Cette loi de tension dialectique entre juifs et gentils, que Saint Paul dénonce dans la première Épître aux Thessaloniciens (II, 15) et qui régit l'évangélisation des peuples, doit se fonder sur quelque disposition mystérieuse de la Providence, dans la présente économie. Saint Paul l'enseigne dans les chapitres neuvième, dixième et onzième de l'Épftre aux Romains. Nous allons rapporter ses enseignements point par point, pour plus de clarté:
I - Il existe une supériorité et une prééminence du juif sur le Gentil. Comme on le sait, le choix divin en faveur de ce peuple minuscule remplit les pages merveilleuses de l'Ancien Testament. L'Apôtre ne manque pas de le rappeler aux Romains orgueilleux: "Tribulation et angoisse sur tout homme qui fait le mal, d'abord sur le juif, ensuite sur le gentil; mais gloire, honneur et paix à tout homme qui fait le bien, d'abord au juif, ensuite au gentil". (Rom II, 9)
S'il est vrai que tant les juifs que les gentils sont des pécheurs inexcusables, (Rom, II, 1), cependant les juifs ont une supériorité que Saint Paul reconnaît ouvertement: "Quel est donc l'avantage du juif, ou en quoi profite-t-il de la circoncision?". Et il répond: "Beaucoup, sous tous les aspects. Parce que premièrement lui a été confiée la Parole de Dieu". (Rom, III, I).
Mais, pourra-t-on arguer, les juifs ont été infidèles et sont devenus indignes des Divines Promesses. L'Apôtre répond: "Eh bien quoi, si quelques-uns ont été incrédules, leur incrédulité va-t-elle annuler la fidélité de Dieu?" Et dans l'Épître aux Romains (XI, 28) il ajoute: "Pour ce qui regarde l'Évangile, ils sont les ennemis de votre bien, mais selon l'élection, ils sont aimés à cause de leurs pères. Car les dons et la vocation de Dieu sont irrévocables".
II - Mais la supériorité que Dieu a adjugée au juif lui vient de la foi et non de la chair.
La tentation permanente du peuple juif a consisté à croire que sa grandeur lui venait simplement par son lignage charnel et non par la foi. Il est clair que son lignage charnel était grand, pour autant qu'il devait être le véhicule qui nous apporterait le Sauveur. Mais il était grand par le Sauveur, et parce que Dieu, dans ses desseins, avait choisi son lignage, et non un autre, pour nous apporter le Sauveur. Saint Paul signale fortement cette vérité dans Gal (III, 6) en faisant voir que la grandeur d'Abraham ne consista pas en sa chair, que par elle il fut père d'Ismaël de l'esclave Agar, mais que cela ne lui a conféré aucune gloire; sa grandeur consista en la foi: "en ce qu'il a cru"; il a cru que Sarah, son épouse déjà vieille, lui donnerait Isaac, fils de la Promesse. Et il le crut si bien qu'il n'hésita pas à obéir au commandement divin de sacrifier son fils unique. La foi sauve. La loi et la chair perdent parce qu'elles sont une malédiction. Et le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi en se faisant pour nous malédiction, car il est écrit: "Maudit tout homme qui est pendu au bois", pour que la bénédiction d'Abraham s'étende sur les nations en Jésus-Christ et que par la foi nous recevions la promesse de l'Esprit.
III - La tension juif-gentil, avec la supériorité du juif sur le gentil, se termine dans le christianisme.
Cette catégorie historique qui signifie la tension dialectique de juif-gentil, qui doit régir toute l'histoire, dans la théologie de Saint Paul, se termine dans le christianisme. Non pas une fin temporelle, mais supra-historique.
Lorsque juifs et gentils entrent dans l'Église, ils font profession du Christ, dans lequel s'achève toute division. C'èst ce qu'enseigne l'Apôtre dans Gal (III, 26): "Vous êtes donc tous fils de Dieu par la foi dans le Christ-Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a ni juif ni grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites' qu'un dans le Christ Jésus".
Le Christianisme ne se réalise pas d'un seul coup, mais il s'acco'mplit progressivement dans le processus historique. Les tensions et spécialement celle du juif et du gentil, doivent exister, pour que s'accomplisse le processus d'évangélisation des peuples. C'est pour cela que le juif apparaît dans tous les peuples en même temps que le missionnaire. Si d'une certaine façon leur présence confirme le message évangélique comme l'accomplissement des prophéties, d'une autre façon, lui, il est le contradicteur authentique du Christ et du christianisme, "qui empêche que l'on parle aux gentils et qu'on leur apporte le salut". (I Tess II, 16)
Mais une fois convertis, tant le juif que le gentil, ils n'ont rien à craindre des juifs. Non pas que ceux-ci ne les guettent pas, mais parce que leurs embûches sont vaines,. pour celui qui est uni à Jésus-Christ.
IV - Il y a donc un grand mystère relativement aux juifs, et c'est qu'une partie de ce peuple a été réprouvée pour que les peuples gentils puissent être sauvés.
L'Apôtre nous enseigne qu'une partie d'Israël a été réprouvée. Dans l’Épître aux Romains, il enseigne clairement (IX, 30): "Que conclure? Que des païens qui ne poursuivaient pas de justice ont atteint une justice, la justice de la foi, tandis qu'Israël, qui poursuivait une loi de justice, n'a pas atteint la loi. Pourquoi? Parce qu'au lieu de recourir à la foi, il comptait sur les œuvres. Ils ont buté contre la pierre d'achoppement, comme il est écrit: Voici que je pose en Sion une pierre d'achoppement, et un rocher qui fait tomber, mais qui croit en lui ne sera pas confondu".
La parole d'Isaïe (XXVIII, 16) s'est accomplie: "Aussi le Seigneur Yahwé dit: J'ai mis en Sion pour fondement une pierre, une pierre témoin, angulaire, précieuse, fondamentale". Contre cette pierre a trébuché une partie du peuple juif, et elle est tombée. "Dieu leur a donné un esprit de torpeur, des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre jusqu'à ce jour". (Rom. XI, 8)
Et l'Apôtre ajoute: "David dit aussi: que leur table soit un piège, un lacet, une cause de chute, et leur serve de salaire: Que leurs yeux s'enténèbrent pour ne point voir, et fais-leur sans arrêt courber le dos!" (Rom. XI, 9)
La réprobation n'a pas été totale, mais partielle seulement, et Dieu s'est réservé un reste d'Israël. C'est le clair enseignement de l'Apôtre: "Je demande donc: Dieu aurait-il rejeté son peuple? Certes non. Ne suis-je pas moi-même israélite, de la race d'Abraham, de la Tribu de Benjamin? Dieu n'a pas rejeté le peuple que d'avance, il a discerné. Ou bien ignorez-vous ce que dit l'Écriture à propos d'Élie. Quand il s'entretient avec Dieu pour accuser Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, rasé tes autels, et moi je suis resté seul et ils en veulent à ma vie. Eh bien, que lui répond l'oracle divin? Je me suis réservé sept mille hommes qui n'ont pas fléchi le genou devant Baal. Ainsi pareillement il subsiste un reste, élu par grâce". (Rom. XI, 1-5)
Une partie d'Israël fut réprouvée pour que la miséricorde atteignit les peuples gentils. C'est précisément là qu'est le mystère dans lequel Dieu, plein de compassion pour les peuples et résolu à les sauver, permet la perdition d'une partie d'Israël et dans leur substitution Il dispose l'insertion des peuples gentils dans le grand Olivier de l'Église: "Je demande donc, dit l'Apôtre, (Rom. XI, 11), serait-ce pour une vraie chute qu'ils ont bronché? Certes non. Mais leur faux pas a procuré le salut aux païens afin que leur propre jalousie en fût excitée".
Les gentils doivent prendre grand soin de ne pas s'enorgueillir en pensant que la chute d'une partie des juifs leur a apporté quelque mérite. Ils feraient mieux plutôt de craindre devant l'insondable mystère de la miséricorde et de la justice divines. À ce propos, l'Apôtre dit: "(Rom, XI, 17) Si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, sauvageon d'olivier, tu as été greffé parmi elles pour bénéficier avec elles de la sève de l'olivier, ne va pas te glorifier aux dépens des branches. Ou si tu veux te glorifier, ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te porte. Tu diras: on a coupé des branches pour que moi aussi, je fusse greffé. Fort bien, elles ont été coupées pour leur incrédulité, et c'est la foi qui te fait tenir. Ne t'enorgueillis pas, crains plutôt. Car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, prends garde qu'Il ne t'épargne pas davantage".
V - La réprobation d'Israël est permise jusqu'à ce que la plénitude des nations entre dans l'Église.
Saint Paul enseigne ouvertement que: "L'entendement vint à une partie d'Israël jusqu'à ce qu'entre la plénitude des nations, et alors tout Israël sera sauvé". (Rom, XI, 25)
VI - Tandis qu'une partie d'Israël est réprouvée et les gentils convertis, il doit s'élever une jalousie des juifs contre ceux-ci. Saint Paul énonce cela en divers passages. Ainsi, dans l'Épître aux Romains, (X, 19), il fait siennes les paroles de Moïse: "Je vous rendrai jaloux de ce qui n'est pas une nation, contre une nation sans intelligence t'exercerai votre dépit". Et dans la même lettre (XI, 14) "Mais c'est avec l'espoir d'exciter la jalousie de ceux de mon sang et d'en sauver que1ques-qns". Saint Thomas, dans son commentaire de ce passage, fait remarquer que les juifs éprouvaient de l'envie contre les gentils convertis, c'est-à-dire une colère qui venait de l'envie. Il ajoute: On dit que Dieu les induit en envie et les pousse à la colère, non pas en tant qu'il cause en eux la malice, mais en tant qu'il leur enlève ses grâces, ou plutôt, en convertissant les gentils, d'où les juifs prennent occasion de colère et d'envie.
Cette colère et cette envie dont l'Apôtre parle ici est celle qui provoque les persécutions contre l'Église et les chrétiens dont parle l'Apôtre dans la Première Épître aux Thessaloniciens, (II, 15) et dans l'Épître aux Galates (IV, 28), dont nous avons déjà reproduit les textes. Qu'on remarque bien que cette inimitié ne constitue pas à proprement parler une tension, pour autant que cette notion suppose réciprocité d'actions; et bien que l'Église soit haïe par la Synagogue, il n'y a pas de réciprocité. L'Église se contente de se prémunir contre ses embûches et ses attaques.
Ces embûches et ces attaques de la Synagogue contre l'Église et les chrétiens s'accomplissent surtout sur le plan public des nations, et sont facteurs efficaces du mouvement de l'histoire, comme nous l'avons déjà dit.
VII - Dans le cours de l'histoire, malgré la réprobation d'une partie d'Israël, quelques juifs seront sauvés.
Saint Paul enseigne (Rom XI, 14) que par égard à son ministère et en éveillant l'émulation de ses frères les juifs, il en sauvera quelques-uns. Il ne semble pas annoncer cela comme une exclusivité de son apostolat personnel, mais comme une constante de toute l 'histoire chrétienne.
VIII - Mais Israël aussi se convertira. Ainsi l'annonce clairement et glorieusement l'Apôtre, les juifs se convertiront. "Et si leur faux pas a fait la richesse du monde et leur amoindrissement la richesse des païens, que ne fera pas leur totalité!" (Rom, XI, 12) Et plus loin: "Car si leur mise à l'écart fut une réconciliation pour le monde, que sera leur admission, sinon une résurrection d'entre les morts?" (Rom, Xl, 15)
Saint Paul a bien soin de faire remarquer que la chùte d'Israël s'est faite provisoire et uniquement en faveur des Gentils. "Car je ne veux pas, frères, vous laisser ignorer ce mystère, de peur que vous ne vous complaisiez en votre sagesse; une partie d'Israël s'est endurcie jusqu'à ce que soit entrée la totalité des païens et ainsi tout Israël sera sauvé, comme il est écrit: De Sion viendra le Libérateur pour ôter les impiétés du milieu de Jacob. Et voici quelle sera mon alliance avec eux lorsque j'effacerai leurs péchés". (Rom, XI, 25-27)
Saint Paul ne saurait signaler avec plus de force la conversion des juifs, et cela comme un droit; c'est-à-dire comme voulant signifier que si leur chute s'était effectuée pour faire une faveur aux Gentils, ladite faveur n'ayant pas été accomplie, les juifs devaient être réhabilités. Saint Paul ne cache pas l'orgueil de sa race, qui fut choisie par Dieu: "Car je suis Israélite, du lignage d'Abraham, de la Tribu de Benjamin". (Rom, XI, 1)
La conversion des juifs avait pareillement été clairement annoncée par les prophètes de l'Ancien Testament. Les psaumes 147 et 126 la célèbrent sur un air de triomphe. Isaïe (LIX, 20); Jérémie (XXXI, 10-12; 16-17; 33) ; Ézéchiel (XXXVII, I) ; Osée (3, 4, 5); Malachie (III, 23) ne manquent pas de le chanter avèc joie. Et le Nouveau Testament l'annonce, bien que sur un ton dramatique: "Jérusalem, Jérusalem, qui tue les Prophètes et lapide ceux qui te sont envoyés! Combien de fois j'ai voulu rassembler tes fils à la manière de la poule qui rassemble ses poussins sous son aile, et tu ne l'a pas voulu! Votre maison restera déserte, car en vérité, je vous dis que vous ne me verrez plus jusqu'à ce que vous entendiez: Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur!" (Mt XXIII, 39. Luc XIII, 34). L'accent de cette prédiction ne se met pas sur la conversion, mais dans le châtiment dont sera l'objet le peuple juif pour son incrédulité. La conversion est annoncée d'une manière indirecte, quand il y est dit que les juifs salueraient Jésus avec le "Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur".
Saint Luc (XXI, 24) annonce aussi la conversion d'Israël: "Ils tomberont au fil de l'épée et seront emmenés captifs entre toutes les nations, et Jérusalem sera humiliée par tous les peuples jusqu'à ce que s'accomplissent les temps des nations".
Saint Paul, dans la IIe Épître aux Corinthiens (III, 15) révèle aussi le retour des juifs au Seigneur: "Oui, jusqu'à ce jour, lors de la lecture de Moïse, un voile s'est posé sur leur cœur. Quand ils se convertiront au Seigneur, le voile tombera".
IX - Les juifs se convertiront au cours de l 'histoire.
La conversion des juifs est clairement annoncée dans les Écritu,res. Mais ce qui est problématique est le temps dans lequel cela doit s'accomplir. Jusqu'ici l'opinion courante des exégètes, et tout spécialement celle de Saint Thomas, était que cette conversion allait mettre un terme au déroulement de l'histoire, et, en conséquence aurait lieu à la fin du monde. Mais récemment, des auteurs comme Charles Journet (dans Destinées d'Israël, Egloff Paris 1945, p 339 sq) ont soutenu que le retour d'Israël se produira dans la trame même de l'histoire. Que loin de mettre un point final au déroulement historique, ce serait un fait d'une telle ampleur qu'il donnerait comme fruit "une grande épiphanie de catholicité", laquelle se déroulerait sur plusieurs siècles. Que la fin de l'histoire viendra peu après la conversion des juifs et la grande épiphanie de catholicité qu'elle susciterait, quand se lèveraient de grandes persécutions sous l'action du mystère d'iniquité qu'annonce Saint Paul dans la IIe Épître aux Thessaloniciens, II, 7.
Journet veut fonder son opinion sur les paroles de l'Apôtre: "Parce que si leur réprobation est réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon une résurrection d'entre les morts?" L'Apôtre, argue Journet, ne dit pas la résurrection, mais une résurrection. Ce qui veut dire, par conséquent, que le retour d'Israël provoquera dans l'Église une telle recrudescence de l'amour qu'il pourra être comparé à un retour des morts à la vie. Le monde, poursuit-il, après la conversion des juifs, participera d'une manière plus plénière, plus manifeste, à la résurrection première des mille années, dont par le l'Apocalypse (XX, 4-6) c'est-à-dire à la vie de la grâce, telle qu'elle a été répandue avec profusion par le Christ pendant toute l'ère de l'apparition millénaire ou messianique, laquelle commence avec les jours de l'incarnation et dure jusqu'au temps de la seconde parousie à la fin des siècles. (ibid, 340 et E. B. Allo, l'Apocalypse de Saint Jean p. CXXXI)
Mais il est difficile d 'y répondre. Il est vrai que du texte en question il s'ensuit que la conversion des juifs doit apporter au monde et aux gentils, un bien beaucoup plus grand que celui qu'apporta leur chute. Mais quel a été le fruit de la chute des juifs? Rien moins que la Rédemption, appelée par Saint Paul "Richesse du monde...", "richesse des gentils, réconciliation du monde". Quel autre événement essentiel peut être comparable à celui-là, bien plus, le passer en richesse, sinon la parousie elle-même? Au moins, il est certain qu'un plus grand degré d'effusion de la grâce ne peut pas se comparer à une chose égale ou plus grande que l'effusion substantielle de la grâce qui s'opère dans la Rédemption.
Mais il y avait une raison plus fondamentale qui explique pourquoi les anciens exégètes ont fait la relation, en dépit de: "une résurrection d'entre les morts", entre la conversion d'Israël et la résurrection finale. Et cette raison était leur conception de l'histoire, qui leur faisait percevoir que l'opposition des juifs et des gentils était une catégorie historique qui illuminait tout le mystère du Christ et de sa Rédemption de l'Univers, de façon que, lorsque se terminerait cette opposition, se terminerait aussi l'histoire. Par conséquent, comme la conversion d'Israël mettait fin à la tension des juifs et des gentils, elle mettait fin aussi à l'histoire. (Voir Gaston Fessard: "Théologie et histoire", dans: Dieu Vivant, n̊ 8)
La conversion des juifs est un fait méta-historique proprement eschatologique, parce qu'il doit mettre fin à un facteur qui fait marcher l'histoire: la tension des juifs et des gentils. D'autre part, il est clair qu'on ne peut parler d'un fait totalement en dehors de l'histoire, comme s'il se réalisait au-dessus du temps et de l'histoire. "Tandis qu'il en est temps, faisons du bien à tous". (Gal VI - 10), et seulement le temps historique est le temps de faire du bien et de se sauver. Ensuite la conversion des juifs doit se réaliser dans l'histoire, et à la fin de l'histoire. Disons: au fil de l'histoire.
X - L'histoire est en marche vers l'eschatologie, en laquelle il n'y aura qu'un seul peuple, fait de juifs et de gentils.
L'histoire se meut agitée du dedans par la division des juifs et des gentils, de maître et de libre, d 'homme et de femme. Luttes religieuses, politiques, économiques et sociales, poussant certains peuples contre les autres, dans une volonté folle de prédominance. Le rôle qui revient à la tension judéo-gentil dans cette marche de l'histoire est primordial. Et non pas en tant que simple fait, mais en tant que loi qui a été mise par Dieu dans la raison d'être de l’histoire elle-même, qui est la prédication de l'Évangile.
Saint Paul nous a révélé ce mystère. Mais Saint Paul nous révèle aussi que l'histoire marche vers l'unité parfaite du Christ, où il n'y a ni juif ni gentil.
Dans sa magnifique lettre aux Éphésiens (II, 4) il rappelle d'abord aux gentils la triste condition dans laquelle ils furent pendant un temps. Il leur dit: "Vous avez été alors sans le Christ, éloignés de la société d'Israël, étrangers à l'Alliance de la Promesse, sans espérance, et sans Dieu dans le monde".
L'état de la gentilité ne peut pas être plus malheureux.
Mais "ceux qui, dans un temps, étiez loin, vous avez été rapprochés par le sang du Christ". Les peuples gentils sont entrés dans l'Église, et ils ont écouté la parole du salut. Et l'Église est la vraie société d'Israël. Et le Christ "est notre paix, et en réconciliant l'un et l'autre en un seul corps avec Dieu, par la Croix, en donnant la mort en lui-même à l'inimitié".
Car dans le Christ s'est faite la paix entre les deux peuples. Parce qu'en venant "II nous a annoncé la paix à ceux d'au loin, et à ceux d'auprès, car pour Lui, nous avons les uns et les autres le pouvoir de nous approcher du Père dans un même esprit".
Dans le Christ Jésus, désormais, ni juifs ni gentils, "vous êtes des étrangers et des invités, mais, concitoyens des saints et familiers de Dieu, édifiés sur le fondement des Apôtres et des prophètes. Et de cette édification le Christ est la pierre angulaire" (Eph II, 19) Et pendant tout le processus historique s'accomplit l'édification de l'Église, en prenant les pierres de tous les peuples, de juifs et de gentils, en accord avec l'insondable plan divin. Et là, dans l'Église, qui est le Christ prolongé, se termine toute division de telle sorte que quand l'Église sera totalement édifiée, l'histoire s'achèvera aussi.