9
Le communisme et les ouvriers
1. - Quelle part les ouvriers de la Russie ont-ils prise dans la révolution de 1917?
La soi-disant «Révolution ouvrière» de 1917 n'a pas été organisée ni dirigée par les unions ouvrières ou des groupes de travailleurs. Elle a été conçue et menée par des forces révolutionnaires internationales, sous la direction de ceux qui devaient constituer le parti communiste. A la tête de ces forces révolutionnaires et de ce parti se trouvait V. I. Lénine, dont le nom véritable était Ulianov. Lénine était le fils d'un surintendant régional d'écoles. La famille appartenait donc, à ce titre, à la basse noblesse de la Grande Russie... Lénine avait à ses côtés un homme de grands talents, Léon Trotsky, un intellectuel lui aussi, dont le véritable nom était Bernstein. Aucun de ces deux hommes n'était un ouvrier; et ni non plus leurs camarades les plus influents et leurs fidèles collaborateurs.
2. - Comment donc la révolution de Russie a-t-elle pu se produire?
Profitant d'une période de confusion, au cours de la 1ère Grande Guerre, les Bolchévistes - appelés maintenant communistes - s'emparèrent du pouvoir que détenait alors Alexander Kerensky, chef du gouvernement révolutionnaire constitutionnel; et par des tactiques brutales et déloyales, ils réussirent à dissoudre l'Assemblée constituante. Ils établirent ensuite «la dictature démocratique des prolétaires et des paysans», que l'on eut tôt fait de reconnaître tout simplement comme la dictature du prolétariat, bien qu'elle fût en réalité la dictature du seul parti communiste.
3. - Comment Lénine se prit-il pour faire accepter le parti communiste comme guide représentant des ouvriers?
Dans son livre, « Les enseignements de Karl Marx », Lénine affirme, comme Engels l'avait fait d'ailleurs antérieurement, que le marxisme prolonge et perfectionne - bien qu'il en découle lui-même - «les trois grandes idéologies en vogue au XIXe siècle». La philosophie allemande, avec au centre les écrits de George F. W. Hegel et de Ludwig Feuerbach, est sans contredit le premier de ces grands courants idéologiques. En second lieu, on retrouve, en France, les «écrits socialistes» et les «doctrines révolutionnaires», dont le plus illustre tenant a été Pierre Proudhon, qui soutenait, lui, que chaque période importante de l'Histoire doit avoir sa lutte des classes. Enfin, en Angleterre, Adam Smith et David Ricardo proclament de nouvelles théories économiques. Il va sans dire que Marx aura tôt fait, selon son habitude d'ailleurs, de retourner en partie contre leurs auteurs ces mêmes systèmes.
On voit donc, hélas! que ce sont les intellectuels, et non les ouvriers, qui ont travaillé le plus à faire naître et grandir le communisme. A noter, également, que ces trois grands courants idéologiques, partis de l'ouest au siècle dernier, menacent maintenant, au XXe siècle, les puissances de l'ouest. Dans son introduction à l'encyclique « Divini Redemptoris », le Pape Pie XI le démontre très clairement. Il explique, par exemple, que les théories du communisme ont pris naissance «au temps où des groupes d'inteIIectuels arrogants» se sont formés en vue de libérer la civilisation des «chaînes de la morale et de la religion».
Ainsi donc, grâce à la simplification à outrance et à l'emboîtement artificiel de ces doctrines - philosophiques, économiques, et socialistes - du XIXe siècle, Lénine a pu affirmer, en s'aidant de la méthode de compilation des marxistes, que la «révolution du prolétariat» doit être menée par un groupe choisi, le parti communiste, par exemple, qui servira d'inspiration et de guide à la classe ouvrière.
4. - Les expressions pompeuses telles que "la dictature du prolétariat" et "la révolution de la classe ouvrière", ne serviraient donc qu'à masquer une immense fraude?
Evidemment. Il en est ainsi, d'ailleurs, de toutes les promesses du marxisme. Dès que le triomphe du socialisme est assuré, toutes les promesses «tournent au vent». Et c'est précisément le contraire qui arrive. Ainsi, sous le régime de la soi-disant «dictature du prolétariat», on a aboli les conventions collectives de travail, on a déclaré la grève illégale et criminelle, et les soi-disant unions ouvrières sont devenues tout simplement des «machines à production».
De la même manière, et malgré les propos révolutionnaires de Lénine qui réclamait, pour le succès de sa révolution de 1917, «la terre aux paysans»! on a pu voir se produire exactement le contraire des promesses. Toutes les terres sont devenues propriété de l'Etat Soviétique.
5. - Quand les communistes parlent de "régime du prolétariat", est-ce à diré qu'ils entendent parler du "régime du parti communiste?"
C'est exact. Les communistes se regardent avec complaisance comme un groupe plutôt restreint de «savants sociaux», les seuls dépositaires des secrets du marxisme-Iénimen. Au cours de la révolution, ils doivent absolument servir de chefs et de guides aux ouvriers. En conséquence, ce sont les communistes - éclairés par Moscou, il va sans dire - qui savent le mieux, c'est du moins ce qu'ils prétendent, ce qui convient aux peuples de l'univers.
Aussi devront-ils établir, par infiltration, et finalement par la force ou la violence s'il le faut, la dictature du parti lui-même sur l'ensemble de l'univers.
6. - Est-ce que cette idée d'un parti qui agirait au nom de la "classe ouvrière" en servitude découle nettement des écrits de Lénine et de ses successeurs?
Assurément. Lénine insiste beaucoup là dessus, particulièrement dans les ouvrages «Que faut-il faire?» et «Un pas en avant, deux pas en arrière». Il préconise la création d'un petit groupe privilégié, mais très discipliné, qui deviendra «l'avant-garde», la force dirigeante qui agira au nom de la «classe ouvrière». On peut lire le résumé de la pensée de Lénine dans l'œuvre de Joseph V. Staline, «Les fondements du léninisme». Au chapitre qui traite «du parti», Staline énumère les six éléments nécessaires à un «parti révolutionnaire» assez audacieux pour conduire les prolétaires dans la lutte pour le pouvoir. Et Staline s'inspire de Lénine. La première caractéristique est la suivante: «Le parti est à l'avant-garde de la classe ouvrière». On considère donc le parti comme «l'Etat-major du prolétariat dans la guerre des classes».
7. - Le parti communiste se proclame avec arrogance l'unique dépositaire de la sagesse, pour les "ouvriers." Lénine et Staline ont-ils tous les deux abondé en ce sens, également?
La meilleure manière de connaître le point de vue des communistes, à ce sujet, est de citer les paroles mêmes de Staline, qui, à son tour, a puisé abondamment dans les nombreuses déclarations de Lénine. Parlant du parti communiste comme de «l'avant-garde du prolétariat», Staline affirme que c'est en effet la seule force qui puisse assurer une direction sûre «aux millions de prolétaires», qui sont incapables, d'ailleurs, de penser par eux-mêmes.
Et il ajoute ensuite avec beaucoup de clarté: «Aucune armée en guerre ne peut se dispenser d'un Etat-major expérimenté si elle ne veut pas s'exposer à la défaite. N'est-il pas évident que le prolétariat peut encore moins se passer d'un tel Etat-major s'il ne veut point devenir la proie de ses ennemis mortels? - Mais où donc est cet Etat-major? Seul peuvent en faire partie les membres du parti révolutionnaire du prolétariat. Une classe ouvrière sans parti révolutionnaire ressemble à une armée sans Etat-major. Le parti est vraiment l'Etat-major du prolétariat.»
8. - Quand les chefs communistes ou leurs partisans s'accordent à regareler leur parti comme "le parti du prolétariat" ou "l'avant-garde de la classe ouvrière", est-ce qu'ils ne prêtent pas un sens tout à fait artificiel à ces termes?
C'est précisément ce qu'ils font. Le prolétariat dont parle Karl Marx en ses œuvres devait, d'après les prédictions mêmes de l'auteur, devenir encore plus misérable et plus pauvre. Voici comment, par sa théorie de «valeur de surcroît», et par le principe capitaliste d'accumulation», Marx explique la chose. La théorie de «valeur de surcroît» permettait de voler plusieurs heures de travail par jour aux ouvriers; tandis que «le principe capitaliste d'accumulation» rendait encore plus abjectes les conditions déprimantes des ouvriers. Et pourtant, cela ne s'est pas vu, dans notre monde contemporain, certainement pas aux Etats-Unis d'Amérique.
Artificiel aussi le «prolétariat» de Lénine et de Staline. Nous l'avons vu déjà, la «dictature du prolétariat» est tout simplement la dictature du parti communiste. Et ce dernier, à son tour, est soumis à la direction absolue du Maître du Kremlin.
9. - Pourquoi donc tant d'ouvriers de Russie et d'Europe se sont-ils joints au mouvement révolutionnaire du marxisme?
Parce que ce mouvement révolutionnaire se faisait passer pour le seul vrai mouvement international entièrement au service des ouvriers. Il proclamait la fin de l'exploitation capitaliste; et il annonçait que les richesses et le pouvoir politique seraient enlevés aux classes supérieures - la haute classe et la classe moyenne - pour être enfin remis entre les mains des ouvriers ou de la classe ouvrière. La consigne «Travailleurs du monde, unissez-vous», a parfaitement réussie; elle était populaire. Encore aujourd'hui, cette consigne est assez puissante et efficace qu'elle occupe une place de première importance en page frontispice de chaque numéro de la Revue mondiale Marxiste , qui constitue l'organe officiel de tous les camarades du monde. Et pourtant, cette consigne, la dernière du Manifeste Communiste , date de 1848.
10. - A la face de ces promesses attrayantes faites aux ouvriers par les communistes, peuton dire que le parti communiste ait jamais compté au nombre de ses partisans la plupart des ouvriers des pays mis en esclavage par le gouvernement des Soviets?
Le parti communiste n'a jamais «embrigadé» la majorité des ouvriers d'aucun pays. Même en Tchécoslovaquie, où le parti communiste a rapidement augmenté ses effectifs après l'arrivée de l'Armée Rouge en 1945, il n'a jamais obtenu la majorité des votes pour le parlement tchèque. Et la plupart des ouvriers n'étaient pas non plus des partisans du parti communiste. Les Soviets ont toujours imposé leur dictature par la force à tous les pays conquis, après, évidemment, que les pays à conquérir aient été victimes de subversion et d'infiltration communistes, soit au gouvernement, soit dans les journaux, ou par le truchement d'autres agences de communications.
11. - Quelle est la grande promesse du communisme aux ouvriers et en somme, à tous les peuples des soi-disant pays coloniaux?
Lénine a été assez perspicace pour prévoir le jour où les peuples coloniaux et les peuples de couleur lutteraient pour leur indépendance et finiraient par l'obtenir. C'est pourquoi il conçut l'idée de présenter «l'impérialisme» comme le sommet et le stage définitif du capitalisme. A ce stage, il était essentiel au «monopole-capital» d'exploiter des groupes de plus en plus nombreux de colonies. En même temps, la seule et unique chance de «libération» pour les peuples coloniaux et leur classe ouvrière résidait dans leur entière soumission à la dictature du prolétariat. C'est d'ailleurs ce que Staline, en expliquant la prise de position de Lénine, essaie d'expliquer au chapitre de la Question nationale dans son livre, Les fondements du léninisme, et dans cet autre ouvrage remarquable intitulé Le marxisme et la question nationale et coloniale. Ainsi donc, les communistes, sous couverture de lutte à à «l'impérialisme», et aidés par la Russie Soviétique, et maintenant par la Chine Rouge en plus, commencèrent à édifier un impérialisme de leur cru, dont l'objectif unique est la conquête de l'univers.
l2. - Quand les communistes emploient les termes "impérialisme" et "pays impérialistes" - ce qu'ils font d'ailleurs très fréquemment - ils leur prêtent, n'est-ce pas, un sens autre que celui que nous avons à l'esprit, nous-mêmes, lorsqu'il nous arrive d'avoir recours aux mêmes termes?
C'est exact. Par «impérialisme», les communistes ne veulent jamais laisser entendre que les Soviets s'emparent par la force de divers pays. La mise en servitude pratiquée par les Soviets est toujours une «libération». D'après les communistes, les «pays impérialistes» sont toujours les démocraties - par exemple, les Etats-Unis.
13. - Partant de ce principe que la "libération" ne peut venir aux peuples coloniaux qu'à travers "la dictature du prolétariat", les communistes devront nécessairement ériger un système de travaux forcés au milieu de ces coloniaux, après que les Soviets auront établi leur dictature sur ces peuples?
C'est précisément ce qui arrive. On se rend compte, en effet, de la manière forte des communistes, en Chine, en particulier, où les Rouges ont institué le régime abject des «Communales populaires».
Ce système a plongé jusqu'ici les ouvriers et les paysans chinois dans les conditions de vie les plus dégradantes, et tenté de toutes manières d'avilir et de détruire l'institution de la famille. En Russie Soviétique elle-même, et dans tous les autres «pays coloniaux», s'exerce le même régime totalitaire et despotique. On refuse aux ouvriers le droit d'association; et les soi-disant unions ouvrières ne peuvent en somme que se faire les fidèles échos des directives inscrites au programme communiste par les maîtres de Moscou.
14. - Est-ce que l'histoire de l'infiltration communiste dans les unions ouvrières d'Amérique a démontré que les communistes ne s'intéressent pas du tout au bienêtre des ouvriers ou au progrès des unions elles-mêmes, mais plutôt qu'ils ne songent qu'à promouvoir la cause du communisme?
C'est ce que l'histoire des rapports des communistes avec nos syndicats prouve au-delà de tout doute. C'est d'ailleurs ce qui a poussé l'Union ouvrière CIO, en 1950, à réprimander sévèrement le parti communiste.
15. - Pourriez-vous nous indiquer les grandes étapes de cette histoire?
En 1922, «La ligue d'éducation des unions ouvrières», connue sous le monogramme de TUEL, et dirigée par William Z. Foster, qui venait de s'inscrire comme membre du parti communiste, devenait une section des «Unions ouvrières internationales», une organisation d'inspiration soviétique. De l'aveu même de Foster, l'objectif de TUEL consistait, à cette époque, à «s'infiltrer» dans les mouvements ouvriers accrédités, ainsi, d'ailleurs, que venait de le recommander Lénine lui-même dans son ouvrage, L'aile gauche communiste - Un désordre d'infantilisme.
Un peu plus tard, en 1929, TUEL devenait «La ligue pour l'unité des unions ouvrières», un soi-disant centre de ralliement pour les unions ouvrières à tendances communistes. Tout cela était parfaitement conforme aux décîsions prises au 6e Congrès mondial de l'Internationale communiste, tenu à Moscou en 1928.
En 1935, TUEL était dissous. Aussitôt, toutes les unions communistes se joignirent à «La fédération américaine des unions ouvrières», que nous connaissons sous le nom de «AFofL». Un an plus tard, elles abandonnaient la syndicale «AFofL» et se joignaient à l'autre grande syndicale, le «CIO». De nouveau, ces démarches étaient conformes au programme du 7e Congrès mondial de l'Internationale communiste, tenu à Moscou, en 1935. On a surnommé ce 7e Congrès celui du «Front commun», dont s'inspireraient toutes les tactiques - genre cheval de Troie - par lesquelles on «s'infiltrerait» partout: dans le gouvernement, à la presse, dans les affaires et dans le secteur du travail.
Lorsque Moscou inaugura l'époque de la «Guerre froide» contre les Etats-Unis, les communistes affiliés au CIO se livrèrent à de si violentes attaques contre les Etats-Unis, que leur attitude farouchement pro-soviétique les fit chasser de la grande syndicale.
En 1959, cependant, la Cour Suprême elle-même réchappait le communisme de ses difficultés, ainsi que les publications communistes furent unanimes à le proclamer, et les partisans de Moscou recommencèrent à «s'infiltrer» dans les mouvements ouvriers accrédités. Telle était d'ailleurs la consigne lancée partout par Political Affairs , l'organe des directives officielles du parti communiste.
16. - Dans l'ensemble, quelle est l'attitude du mouvement ouvrier américain à l'endroit du communisme?
Comme l'a démontré la visite du dictateur Nikita Khrushchev en notre pays, en 1959, la grande centrale ouvrière AFL-CIO est officiellement opposée au communisme et à l'offensive communiste, surtout lorsque les chefs syndicaux savent ce que sera la stratégie communiste. Le Conseil Exécutif, sous la présidence de monsieur George Meany, nous en a fourni une preuve éclatante. En effet, parce que Khrushchev ne reconnaît pas les unions ouvrières, le Conseil Exécutif de la centrale a refusé de le rencontrer.
Certes, quelques-uns des chefs de la grande syndicale, notamment Walter Reuther et James Carey, rencontrèrent Khrushchev et s'entretinrent avec lui; mais ils lui posèrent des questions si embarrassantes que, ivre de colère, Khrushchev se mit à parler comme un «porcher». Un peu plus tard, c'était au tour du Kremlin à s'attaquer brutalement à Reuther. Comme d'habitude, les attaques furent d'un caractère «très personnel», de nature à salir la réputation de Reuther.
17. - Quelle est la grande faiblesse des chefs symlicaux dans ces prises de position contre le communisme?
Il ne fait point de doute que les chefs syndicaux américains ont fait preuve de beaucoup plus de courage devant Khrushchev que beaucoup d'éléments du monde de la Grande Entreprise. Néanmoins, il est une attitude très dangereuse, et qui pourrait contribuer largement au succès d'une forte «infiltration communiste.» Il s'agit évidemment de cette tendance de certains chefs ouvriers à se faire passer pour «libéraux». A cette fin, ils s'exposeront à faire le jeu de la propagande communiste, incapables qu'ils sont d'en toujours déceler le poison. Grâce à cet état d'esprit, les communistes ont pu, à maintes reprises, se glisser dans les unions ouvrières; d'autant plus qu'ils semblaient parfaitement d'accord avec certains chefs non-communistes dont l'attitude favorisait la cause du communisme. C'est ce qui s'est produit, lors de cette fameuse «lutte au McCarthéisme». Nous verrons, plus loin, que les communistes eux-mêmes ont machiné cette affaire, dans le seul but de jeter l'Amérique aux genoux des maîtres du Kremlin.