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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

samedi, août 23, 2008

CHAPITRE PREMIER

ÉLABORATION DU SYSTÈME

1870!

Date importante parmi les plus importantes: 1517, 1789, 1815, 1917... et d'autres.

C'est une grande défaite de la France: la perte de l'Alsace-Lorraine, les cinq milliards de contribution de guerre, la Commune, oui, bien sûr. Mais la défaite de la Fille aînée de l'Église - et nous employons à dessein cette expression - est l'écho d'un effondrement plus général. La France, il y a onze siècles, a fondé l'État Pontifical qui, pendant ces onze siècles a contribué, par sa présence dans la communauté des nations, à l'essor de l'Europe, au développement de sa culture, animant les peuples de sa propre vie spirituelle. Puissance temporelle au service de sa mission catholique, l'Occident, sans l'État Pontifical, ne serait pas ce qu'il a été ni ce qu'il peut être encore.

La situation internationale est maintenant complètement inversée.

Le flan Palmerston, consigné dans l'article du Globe en 1849, s'est réalisé. La nouvelle configuration de l'Europe est un fait accompli et accompli selon le programme annoncé. Le Pape est prisonnier volontaire dans le Vatican, entouré d'un royaume d'Italie dont les maîtres de fait, francs-maçons, poursuivent avec un sectarisme de célèbre mémoire, une politique anticléricale dont le Frère-Maçon Crispi est un des meilleurs exemples. L'Empire d'Allemagne fondé à Versailles - quel symbole! - est bien, sous hégémonie prussienne, un mur entre la France et la Russie mais pas seulement cela. Le Hohenzollern, impressionné, dit-on, et par sa puissance et par la prophétie du Vaticinium Lehninense (1) pousse activement sa politique dominatrice de Mittel-Europa (Europe centrale) dont il ne se cache pas de dire le sens antiromain, satellisant l'Autriche, attirant vers lui l'Italie où le Grand-Maître de la maçonnerie, Adriano Lemmi, proclame à la fois sa haine de Rome et de la France. Celle-ci, séparée désormais de Vienne, s'engagera, après des brouilles sur la politique coloniale, dans l'entente cordiale France-Angleterre qui va l'entraîner dans une autre direction.

Ce qui frappe immédiatement l'observateur attentif, c'est le RENVERSEMENT DES PÔLES DE L'OCCIDENT. Le Catholicisme, définitivement évacué de la politique internationale absolument laïcisée, l'axe ne passe plus par les capitales des états catholiques. Paris et Vienne deviennent des points secondaires par rapport aux nations à prédominance protestante et cèdent la place à: Londres, Berlin, bientôt New-York.

La France aura beau se ressaisir en recherchant l'alliance du Czar et le Czar aura beau vouloir réparer son erreur en recherchant l'alliance de la France après l'avoir abandonnée en 1870. Cette alliance et l'Entente Cordiale vont sans doute jouer, en 1914, pour notre défense mais pas pour notre profit ni celui du Catholicisme. Les dés sont désormais jetés et, tandis que se poursuivront jusqu'à la première guerre mondiale les événements consécutifs à cet état de choses, un autre plan, substitué aussitôt à celui de Palmerston, va marquer, sur la route du Gouvernement mondial, une nouvelle étape à franchir, un but plus éloigné à atteindre. Il faut savoir, en effet, qu'un homme, fût-il ministre comme celui-ci de la Reine Victoria, fût-il, à un moment donné, le porte-parole autorisé et même mandaté des Hautes-Maçonneries, n'est jamais le maître des objectifs assignés par celles-ci et rarement l'exécuteur de leurs complets desseins. Palmerston mort en 1865 n'a pas vu 1870. Mais cette fois, l'ampleur du nouveau programme qui va commencer à se réaliser pleinement soixante ans plus tard exige, en premier lieu, un effort de centralisation des Maçonneries qui donne à la fois une signification à ces mots: Maçonnerie universelle, Démocratie universelle, et en second lieu, l'explicitation du système auquel on entend soumettre le monde.


LA DÉMOCRATIE UNIVERSELLE.
UN PROPHÈTE?

De la question sociale, qui devait sa naissance aux agitations révolutionnaires et au libéralisme, des réformateurs sociaux comme Le Play, la Tour du Pin et d'autres, confirmés par les Encycliques pontificales de Léon XIII et de Pie X, pouvaient bien donner la solution véritable d'après le droit naturel et chrétien en s'inspirant aussi de solides traditions.

Les hautes sociétés secrètes ne l'entendent pas ainsi; elles s'appliqueront, durant les années de la "belle époque", au succès croissant de la Démocratie, non pas de la démocratie organique que définira Pie XII, mais de la démocratie de masses, inorganique, socialiste et mondiale. La Démocratie universelle dissimulait en son sein de nouvelles révolutions en perspective et une planification de l'univers.

Or, dès 1872, Grant, réélu président des États-Unis, inaugurait son second mandat par une proclamation dont un passage important parut être, à coup sûr, un habituel morceau de grandiloquence à la multitude de ses auditeurs, incapables d'en saisir à la fois le sens caché, la raison profonde et la portée.
La déclaration présidentielle, sous l'étrangeté du langage maçonnique, annonçait la naissance et le développement d'une politique internationale inconcevable à l'époque, pour ceux qui n'étaient pas dans le secret des dieux. Mais il y avait des Initiés.

Le monde civilisé, disait Grant, tend vers le républicanisme, vers le gouvernement du peuple par ses représentants et notre grande République est destinée à servir de guide à toutes les autres... Notre Créateur prépare le monde à devenir en temps opportun une grande nation qui ne parlera qu'une langue et où les armées et les flottes ne seront plus nécessaires.

Ce n'était cependant pas une prophétie. En 1847, le Congrès des Loges, à Strasbourg, avait déjà parlé des Etats-Unis d'Europe formés des confédérations germanique, romane, slave (2); la Russie socialiste et révolutionnaire, entourée de ses satellites européens, n'était pas une idée nouvelle; la république universelle travaillait depuis longtemps, grâce aux sociétés secrètes de toute nature, les cervelles surchauffées de tous les conspirateurs du siècle.

Ce qu'il y avait de nouveau, c'était l'annonce d'une nation-guide: les États-Unis; c'était l'affirmation, par avance, du leadership américain dans la réalisation de ce programme, dont l'imprécision et le messianisme oratoire masquaient une dictature occulte. Celle-ci, malgré des difficultés, des traverses, des vicissitudes, allait s'imposer au peuple américain et aux autres nations.


LA MAÇONNERIE UNIVERSELLE ET LE PALLADISME

Et d'où venait cette assurance? à cette époque?

Pas seulement du transfert à New-York, en cette même année 1872, du siège du Conseil Général de l'Internationale de Karl Marx qui allait prendre l'essor que nous savons;

  • pas seulement de l'implantation aux États-Unis quelques années auparavant et de l'ascension vertigineuse du groupe bancaire Jacob Schiff, Kuhn et Loeb, qui financera la Révolution de 1917;
  • ni même de l'installation à New-York, depuis 1867, de l'Alliance démocratique universelle de Mazzini, malgré l'importance de son rôle immédiat dans les mouvements révolutionnaires jusqu'en Pologne et en Russie, par l'intermédiaire des réseaux de Bakounine;
  • pas seulement de la création à New-York en 1843 de ia fameuse société secrète, exclusivement juive, les B'nai Brith.

Cette assurance trouvait son fondement dans cette concentration, bien sûr, mais aussi dans l'évolution des sociétés secrètes et surtout sur l'appareil de Haute-Maçonnerie Universelle, dont la paternité revient à Albert Pike et à Mazzini: LE PALLADISME, fondé par eux, en ces mêmes États-Unis.

Mazzini, nous l'avons vu, âme des révolutions italiennes, chef de la Jeune Italie puis de la Jeune Allemagne et enfin de la Jeune Europe, lançant ses émeutiers - ou ses assassins - contre les rois et les princes de la péninsule et surtout à l'assaut DU POUVOIR TEMPOREL DU PAPE, avait fait partie, en raison de son grade éminent dans la Haute-Maçonnerie, du Comité Révolutionnaire International, siégeant alors à Londres. Ce Comité avait joui de la haute protection du Très Illustre Frère Palmerston, ministre de la Reine Victoria, lequel tenait en ses mains les fils de la diplomatie européenne. Palmerston était mort en 1865 après une carrière diplomatique que son autorité dans la Franc-Maçonnerie avait plus que secondée, surtout dans sa lutte sournoise contre la PAPAUTÉ et dans ses manœuvres contre l'Autriche et la France en faveur de la Prusse. Mais Mazzini avait le génie de la conspiration; son grand dessein était d'instaurer la République universelle à l'aide et sous le pouvoir invisible des Maçonneries mondiales, menées elles-mêmes par une puissance plus haute, cachée aux Loges inférieures. Ce rêve unificateur n'était pas nouveau; on avait songé à une fédération qui, devant la disparité des Maçonneries, le pullulement des sectes, était restée vaine. Son idée semblait meilleure et correspondait mieux à la secrète et autoritaire hiérarchisation maçonnique.

Il n'eût rien pu faire sans une autre intelligence plus machiavélique peut-être: Albert PIKE.

Mazzini trouva alors aux États-Unis des appuis qui l'amenèrent à entreprendre avec Pike la centralisation de l'action maçonnique internationale, au moyen d'une société secrète: le NOUVEAU PALLADISME. À sa mort en 1872, Albert Pike poursuivit l'entreprise. Né à Boston en 1809, mort à Washington en 1891, celui-ci était un théurgiste luciférien; il avait d'abord exercé son activité sur le rite écossais, dont il faisait partie comme Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de Charlestown. Le Palladisme, supérieur aux Suprêmes Conseils, société très secrète, inconnue des Francs-Maçons, souvent même des plus élevés en grade, se composait d' "émérites" qui, selon le procédé classique, devaient exercer leur influence à l'intérieur des Loges et diffuser les consignes par noyautage. Pike fut membre d'honneur de la plupart des Suprêmes Conseils du monde. Il reçut cette dignité du Suprême Conseil de France en 1889.

Ainsi fut organisée la Haute-Maçonnerie universelle. À la mort de Pike, en 1891, le Suprême Directoire du Palladisme, siégeant à Charlestown, supervisait secrètement les maçonneries américaines, l'Écossisme mondial; il étendait ses ramifications invisibles au sein de la plupart des grandes obédiences. La chose est particulièrement sensible pour l'Écossisme. Dès 1875, un traité d' "Alliance et de Confédération" avait été signé par tout un ensemble de Suprêmes Conseils avec l'adhésion de celui de Charlestown. Et cette année là, celui de France pouvait dire en rendant compte du Congrès:

La maçonnerie écossaise, obéissant à une même loi, devient une force immense... Elle semble peut-être se trouver en mesure, par son organisation universelle, de lutter avantageusement contre l'esprit antilibéral qui menace les conquêtes légitimes de la société humaine.
(Résumé officiel des travaux du suprême Conseil de France - 1875)


Depuis ce moment, se tiennent périodiquement des Conférences internationales des Suprêmes Conseils où celui de Charlestown a les honneurs du premier rang.


Désormais, par une action plus synchronisée, les maçonneries tendront vers le but fondamental décidé une fois pour toutes: le Gouvernement mondial (Contre-Église), visible dans ses institutions publiques internationales, invisible , quant à sa haute hiérarchie.


LA SYNARCHIE EN EUROPE
Saint-Yves d'Alveydre

L'importance majeure du PALLADISME n'a pas empêché dans le même temps la naissance, en Europe, de très hautes sociétés secrètes. Leur existence et leur action, non seulement sur la politique générale et sur l'évolution du Modernisme en matière religieuse (3) mais aussi sur l'orientation de la Maçonnerie universelle, ne peuvent être passées sous silence sous peine de rendre inintelligible le mouvement mondialiste qui va se développer aussitôt mais surtout après la guerre de 1914.

Leur place est telle, dans l'histoire récente, qu'elle n'est pas étrangère à un conflit entre puissances maçonniques qui, dès 1893, a provoqué, concurremment avec les intérêts financiers internationaux, une opposition tenace entre les points de vue politiques des États-Unis et de l'Europe et que nous ne saurions mieux appeler qu'un Gaullisme avant la lettre.


ROSE-CROIX ET MARTINISTES

Et d'abord, quelles sont les principales de ces sociétés secrètes?

C'est, en 1865, l'année même de la mort de Palmerston, la fondation en Angleterre de la "societas Rosicruciana in Anglia" (Société rosicrucienne en Angleterre) dont Wegscott, maçon Kabbaliste est le Mage Suprême. La résurgence du Rosicrucisme, à cette époque, a un caractère déterminant, car cette tradition des anciens Rose-Croix du XVIIe siècle va jouer, en bien des cas, dans l'Europe maçonnique et sous diverses formes, un rôle concurrentiel avec le Palladisme. Le Rosicrucisme a cette particularité de donner accès à tous les ésotérismes qu'il assimile et dirige vers son but suprême: ABATTRE LA CROIX DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. Dès l'origine, on trouve tout en lui, nous dira Sédir son historien: la Gnose, la Kabbale, le Manichéisme et cet appel constant aux théurgies orientales. C'est pourquoi cette date initiale de 1865 nous parait importante.

En France surtout, l'esprit rosicrucien continue à vivre sous une forme modernisée dans la tradition martiniste, tandis qu'en Allemagne, le souvenir des Illuminés de Weishaupt hante beaucoup de francs-maçons. C'est précisément dans les milieux martinistes que, dès 1885, on remarque particulièrement Saint-Yves d'Alveydre qui, deux ans plus tard, deviendra l'ami de Gérard Encausse, autrement dit du Mage Papus. Saint-Yves d'Alveydre passe alors pour un des interprétateurs les plus réputés de la Kabbale et son ouvrage "L'Archéomètre" est préfacé par Papus qui dit lui-même dans cette préface:

Comme sociologue, Saint-Yves d'Alveydre a consacré la plus grande partie de sa vie à la défense et à la diffusion d'une certaine forme d'organisation sociale: la SYNARCHIE.


Entre Papus et Stanislas de Guaïta, Saint-Yves d'Alveydre, né en 1849, mort à Pau en 1909, s'est adonné en effet à l'ésotérisme et à l'histoire, mais à l'histoire arrangée de la façon la plus extravagante pour élever la Synarchie à la hauteur d'un régime théocratique remontant aux plus anciennes traditions. Notons ses ouvrages: Mission des Souverains (1882), Missions des Ouvriers (1882), Missions des Juifs (1884), Mission des Français (1887), Mission de l'Inde (posthume).


En 1888, apparaissent deux autres Sociétés rosicruciennes, très virulentes, issues, par des voies différentes du premier tronc. En Angleterre, les Golden Dawn (l'Aube d'Or) qu'anime Grégor Mathews, à qui sa femme, sœur de Bergson, le philosophe des modernistes, sert de médium - entretiennent d'étroits rapports avec les Illuminés d'Allemagne, notamment, mais non pas exclusivement, par la "Stella Matutina ", société luciférienne des plus fermées.

En France donc Stanislas de Guaïta, l'auteur de l'Essai de sciences maudites, ami de Saint-Yves d'Alveydre, fonde l'Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix en 1888. La première Chambre de Direction comprenait avec lui Joséphin Péladan qui fondera plus tard une société rose-croix chrétienne et même... catholique, Gérard Encausse (Papus), Maurice Barrès, Augustin Chaboseau, Paul Adam, Julien Lejay, Charles Barlet, le Dr. Lalande (Marc Haven), Yvon Leloup (Sédir), Georges Moutier, Lucien Chamuel, Maurice Barrès, ami de Guaïta, se retira aussitôt, en raison de ses convictions religieuses.

Trois ans plus tard, en 1891, Papus rénovait l' "Ordre Martiniste ". L'Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix s'abritait dès lors, dans un secret plus impénétrable, derrière cette nouvelle création qui, en 1898, comptait 94 Loges en Europe dont 27 en France. Il y en avait 19 en Amérique du Nord et du Sud.

Pendant ce temps, en Allemagne, d'autres groupes s'unissent, par des liens divers, à tous ceux-ci. Le plus important, avec la Société Anthroposophique de Rudolf Steiner et ses Rose-Croix illuminés dont il se dit l' "Imperator ", sera une création de Théodore Reuss et d'Aleister Crowley: l' "Ordre du Temple d'Orient" (O.T.O. - Ordo Templi Orientis) 1895. Théc·dore Reuss y professe un nouveau christianisme adamiste, c'est-à-dire du plus répugnant naturalisme qu'aggraveront les excès d'Aleister Crowley sorti des Golden Dawn, sataniste, expulsé de partout à cause de la trop grande notoriété de ses scandales. Il y a du politicien dans le groupe de Rudolff Steiner et dans l'O.T.O., en plus des prétentions moralistes et éducatrices de l'anthroposophisme et du naturisme de l'O.T.O. Il y en a tout autant dans la fameuse Société Théosophique, créée par la Soeur-Maçonne Annie Besant pour vulgariser en Occident les mystérieuses pratiques de l'Hindouisme; elle travaillait avec Nehru, décédé récemment et Krishna Menon, deux vedettes de la politique asiatique.

Ne croyons pas que toutes ces sociétés, en apparence si différentes, souvent opposées, parfois s'anathématisant l'une l'autre, n'aient aucun point commun, aucun lieu de rencontre. Il en est deux, au contraire, qui remplissent particulièrement le rôle de liaison: l'une, d'origine américaine, rejoint l'appareil imaginé par Pike; elle a joué un rôle extrêmement important qui se prolonge actuellement dans les combinaisons politiques et les mouvements internationaux d'union mondiale pour le Fédéralisme de la planète: c'est l' "Hermetic Brotherhood of Light" (H. B. of L.). L'autre, peu nombreuse, travaillait à l'union doctrinale des différentes conceptions mystiques des sectes, à leur rencontre dans la "Philosophie de l'Unité", afin d'infuser celle-ci, dans les maçonneries, et par les maçonneries, dans la masse des profanes: c'est l'Ordre de Memphis.

Voilà donc, dès cette époque, comment s'accomplit la tâche primordiale, initiale, ultra secrète de la Synarchie. C'est par exemple, dans l'Ordre de Memphis qu'on retrouve alors Mme Blavatsky et Leadbeater (Théosophie), Spencer Lewis (Anthroposophie), Théodore Reuss (O.T.O.), des dignitaires de l'H. B. of L., des occultistes français, par ailleurs martinistes. Et c'est là que nous allons retrouver le fil de la Synarchie, mais c'est surtout par le Martinisme qu'elle va prendre, en Europe, la forme que nous lui connaissons.


SAINT- YVES D'ALVEYDRE

C'est par ses Loges que se propagea le complot synarchique.

Nous en connaissons la doctrine par les œuvres de Saint-Yves d'Alveydre. Mais c'est ici qu'il importe de rappeler les textes du Rose-Croix Coménius, textes que nous avons cités dans notre Introduction. Saint-Yves n'est ni un novateur, ni un inventeur du gouvernement synarchique. Dépositaire et vulgarisateur, il n'a fait que mettre en lumière à l'heure prévue le plan d'imperium universel imaginé, dès l'origine, par la Contre-Église et inexorablement poursuivi. Et cette heure enfin propice - ne l'oublions pas c'était après 1870, après la chute du POUVOIR TEMPOREL DU PAPE, dont les sectes se croyaient désormais sûres d'abattre le pouvoir spirituel. (4)

Avec ces sociétés secrètes, Saint-Yves, en réaction contre les prétentions absolutistes du Palladisme venu d'Amérique, n'écrit, pour l'Europe, qu'une sorte de contreproposition qui ne s'oppose pas au dessein général des sectes; mais le système qu'il préconise n'est pas moins universel; son schéma européen de Gouvernement s'applique tout aussi bien à tout mouvement mondialiste, mais avec une logique plus rigoureuse.

Voici, dit-il, en procédant hiérarchiquement, l'ordre et le nom de ces organes à constituer, pour fonder le gouvernement général de l'Europe:

1° - Le Conseil européen des Églises nationales;
2° - Le Conseil européen des États nationaux;
3° - Le Conseil européen des Communes nationales.

(Mission des Souverains - page 417)

Il poursuit en expliquant:

Le premier Conseil doit représenter la vie religieuse et intellectuelle, la Sagesse et la Science (5); le second Conseil doit représenter la vie politique et juridique, l'équité et la Justice; le troisième Conseil doit représenter la vie économique, la Civilisation et le Travail.


Remarquons une modification due à la modernisation du plan déjà vieux des Rose-Croix: là où Coménius parle et d'un Conseil Culturel et de l'universelle Église, Saint-Yves d'Alveydre ne voit qu'un Conseil à la fois religieux et culturel ; il complète alors le Gouvernement trinitaire par un Conseil économico-social, que requiert le développement de l'économie moderne. Ses successeurs technocrates maintiendront cette division. Mais - comme lui et comme l'ancêtre Coménius - s'ils estiment que "hiérarchiquement" leur Super-Église doit dominer l'ensemble, ils décideront cependant, à la suite de Saint-Yves d'Alveydre que, dans la pratique, on devra commencer par l'organisation économique. C'est exactement le processus que nous avons aujourd'hui sous les yeux, manifesté avec une telle clarté qu'on ne peut nier, comme on a tenté de le faire dans le but de cacher les origines occultes de la synarchie, la parenté des théories de nos synarques modernes avec l'œuvre de l'auteur des Missions.

Ce primat donné à l'économique a d'ailleurs un autre but caché, voulu. En donnant, dans l'ordre chronologique, à l'unité mondiale une base matérialiste, il coupe l'humanité de son recours normal au véritable fondement de son unité: LE CHRIST ET SON ÉGLISE, préparant ainsi l'humanité à accepter ensuite la suggestion d'un autre spiritualisme, puis la sujétion de l'universelle religion des sectes hiérarchisées secrètement jusqu'au Luciférianisme. (6)

La vulgarisation du système par Saint-Yves d'Alveydre ne fait que désocculter partiellement celui-ci, laissant deviner, à qui veut l'entendre, un ésotérisme plus profond. Il s'est expliqué, dans l'Introduction à la "Mission des Juifs ", et de cette vulgarisation et de cette partie secrète:

J'en témoigne déjà dans deux œuvres précédentes
et dans celle-ci. Le reste, en mains sûres dans plusieurs pays, est à l'abri des coups qui pourtant n'empêcheront rien de ce qui doit s'accomplir.

"Ce que je réserve comme ésotérisme, dans mes œuvres, ne sera livré qu'à la première chambre indiquée dans mes deux livres précédents.

Il le répète ailleurs:

Toute la partie ésotérique dont j'ai parlé dans la préface est réservée en lieux sûrs et sera donnée à la première Chambre de la Svnarchie européenne.

Sans doute, la diffusion progressive de certains principes d'union européenne ou de transformations sociales planificatrices, sous le couvert de l'humanisme, ne faisait de soi aucun mystère. Ces principes firent école dès la mort de Saint-Yves avec les décades de Pontigny, créées en 1910. Ils se manifestèrent, plus nettement accusés quand, en 1922, le "mouvement synarchique européen" prit le départ sous l'impulsion de Condenhove-Kalergi. Mais l'Ordre Martiniste n'en continuait pas moins à détenir secrètement le véritable fond maçonnique et même initiatique de la Synarchie. Après la mort de Papus en 1916, l'Ordre se scinda en deux: l'Ordrê Traditionnel, si l'on peut dire, restant apparemment en dehors du Mouvement, tandis que l' "Ordre Martiniste et synarchique ", sous la Grande-Maîtrise de Victor Blanchard, compagnon de Papus, Grand-Maître de Memphis, haut fonctionnaire de la Chambre des Députés, travaillait à l'extérieur le monde "profane", tout en conservant le dépôt occulte, comme l'avait indiqué Saint-Yves d'Alveydre:

Si on livrait aux mains des maçons et des badauds le plan architectural et son exécution, jamais le monument ne
s'élèverait.


LE DIFFÉREND DE 1893-1894: LE GAULLISME AVANT LA LETTREPendant le quart de siècle qui s'écoule après 1870, les Hautes Maçonneries, sous l'influence d'une force centralisatrice décuplant leur puissance, disciplinant leur action, ont donc mis sur pied le programme d'une nouvelle étape à atteindre vers l'accession à l'Imperium mundi. On peut la résumer ainsi:

  • concentration de la Maçonnerie universelle,
  • préparation du leadership américain qui se manifestera plus tard,
  • élaboration plus précise du système synarchique, par les Sociétés secrètes européennes, en réaction contre la centralisation palladiste, n'excluant d'ailleurs, en aucune manière, le désir général de travailler en commun à la réalisation du Grand Œuvre.

Mais cette réaction aura plus tard, et sous nos yeux, de telles conséquences sur les rapports de l'Europe et des États-Unis, qu'il nous faut l'expliquer dès maintenant.

Nous sommes en 1893. Depuis quelques années, il semble que la mystérieuse mainmise du Directoire suprême (Palladiste) soupçonnée par certains maçons européens, ne les a pas laissés sans inquiétude, lorsqu'un événement auquel un document pontifical fait allusion survient. Après la mort de Pike (1891), le Directoire suprême de la Haute Maçonnerie est transféré de Charlestown à Rome, sous l'autorité du Frère-Maçon Adriano Lemmi (1894). Ce transfert et cette succession font des bavards en Europe et des mécontents un peu partout. Il y a des démissions, des révoltes, un schisme vite résorbé mais qui révèlent un climat d'opposition déjà manifesté ailleurs qu'en Amérique. De 1865 à 1890, la résurgence du Rosicrucisme a donné naissance aux puissantes sociétés secrètes que nous connaissons et qui semblent résolues à ne pas se laisser subjuguer, bien qu'entrant dans la ligne générale du "système": le Gouvernement mondial synarchique.

De là à discuter sur le terrain politique la prédominance internationale des États-Unis dans le mouvement, il n'y a qu'un pas. Si l'on ajoute à cette divergence la concurrence des grands groupes financiers de Londres et de New-York, groupes que l'on sait si intimement liés aux sociétés secrètes, on saisit tout à la fois la raison, l'origine, le développement des oppositions dont le Général de Gaulle s'est fait le champion.

Et ceci est très important pour tout ce qui va suivre. De quoi s'agit-il principalement?

Du sort de l'Europe future unifiée.

C'est bien de cette époque que date l'antagonisme entre les formules: États-Unis d'Europe et Fédéralisme européen, comme l'atteste un texte de Saint-Yves d'Alveydre: Les États-Unis d'Europe? Pour les Américains, oui; pour les Européens? non (1890). N'est-ce pas d'ailleurs en cette même année 1894 où s'envenima le conflit du Palladisme que fut décidée - à la suite d'instantes représentations de la basse Maçonnerie - l'autonomie relative de la Grande Loge de France à l'égard du Suprême Conseil de France (haute-maçonnerie) au sein de l'Écossisme français? La maçonnerie anglaise ne s'enferma-t-elle pas, elle aussi, à ce moment, dans une hautaine réserve, concrétisée en politique par le refus des prétentions américaines? Un curieux texte de 1893, d'Andrew Carnegie, dans la première édition de "Triumphant Democracy" et supprimé dans les éditions suivantes, mérite à ce sujet d'être reproduit ici:

Le temps peut dissiper d'agréables illusions et détruire maints nobles rêves, mais il n'ébranlera jamais ma conviction que la blessure causée par la séparation, tout-à-fait inattendue et indésirable, de la mère et de son enfant, saignera toujour. Que les hommes disent ce qu'ils veulent; pour moi, je dis qu'aussi sûrement le soleil a brillé autrefois dans les cieux sur l'Angleterre et l'Amérique unies, il viendra un matin où il se lèvera brillant pour réjouir l'union Anglo-Américaine.
(Cité par The secret government of U.S. by M.
Davidson-Ohama - Nebraska 1962, page 9)


La rupture dura longtemps et prit fin pendant la dernière guerre. Le rêve d'Andrew Carnegie s'est réalisé par l'Union Atlantique, brillamment décrite dans "Union Now" de Clarence Streit, membre du fameux CFR (voir le chapitre : The American establishment).

Il était nécessaire de faire ressortir ce point important en le remettant à sa date d'origine.

Ces divergences ont survécu, se manifestant aujourd'hui en des compétitions politiques et économiques qui dominent l'activité mondiale rendue plus intense par les progrès techniques et par l'apparition du soviétisme dont, précisément, les hautes sociétés secrètes peuvent revendiquer la paternité. En un mot, elles ont passé comme éléments de fait dans la vie internationale. Elles n'en demeurent pas moins encore entre les Hautes Maçonneries, à l'intérieur du Système, la cause d'une lutte acharnée principalement motivée par les prétentions d'outre-atlantique et dominant la remise en question actuelle du leadership américain. (7)

Mais n'anticipons pas. Toute cette préparation ne commencera à prendre son plein effet qu'après la guerre de 1914.

Avant l'objectif final, il en était d'autres à atteindre.

Notes:

(1) Vieille prophétie germanique sur l'avenir de l'Abbaye de Lehnin et la chute de la dynastie des Hohenzolern.

(2) Il est intéressant de noter que, vers 1935, le "Pacte synarchique" emploiera les mêmes expressions.

(3) L'action plus particulièrement religieuse des sectes, depuis cette époque jusqu'à nos jours, est exposée dans notre étude parallèle à celle-ci et qui la complète: MYSTÈRE D'INIQUITÉ, aux Editions Saint-Michel à Saint-Cénéré (Mayenne).

(4) -idem- voir Mystère d'Iniquité.

(5) Nous avertissons qu'ici Sagesse et Science ont le sens ésotérique que leur donnent les sectes.

(6) Voir Mystère d'Iniquité.

(7) Cette crise intérieure de 1893 a laissé filtrer au dehors de bien curieuses révélations sur les origines de la guerre de 1914. Certaines d'entre elles sont contestées. Sont-elles vraiment contestables, quand leur date précédant celle de la première guerre mondiale prouve leur antériorité à des résultats effectivement atteints et quand d'autres documents viennent les corroborer?
Des campagnes pacifistes ont précédé la guerre, bien longtemps avant le conflit. Le 6 mars 1888, Adriano Lemmi, Grand Maître du Directoire Politique du Palladisme, adressait, de Rome, une "voûte" (circulaire) aux chefs du Rite suprême, ordonnant de procéder à ces campagnes.

Le désarmement pour la Paix, disait-i1, la Paix pour la Justice maçonnique et la Justice pour le bonheur maçonnique de l'Humanité.

(Bulletin Officiel de Charlestown - Tome VIII, cité par la RISS).

Non seulement cette circulaire n'a pas été démentie (ce qui d'ailleurs ne prouve pas son existence) mais toute une littérature, émanant des basses maçonneries fait appel à ce pacifisme au nom de la Démocratie universelle que devait couronner la Société des Nations. Ces appels sont passés dans l'Histoire.

Voici mieux encore: la guerre qui devait anéantir l'Autriche, abattre la dynastie Hohenzollern, abaisser l'Allemagne dont les prétentions devenaient inquiétantes, Saint-Yves d'Alveydre y fait allusion dès 1890 et cette guerre qui devait généraliser les régimes démocratiques est annoncée en 1894, dans la protestation des Hauts-Maçons palladistes américains lorsque, précisément, Adriano Lemmi, après la mort d'A. Pike, veut faire transférer à Rome les archives du Directoire dogmatique.

Si le palladisme (dogmatique) est transporté à Rome (l'exécutif politique y est déjà) voilà les archives centrales et les plus saintes choses en péril d'un coup de main dans le cas d'une conflagration subite... Le transfert à Rome... ne pourrait être effectué sans danger que si, dans l'Europe entière, tous ses États étaient républicains, ...conformément au plan de 1860 qu'il s'agit de réaliser au moyen de la grande guerre du XXe siècle et sous l'hégémonie maçonnique: États-Unis, d'Europe.

Nous ne savons pas si les archives du Pontificat dogmatique (c'est ainsi qu'on l'appelait) ont été transférées mais voilà bien la thèse américaine des États-Unis d'Europe opposée à la thèse du Fédéralisme européen exposée par Saint-Yves d'Alveydre. Voilà aussi la soutenance très palladiste du leadership américain pour la démocratie universelle. Voilà surtout l'annonce de la grande guerre appelée à transformer de nouveau l'Europe. Cette protestation, disons-le tout de suite, est tirée d'un ouvrage du Frère-Maçon Margiotta, transfuge de la Haute-Maçonnerie et, à cause de cela, très contesté bien sûr par les hautes sectes. 11 n'y a qu'un malheur, c'est que la même année, Léon XIII dans une de ses lettres s'indignait de voir la Haute-Maçonnerie siéger à Rome même. Ce qui n'est pas niable, c'est l'annonce, dès 1912, par du Paty de Clam, des dangers que courait l'Archiduc d'Autriche Ferdinand assassiné à Sarajevo en 1914. Ce qui n'est pas moins troublant ce sont les allusions à cette fin tragique faites par le Colonel House des Masters of Wisdom quatre ans avant l'attentat dont on lira les détails dans le remarquable livre de M. de Poncins sur la Franc-Maçonnerie. Ce qui n'est pas moins troublant encore, c'est cette réunion exceptionnelle de Saint Simon's Island, en 1913, dont nous parlerons plus loin et qui constitue le premier essai des assises des futurs Bilderbergers.

Et c'est enfin la réunion des maçonneries alliées, à Paris, en 1917 pour exploiter les résultats de la guerre, après le refus des propositions de paix formulées par Benoit XV, puis par Charles IV d'Autriche, par l'intermédiaire des Princes Sixte et Xavier de Bourbon-Parme. Refus spécifiquement maçonnique, pour forcer les belligérants, fût-ce au prix de milliers et de milliers de morts supplémentaires, à accepter leur propre paix! le nouveau découpage de l'Europe, de nouvelles nationalités (Yougoslavie, Thécoslovaquie) de création maçonnique avec les Massarik ou les Frères-Maçons Bénès.

Sur toutes ces ruines accumulées, le Frère-Maçon Wilson osait dire:

Le Christianisme n'a pas réussi à unir les peuples. Nous réussirons, j'espère, par la Société des Nations.

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