LE GRAND ORIENT DE FRANCE
CHAPITRE III
LE CAS DE L' ABBÉ ROCA (1830-1893)
Un an après ces sonnets, l'Abbé Roca commençait ses publications.
Né en 1830, sorti de l'école des Carmes et ordonné prêtre en 1858, nommé chanoine honoraire de Perpignan en 1869, il voyage à partir de cette année en Espagne où il réside un certain temps pendant lequel le gnosticisme messianiste va le saisir, puis aux États-Unis en 1880, en Suisse, en Italie. Très versé désormais dans les sciences occultes, il entreprend alors son effroyable propagande auprès des ecclésiastiques et de la jeunesse. Interdit par Rome, il n'en continue pas moins à parler et à agir comme s'il était encore d'Église, y prêchant la révolte et annonçant l'avènement prochain de la divine synarchie sous l'autorité d'un Pape converti au christianisme scientifique. Prosélyte d'une nouvelle église illuminée dans le régime qu'il qualifie de socialisme de Jésus et des Apôtres, Roca est un apostat de la plus forte espèce. Au-dessous d'un Eliphas Levi (ex-abbé Constant), certes, mais plus dynamique qu'un ex-abbé Lacuria, rosicrucien de la première heure, il fréquente les hautes sociétés secrètes, martiniste, occultiste, kabbaliste. Il n'y tient pas le rôle d'un simple acolyte, il n'assiste à leurs réunions, à leurs congrès spiritualistes, ni en figurant ni en disciple; il y apporte au contraire un certain prestige, celui du prêtre renégat, communiquant la flamme plus vive de sa haine, l'appui de sa science religieuse au service des doctrines maudites. Il vit dans l'intimité des Maîtres dont il partage l'autorité. C'est Chamuel, éditeur du Traite- méthodique des Sciences occultes de Papus, d'Église et fin de siècle de l'Abbé Jeannin et dont la Librairie, rue de Trévise, recèle un sanctuaire gnostique où l'on célèbre selon le culte valentinien (*) ou messianiste; c'est Augustin Chaboseau pour qui il fait la réclame de la revue Psyché; c'est Barlet dont il recommande les ouvrages. Tous trois font partie des douze de la Chambre de L'ORDRE KABBALISTIQUE DE LA ROSE-CROIX. Mieux encore, ses rapports avec les Mages attestent dans le blasphème la nature du dieu auquel il prostitue son sacerdoce. À STANISLAS DE GUAÏTA qui lui écrit:
Mon bien cher frère en Jésus-Christ,
il répond:
MON BIEN AIMÉ FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST... JE NE RENIE AUCUN DES PRINCIPES DE VOTRE ENSEIGNEMENT QUI EST LE MIEN. NOUS SOMMES D'ACCORD, MON CHER FRÈRE SUR TOUS LES POINTS DE LA DOCTRINE ÉSOTÉRIQUE.
Lorsque le Mage Papus, fondateur de l'Ordre Martiniste derrière lequel se retranche l'Ordre Kabbalistique, crée ses revues Le Voile d'Isis et L'Initiation, il exulte, en fait la publicité, se vantant d'en connaître les quarante rédacteurs. C'est là, pense-t-il,
LA VÉRITABLE INITIATION, CELLE QUE LE CHRIST FIT AUX DOUZE PUIS AUX SOIXANTE DOUZE.
Et voici, avec Oswald Wirth, la parodie subversive des dogmes chrétiens sous les équivoques du symbolisme maçonnique. Celui-ci félicite Roca de la fondation d'un journal, qui fut éphémère:
LE SOCIALISTE CHRÉTIEN, ORGANE DU SOCIALISME DE JÉSUS ET DES ApôTRES.
Roca lui répond, répétant la leçon de Stanislas de Guaïta:
Mon cher frère in Christo - Je n'ai pas besoin de vous dire que Le socialiste chrétien n'a pas d'autre but que de FAVORISER L'INITIATION DES PRÊTRES ET DES CATHOLIQUES À LA CONNMSSANCE DE CET ÉSOTÈRISME qui est la science occulte et transcendante non plus de la lettre dont le règne est fini mais de l'Esprit dont le règne commence (23-8-1891).
Paroles terribles. Ainsi, quand dès cette époque des ecclésiastiques vont orienter le cours de leur pensée vers le socialisme, le considérant comme la réalisation ici-bas de la charité, comme l'avènement politique du christianisme et déjà, pour certains, comme une Parousie de l'amour dans un paradis matériel substitué, nous n'exagérons pas leur pensée, au bonheur éternel, Roca nous avertit que le socialisme est, entre les mains des hautes sociétés secrètes, le revêtement sentimental du christianisme ésotérique parodiant l'Évangile en un langage d'enfer.
Mais c'est à Saint-Yves d'Alveydre qu'il empreinte la vision de la société synarchique dans laquelle une révolution silencieuse enfermera l'Église. Roca confesse avoir trouvé dans cet ami de Papus et de Stanislas de Guaïta un prophète, un savant, une abondance de vie spirituelle. Saint-Yves n'a fait que tracer les grandes lignes de l'Universelle Église, pandémonium de toutes les religions et de toutes les sectes sous l'empire de la "Théocratie" occulte. Roca, lui, a compris que, pour la réaliser, il faudrait amener le clergé, tout au moins un certain nombre de prêtres, à une autre conception des dogmes, leur insuffler sans qu'ils s'en doutent l'esprit de l'universalisme maçonnique, les endoctriner de la transcendance de la Gnose sur la foi, de l'union intime de l'occulte et du christianisme, de la trahison de l'Évangile par le Vatican. Il les faut persuader que la Papauté romaine porte la faute d'avoir substitué au Magistère initial de Pierre, les honneurs et les richesses d'un impérialat latin qui doit tomber sous les coups d'un clergé nouveau gagné d'avance à l'inévitable victoire d'une nouvelle Église. Et cette dernière sera instaurée par un Pontife futur qui réunira dans sa personne et dans sa fonction celles du Pape et du Mage de la Synarchie.
Pour étonnant que cela puisse paraître, nous n'avançons rien qui ne soit dans les écrits de ce prêtre si tristement célèbre alors, à la fois dans les hautes instances initiatiques et dans des milieux catholiques dont nous parlerons, dont l'œuvre est aujourd'hui moins tombée dans l'oubli qu'entourée d'un silence complice cachant à trop de ses inconscients disciples l'origine secrète du néo-christianisme et de ses bases gnostiques. Feuilletons ses ouvrages: Le Christianisme, le Pape et la Démocratie, La Fin de l'Ancien monde, le glorieux centenaire, la crise fatale.
Nous y découvrirons, avec la certitude d'un complot ourdi au sein de l'Église, par les hautes sociétés secrètes, la semence de toutes les révoltes d'aujourd'hui, avec leur espoir, leur conviction du succès final.
MON CHRIST N'EST PAS CELUI DU VATICAN!
L'évolution religieuse ira de pair avec les transformations sociales vers le terme de la divine synarchie. Sous l'influence du groupe initiatique organisé par Oswald Wirth, on s'efforcera de faire admettre au sein des loges la conception de cet étrange œcuménisme supraconfessionnel, qui peu à peu répandu au dehors, dans le monde profane" sous les traits, d'un faux christianisme immanent dans la conscience universelle, supprimera évidemment pour beaucoup les difficiles problèmes de la question missionnaire!
Un christianisme nouveau, sublime, large, profond, vraiment universaliste, absolument encyclopédique, lequel finira certainement, comme l'a dit Victor Hugo, par faire descendre sur
la terre, le ciel tout entier, pour supprimer les frontières, les cantonnements sectaires, les églises locales, ethniques et jalouses, les temples divisionnaires, les alvéoles où sont retenues, prisonnières de César, (3) les molécu1es souffrantes du grand corps social du Christ.
(Glorieux Centenaire, p. 123)
Ce que veut bâtir la Chrétienté n'est pas une pagode, c'est un culte universel où tous les cultes seront englobés (p. 77).
Pour être universel, ce culte ne peut s'adresser qu'à un dieu unique dont la Science et l'Initiation révéleront la présence invisible sous les voiles de chacune des religions: l'Homme. Non pas un être individuel mais le dieu de l'Humanisme nouveau, l'Humanité elle-même qui, par un blasphème inouï, substituée au Christ, usurpe le culte d'adoration qui n'est dû qu'au Verbe Divin,
l'Humanité qui, a mes yeux, se confond avec le Christ d'une manière autrement réelle que les mystiques ne l'avaient cru jusqu'à nos jours.
Ceci, Roca ne l'a pas inventé. Ce point de vue est assez traditionnel dans les sociétés secrètes. Sa philosophie n'est autre que la philosophie des sectes: un panthéisme émanatiste (**), mais qui prend un tour assez scripturaire pour assimiler dans l'équivoque la lettre de l'Écriture aux cosmogonies de la Kabbale et de la Gnose, avec la prétention de professer le véritable esprit de l'Évangile à l'encontre de l'Église romaine. De là une subversion de la Foi, qui parfois, plus subtilement présentée échappe même à des ecclésiastiques dont la culture théologique est restée rudimentaire au moins par quelque endroit. Voici un modèle du genre où le Christ "tête et âme du Cosmos tout entier" devient le CHRIST-UNIVERS, le CHRIST-SOCIAL, la masse christifiée:
Si le Christ-Homme est comme le Verbe incarné, le Fils unique de Dieu, il est donc aussi l'Univers tout entier et surtout toute l'Humanité ou mieux l'innombrable série des Humanités voyageuses (p. 528).
Car le Verbe Incarné, le Fils de la Vierge Marie n'est pas le vrai Christ. Si l'on en doute il faut lire alors ce petit morceau où se mêlent le Kabbalisme et le symbolisme initiatique toujours friands de caresser l'Apocalypse:
Incarnation de la Raison incréé (***) dans la raison crée, manifestation de l'absolu dans le relatif, le Christ en personne est un SYMBOLE° central, une sorte D'HIÉROGLYPHE° en chair et
en os parlant et agissant d'une manière toujours typique. Il est l'Homme-Livre que nomment ensemble la Kabbale et l'Apocalypse.
(Fin de l'Ancien monde p. 12).
Remarquons ici le sens inversé donné au mystère chrétien par cette définition qui exprime bien moins l'assomption de la nature humaine dans la Personnalité Divine que l'insertion de la "Raison incrée" (Comme si Dieu raisonnait!) dans une personne humaine! Il est inutile, pensons-nous, de multiplier ici des textes illustrant cette philosophie de primitif qui sous-tend une théologie inexistante, sinon en manière de subversion démoniaque de la Foi. Sa détermination diabolique d'inoculer un symbolisme obsessionnel dans la pensée chrétienne ne vise qu'à faire perdre de vue les réalités contenues dans les divins mystères. La Rédemption nous en fournira encore un exemple. Celle-ci n'est plus qu'un mouvement social qui se nomme, dit Roca:
Évolution dans la langue des savants et rédemption, désincarnation, mort et ascension dans la langue des prêtres éclairés.
(G.C. p. 237).
L'Évangile avec le drame sanglant qui en forme 1e fond est une PARABOLE transcendantale où se déroulent sous ses formes ALLÉGORIQUES° et réelles en même temps, les destinées de notre globe et de l'Humanité qu'il porte.
(Fin de l'Ancien Monde p. 11).
En résumé, dira encore Roca:
MON CHRIST N'EST PAS CELUI DU VATICAN! (4)
LE SENS DE L'HISTOIRE ET L'ÉVOLUTION
Avec le monde et parce qu'il est le monde, LE CHRIST EVOLUE ET SE TRANSFORME:
On n'arrêtera pas le tourbillon du Christ, ON N'ENRAIERA PAS LE TRAIN D'ÉVOLUTION QU'IL MÈNE DANS LES MONDES ET QUI EMPORTERA TOUT.
Les dogmes évoluent avec lui car ils sont:
CHOSE VIVANTE COMME LE MONDE, COMME L'HOMME,
COMME TOUT ÊTRE ORGANIQUE.
Echos de la conscience collective, ils suivent comme elle:
LA MARCHE DE L'HISTOIRE
et par ce biais sacrilège, Roca identifie le Christ avec les idoles du jour, il en fait le dieu du siècle.
L'ÉGLISE - LA PAPAUTÉ
Dès lors, la rébellion est inévitable contre la structure et l'autorité de l'Église romaine jusques et y compris sa discipline sacramentaire et c'est surtout en cela que Roca nous intéresse. Ses hérésies ne sont ni les seules ni bien nouvelles. D'autres les ont professées en bloc ou en détail avant lui sous des formes différentes. Mais ce qui frappe chez lui c'est sa volonté froidement subversive de modernisme sur des thèmes qui sont aujourd'hui d'actualité, mêlée à une conviction d'illuminé qu'ils se réaliseront et qu'un jour la sublime synarchie achèvera la conquête de l'Église. Par sa participation aux sociétés occultes, il était trop bien placé pour ne pas connaître les plans des hautes maçonneries et même pour n'avoir pas mis la main à ces plans dont les réalités présentes nous montrent la constante poursuite. Roca savait.
Ce qui se prépare dans l'Église Universelle?... Ce n'est pas une réforme, c'est, je n'ose dire une révolution car ce mot sonnerait mal et manquerait de justesse, mais une
évolution.
(F.A.M. p. 327).
Peut-être craignait-il d'effrayer ses prochains disciples du clergé - car il eut des disciples - par le mot de révolution, mais l'esprit et l'intention y étaient; des imitateurs l'ont trop bien compris. En voici un trait où l'assaut contre Rome n'est pas déguisé:
Telle qu'elle est la Papauté disparaîtra, le Pontife de la divine synarchie ne ressemblera pas plus au Pape de l'heure présente que ne ressemble à celui-ci le Pape du Lac Salé... Le nouvel ordre social s'inaugurera hors de Rome, sans Rome, malgré Rome, contre Rome.
La vieille Papauté, le vieux sacerdoce abdiqueront volontiers devant le Pontificat et devant les prêtres de l'avenir qui seront ceux du passé convertis et transfigurés en vue de l'organisation scientifique de la Planète dans la lumière de l'Évangile.
Et cette nouvelle Église, bien qu'elle ne doive peut-être rien conserver de la discipline scolastique et de la forme rudimentaire de l'ancienne Église, recevra néanmoins de Rome la Consécration et la Juridiction Canonique.
(G.C. p. 452-433).
LA CURIE ne sera pas épargnée cette institution politique qui sous le nom de COUR ROMAINE OU DE VATICAN ROYAL S'ÉTAIT JUXTAPOSÉE, QUELQUEFOIS MÊME SUPERPOSÉE À L'INSTITUTION DIVINE... Car le Vatican n'est pas l'Église, le Droit Canon n'est pas le Saint Évangile. Heureusement. Elle est coupable selon Roca d'avoir mis le christianisme au tombeau mais elle n'empêchera pas l'évolution commencée:
Pour mieux scellée qu'ait été la pierre de ce tombeau, pour mieux gardée qu'elle soit à vue par les Centurions Rouges (5) qui montent la garde autour de cette crypte, la pierre
tombale sera écartée par l'Ange de la Résurrection c'est-à-dire par la force vivante de l'Évolution ou de la Rédemption que le sang du Christ a déposée dans
son corps social afin de le pousser vers ses hautes et divines destinées.
(G. C. 452).
La Révolution rédemptrice! C'est bien ce que cela veut dire. Les espoirs du Kabbaliste et de ses frères ne sont pas encore dépassés... On a prononcé cependant, aux alentours du Concile, le mot de Révolution d'Octobre. Elle ne s'est pas accomplie, mais à l'heure où l'on parle de schisme, que verrons-nous encore?
QUELS SERONT CES NOUVEAUX PRÊTRES?
La question n'est pas de Michel de Saint Pierre. Elle a été posée par Roca lui-même en 1889.
LES PROGRESSISTES
Égaré dans les rêves renaniens (****) il y trouve occasion de nous informer que la révolution sera portée au sein de l'Église par une partie du Clergé. Deux camps s'y formeront, assure-t-il, celui des fidèles à la vieille Papauté qu'il appelle rétrogrades" et aussi, selon la terminologie du temps, les ultramontains, mais qu'aujourd'hui il affublerait de l'étiquette conventionnelle d'INTÉGRISTES et le camp des PROGRESSISTES.
Ils forment en ce moment un anneau qui se rompra par le milieu et chacune de ces deux moitiés formera un autre anneau. Cette scission va se faire; il y aura l'anneau des rétrogrades et l'anneau desprogressistes.
(G.C. 446-447).
Ces nouveaux prêtres ce sont ceux-là - car il y en avait déjà quelques-uns - auxquels il adressait cette exhortation:
Et nous, prêtres, prions, bénissons, glorifions ces merveilleux travaux d'où sortira la transfiguration scientifique, économique et sociale de nos mystères religieux, de nos symboles, de nos dogmes et de nos sacrements. Ne voyez-vous pas que nos formes ont vieilli, qu'elles sont usées, délaissées par l'Esprit et que nous restons seuls, les mains pleines de gousses vides et de lettres mortes! (G.C. p.102).
Ce langage a une résonnance d'actualité. Bien sûr, la science, l'économique, le social, accomplissant et désoccultant selon eux les mystères, condamnent, prétendent-ils, l'immobilisme doctrinal, sacramentel, liturgique et tout cela ne peut que réjouir le progressisme trépidant de ces nouveaux prêtres! Mais, au nom de quel Esprit, à la suite de qui, l'apostat profère-t-il ses anathèmes? Roca répétant ici les leçons de son maître jusque dans leurs termes mêmes - et ceci est à noter - prêche le christianisme ésotérique du boëte de Satan:
Ô rites, ô défunts symboles, ainsi votre âme vous sera rendue quand le Christianisme retrempé aux flots de sa source en sortira transfiguré, quand l'éternelle religion qu'il manifeste, émettant le souffle réparateur de son ésotérisme intime, ressuscitera la lettre morte au baiser de l'immortel esprit.
(S. de Guaïta - Essai de sciences maudites III Clef de la Magie noire pages 588-589).
SACREMENTS ET LITURGIE
Ces formes ont vieilli parce que pour lui le surnaturel n'explique plus rien. Il apporte à cette opinion l'argument à la fois bien éculé, tant il est vieux, plus vieux, lui ,que les formes vieillies, mais toujours vivant de L'AUTOSUFFISANCE de l'intelligence humaine qui en soi, de par sa nature est directement réceptive du Divin! Alors que signifie ces véhicules de la grâce: les sacrements, la liturgie?
Tant que les idées chrétiennes étaient restées à l'état d'incubation sacramentelle entre nos mains et sous les voiles de la liturgie, elles ne pouvaient exercer aucune action sociale efficace et scientifiquement décisive sur la Constitution organique et sur le Gouvernement public des sociétés humaines.
(G.C. p. 162).
Eh, quoi! l'administration des sacrements pendant des siècles n'a-t-elle pas fait des catholiques et des nations chrétiennes? En dépit de cette évidence, nous savons certains prêtres d'aujourd'hui qui, envahis par le doute rationaliste (il en est qui ne croient plus à la présence réelle telle que l'enseigne l'Église), souscriraient volontiers aux énormités d'un Roca sur le pur symbolisme des sacrements (que condamnera l'encyclique Pascendi) et la primauté de l'action humaine, sociale et scientifique! S'ils savaient comment par une contradiction d'où le satanisme de l'apostat n'est pas exclu, celui-ci ne renie ces sources divines de la grâce que pour les profaner par un autre culte sacrilège! Ils reculeraient d'horreur à la lecture de cette déclaration du théologien d'enfer dogmatisant sur les atroces liturgies des groupes occultistes recrutés dans la jeunesse catholique de l'époque:
Ils savent que notre liturgie est de la théurgie et que notre rituel sacramentaire est un recueil de magie blanche ou divine d'une puissance non moins redoutable que celle dont disposait Moïse... Voilà les vrais prêtres. C'est en tremblant que ces nouveaux prêtres (6) prononcent les paroles sacramentelles et qu'ils touchent aux choses saintes. Tremb1e-t-on de la sorte ailleurs, partout où la routine et l'inconscience estropient les signes Kabbalistiques et bredouillent le formidable verbe, l'Amen, le fiat, le hoc est?
(Glorieux Centenaire p. 442).
Ce sont là doctrines et pratiques de cercles très restreints d'adeptes tristement illuminés, mais qui attestent, prouvent, illustrent l'origine secrète, la qualité, le but du symbolisme sacramentel propagé en milieux catholiques sous un jour moins cru, sous des formes hypocrites plus accessibles au profane, insinuant peu à peu le scepticisme qui de la part du prêtre a des répercussions incalculables chez les fidèles.
La perte de l'esprit surnaturel pousse infailliblement vers les idoles. Ce n'est donc pas sans raison que les Hautes Sociétés Secrètes ont, dans l'ombre, forgé les instruments de désintégration progressive que sont le conformisme, l'alignement sacerdotal sur le monde, l'adoration du Sens de l'Histoire, la priorité de l'action humaine, le Chrisf-social opposé au corps mystique et, ce qui détache peu à peu de Rome: l'indiscipline et le vandalisme liturgique.
LA SOUTANE
Ainsi Roca, porte plume des sectes, s'en allait prêchant, au prix d'un mensonge flagrant, l'abandon de la soutane:
Nous lui produisons (à la société) avec nos costumes archaïques et bizarres quand elle les rencontre sur la place publique l'effet d'une mascarade et d'un carnaval.
...............
On nous tourne en ridicule; on nous affiche en soutane et en tricorne sur les tréteaux et les vitrines et l'on nous livre chaque jour aux sarcasmes de la foule.
(Le Christ, le Pape et la Démocratie p.
105-107).
MARIAGE DES PRÊTRES
Si le Christ et le monde s'identifient à quoi bon en effet distinguer le prêtre? Pourquoi lui infliger un style de vie qui le marquerait en quelque sorte d'un signe de ségrégation? Plus de soutane ni de célibat! Dans un roman insipide écrit sur ce sujet pour les ecclésiastiques, L'Abbé Gabriel et sa fiancée, Roca fait dire à son héros:
Je suis un proscrit, un prêtre romain, un parias, un eunuque. Il n'y a pas de place pour moi au foyer de la famille. Pas de place au soleil de la civilisation; je suis le jouet de la fatalité.
Sous la forme d'une lettre ouverte au Pape il écrit ceci:
Par le triste renom que le célibat nous a valu et qui nous cloue au pilori, par l'héritage humiliant qu'il nous a légué et par la situation lamentable qu'il nous fait dans le présent, nous nous trouvons, Saint Père, misérablement relégués hors de toutes les sphères vivantes et fécondes de ce monde.
...............
Solitaires, méprisés, bannis de partout, isolés sur la terre, confinés dans nos presbytères comme dans une sorte de lazaret, nous nous concentrons jour et nuit dans le moi qui est haïssable et qui nous déforme dans l'égoïsme.
(C.P.D. 103).
Notons en passant qu'en ce premier semestre de 1965, un article d'un ecclésiastique, rapporté dans Nouvelles de Chrétienté préconisait le mariage des prêtres de campagne isolés dans leurs presbytères et le célibat pour les prêtres en communauté. Comme par hasard encore, Roca proposait lui aussi, PAR MESURE TRANSITOIRE, la fondation d'un apostolat mixte en deux ordres:
l'un de prêtres célibataires volontaires et l'autre de prêtres mariés!
(Glorieux Centenaire p. 434).
PRÊTRES SYNDIQUES ET COMMUNISTES
Il ne leur manquera plus, pour devenir les vrais prêtres du Christ cosmo-social qu'à troquer les fatigues du ministère pastoral contre les records stakhanovistes (*****) dans la compétition économique qui portera les masses vers
le règne divin de l'Humanité de Comte, le phalanstère de Charles Fourier, l'âge d'or de l'avenir de Saint Simon, la 'synarchie universelle de Saint-Yves d'Alveydre, le socialisme et le communisme des anarchistes... LES PRÊTRES DEVIENDRONT LES DIRECTEURS DES UNIONS SYNDICALES, DES SOCIÉTÉS MUTUELLES ET DES AGENCES COOPERATIVES DE PRODUCTION ET DE CONSOMMATION, DE RETRAITE ET D'ASSISTANCE OFFICIELLE.
(G.C. p. 452)
Nous avons vu, depuis ce texte, des prêtres syndiqués, d'autres délégués syndicaux et secrétaires de syndicat.
Continuant sur cette lancée, le nouveau prêtre aura alors, pour dire comme un Franc-maçon célèbre, éteint au ciel des étoiles qui ne se rallumeront plus, soyons-en sûrs. Par la doctrine et par l'exemple, il aura montré que le paradis n'est pas au-delà de ce monde, mais ici-bas. C'est là seulement qu'est
le royaume des cieux, c'est-à-dire le règne impersonnel et divin de la Vérité dans la Liberté, de la Justice dans l'Égalité, de l'Économie sociale dans la Fraternité, ce qui est le trinôme sacré de la synarchie évangélique.
(G.C. p. 20).
QUE LE MONDE SE DÉPRÊTRISE!
Tel sera, d'après l'ex-chanoine Roca, le prêtre voulu, prévu, le prêtre de l'avenir selon les plans de la fin du siècle dernier élaborés au fond des plus secrètes officines de la contre-Église. On frémit d'entendre alors, ce prêtre occultiste jouissant par avance du fruit des propagandes sournoisement entreprises auprès du clergé - nous verrons de quelle manière - pousser ce cri de triomphe.
Non! Non! Monsieur Veuillot (*******), l'humanité ne se DÉCHRISTIANISE pas, mais elle se DÉPRÊTRISE afin que le prêtre s'humanise et pour que les deux ensemble se christianisent dans le vrai sens de l'Évangile.
(Le Christ, le Pape et la Démocratie p. 81).
LE CONCILE
Depuis les divulgations de Cretineau-Joly on connaIt les projets conçus par la Haute-Vente des Carbonari (********) pour atteindre Rome à l'aide de prêtres conjurés contre l'Église. Ces divulgations ne furent sans doute pas sans effet sur leur échec dû certainement aussi à l'inefficacité des méthodes de recrutement trop visiblement maçonniques qui paraissent avoir été celles des Carbonari. La méthode synarchique sera toute autre, nous le verrons. Mais déjà le Frèere-Maçon Renan qui n'était pas autant que Roca dans le secret des dieux en pressentait la nature, en ayant sans doute entendu parler quand, dans L'ABBESSE DE JOUARRE, il écrit que les réformes religieuses (il entend par là la révolution religieuse et morale) ne SE FERONT QUE PAR DES PERSONNAGES ENGAGÉS DANS L'ÉGLISE ABSOLUMENT EN RÈGLE AVEC LES OBSERVANCES. C'était dire que le Clergé en place - et non séparé - subissant l'assaut du néochristianisme ouvert aux courants de pensée modernes finirait, dans un Concile de l'avenir,par imposer à l'Église la dégradation dogmatique et disciplinaire favorable à l'intégration de celle-ci dans l'œcuménisme des Loges. Dans le temps qu'écrivait Roca la mise en place d'un immense et discret réseau de subtile infiltration paraissait devoir être si efficace que les hautes sociétés secrètes ne doutaient plus d'un résultat que Saint-Yves d'Alveydre et Roca lui-même tenaient pour certain. Tous les efforts contraires n'empêcheraient RIEN DE CE QUI DOIT S'ACCOMPLIR (St-Y. A.).
C'était par exemple une vague d'anarchie liturgique débordant toute discipline au nom du retour au christianisme primitif et des aspirations de la conscience collective.
Je crois que le culte divin tel que le règlent la liturgie, le cérémonial, le rituel et LES PRÉCEPTES DE L'ÉGLISE ROMAINE subira prochainement dans, un Concile œcuménique une transformation qui tout en lui rendant la vénérable simplicité de l'âge d'or apostolique le mettra en harmonie avec L'ÉTAT NOUVEAU DE LA CONSCIENCE ET DE LA CIVILISATION MODERNE.
(Roca, dans L'Abbé Gabriel ).
C'était aussi l'illusion, poussée jusqu'à l'état visionnaire, de la conversion d'un futur pape à un mouvement opposé au Syllabus et approbateur de l'esprit nouveau du monde (sic):
Il en ressortira une chose qui fera la stupéfaction du monde et qui jettera ce monde à genoux devant son Rédempteur. Cette chose sera la démonstration de L'ACCORD PARFAIT ENTRE L'IDÉALITÉ DE LA CIVILISATION MODERNE ET L'IDEALITE DU CHRIST ET DE SON ÉVANGILE. Ce sera la consécration du nouvel ordre social et le BAPTÊME SOLENNEL DE LA CIVILISATION MODERNE .
(La fin de l'Ancien Monde p. 282).
Interprétant, en dehors du contexte, la parole du Seigneur à Saint Pierre: Quand tu seras converti, affermis tes frères et la retournant, à sa manière contre la tradition apostolique continuée par le siège romain, il en tire l'assurance que la Papauté en viendra à se rallier au christianisme ésotérique. Voici ce morceau de mauvaise littérature progressiste et démocratique marquée au coin de la maison de l'esprit saint, c'est-à-dire d'un rosicrucianisme affleurant:
Le Converti du Vatican n'aura pas, d'après le Christ, à révéler à ses frères un enseignement nouveau; il n'aura pas à pousser la chrétienté ni le monde en plein, vers des voies autres que les voies suivies par les peuples sous l'inspiration secrète de l'esprit, mais simplement à les confirmer dans cette civilisation moderne dont les principes évangéliques, dont les idées et les œuvres, essentiellement chrétiennes, sont devenues à notre insu les principes, les idées et les œuvres des nations régénérées avant que Rome ait songé à les préconiser. Le Pontife se contentera de confirmer et de glorifier le travail de l'Esprit du Christ ou du Christ-Esprit dans l'esprit public et, grâce au privilège de son Infaillibilité personnelle, il déclarera canoniquement urbi et orbi que la civilisation présente est fille légitime du Saint Évangile de la Rédemption sociale.
(Glorieux Centenaire p. III).
Ouf!
UN COMPLOT, DES MENACES.
Ce délire dévastateur n'est-il qu'une "chauffe" de l'imagination, pour dire comme les occultistes? que le souffle éphémère d'un forcené? Ce serait bien mal connaître les officines où se trament à long terme les révolutions. Roca tout proche des "Mages" faisait allusion aux redoutables secrets détenus par Stanislas de Guaïta et Saint-Yves d'Alveydre sur un futur assaut dirigé contre l'Église romaine en même temps que la prise en main des nations par les hautes sociétés secrètes pour l'instauration du Nouvel Ordre du Monde. De là sa certitude et ses affirmations personnelles.
J'affirme que nous touchons à la clôture définitive de l'ancien ordre religieux politique et économique et j'annonce la prochaine ouverture d'un cycle absolument nouveau à tous points de vue dans l'Église, dans l'état, dans la famille, dans "tous les cercles de l'activité humaine.
(G.C. p. 13).
De là aussi, comme son maître Saint Yves, la menace lancée contre les résistances de Pierre que dans sa fureur la Contre-Église ne voit pas protégé par la promesse divine:
Une immolation se prépare qui expiera solennellement... La Papauté succombera; elle mourra sous le couteau sacré que forgeront les Pères du dernier Concile. Le César Papal est une HOSTIE couronnée pour le sacrifice.