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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

samedi, janvier 20, 2007

LAÏCISME ET EDUCATION

Le laïcisme éducationnel en France et en Belgique

L'histoire se répète. Nous n'accusons pas les auteurs du rapport Proulx d'avoir plagié textuellement les propos des maçons belges. Il est difficile de croire qu'ils ne s'en sont pas inspirés. De toute manière, que ce soit du semi-plagiat ou un texte de leur propre cru, le résultat est le même. L'arrogance et le cynisme des laïcistes responsables se reflètent à 100% dans les textes belges. L'impact ou la conséquence de l'application de «l'enseignement culturel des religions» dès la maternelle aura les résultats que les Belges anticipaient:

«Grâce aux progrès de l'instruction, l’Encyclique Humanum Genus ne fera frémir d'effroi que quelque vieille religieuse au fond d'un cloître ou quelque campagnard ignorant dans une bourgade perdue.»

omme de raison, nos laïcistes de l'an 2000 vont riposter que la situation belge c'est du passé et que les laïcistes modernes sont plus civilisés. S'ils sont sincères et que, dans leur for intérieur, ils ne nourrissent pas les sentiments quasi-barbares des maçons belges, qu'ont-ils besoin d'imposer aux jeunes Québécois l'étude de leur religion laïciste sur une base obligatoire? Car quiconque dit «obligatoire» dans nos Etats de droit dit aussi que, s'il y a contravention d'un règlement, on est passible d'emprisonnement ou d'amende.

Nous suggérons fortement aux lecteurs qu'ils fassent une lecture systématique de l'annexe suivante d'où la citation sur les «vieilles religieuses» a été tirée. Nous sommes conscients qu'il y a un écart de 90 ans entre le texte des maçons belges et celui du rapport Proulx. Loin d'y trouver consolation, nous y voyons preuve d'une cohérence et d'une continuité séculaire des principes et dogmes de base de la religion maçonne. Effectivement, nous en sommes d'autant plus horrifiés quand nous prenons conscience des sanctions qu'appliquera une dictature laïciste qui aura à sa disposition tous les instruments de coercition qu'offre la technologie moderne.

C'est un texte à lire et à relire. Il est d'une importance capitale en ce qu'il offre au lecteur un profil du monde auquel veulent nous vouer les auteurs du rapport Proulx: un monde de dictature religieuse.
La situation en France est substantiellement la même qu'en Belgique comme le révèle le deuxième document de Rosen.

Ce premier texte traite spécifiquement de la philosophie laïciste en matière d'éducation promue par la maçonnerie. Vous y trouverez de nombreux extraits qui semblent avoir trouvé une place favorable dans le rapport Proulx. Qui veut avoir une fenêtre sur ce que le rapport Proulx nous réserve se doit de lire très attentivement ces pages.

Notez, en particulier, ces lignes du Frère Schacre, architecte et député de la Grande Loge Symbolique Ecossaise en 1888, à la page 123:

Bientôt l'on bannira rigoureusement de l'enseignement, au nom de la morale et du salut
social, ces hommes congréganistes et prêtres, apologistes de l'ignorance et professeurs de superstition, qui, par leurs voeux contre nature, par leur mépris de la maternité sainte, par leur haine de la raison, par leur renoncement au libre examen, par leur soumission à des dogmes qui ont élargi le domaine de la folie, se sont mis au ban de l'humanité.»

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(Ennemie sociale, pages 121-127)
3. L'ENSEIGNEMENT EN FRANCE ET LA FRANC-MAÇONNERIE FRANÇAISE
.
La Franc-Maçonnerie française s'est tout spécialement appliquée en France à tromper le peuple, à lui montrer le contraire de la vérité et à lui faire désirer et aimer ce qui doit le rendre malheureux et le perdre.

La corruption des classes populaires par l'enseignement athée et matérialiste a été le deuxième moyen de destruction de l'ordre social, employé en France par la secte dont les affiliés ont élaboré et proposé toutes les fois sur l’enseignement votées depuis 1876.

Conscients de leur infamie, les Francs-Maçons ont essayé de tromper le peuple, soit en accumulant mensonges sur mensonges au sujet de l’enseignement religieux, comme le Frère-Maçon Cuénot, vénérable de la Loge «L’Indépendance» de Paris, qui a fait le 13 mai 1882 la déclaration suivante:

«Nous ne voulons pas de cette éducation cléricale où l’enfant apprend à aimer l’Église avant la famille, Rome avant la patrie, la théocratie avant le République, de cette éducation qui fausse l’intelligence, vicie les sentiments, atrophie le coeur et dispose
singulièrement le cerveau au fanatisme religieux, la pire des passions
(1).»

Soit en accumulant calomnies sur calomnies, comme le Frère Maçon Tiersot, député, qui a déclaré en mars 1875, dans la Loge «La parfaite égalité» de Paris que:

«L’instruction doit être laïque et non cléricale. L’esprit clérical est anti-démocratique, anti-national, anti-social, anti-scientifique, anti-humain et anti-moral.»

«Il est anti-démocratique parce que pour lui la Société se compose de deux classes, ceux qui commandent et ceux qui obéissent.»

«Il est anti-scientifique, parce qu’il s’oppose, en vertu de son origine et de sa doctrine, à tout progrès du savoir de l’homme.»

«Il est anti-humain et anti-moral par ses préférences pour le célibat qui perturbe les natures en les isolant des conditions sociales qui sont la garantie sanitaire des esprits et des corps (2).»

(1) Bulletin de la Grande Loge Symbol., 1882, page 149.
(2) Journal de la Maç. Univ. 1875, page 395.

D’autres Francs-maçons ont été chargés de donner le change en présentant la laïcisation de l’enseignement soit comme mesure politique, comme le Frère-Maçon Galopin, qui a déclaré en mars 1883, dans le Loge «L’Indépendance» que:

«Pour combattre réellement les préjugés, il ne faut donner aucune éducation religieuses que ce soit aux enfants, car il en reste presque toujours quelques traces lorsqu’ils deviennent des hommes et malgré qu’ils ne pratiquent pas.»

«Et pour cela, il faut que le Conseil municipal et les députés nous aident à enlever le budget des cultes car plus d’argent, plus de pot-au-feu, et le tour est joué (1).»

Soit comme mesure de salut social, comme un autre Frère-Maçon qui celui-là s’écriait:

«Bientôt l’on bannira rigoureusement de l’enseignement, au nom de la morale et du salut social, ces hommes congréganistes et prêtres, apologistes de l’ignorance et professeurs de
superstition, qui, par leurs voeux contre nature, par leur mépris de la maternité sainte, par leur haine de la raison, par leur renoncement au libre examen, par leur soumission à des dogmes qui ont élargi le domaine de la folie, se sont mis au ban de l’humanité
(2).»

Mais il s’en est trouvé qui ont su avouer hautement le but poursuivi, sans réticences et sans ambages:

«Nous voulons arracher l’avenir au cléricalisme, c’est pourquoi nous voulons la liberté de l’enfant, c’est pour cela que nous voulons qu’il soit instruit par nous (3).»

(1) Bulletin de la Grande Loge Symbole, 1888, page 81.
(2) Le Frère-Maçon Schacre, architecte et député de la Grande Loge Symbol Écossaise, en mai 1888, Bulletin de la Grande Loge Symbol Écossaise, vol. IX, page 39.
(3) Le Frère-Maçon Desmons, député, le 10 juillet 1887, Journal de la Maç. Univ., année 1887, page 365.

«Contre nos ennemis, il faut que chacun de nous veille et travaille sans cesse pour répandre l’instruction laïque sur la plus vaste échelle, afin que, de la plus grande ville au plus petit hameau, la jeunesse actuelle puisse bien distinguer nos bonnes doctrines des doctrines de superstition entretenues avec tant d’acharnement par les cléricaux (1).»

Examinons quelques-uns des enseignements, quelques-unes des «bonnes doctrines» de l’instruction athée et laïque:

«La charité chrétienne est une charité humiliante pour celui qui la reçoit, honteuse pour celui qui la donne (2).»

Le Frère-Maçon Nadaud, député, a déclaré le 17 juin 1875, dans la Loge « Les amis bienfaisants et Imitateurs d’Osiris réunis » que:

«Nous devons rougir de toutes ces institutions de crèches et de salles d’asile, car elles montrent la pauvreté de la famille ouvrière (3).»

«Après la mort, l’âme va où vont les sons du violon quand l’artiste cesse de promener son archer sur ses cordes (4).»

«Que la Maçonnerie prenne en main la cause des enfants naturels, de enfants incestueux et des enfants adultérins.»

«C’est là une cause juste, noble et digne de notre grande famille (5).»

«À mérite égal, l’enfant naturel doit être choisi de préférence à l’enfant légitime (6).»

(1) Le Frère-Maçon Chareyre, Vénérable de la Loge «La Philanthropie Ligurienne» de Nice, le 31 janvier 1886, Journal de la Maç. Univ., année 1886, page 242.
(2) Le Frère-Maçon Gonnard, médecin et Grand Orateur du Suprême Conseil de France, le 19 septembre 1887, Journal Officiel de la Maç. Franc., année 1887, page 678, lignes 25, 26 et 27.
(3) Journal de la Maç. Univ., 1875, page 576.
(4) Le Frère-Maçon Salva, un des chefs de la Franc-Maçonnerie Rouennaise, dans
le Bulletin de la Grande Loge Symbol Écossaise, vol.7 page 74.
(5) Le Frère-Maçon Legé-Bersaur, dans la Loge «La Fidélité» de Lille, en
juin 1884, Journal de la Maç. Univ., 1884, page 296.
(6) Le Frère-Maçon E. Vallet, Orateur et délégué de la Loge «Les Pionniers de l’avenir» de Thouars, le 13 mai 1888, Journal de la Maç. Univ., 1888, page 289, ligne 23.

Et si on veut leur demander raison de ces enseignements sataniquement dissolvants de la famille et de la société, ils vous répondent froidement, comme le Frère-Maçon Paulevey, conseiller général de la Seine-Inférieure, qui a déclaré, en présence des Loges réunies du Havre, en 1877, que:

«Le but que poursuit la Franc-Maçonnerie, c’est la transformation progressive des méthodes adoptées jusqu’à ce jour pour fixer les bases de a morale sociale (1).»

...... et, coupant court à toute discussion, ils vous disent:

«Nous autres philosophes positivistes, nous professons un dédain absolu des polémiques. La contradiction ne saurait nous émouvoir et la controverse est un procédé indigne de
nous
(2).»

Si les Francs-Maçons considèrent comme «indigne» toute controverse et ont fait des lois pour rendre obligatoire une instruction immorale, matérialiste et anti-théiste, c’est qu’ils poursuivent un but.

Ce but est double, car il vise le règne de l’Athéisme et celui de l’Anarchie.

En voici les preuves.

Le Frère-Maçon Fleury, inspecteur pénitentiaire, membre du Conseil de l’Ordre , Vénérable de la Loge «Les Philanthropes réunis» de Paris, s’est élevé dans les termes suivants contre l’enseignement religieux:

«Arrière l’éducation religieuse qui corrompt les consciences par le catéchisme et l’histoire sainte, qui les fait se replier sur elles-mêmes en leur défendant le droit d’examen

(1) Journal de la Maç. Univ., 1877, page 115.
(2) Le Frère-Maçon Thulié, médecin et président du Conseil municipal de Paris
et président du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France en septembre 1888, Journal de la Maç. Univ., 1888, page 390.

«Plus de religion dans les écoles, plus de prêtres dans la famille! Arrière votre éducation, jésuites et cléricaux, adeptes d’une religion quelconque, qui déposez dans le coeur des jeunes enfants des devoirs en contradiction flagrante avec toutes les lois naturelles, un culte imaginaire qui a pour base un viscère et auquel vous soumettez la raison, des
doctrines qui sèment la haine et dont les principes renversent tout, détruisent tout et foulent tout aux pieds.»


«Arrière votre éducation, qui est une iniquité, qui menace la société tout entière, car si les intelligences sont étiolées, si les facultés sont mortes à tout esprit d’initiative, si les idées
son fermées à tout examen critique, pourquoi la science, pourquoi le progrès?
»

«Oui, bannissons de l’école l’enseignement religieux; par lui les hommes sont asservis à une Eglise, au nom d’une religion, et toute secte qui s’intitule pompeusement religion et qui a pour base le surnaturel, haït la société et s’en défie.»

«Dans son désir aveugle, la religion s’écrie: Guerre à l’imagination, guerre à l’instinct, guerre à la raison! Car elle veut refouler le naturel, le dompter, le briser, le décourager, l’humilier et l’écraser!»

«Bannissons de l’école le clergé, qui, au lieu d’un homme libre, veut faire de l’enfant un automate dont les convictions soient tout entières entre ses mains; ne lui livrons plus les corps, les sentiments et les esprits des enfants et nous aurons ainsi extirpé de la
société l’esprit du mal
(1).»

«À mesure que l’école, étendant son influence bienfaisante, donne à l’enfant une éducation plus libérale et plus philosophique, à mesure que le jeune homme apprend plus vite et mieux les devoirs de citoyen, la Franc-Maçonnerie peut s’avancer plus loin sur le terrain pratique (2).»

La voilà donc la Fraternité de l’enseignement franc-maçonnique.

(1) L’éducation religieuse et l’éducation laïque, Paris, 1879.
(2) Le Frère-Maçon H. Garcin, dans le manifeste adressé, en sept. 1887, à «tous les citoyens qui s’occupent de la chose publique» par le Comité d’initiative et de défense des 7e et 13e Arrondissements de Paris, publié par le Bulletin de la Grande Loge Symbol. Écossaise, vol. VIII, page 103.

La fraternité dans la destruction de l’enseignement dans l’ordre social, la fraternité dans l’amour des doctrines sataniques, dans les corruptions, dans l’asservissement des esprits.

La fraternité dans la haine du Bien, la fraternité dans la complicité du Mal (1).

L’Athéisme, voilà la FRATERNITÉ franc-maçonnique!

(1) Il nous semble superflu de montrer comment la secte a réalisé en France ses plans de campagne contre l’Enseignement religieux. Les faits sont trop récents et trop connus pour qu’il soit nécessaire d’insister. La formule célèbre «l’Enseignement public en France sera laïque, gratuit et obligatoire» est sortie des ateliers francs-maçonniques. Les loges travaillent sans relâche à la diffusion de l’instruction sans Dieu. La ligue maçonnique de l’enseignement fondée par le Frère-Maçon Jean Macé a prouvé surabondamment par ses efforts l’intérêt que la Franc-Maçonnerie attachait à l’exécution de ses desseins sur
l’enfance.

A Lille, la loge la Fidélité, dont le vénérable est un Inspecteur de l’enseignement primaire, est peuplée d’instituteurs. C’est dans cette loge que, le 8 décembre 1883, un certain Frère-Maçon Giacomoni a porté un toast chaleureux aux «FILLES» de «la Fidélité»: la Société du Sou des écoles, l’Association philotechnique et la Société Diderot.

jeudi, janvier 18, 2007

Paul Rosen, L'Ennemie sociale. Histoire documentée des faits et gestes de la Franc-Maçonnerie

Description de la Maçonnerie
1. Religion universelle, non raciste (catholique);
2. Clergé de facto des sectes d'inspiration des «courants de pensée séculaire»;
3. Effectifs à l'échelle du globe: en deçà de 7 000 000 d'adeptes mâles adultes;
4. Effectifs au Canada: 30 0000;
5. Effectifs au Québec: 13 822 maçons pratiquant le rite écossais (le Grand Orient est plus discret).
Paul Rosen, L'Ennemie sociale. Histoire documentée des faits et gestes de la Franc-Maçonnerie de 1717 à 1890 en France, en Belgique et en Italie, Paris, Bloud & Barral, 1890, pp. 13-19.
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Rôle de la Franc-Maçonnerie
Ayant étudié le But et le Programme de la Franc-Maçonnerie, le Congrès Maçonnique des Loges de l'Ouest n'avait plus à s'occuper que d'un dernier sujet:

3. LE RÔLE DE LA FRANC-MAÇONNERIE
ou en d'autres termes, de la manière d'appliquer le Programme Maçonnique dans la société pour atteindre le But de l'Ordré.

Or, nous venons de voir que c'est par l'égalisation des fortunes et par l'écrasement du Catholicisme dans son enseignement et dans ses oeuvres, qu'elle prétend y parvenir.

Voici dans quels termes le Rapporteur général au Congrès, le Frère Brunellière, s'est exprimé sur l'application de ce Programme, sur le Rôle de la Franc-Maçonnerie:

«Je n'ai pas la prétention de vous soumettre toutes les questions que la Franc-Maçonnerie doit étudier, toutes les réformes qu'elle doit appuyer de son influence et vulgariser, cela serait au-dessus de mes forces et m'entraînerait au delà des limites que je ne me suis posées; je me contenterai de vous en indiquer les principales, qui vous donneront, du reste, une assez haute idée du rôle que la Franc-Maçonnerie a assumé et que vous devez lui aider à tenir.

«Par suite des progrès de l'esprit humain, la politique est devenue une science sérieuse, qui a ses règles, ses lois, ses principes, dont l'étude approfondie peut rendre de signalés services à 1'humanité, peut faire éviter des erreurs profondes qui entraînent avec elles des maux infinis. La Franc-Maçonnerie doit étudier cette science, car elle petit être féconde, car elle est liée intimement au bonheur de l'humanité, car elle est instructive pour les hommes d'État qui se forment parmi nous.

«La Franc-Maçonnerie doit user de tout son pouvoir, de toute son influence sur la société et sur l'État pour que l'on instruise le plus possible la jeunesse; elle a déjà pris en main l'instruction du pauvre et elle a eu grandement raison, car le cléricalisme l'a prise de son
côté, pour la dénaturer comme tout ce qu'il touche, d'un bien pour l'humanité en faire un mal, d'un instrument de progrès et d'émancipation en faire un de recul et de superstition.
La Franc-Maçonnerie, comprenant l'instruction d'une tout autre Façon, a voulu qu'il n'y ait plus d'ignorants et le moins possible d'incapables dans la société; elle a demandé que l'instruction soit obligatoire. Elle t compris que, la société exigeant beaucoup de ses membres, il était juste qu'elle fournit aux citoyens pauvres le premier, le plus utile de ses outils; elle a demandé que l'instruction soit gratuite. Enfin elle a demandé qu'elle soit laïque, car les pauvres ne pouvant donner que quelques années de leur enfance à s'instruire, il ne faut pas les leur faire perdre à apprendre de mémoire des choses qu'ils ne peuvent comprendre et qui sont au-dessus de leur portée quand ils sont enfants.

«La loi sur l'instruction gratuite, laïque et obligatoire votée dernièrement par la Chambre des Députés est donc une loi Maçonne; quand elle a été promulguée, il y avait longtemps que la Franc-Maçonnerie l'avait élaborée dans ses Ateliers Francs-Maçonniques, et que
ses adeptes étaient unanimes pour la réclamer; oh! ne craignez rien, Messieurs les cléricaux, nous en obtiendrons bien d'autres et malgré vous encore.

«La Franc-Maçonnerie a étudié les rapports des Eglises et de l'État et a conclu à la séparation de ces deux incompatibilités; elle doit habituer l'opinion publique à cette grande réforme qui s'impose et pour laquelle, le moment psychologique de l'exécution est
arrivé. L'État a tous les droits possibles pour rompre un pacte dans lequel lui seul a rempli ses engagements: en effet, le Concordat, qui accordait déjà tant de privilèges au clergé, a été outrageusement violé par lui, par suite des faiblesses et des connivences de la Restauration, de l'Empire et de la République de 1848. Chacun de ces gouvernements lui ont accordé de nouvelles concessions, des traitements plus élevés, l'ont laissé empiéter sur les droits de l'État.

«Une mission considérable à laquelle la Franc-Maçonnerie doit appliquer son génie et son influence d'une façon toute spéciale, car c'est une mission éminemment civilisatrice, est d'intervenir dans le grand mouvement qui porte les peuples d'Europe à s'étendre sur le reste du monde; elle doit aider les Européens à faire sortir les peuples barbares de
l'état d'ignorance et de sauvagerie dans lequel ils sont encore plongés, état que le prosélytisme chrétien avec ses missions n'a fait qu'aggraver.

«Enfin, mes Frères Francs-Maçons, arrivons à la question sociale qui est aujourd'hui dans toutes les bouches, qui préoccupe toits les esprits sérieux, quoi qu'en puissent dire certaines personnalités trop confiantes ou intéressées à paraître ainsi.

«Il s'est formé chez nous une forte aristocratie industrielle, qui a mis le Cléricalisme et le Jésuitisme dans son parti. Cette nouvelle forme de la féodalité accapare toute la fortune publique; par l'anonymat elle draine le petit capital et l'épargne; par sa force qui lui
permet de faire d'énormes sacrifices, elle ruine les petites industries pour faire tomber toute espèce de concurrence. Quand tous les transports, toutes les industries seront absorbés par les grandes compagnies, les grands capitalistes qui sont à leur tête absorberont alors la fortune des petits actionnaires qui ne pourront soutenir longtemps contre eux la lutte du pot de terre contre le pot de fer.

«Au socialisme industriel et religieux, a cette féodalité qu'on fonde sur nos têtes, répondons par le socialisme populaire et libéral, cherchons les moyens de rendre la vie plus douce au travailleur, son avenir moins sombre; tâchons de détourner le courrait fatal de concentration qui pousse l'humanité vers un inconnu plein de menaces terribles. Qui sait? Peut-être parviendrons-nous à opposer l'agglomération des capitaux, l'association des forces productives, de même qu'à l'ignorance nous avons opposé l'instruction laïque, gratuite et obligatoire. Il se forme de tous côtés des caisses de retraite pour la vieillesse; la Franc-Maçonnerie ne peut pas rester indifférentes à ces utiles fondations, elle doit les appuyer de son influence et de son argent. Enfin, mes Frères Francs-Maçons, cherchons, cherchons sans trêve ni relâche! que ce soit notre plus grande préoccupation, car il y a un très grand danger à laisser les choses s'aggraver.

«Mes Frères Francs-Maçons un mot encore. Après bien des efforts, bien des sacrifices, nous sommes enfin sous un Gouvernement républicain et démocratique qui seul peut nous donner les libertés nécessaires à l'accomplissement de notre mission, le seul capable de lutter contre l'envahisseur, l'absorption du Capital, de la Société, de l'État, de tout, par les Grandes Compagnies financières et le Cléricalisme, le seul qui, étant basé sur le suffrage universel, est capable de sauvegarder les droits du plus grand nombre contre les entreprises liberticides et despotiques de quelques-uns: c'est le seul Gouvernement que nous puissions aimer. Nous devons donc le soutenir, le défendre de toutes nos forces, de toute notre influence. N'a-t-il pas été élaboré, du reste, par nos Ateliers, à la fin du 18e siècle? N'est-ce pas le seul sous lequel le problème social peut se résoudre sans faire couler lé sang humain? Ne l'oublions pas mes Frères Francs-Maçons, un retour à la Monarchie et à la Réaction, tant désiré par l'aristocratie industrielle et cléricale, précipiterait la crise et amènerait les plus grands malheurs.»

Nous venons donc de prouver que la Franc-Maçonnerie avoue officiellement que:
1. Son Rôle est de diriger la Révolution Sociale contre le Capital et contre le Catholicisme et ses enseignements.
2. Son Programme est d'égaliser les fortunes et d'écraser le Catholicisme dans son enseignement et dans ses oeuvres.
3. Son But est de détruire le Catholicisme et tout ce
qui l'entoure.

Donc la Franc-Maçonnerie est bien, de par son propre aveu officiel, l'Association qui dirige la Destruction de l'Ordre Social Chrétien.

Étudions maintenant dans sa naissance, dans ses progrès, dans les moyens employés et dans les résultats obtenus, cette OEuvre Satanique de Destruction de la Société Chrétienne, en France, en Belgique et en Italie, c'est-à^dire, dans les terrains sociaux où elle veut imposer à tous l'Anarchie maçonnique et l'Athéisme maçonnique.

V

Enseignement maçonnique

L'enseignement des doctrines de la Franc-Maçonnerie dans la forme et suivant la méthode qui est appelée Rite Écossais Ancien et Accepté et qui est de beaucoup la plus répandue, comprend trente-trois cours ou leçons successives dont les manuels sont désignés sous le nom de Rituels.

Chaque rituel comporte une mise en scène, une légende, un enseignement dont cette légende est l'emblème et une série de démonstrations externes, qui servent à caractériser la possession du grade correspondant et qui sont exigées pour être admis à prendre part aux réunions, aux travaux de chaque grade.

Ces dénominations externes sont:
Audibles - Batterie, Mot de Passe, Mot Sacré, Age maçonnique;
Visibles - Ordre, Signe, Marche;
Sensibles - Attouchement;

dont la gradation franc-maçonnique est la suivante:
La Batterie est la demande de l'Ordre.

L'Ordre est la demande du Signe.
Le Signe est la demande du Mot de Passe.
Le Mot de Passe est la demande de l'Attouchement.
L'Attouchement est la demande du Mot Sacré.
Le Mot Sacré est la demande de l'Age maçonnique.
La Marche n'est caractéristique que dans certains grades.

Leur ensemble se trouve officiellement détaillé et stipulé dans un recueil qui porte le titre de «Tuileur Sacré et Officiel du Rite Écossais Ancien et Accepté, promulgué le 1er juillet 1876 et publié le 1er août 1876, par le Pouvoir Exécutif de la Confédération des Suprêmes Conseils du Rite» et son texte intégral est imprimé ne varietur dans l'ouvrage déjà cité, que nous avons publié sous le titre de: Satan et Cie, Association universelle pour la
destruction de l'Ordre Social
, et dont S. S. le Pape Léon XIII a daigné accepter la dédicace par Bref Pontifical du 9 janvier 1889.

Dans Satan et Cie se trouvent également développés, pour chaque grade, les Rituels correspondants, et nous devons y renvoyer nos lecteurs, qui voudraient étudier sérieusement et dans les textes les plus indiscutables et les plus secrets tous les détails de cet enseignement maçonnique.

Dans ce livre, ou nous nous sommes efforcé de lever tous les voiles et de publier tous les documents les plus intimes, les plus secrets, en les groupant de manière à mettre en lumière les Faits et Gestes, les Agissements de la Franc-Maçonnerie, cet enseignement de détail serait déplacé.

Mais, pour que rien ne manque à notre livre de tout ce qui peut permettre à l'opinion publique de porter un jugement raisonné et définitif sur la Franc-Maçonnerie, nous allons mettre en présence les textes de deux documents du plus haut intérêt: celui de l'Instruction donnée au «Premier Maçon de l'Italie», au Frère Garibaldi et celui de l'Instruction donnée au futur Roi de la Grande Bretagne et Empereur des Indes, le Frère Albert-Edouard de Galles.

Un mot d'éclaircissement est nécessaire.

Si le Rite Écossais a trente-trois grades, c'est que ses fondateurs ont jugé que trente-trois degrés étaient indispensables à monter pour parvenir à son sommet, que l'enseignement de la Franc-Maçonnerie exigeait une gradation. Elle est tellement réelle que lors de l'investiture au 32e degré et alors que l'on passe en revue les travaux, les enseignements, les objectifs de tous les degrés du Rite, quand on arrive à parler du 33e degré le rituel dit formellement:
«Quant aux travaux des trente-troisièmes eux seuls les connaissent» et cela malgré qu'il s'adresse à un Maçon qui a franchi tous les Grades, un seul excepté, et dont le dévouement à la Franc-Maçonnerie est absolument hors de doute.

mercredi, janvier 17, 2007

DILECTO FILIO PAULO ROSEN LUTETIAM LEO P. P. XIII

Dans ce texte d'une grande actualité, nous retrouvons de nombreux extraits qui évoquent exactement les mêmes idées que le rapport Proulx et souvent avec les mêmes termes. Exemples:

La loi sur l'instruction gratuite, laïque et obligatoire votée dernièrement par la Chambre des Députés est donc une loi maçonnique; quand elle a été promulguée, il y avait longtemps que la franc-maçonnerie l'avait élaborée dans ses ateliers et que ses adeptes étaient unanimes pour la réclamer; oh! ne craignez rien, Messieurs les cléricaux, nous en obtiendrons bien d'autres et malgré vous encore. (p. 15)

Qui sait? Peut être parviendrons-nous à opposer à l'agglomération des capitaux, l'association des forces productives, de même qu'à l'ignorance nous avons opposé l'instruction laïque, gratuite et obligatoire. (p. 16)

Pour terminer ces commentaires, nous avons cru bon d'inclure cet extrait suivant qui énumère de façon brutale la vraie politique globale de la religion maçonnique.

Nous venons donc de prouver que la Franc-Maçonnerie avoue officiellement que:
1) Son Rôle est de diriger la révolution sociale contre le capital et contre le catholicisme et ses enseignements.
2) Son Programme est d'égaliser les fortunes et d'écraser le catholicisme dans son enseignement et dans ses oeuvres.
3) Son But est de détruire le Catholicisme et tout ce qui l'entoure. Donc la Franc-Maçonnerie est bien, de par son propre aveu officiel, l'Association qui dirige la Destruction de l'Ordre Social Chrétien.
Etudions maintenant dans sa naissance, dans ses progrès, dans les moyens employés et dans les résultats obtenus, cette Oeuvre Satanique de la Destruction de la Société Chrétienne, en France, en Belgique et en Italie, c'est-à-dire, dans les terrains sociaux où elle veut imposer à tous l’anarchie maçonnique et l’athéisme maçonnique
.
(p. 17)

P.S. Nous savons, de source interne de certaines loges, que, depuis quelques année l'école laïque a été un sujet de l'«année».



Le coup, évidemment, se prépare depuis longtemps.

Dilecto filio Paulo Rosen Lutetiam.
LEO P. P.
XIII
Dilecte Fili Salutem et Apostolicam Benedictionem.
Perlatum Nobis fuit cum obsequiosa epistola tua, exeinplar libri a Te nuper editi inscriplique: "l'Ennemie sociale",cujus ope proposition habes, ceu novimus ex ajectis litteris, consilia et opera detegere impiorum hominum, qui in coetus clandestinos coacti, ecclesiae publicae moliuntur exilium.

Equidem veniam quam poscis Nobis operis tui ulro Tibi concedimus, studium enim religionis tuendae quo praestas cum ex aliis argumentis Nobis est exploratum, tum maxime ex ea constantia qua adniteris fidei et pictatis hostes opugnare, fradibus noxisque corum explitatis.

Dum parro optamus ut omnes cordati, nedum catholici, homines eas fraudes et noxas sic abhorreant, prout ipse justa detestatione prosequeris, uberiora in dies Tibi adprecamur a Patre luminum verae sapientiae dona, et Apostolicam Benidictionem, paternae dilectionis testem, Tibi tuisque peramenter impertimus.

Datum Romae apud Sanctum Petrum, die VII Julii, »Anno MDCCCXC; Pontificatus decimo tertio.
Leo XIII

A notre cher fils Paul Rosen à Paris.

LÉON XIII PAPE
Très cher Fils, Salut et Bénédiction Apostolique.


En même temps que votre lettre si pleine de respect, il Nous a été remis un exemplaire du livre que vous venez de publier sous le titre: "l’Ennemi sociale", livre dont l’objet, comme nous indique la lettre qui l’accompagne, est de découvrir les dessins et les oeuvres des de ces hommes impies qui, réunis en société secrète, travaillent à la ruine de l’Église et de la société.

La faveur que vous Nous demandez de vous permettre de Nous dédier votre ouvrage, Nous vous l’accordons volontiers, car le zèle qui vous distingue pour la défense de la religion Nous est connu, entre autres preuves par le courage que vous déployez pour combattre les ennemis de la foi et de la piété chrétiennes, en révélant leurs fraudes et leurs méfaits. Faisant donc des voeux pour que non seulement les catholiques, mais tous les hommes de bien aient pour ces fraudes et ces méfaits la même horreur dont vous les poursuivez si justement, Nous implorons pour vous du Père des lumières tous les dons de la vraie sagesse, et Nous vous accordons de grand coeur, à vous et à tous les vôtre, la Bénédiction Apostolique en témoignage de Notre paternelle affection.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le VII du mois de Juillet de l’an MDCCCXC, de notre Pontificat le treizième.
Léon XIII Pape.

lundi, janvier 15, 2007

Paul Rosen La femme et l’enfant dans la Franc-maçonnerie

A.C. D La Rive, La femme et l’enfant dans la Franc-maçonnerie universelle d’après les documents officiels de la secte. Paris, Delhomme et Briguet, 1894, pp. 569-70.
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Après l'article de François Bourricaud, les deux autres documents qui suivent - ceux de Paul Rosen - sont d'une grande importance. Il faut souligner que monsieur Rosen fut Grand Maître du Grand Orient de France pendant plus de vingt ans. Mais écoeuré des manoeuvres malhonnêtes que son statut lui imposait, il se convertit au catholicisme en 1862. Cette page tirée de «La femme et l'enfant dans la Franc-Maçonnerie» confirme cela:
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... il est réellement difficile, sinon impossible, de s'expliquer comment Paul Rosen, converti au catholicisme plus de dix années auparavant a pu apposer son nom au bas de ce libelle.
... jouait-il double rôle?


Voici, en effet, un bien singulier ATTENDU, que nous extrayons d'un jugement rendu, le 9 août 1889, par la première Chambre du Tribunal Civil de la Seine, dans un procès de Paul Rosen contre Letouzey et Ané:
« Attendu qu'il est intervenu, le quatorze janvier mil huit cent quatre_vingt_deux, entre Paul Rosen et l'abbé Brettes un acte sous signatures privées qui sera enregistré, et aux termes duquel Rosen vendait à l'abbé Brettes UNE BIBLIOTHÈQUE MAÇONNIQUE DE SIX CENTS VOLUMES, moyennant le prix de cinq mille cinq cents francs; que parle même acte, Rosen s'engageait à prêter son concours actif pour tous renseignements et SECRETS nécessaires, et ainsi à rendre aussi complet que possible l'ouvrage que l'abbé Brettes s'engageait à faire contre la franc-maçonnerie, ouvrage dont les frais et bénéfices devaient être partagés par moitié entre Rosen et l'abbé Brettes.»


Donc, Paul Rosen. le 11 janvier 1882, passait bien un acte par lequel il prenait l'engageraient de livrer des SECRETS MAÇONNIQUES contre espèces.

QUEL JOLI MÉTIER!

Ce n'est pas comme catholique qu'il agissait, puisqu’il ne disait pas tout et la facilité de dire tout (démontrée par l'aisance avec laquelle il obtient des bibliothèques maçonniques, comprenant jusqu’à six cents volumes!)
Paul Rosen, en tant que chrétien, a rédigé une oeuvre classique: L’Ennemie sociale (Paris, Bloud & Barral, 1890). Comme sous_titre, l'auteur ajoute: histoire documentée des faits et gestes de la Franc_Maçonnerie de 1717 à 1890 en France, en Belgique et en Italie. Avec comme commentaire additionnel: «La Révolution sociale, c'est les Gesta Satanae per massones» (Les oeuvres de Satan par les maçons). Cette oeuvre a reçu, comme vous le verrez, le salut et la bénédiction apostolique du pape Léon XIII.

dimanche, janvier 14, 2007

FRANÇOIS BOURRICAUD

Voici le document complet d’un article de François Bourricaud tiré de l'Encyclopaedia Universalis. Il démontre avec une implacable clarté intellectuelle que la laïcité soit un projet religieux de déconstruction du christianisme qui favorise le déploiement de l'individualisme. Il n'en faut pas plus pour que l'auteur affirme, en conclusion, que la laïcité n'a rien de neutre!
Il vaut la peine de lire ce texte dans son entier pour voir la subtilité dans laquelle s'est développée l'idéologie maçonne de la laïcité. ----------------------
les vertus laïques
n’attends pas un au-delà

La rupture avec les dogmes des religions révélées s’est accompagnée d’un déplacement de la « croyance » que l’État laïque s’est employé à orienter.
Illustration de Grandjouan pour le livre « La raison » (Snark, Edimedia.)

François Bourricaud, «La laïcité: paradoxes et ambiguïtés», Encyclopaedia Universalis, Symposium «Les enjeux, France, Encyclopaedia Universalis, 1985, pp. 778-780.
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François Bourricaud
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La laïcité : paradoxes et ambiguïtés
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Problèmes de définition

Une définition classique de la laïcité telle qu'elle est pratiquée dans les États modernes se trouve dans le cinquième amendement de la Constitution américaine: «Le Congrès ne pourra prendre aucune loi ayant pour objet d'établir (establish) une religion ou d'en interdire le libre exercice.» Ainsi se trouvent affirmés simultanément deux principes. D'abord, l'État fédéral américain se sépare de toutes les Eglises; la Constitution ne reconnaît aucune Église d'État et n'en proscrit ni n'en officialise aucune, à la différence de la charte française de 1830 qui reconnaissait dans le catholicisme «la religion de la majorité des Français». En deuxième lieu, l'Etat garantit aux citoyens la plénitude de leur liberté religieuse. Mais nonobstant le cinquième amendement qui proclame la laïcité de l'État fédéral, l'armée américaine continue à entretenir des aumôniers, la référence à Dieu est fréquente dans la bouche des hommes politiques et dans beaucoup de cérémonies officielles. En outre, c'est «en présence de Dieu» que «les droits de l'homme et du citoyen» sont proclamés par les délégués à la convention de Philadelphie. Ce paradoxe appelle explication.

Les États laïques sont neutres à l'égard de toutes les Églises, mais il ne s'ensuit pas qu'ils sont «indifférents en matière de religion». Dans l'avant-dernier chapitre du Contrat social, Rousseau parle d'une «profession de foi purement civile dont il appartient au Souverain de fixer les articles [... ] sans lesquels il est impossible d'être bon citoyen ni sujet fidèle». Cette «profession de foi» ne porte pas sur des propositions théologiques, mais sur «des sentiments de sociabilité». Les «dogmes de la religion civile» ne sont pas des «dogmes de religion». Ils doivent être «simples, peu nombreux, énoncés avec précision, sans explications ni commentaires». La simplicité de ces énoncés, leur évidence affranchissent la religion civile de l'intolérance et du fanatisme qui ont longtemps défiguré le catholicisme romain. La religion civile ne s'embarrasse pas des querelles théologiques qui déchirent les fidèles des religions révélées et nourrissent leur fanatisme. Pourtant, elle proclame un certain nombre de vérités «tenues pour évidentes» - suivant les termes de la déclaration de Philadelphie - comme « l'existence de la Divinité [... ], la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants. la Sainteté du Contrat social et des lois».

Un État laïque n'est pas un État athée. En outre, même si ses dogmes ne sont pas appuyés par l'autorité d'une Église, il peut chercher à les imposer aux citoyens soit par contrainte directe, soit par inculcation détournée. C'est à la première méthode que pense Rousseau quand il propose le bannissement des citoyens qui se refuseraient à souscrire aux dogmes de la religion civile, ou même la mort contre celui qui, après les avoir reconnus publiquement, se conduirait comme s'il n'y croyait pas. La laïcité, c'est-à-dire l'indépendance de l'État à l'égard des Églises, peut engendrer le conformisme le plus étouffant, comme celui que tentait d'imposer Robespierre avec la fête de l'Être suprême au pire moment de la Terreur jacobine. Mais c'est par des moyens paisibles que, un siècle plus tard, Jules Ferry se propose de laïciser l'État par la laïcisation de l'école.

La République ouvre dans chaque commune une école publique dont elle recrute, forme et entretient les maîtres. Elle se garde d'instaurer un monopole au profit de ses seules écoles, mais elle réserve à elles seules ses crédits, et elle s'assure, en vertu du monopole de la collation des grades attribué par Napoléon à l'Université officielle, par les programmes fixés dans les bureaux parisiens et les jurys constitués selon les normes officielles, une action prépondérante dans le flux des diplômes et l'orientation des études. Les apôtres de la laïcité comme Jules Ferry, bien qu'ils se proposent de briser la sujétion de la jeunesse aux dogmes du catholicisme romain, n'envisagent pas d'éteindre chez les jeunes le respect des valeurs traditionnelles. Dans sa fameuse «Lettre aux instituteurs», Jules Ferry retrouve la démarche de Rousseau. Les principes de la morale traditionnelle sont déclarés évidents par eux-mêmes. Même privée des fondements, réputés illusoires, qu’étaient censées leur prêter les religions révélées, «la morale de nos pères» sera proposée par les instituteurs à l'adhésion de leurs élèves. L'école laïque selon Jules Ferry doit fournir aux jeunes Français l'éducation morale sans laquelle, devenus adultes, ils seraient incapables d'exercer leurs responsabilités de pères de famille, de producteurs et surtout de citoyens.

Le paradoxe de la laïcité, c'est qu'elle rompt avec les dogmes des religions révélées tout en prétendant utiliser ces dogmes, une fois séparés de leurs «dérivations» théologiques, comme pierres de remploi pour l'élaboration d'un «consensus» intellectuel et moral nouveau. Pour résoudre ce paradoxe, nous nous proposons de suivre le mouvement historique de longue durée qui par spécialisation et différenciation distingue les institutions religieuses des autres instances du contrôle social - notamment politiques, éducatives et intellectuelles -, ce qui nous conduira à analyser les changements survenus corrélativement dans les mécanismes d'intégration des sociétés modernes. On verra alors comment la laïcité s'accompagne de l'affranchissement des autorités politiques, intellectuelles, pédagogiques vis-à-vis de la tutelle des Églises et comment peut subsister, en dépit du processus de laïcisation ou de sécularisation, une forte religiosité diffuse dans toute la vie sociale. Un État laïque, même s'il proclame sa séparation d'avec toutes les Églises, peut continuer à puiser ses inspirations essentielles dans l'expérience religieuse qu'elles lui ont transmise.

Le spirituel et le temporel

Dans les sociétés occidentales, héritières de deux traditions distinctes, la judéo-chrétienne d'une part, la gréco-romaine d'autre part, une étape décisive dans le processus de laïcisation a été accomplie grâce à la distinction introduite par les chrétiens et par Jésus lui-même entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Il est vrai que cette distinction n'est absolument absente ni de la tradition juive où les prophètes s'affrontent aux Rois, ni de la tradition classique où, surtout à Athènes, la référence à des lois morales et religieuses qui dépassent les commandements de la Cité est très fortement marquée. Mais c'est seulement dans le christianisme qu'elle prend tout son relief, même si elle n'est pas, et de beaucoup s'en faut, exempte d'ambiguïté. «Mon royaume n'est pas de ce monde», «On ne peut pas servir à la fois Dieu et Mammon». «Celui qui tire l'épée périra par l'épée», «Rendez à César ce qui est à César, rendez à Dieu ce qui est à Dieu» - ces enseignements évangéliques organisent-ils la distinction entre le temporel et le spirituel, ou bien, au contraire, prescrivent-ils la subordination du second au premier? Celse, un tenant de la réaction antichrétienne du IIIe siècle, accuse les fidèles de Jésus de rébellion contre Rome dont ils contesteraient la souveraineté en refusant à l'empereur l'allégeance que lui doivent ses sujets. En n'acceptant pas de sacrifier aux dieux de l'Empire, c'est leur propre Dieu que, d'une manière oblique, ils chercheraient à imposer à l'Empire, dans le but inavoué de mettre le bras séculier au service de leur prosélytisme. Tel est l'argument typique indéfiniment repris de Celse à Voltaire: les chrétiens ne réclameraient leur liberté vis-à-vis de César que pour asservir César à leur fanatisme et pour tourner ensuite la puissance de celui-ci contre leurs propres ennemis.

La distinction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, telle qu'elle est esquissée dès les débuts du christianisme, reste entachée d'ambiguïté tant que l'Église prétend garder le dernier mot dans l'ordre politique, dans l'ordre moral et dans l'ordre intellectuel. L'ordre politique reste en dernière instance subordonné à l'autorité éminente du pouvoir religieux puisque le premier tire du second son origine, son existence et sa légitimité. En effet, selon Paul, tout pouvoir vient de Dieu. Aussi, Charlemagne est couronné par le pape et le roi de France, sacré à Reims. En outre, le pape de Rome, par l'excommunication et l'Inquisition, exerce une sorte de contrôle juridictionnel sur les actes des différents souverains. Même si en principe le domaine de la censure ecclésiastique est délimité par le droit canon, la menace d'excommunication crée au bénéfice du pape et des évêques un formidable moyen de pression contre les gouvernants laïques. En matière de moeurs, en ce qui concerne la vie familiale, les rapports entre les époux, entre les parents et les enfants, la vie sexuelle et la chasteté, l'Église chrétienne intervient sans relâche.

Pour la hiérarchie ecclésiastique, cette intervention n'est pas un droit, mais une indéclinable obligation. Cette intervention ne prend pas simplement la forme de l'exhortation ex cathedra. La confession et la direction de conscience lui fournissent le moyen de maintenir les fidèles «dans le droit chemin». En ce qui concerne la vie économique (le travail, l'épargne, le prêt à intérêt, le luxe, l'assistance et la charité), la hiérarchie élabore une doctrine (ce qu'on appellera au XIXe siècle la doctrine sociale de l'Église) que les hommes d'État chrétiens sont tenus en conscience de faire passer dans la législation et de faire appliquer, au besoin par le «bras séculier». En intervenant sur le plan du droit comme sur le plan des moeurs, l'Église prétend régler le fonctionnement de la société civile qu'elle investit de part en part. C'est enfin dans l'ordre intellectuel que longtemps elle exerce le plus attentivement son magistère. Dans la mesure où elle exige de ses fidèles la foi à une tradition dont elle se proclame elle-même l'exclusive dépositaire, elle est conduite à apprécier l'orthodoxie des opinions et des enseignements. Elle s'arroge ainsi le droit de décider selon ses propres critères des énoncés «scientifiques» qui, selon les savants, ne relèveraient que de l'observation et de l'expérimentation. Les Églises chrétiennes sont alors amenées à entrer en collision avec les diverses sciences, à mesure que celles-ci conquièrent leur autonomie: l'astronomie au temps de Galilée ou la biologie au temps de Darwin. Le dérapage va parfois si loin que, non contente de condamner des doctrines nouvelles, elle prend fait et cause pour des doctrines controuvées et tout à fait «dépassées». Enfin, dans le but d'asseoir leur emprise sur l'esprit public, les Églises chrétiennes s'emploient à contrôler plus ou moins strictement livres, journaux et périodiques et, dans les écoles, collèges et universités, à diffuser les enseignements conformes à leurs dogmes.

La question scolaire

La laïcisation est marquée par l'affranchissement successif des instances politiques intellectuelles et juridiques vis-à-vis des autorités religieuses. Cet affranchissement a lieu au terme de luttes parfois très violentes, et c'est sans doute la laïcisation de l'école et de la culture que véhicule l'école qui, au siècle dernier, dans les pays catholiques au moins, a donné lieu aux affrontements les plus dramatiques. Dans la France du XIXe siècle, la querelle de la laïcité et 'la querelle scolaire sont indissolublement mêlées. Dès la fin du Moyen Âge, les souverains européens s'étaient soustraits, dans l'ordre politique, à la tutelle du siège apostolique de Rome. La laïcisation de l’État s'est poursuivie par des mesures de tolérance qui accordaient l'égalité des droits à tous les sujets d'un même souverain quelle que soit leur confession religieuse. Simultanément, dans l’ordre intellectuel, les diverses disciplines et les spécialistes qui s’y consacrent et qui les enseignent conquéraient leur indépendance vis-à-vis de la théologie. L'argument du magister dixit a perdu son autorité dans des domaines où la tradition cléricale avait eu longtemps le dernier mot. Toutefois. dans le domaine des moeurs et des croyances communes, à propos duquel, pour parler comme Durkheim, la «conscience collective» connaît ses intensités les plus fortes, l'attachement aux valeurs et aux croyances communes continuait à garder une coloration religieuse.

Pourquoi l'école est-elle devenue en France l'enjeu décisif dans la dernière étape du processus de laïcisation? Dès la fin de la crise révolutionnaire, la reconstitution d'un consensus intellectuel et moral a été l'un des soucis constants des réformateurs sociaux à droite comme à gauche. On le trouve chez Saint-Simon et Auguste Comte, mais aussi chez Bonald et Maistre. Dans la mesure où cette reconstruction exige, pour parler comme Auguste Comte, une révision des concepts fondamentaux, elle exige le concours des intellectuels et ne peut réussir que si ses résultats sont diffusés dans le public par l'école et le système scolaire à ses différents niveaux. Le contrôle de l'État, dans la mesure où celui-ci s'attribue des responsabilités éminentes en matière d'éducation, devient un des enjeux du combat politique: les conservateurs comptent que l'Église catholique restera maîtresse des établissements scolaires où elle est installée de temps immémorial, et notamment dans l'enseignement élémentaire où son influence sur les enfants du peuple est réputée favorable au maintien de l'ordre social. Au contraire, les républicains, puis les radicaux et les socialistes verront dans le dessaisissement de l'Église catholique, dans la fin de sa prépondérance pédagogique, la condition préalable de tout progrès. En outre, la branche «scientiste» du positivisme dénonce comme rétrogrades les principaux dogmes auxquels reste attachée l'Église de Pie IX et du syllabus. L'intensité de cet affrontement idéologique est encore accrue par les séquelles du conflit récurrent dans l'Église catholique entre, d'une part, les ultramontains, défenseurs du pape, les congrégations romaines et certains ordres religieux comme celui des Jésuites notamment, et, d'autre part, les gallicans qui entendent préserver l'État contre les entreprises des «moines ligueurs». Enfin, le monopole de la collation des grades, que Napoléon avait réservé à l'Université, incite l'Église catholique à lancer une croisade pour la «liberté de l'enseignement», d'autant que les calotins soupçonnent les laïques, non sans quelque raison, d'être, malgré leur neutralité déclarée, des anticléricaux sinon des antichrétiens passionnés.

La question de la laïcité prend alors la forme légèrement caricaturale de ce que le roi Louis-Philippe appelait plaisamment la «guerre des cuistres et des sacristains». Mais quel qu'ait été par la suite l'impact de l'orientation laïque sur notre politique scolaire, quelle qu'ait été l'importance du thème de la laïcité dans la rhétorique des politiciens français, une question reste posée à laquelle l'évolution récente des sociétés industrielles n'a rien retiré de sa pertinence: le consensus intellectuel et moral «de base», sans lequel, pour parler comme Rousseau, les «sentiments de sociabilité» s'émoussent, peut-il être pur de toute composante religieuse? Plus précisément, s'il est vrai que les sociétés modernes sont laïques en ce sens que dans la plupart d'entre elles, au moins dans le monde occidental et chrétien, l'État s'y trouve séparé des Églises, le sont-elles aussi dans ce sens bien différent qu'elles ne feraient nulle place au sacré? Mais si elles lui en réservent une, peuvent-elles encore être qualifiées de laïques?

La société moderne et le sacré

Raymond Aron, à propos du IIIe Reich et de la Russie stalinienne, a parlé de «religions séculières». D'abord, ces États peuvent être qualifiés de totalitaires - selon une expression introduite par Mussolini - sous la réserve que ce titre est franchement revendiqué par les idéologues nazis pour l'Allemagne hitlérienne alors que les communistes n'aiment pas du tout le voir appliquer à l'Union soviétique et préfèrent à son sujet parler de «dictature du prolétariat». Mais quel que soit l'habillage idéologique, ce qui caractérise un régime totalitaires c'est que le jeu des intérêts, le débat public et contradictoire y sont frappés d'interdit. La presse est soumise à la censure. Le parti unique, et lui seul, est autorisé à concourir à la formation et à l'expression de l'opinion. Les opposants sont qualifiés de «dissidents» et les dissidents sont tenus pour des traîtres potentiels. Enfin, le parti est l'arbitre du vrai et du faux non seulement en ce qui concerne l'appréciation de ce qui est politiquement opportun; mais potentiellement dans tous les domaines. Au nom de la «science prolétarienne» ou de la «science aryenne», les dirigeants tranchent souverainement de linguistique ou de biologie. L'Allemagne de Hitler et l'Union soviétique ont rompu tout lien avec les Églises chrétiennes, qu'à l'occasion ils ne se sont pas fait faute de persécuter. Dira-t-on que l'un ou l'autre de ces pays est un État «laïque» au sens de Jules Ferry ou d'Émile Combes?

Ou bien parlera-t-on à propos du régime hitlérien et du régime stalinien de «religions séculières», alors que hitlériens et staliniens affichent hostilité, ou du moins méfiance, à l'égard du christianisme et des diverses hiérarchies ecclésiastiques, en même temps qu'ils manifestent un rejet passionné de toute transcendance ou, dans le cas soviétique, une orientation «scientiste» et «matérialiste» des plus explicites? Ce qu'il y a de religieux dans le IIIe Reich ou en Union soviétique, c'est la sacralisation du parti, de la race ou de l'État, et la consécration de dirigeants proclamés infaillibles. Enfin, les religions séculières du XXe siècle que sont les partis totalitaires du type hitlérien ou soviétique sont gérées sur le mode hiérarchique le plus strict, qui répète la distinction médiévale entre les clercs - ceux qui savent et qui ont compétence pour transmettre et imposer la Vérité - et les laïques - qui doivent se contenter d'obéir sinon d'adhérer «à la ligne».

«Hors de l'Église, point de salut.» C'est cette conception intensément autoritaire que retrouvent les «religions séculières modernes» et qui invite à les opposer à une des orientations fondamentales de l'esprit laïque: le libre examen. Finalement, c'est au nom du droit de l'individu à décider et à juger selon ses propres lumières que, dans les divers domaines où elle s'est successivement affirmée, a été présentée la revendication laïque. À la censure cléricale, Galilée oppose l'évidence de l'expérience et du raisonnement. Face à cette évidence, l'argument du magister dixit est dérisoire. De même, devant la prétention des papes de régler les affaires intérieures des États, les princes (ou mieux encore les peuples ou leurs représentants) se croient fondés à répondre que les «intéressés» sont seuls compétents pour régler leurs propres affaires. La dernière digue s'opposant à la poussée des laïcs cède lorsque les clercs sont chassés de leur secteur réservé par excellence, la foi, dont la Réforme contribue à faire une matière de conviction personnelle. Dans la conception médiévale de l'Église, ce sont les Pères, les papes, les conciles qui ont reçu le dépôt de la foi. Ce sont donc les clercs qui ont le dernier mot en cette matière. La réforme protestante, en proclamant le libre examen, conduit à une conception individualiste et décentralisée de la vie religieuse. Même si elle ne l'efface pas complètement, elle assouplit la distinction entre clercs et laïcs qui, dans certaines sectes comme les Quakers, disparaît à peu près.

Ce processus, que l'on pourrait appeler de «laïcisation de la foi», change la signification du phénomène religieux dans les sociétés modernes. Celles-ci restent religieuses parce que les états forts de la conscience collective continuent à y être tenus pour sacrés. À preuve le rejet dont souffrent dans nos sociétés tous ceux qui s'en prennent aux valeurs de la modernité comme de l'égalitarisme. A preuve aussi l'ardeur des passions idéologiques qui ne semblent pas avoir désarmé. Mais elles sont à la fois «séculières» et «décentralisées». Elles sont séculières puisqu'elles valorisent des activités humaines, ou plus généralement l'homme dans sa condition terrestre et historique. Elles sont décentralisées parce que le processus de valorisation 'n'est plus hiérarchiquement contrôlé, mais s'effectue dans une pluralité de groupes, de lieux et de consciences.

Mais les sociétés modernes ne sont pas laïques, en ce sens qu'elles seraient devenues «matérialistes» et que leurs membres ne seraient sensibles qu'à leurs intérêts. Elles sont laïques en ce sens qu'étant individualistes elles se doivent, selon leurs principes, d'avoir une conception non dogmatique des valeurs. C'est ici qu'apparaît, au moins dans le contexte français, l'ambiguïté caractéristique de la laïcité, ou plutôt du dogmatisme laïciste, qui tend à devenir une idéologie scientiste (et éventuellement anti-chrétienne) invoquée pour justifier les intérêts corporatifs de la fraction syndicalement et politiquement prépondérante de la profession enseignante. Pour soutenir leurs prétentions, les «laïcistes» affirment que le nécessaire consensus national et social ne peut se reconstituer qu'autour d'une école publique, magiquement pourvue à la fois de toutes les vertus de la neutralité et dépositaire de la vérité en tout domaine. Ce plaidoyer bute sur deux points. D'abord les laïcistes ne sont pas neutres, comme le montre l'engagement idéologique et politique à gauche de la grande majorité du corps enseignants et comme le confirme le caractère de l'enseignement laïque: surtout dans le domaine de l'histoire, des sciences sociales et de la culture, il est beaucoup plus «scientiste» que vraiment scientifique. Enfin, il n'est pas du tout sûr qu'en raison de la diversité de «demandes sociales» de plus en plus hétérogènes un État centralisé soit en mesure d'exercer en matière d'enseignement le rôle que les syndicats d'enseignants revendiquent bruyamment pour lui.

Le principe de la laïcité de l'État moderne exige-t-il que la fonction d'enseignement soit un monopole de l'État? L'État, tout en admettant l'existence d'un enseignement privé ou libre à côté de ses propres établissements, est-il obligé, à peine de cesser d'être laïque, de réserver à ces derniers le bénéfice exclusif d'un financement sur fonds publics? Une réponse affirmative à ces deux questions, ou simplement à la seconde, ne s'impose nullement. Tout ce que le principe de laïcité exige, c'est que l'État ne mette jamais le bras séculier au service d'aucun dogme - notamment religieux.

Bibliographie

R. BELLAH, «Civil Religion in America», in Daedalus, hiv. 1967 / A. DANSETTE, Histoire religieuse de la France contemporaine, 2 vol., Flammarion, Paris, 1948-1951 / R. ESCARPIT, École laïque, école du peuple, Calmann-Lévy, Paris, 1961 / G. DE LAGARDE, La Naissance de l'esprit laïque au déclin du Moyen Âge, 5 vol. (1re éd., 1934). E. Nauwelaerts, Louvain, B. Nauwelaerts, Paris, 1956-1970; Bilan du XIIIe siècle / J. LOCKE, Epistola de tolerantia (1re publ. en latin), Goudac, 1689 (Lettre sur la tolérance, texte latin et trad. franç. M. CASSALINI, Montréal, 1964 / VOLTAIRE, Traité sur la tolérance, à l’occasion de la mort de Jean Cala (1762), librairie de La Bibliothèque nationale, Paris. 1904, et in Voltaire, Mélanges, Gallimard. Paris, 1961.

Dans le Corpus:
ANTICLÉRICALISME / ÉDUCATION (types et fins, liberté et systèmes d'enseignement) / ÉGLISE ET ÉTAT / IDÉOLOGIE / INDIVIDU ET SOCIÉTÉ / LAÏCITÉ / LIBERTÉS PUBLIQUES / LUMIÈRES (PHILOSOPHIE DES).

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