond sur laquelle se déploie la tragédie humaine. D'abord celle de l'exil, largement oubliée parce que cachée et silencieuse. Dès 1920, Berlin comptait plusieurs centaines de milliers de Russes dits «blancs», en fait contraints de fuir la révolution pour échapper au châtiment réservé aux aristocrates, aux bourgeois et autres «contre-révolutionnaires». Depuis des décennies, on a vu les boat people tenter de s'enfuir du Vietnam, puis les balseros de Cuba ; plus de 150 Allemands ont été tués en essayant de franchir le mur de Berlin. Des dizaines de milliers de ces fuyards ont été repris ou ont perdu la vie dans leur tentative. De même, les Européens de l'Est, les Baltes et les Ukrainiens constituent en Europe occidentale et aux Amériques une considérable diaspora.

Ensuite, celle de la mort. Le communisme au pouvoir a en effet prémédité et organisé le massacre de centaines de milliers d'individus, selon trois modalités principales.

1) L'exécution pure et simple.

Au moment de la prise du pouvoir et dans la période d'installation du régime soit parfois pendant plusieurs dizaines d'années, comme en URSS, les communistes ont instauré la terreur à la fois comme moyen immédiat de conserver leur mainmise sur le pays et comme solution à plus long terme pour promouvoir la révolution communiste, en exterminant tous ceux qui pouvaient constituer un pôle de résistance, si minime soit-il.

Furent ainsi liquidés les militaires, les policiers, les juges, les grands propriétaires, les industriels, les prêtres, les intellectuels. Parmi les massacres les plus significatifs, notons celui de la famille impériale des Romanov sur ordre de Lénine le 16 juillet 1918, celui des 50 000 soldats blancs faits prisonniers en Crimée en 1920, celui des dizaines de milliers de paysans révoltés traités aux gaz de combat par l'Armée rouge dans la région de Tambov en 1920, celui des 690 000 personnes exécutées durant la Grande Terreur* soviétique en 1937-1938 sur la base de listes visées personnellement par Staline et d'autres dirigeants soviétiques, des 25 700 responsables polonais assassinés sur ordre du Bureau politique du PC soviétique en date du 5 mars 1940 - parmi lesquels les 4 500 officiers de Katyn -, en Chine l'assassinat systématique des propriétaires fonciers au cours d'abominables séances collectives dans les villages; ou encore la liquidation systématique dans le Cambodge de Pol Pot de tous ceux qui portaient lunettes et stylo, soupçonnés d'être des intellectuels, donc irrécupérables.

Et aussi en Slovénie, la liquidation par les partisans de Tito de 15 000 hommes, femmes, enfants et vieillards, réfugiés dans la zone d'occupation des Britanniques en Autriche et «rendus» à leur allié, et dont on a découvert les fosses communes à l'été 1999. La liste de ces crimes est infinie et commence seulement à être dressée de manière rigoureuse.

2) La déportation et l'enfermement en camp de travail forcé.

La déportation de masse - arracher des populations entières à leur lieu d'origine, leur mode de vie, leurs coutumes - a été inaugurée par les communistes soviétiques lors de la collectivisation* forcée de 1929-1932, et appliquée à certains peuples du Caucase, dont les Tchétchènes, en 1943-1944. Elle a été utilisée à nouveau de manière spectaculaire par Pol Pot qui, en quelques jours, a vidé les villes cambodgiennes de leur population pour les «rééduquer» par le travail manuel à la campagne - il ne faisait que copier la méthode maoïste de rééducation des intellectuels et des jeunes urbains, appliquée lors de la Révolution culturelle.

Dans les premiers camps de concentration soviétiques, créés à l'été 1918, une forte majorité des détenus, souvent des otages, étaient condamnés à une mort rapide, ou comme dans le bagne des îles Solovki (monastères de la mer Blanche qui furent les premiers bagnes de déportation créés par les bolcheviks) ou, en 1920, dans les camps d'internement des cosaques du Don, qualifiés par le gouvernement lui-même de «camps de la mort».

A partir de 1928-1929, le régime soviétique invente le Goulag*, qui sera généralisé à l'ensemble des régimes communistes, les experts du KGB poussant même la sollicitude jusqu'à former leurs collègues chinois à l'encadrement de ce système concentrationnaire après 1949.

Officiellement, le Goulag est un système de rééducation par le travail. En réalité, c'est un système de destruction psychologique et physique des individus. Le caractère sauvage de cet univers est aggravé par le fait que, s'ils se trouvent bien sous l'autorité de la police politique, les camps sont en fait gérés au quotidien par des condamnés de droit commun qui y font régner une seconde terreur. Dans les camps chinois et vietnamiens, le travail de rééducation était pris au sérieux et aboutissait à un véritable «lavage de cerveau» bien décrit par le témoignage de Jean Pasqualini (4).

En Roumanie, le pouvoir avait entre 1949 et 1952 inventé une méthode encore plus inhumaine, si possible: dans la prison de Pitesti, un grand nombre d'étudiants, en général nationalistes et chrétiens, ont été impliqués dans un processus de rééducation de groupe où chacun était contraint, lors de séances collectives, de torturer les autres, afin de les obliger à «se démasquer», en dénonçant leurs proches et en «avouant» leurs propres «fautes» évidemment imaginaires (viol de leur soeur, relations incestueuses avec leur mère, etc.) (5).

Une méthode assez proche fut pratiquée dans la prison centrale de Phnom Penh, Tuol Sleng, où 20 000 prisonniers furent contraints sous la torture de rédiger des autobiographies où ils «avouaient» nombre de crimes imaginaires au nom desquels ils étaient condamnés : pas un n'en est sorti vivant.

3) La famine.

Le monopole de la production et de la distribution de la nourriture a été, dès l'origine, un moyen puissant mis en oeuvre par le pouvoir communiste pour contrôler et réprimer les populations. Dès septembre 1917, avant même la prise du pouvoir, Lénine avait vanté les mérites du rationnement du ravitaillement, à appliquer selon le slogan «Qui ne travaille pas ne mange pas» - passablement inquiétant dans un régime où c'est le pouvoir qui attribue les emplois...

Ce contrôle absolu des approvisionnements a été commun à tous les régimes communistes car étroitement lié au dogme de la collectivisation des moyens de production, dont la terre était le principal dans des pays encore largement agraires comme la Russie de 1917 ou la Chine de 1949. Il a à plusieurs reprises abouti à la famine, avec cette caractéristique extraordinaire que, sauf exception (au Cambodge), ce sont les populations paysannes, productrices de la nourriture, qui en ont été les victimes.

Il est arrivé que ces famines soient aussi le résultat d'une politique aberrante du pouvoir communiste, comme en URSS en 1922 ou en Chine en 1959-1961. L’homicide n'est pas, alors, volontaire, mais il laisse indifférent un pouvoir qui, souvent, ne tient pas à demander à l'étranger une aide susceptible de révéler la tragédie et de contredire l'image radieuse que diffuse la propagande. C'est ce qui s'est passé lors de la terrible famine chinoise provoquée par le Grand Bond en avant, et aussi ces dernières années en Corée du Nord où des dizaines de milliers de personnes, en particulier des enfants, sont morts de sous-alimentation.

Il est arrivé enfin que la faim soit utilisée comme une arme contre des populations rebelles ou soupçonnées de l'être. Cette famine programmée peut être assimilée à un génocide, tuant en priorité les enfants, les malades et les vieillards, comme en Ukraine en 1932-1933 (6 à 7 millions de morts de faim en dix mois), ou au Cambodge (environ 800 000 morts de faim en trois ans, entre 1975 et 1978). Volontaires ou fruits de politiques absurdes, ces famines fournissent la grande majorité des victimes du communisme : 10 à 12 millions de morts en URSS, 30 à 40 millions au moins en Chine, 800 000 au Cambodge...

Si l'on additionne les victimes provoquées directement, sous tous ces régimes (l'URSS, la Chine, le Cambodge, la Corée du Nord, l'Afrique, l'Europe de l'Est, l'Afghanistan et le Vietnam, (cf. carte, p. 37),par les exécutions, la déportation, le travail forcé et les famines - et sans compter les morts de la guerre -, le total avoisine les 100 millions, même si les chiffres font encore l'objet de débats et de recherches (6).

Une tragédie d'une telle ampleur appelle un véritable travail d'histoire pour prendre la mesure de ces massacres, grâce aux archives ouvertes depuis l'effondrement de la plupart de ces régimes. Il débouche sur un triple travail de mémoire:

1) il aide à réveiller les souvenirs chez les survivants;

2) il permet de rendre hommage aux millions de victimes le plus souvent anonymes;

3) il facilite chez les nations traumatisées le travail de deuil qui seul leur permettra de retrouver identité, sérénité et équilibre.

Notes:

3. Cf. par exemple Hélène Blanc et Renata Lesnik, Le Mal Russe. Du chaos à l’espoir, Paris, L’Archipel, 2000.

4. Jean Pasqualini, Prisonnier de Mao: sept ans dans un camp de travail en Chine, Paris, Gallimard, 1975)

5. Cf. Virgil Ierunca, Pitesti, laboratoire concentrationnaire (1949-1952), Paris, Michalon, 1996, et Irena Talaban, Terreur communiste et résistance culturelle. Les arracheurs de masque, Paris, PUF, 1999).

6. Cf. Stéphane Courtois, «Le Livre noir et le travail historien sur le communisme», Communisme no 59-60, mai 2000, pp. 91-126)

Ce texte met en lumière le discour typique communiste. Pour ceux qui ne le savent pas, il est très facile de reconnaître un communiste ou un franc-maçon simplement par le vocabulaire qu’il emploie. Dans le cas présent, il s’agit des expressions qui contiennent le mot «histoire».

Le Parti Québécois emploie le mot à toutes les sauces. Bernard Landry se gargarisait avec du rinse-bouche historique plusieurs fois par jour. Souvenons-nous de sa «journée historique» quand il s’est fait avoir par les Cris et qu’il parlait de la «Grande Paix».


Les journalistes de RDI (Radio-Canada) parlent de moment historique à propos de Baraque Ozanna, le communiste bien éduqué qui veut se faire passer pour le Sauveur de la veuve et de l’orphelin. Il devrait monter sur les planches et se lancer dans le spectacle. Il faut admettre qu’il soit fort dans la mise en scène.


Paupau, le chef du pikiou communiste, ne partage pas le même sort que la plèbe qu’elle prétend défendre. Vous n’avez qu’à étudier le profile de chacun des dirigeants du pikiou, présents, anciens et ceux qui succéderont pour vous rendre compte que leur profile et celui de tous ceux qui ont commis des atrocités sont des copies conformes.




L'HISTOIRE OCTOBRE 2000 PAGES 41-43



3. QUI ÉTAIENT LES BOURREAUX ?


Ces pratiques criminelles n'ont pu se développer que dans certaines conditions. La première est la croyance idéologique : au nom du «sens de l'histoire» et de la «nécessité historique», les chefs communistes se sont crus autorisés à tuer des personnes désignées comme l'«ennemi». C'est ce fanatisme idéologique qui, chez des individus ayant bénéficié d'une éducation familiale, d'une formation intellectuelle bien au-dessus de la moyenne, comme Lénine ou Trotsky, a provoqué la levée des interdits moraux élémentaires au nom d'une «autre morale», celle de la nécessité révolutionnaire.

Trotsky, l'un des leaders bolcheviques les plus frottés au socialisme européen des grandes capitales comme Berlin, Vienne ou Paris, ne s'est pas détaché de cet ancrage fondamental : il titra l'un de ses derniers ouvrages, publié en 1939, Leur morale et la nôtre, opposant la morale «bourgeoise» à la morale «prolétarienne», revendiquant le principe que la fin justifie les moyens et confirmant, à vingt ans de distance, ses appels à la guerre civile (7).

La seconde motivation des pratiques criminelles, beaucoup plus triviale, a été la crainte, chez ces révolutionnaires, de perdre le pouvoir qui, bien souvent, leur était échu comme une «divine surprise». Ce qui aurait été à la fois perdre le moyen d'expérimenter la théorie - appliquer la «dictature du prolétariat», mettre en oeuvre le collectivisme dans l'industrie et l'agriculture -, mais aussi abandonner les avantages et privilèges bien réels d'un pouvoir absolu.

Le messianique et le trivial se sont donc conjugués pour nourrir le fanatisme, interdire tout retour en arrière et alimenter la radicalisation des régimes. En 1918, Lénine préféra brûler ses vaisseaux plutôt qu'admettre qu'il s'était trompé. Il dispersa l'Assemblée constituante - la première assemblée élue au suffrage universel dans l'histoire russe -, fit massacrer les manifestants qui la soutenaient, abandonna la Russie occidentale aux Empires centraux, provoqua la ruine de toute l'industrie, suscita la révolte d'une grande partie de la paysannerie, plutôt que d’admettre qu’il avait fourvoyé le pays.

En 1929, Staline préféra déclencher une véritable guerre contre les paysans - la collectivisation forcée avec son cortège de tragédies - plutôt que d'admettre que le système n'était pas viable.

En 1958, Mao lança le Grand Bond en avant qui, vaticinait-il, allait permettre à la Chine de rejoindre les pays occidentaux en dix ans, provoquant un désastre économique qu'il refusa de reconnaître et qui entràina la grande famine. Ce qui n'empêcha pas Pol Pot, quinze ans plus tard, de considérer que le Cambodge pouvait en une nuit passer au communisme: on sait la catastrophe que cela produisit.

Cette mégalomanie paranoïaque des dirigeants relève moins, à notre sens, d'un dérèglement psychologique que de l'adoption d'une philosophie strictement matérialiste et historiciste, selon laquelle les masses ne sont qu'une pâte que l'on peut travailler à volonté. Mais qui étaient les bourreaux ordinaires du communisme?

On commence seulement, grâce à l'ouverture des archives, à mieux les connaître : des hommes jeunes, issus du peuple, sélectionnés et recrutés pour leur fidélité à un système où l'organisation du crime de masse était un élément de la carrière dans un corps, la police politique, considéré comme parti culièrement prestigieux.

Dans un tel contexte, où la chasse aux «ennemis du peuple» était une tâche d'«honneur», il était inévitable que la machine répressive s'emballe, soit que l'on assiste à toutes sortes de règlements de comptes personnels, soit que des «stakhanovistes» de la terreur exigent que le pouvoir leur accorde des quotas supplémentaires de fusillades afin de montrer leur zèle, comme ce fut le cas en URSS dans les années 1930.

Mais, souvent, c'est l'impéritie et le mépris de la vie qui, du sommet à la base, étaient responsables de catastrophes humaines ; ainsi, en URSS, lors des grandes vagues de déportation, il n'était pas rare que des milliers de personnes soient abandonnées en pleine nature, taïga de Sibérie ou désert du Kazakhstan, où elles mourraient à petit feu. Parfois, comme dans le cas des convois des 29 et 30 avril 1933, des déportés, débarqués sur l'île de Nazino, ont été contraints de pratiquer le cannibalisme pour survivre ; sur 6 700, 2 200 seulement étaient encore en vie trois mois plus tard.

Le système de délation généralisé était lui-même un facteur d'emballement : ne pas dénoncer un ennemi du peuple vous désignait comme ennemi du peuple, et tenter d'échapper à la purge impliquait que l'on devienne un délateur. Cependant, la pratique des «aveux», l'irruption des grands procès, le phénomène récurrent de la purge, ne concernaient principalement que les cadres du parti et du régime. Or, la très grande majorité des victimes n'appartenait pas à cette sphère du pouvoir, mais au petit peuple, ouvrier et paysan.

Enfin, les emballements ponctuels de la machine ne doivent pas nous faire oublier que celle-ci était étroitement contrôlée et dirigée par les chefs du parti communiste. Tous les dirigeants des services de sécurité leur obéissaient : Dzerjinski à Lénine, lagoda, Ejov et Beria à Staline, Kang Sheng à Mao et Duch à Pol Pot. Les chefs du parti donnaient l'impulsion des grandes vagues de répression ou des purges et souvent les dirigeaient dans le détail, approuvant les listes de victimes, précisant les modalités d'exécution, vérifiant les résultats.

Notes:
7. Cf. Stéphane Courtois, «Les derniers jours de Trotsky », L'Histoire, no 246, pp. 76-83.



mercredi, octobre 29, 2008

L'HISTOIRE OCTOBRE 2000 PP. 43-45


4. PEUT-ON COMPARER LES CRIMES COMMUNISTES ET LES CRIMES NAZIS ?


Le crime de masse, en ce vingtième siècle, n'aura pas été l'apanage des pouvoirs communistes. Dès 1915, les Jeunes Turcs avaient montré la voie avec le génocide des Arméniens. On a connu plus récemment des massacres de grande ampleur et de même type en Indonésie, en 1966 et plus récemment, où un fanatisme musulman a dressé des populations pauvres contre la communauté chinoise commerçante, au prétexte qu'elle serait communiste, faisant plus de 600 000 morts. Au Rwanda où l'ethnie hutu a cru le moment venu d'en finir avec son éternelle rivale tutsi, faisant là aussi plus de 700 000 morts.

Mais ce sont les crimes de masse perpétrés par les nazis qui ont surtout mobilisé l'attention de l'opinion et des chercheurs. Et à juste titre : par leur ampleur (25 millions de victimes civiles), par leur férocité (incendies de villages entiers comme à Oradour-sur-Glane), par leur caractère en apparence irrationnel (comme dans l'assassinat de masse des Juifs et des Tziganes), par leur côté industriel (avec l'invention de l'ensemble chambre à gaz/ crémation), ces crimes ont dépassé toute mesure humaine, et sont apparus d'autant plus graves qu'ils étaient perpétrés par les ressortissants d'un peuple « civilisé ».

Si les crimes communistes peuvent se comparer aux crimes nazis, tant par leur ampleur que par leur férocité, certains observateurs estiment que la comparaison s'arrête là, le nazisme se distinguant du communisme sur deux points essentiels: le caractère racial du crime, et sa méthode industrielle.

Or, l'assassinat industriel, dont le camp d'Auschwitz est devenu emblématique, s'il frappe les imaginations et s'il est extraordinairement symbolique, ne recouvre qu'en partie la réalité ; le système sélection/ gazage/crémation a été inventé pour exterminer d'abord plus de 70 000 Allemands «aryens» (malades mentaux et vieillards) entre l'automne 1939 et le printemps 1941. Les chambres à gaz n'ont commencé à fonctionner pour les Juifs qu'à partir du début 1942 ; jusque-là, les nazis avaient massacré au revolver, au fusil et à la mitrailleuse, sans oublier la faim, le froid et la maladie dans les ghettos - toutes méthodes pratiquées depuis déjà plus de deux décennies par les communistes russes.

L’ensemble des Juifs de l'ex-URSS occupée furent exterminés par les nazis par ces méthodes qui, pour être «artisanales», n'en étaient pas moins terriblement meurtrières. Dans le Cambodge de Pol Pot, bon nombre de victimes furent tuées d'un simple coup de bâton ou de pelle derrière la tête. Et la déportation massive par train était déjà pratiquée par Staline depuis 1930 dans le cadre de l'«extermination des koulaks en tant que classe».

L’utilisation de la chambre à gaz pour l'extermination systématique des Juifs et des Tziganes à partir de 1942 n'a pas d'équivalent dans l'histoire. Mais elle ne suffit pas, à mon sens, à faire de ce génocide un événement qui interdit toute comparaison avec les autres génocides ou crimes de masse. Les observateurs opposés à la comparaison avancent alors un argument de plus de poids : les crimes de Hitler, par leur caractère racial, et en particulier par la fixation homicide sur les Juifs, sont le fait d'un malade mental et ne relèvent d'aucune justification rationnelle.
A l'inverse, les crimes commis par Lénine, Trotsky, Staline et les autres répondraient à la logique d'une lutte politique pour la mise en oeuvre et la défense d'une société plus juste; la lutte contre les «ennemis du peuple» et les «contre-révolutionnaires» serait légitime et aurait été justifiée par le combat contre le nazisme.


Cette distinction, selon moi, relève d'une erreur méthodologique et mérite d'être discutée.
L'antisémitisme n'était pas le seul moteur de Hitler: l'ultra-nationalisme et la peur/haine du bolchevisme étaient chez lui au moins aussi importants et se mêlaient étroitement, comme l'indique sa hantise du «judéo-bolchevisme» (8).


D'autre part, Hitler eut d'abord pour objectif de débarrasser l'Allemagne des Juifs, mais pas forcément de les exterminer. Ce n'est qu'en juin 1941 que commença le massacre systématique par les Einsatzgruppen dans l'URSS occupée, et en décembre que Hitler donna l'ordre de la «Solution finale» (9).

Quant aux bolcheviks, s'ils ont dès leurs premières semaines de pouvoir prétendu que la terreur n'était qu'une action préventive et d'autodéfense contre la réaction bourgeoise, ils n'en avaient pas moins proclamé depuis 1916 la nécessité d'exterminer la bourgeoisie «en tant que classe», ce qu'ils mirent immédiatement en pratique, le terme de «bourgeoisie» étant bientôt étendu à l'ensemble de ceux qui n'acceptaient pas leur politique.

Venons-en maintenant à l'erreur méthodologique: condamner les crimes abominables des nazis, cela ne dispense pas d'analyser le mécanisme interne qui a amené au crime en fonction des valeurs des bourreaux.

Or, partant d'une philosophie tout aussi matérialiste que les nazis (non pas biologique et raciale, mais socio-historique), les communistes ont agi au nom des mêmes valeurs antidémocratiques, antimorales et antihumaines.

C'est cette convergence qui a permis à de très nombreux auteurs, dès les années 1930 - citons en France Elie Halévy, Boris Souvarine ou Jacques Maritain -, d'engager une comparaison entre les deux phénomènes et de les désigner sous le terme de totalitarisme.

Il nous parait aberrant que Hitler ait pu conclure de la défaite de novembre 1918 et des mouvements révolutionnaires de 1919 que l'Allemagne était victime d'un complot du «judéo-bolchevisme». Mais la pensée de Staline n'est-elle pas tout aussi aberrante, quand, confronté à l'échec de l'étatisation économique, il y voit d'abord le complot des « koulaks » dont il décrète qu'ils doivent être «exterminés en tant que classe», puis le complot des «bandits hitléro-trotskystes», qui justifie la Grande Terreur?

Ces deux systèmes de pensée et de pouvoir, nazi et communiste, plaçaient bien au centre de leur vision du monde l'image de « l'ennemi ». Un ennemi qui n'avait rien à voir avec l'adversaire politique traditionnel: un ennemi absolu, irréductible, qu'il faut exterminer pour survivre. C'est, chez Hitler, le «judéo-bolchevik» qui, après la liquidation des communistes en 1933-1934, deviendra le seul Juif; chez Lénine et ses successeurs, le «capitaliste» ou le «koulak», bref le «bourgeois» dont la haine a été, comme l'a très bien montré François Furet, l'un des moteurs essentiels des mouvements totalitaires (10)

Cinquante ans après la défaite et la disparition de Hitler, les crimes du nazisme continuent de hanter l'Europe et le monde. Neuf ans après la chute du communisme à Moscou, et alors que plus d'un milliard d'hommes continuent de vivre sous ce type de régime, les crimes du communisme semblent être tombés dans quelque poubelle de l'histoire.

Le mouvement communiste qui s'est emparé du pouvoir en novembre 1917 est mort en 1991, mais les communistes sont toujours là, reconvertis en socio-démocrates, en socio-libéraux ou en ultra-nationalistes et en défenseurs des « droits de l’Homme ». Aucun processus juridique sérieux n'a été engagé pour condamner les bourreaux. Viachteslav Molotov, bras droit de Staline et personnellement responsable de centaines de milliers d'assassinats, est mort tranquillement dans son lit en 1986, à l'âge de quatre-vingt-seize ans. Nikita Khrouchtchev, présenté comme le dénonciateur de Staline, fut sous les ordres de ce même Staline le bourreau de l'Ukraine - il y fut chargé de la Grande Terreur en 1937 (plus de 100 000 arrestations et exécutions en 1938 et 3 survivants sur les 200 membres de Comité central du parti communiste d'Ukraine) ; il s'attaqua ensuite aux nationalistes ukrainiens dont les dernières guérillas furent exterminées au début des années 1950.

Comme l'a montré Alain Besançon dans son beau livre, Le Malheur du siècle, à l'hypermnésie des crimes nazis correspond une amnésie des crimes communistes. Sans doute faut-il y voir l'effet de la pression persistante des communistes en ex-URSS, en Europe de l'Est, en Chine et jusque dans le gouvernement français. Mais il est indéniable que pèse aussi, en France, le prestige de l'idée de révolution qui demeure constitutive de votre histoire nationale et de la fondation de la « République ».

Votre tranquillité démocratique d'Européens de l'Ouest, votre prospérité économique, votre bien-être social ont été directement payés de l'abandon à Staline de toute une part de l'Europe. La réunification, qui est en route, de la grande aire culturelle et de civilisation que fut l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural, avant 1917, ne pourra se faire que si vous reconnaissons l'immense tragédie vécue à l'Est.

Il faut pour cela avoir le courage intellectuel, moral et politique de regarder en face les crimes du communisme.

Notes:

8. Cf. Ernst Nolte, La Guerre civile européenne, 1917-1945, Paris, Éditions des Syrtes, 2000.

9. Cf. «Auschwitz. La Solution finale» Les Collections de L’Histoire no 3).

10. François Furet, Le Passé d'une illusion (cf. Pour en savoir plus, p. 73.



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