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lundi, mai 12, 2008

13 2e partie: De Lénine à Khrushchev

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L'Histoire du Communisme
(Le marxisme-léninien)

2e partie: De Lénine à Khrushchev


1. - Qui est Lénine? Que sait-on de ses antécédents?

V. I. Lénine, surnommé «le fondateur du bolchévisme et du premier état socialiste» par l'Institut de Marx-Engels-Lénine, dans sa biographie officielle, naquit le 22 avril 1870. Il était originaire de Simbirsk, maintenant appelée Ulyanovsk, située sur les rives de la Volga. Son nom véritable était Vladimir Ilyich Ulyanov. Son père était le directeur des écoles élémentaires de la province de Simbirsk. Pour services rendus à la nation, ce dernier avait été élevé au rang de la noblesse dite moyenne. Quant à la mère de Lénine, elle était la fille d'un médecin. On peut donc dire que Lénine était, par sa naissance et son éducation, un «intellectuel». On ne peut le considérer comme un «produit» de la classe ouvrière.

2. - Pouvez-vous résumer, en peu de mots, les principes fondamentaux de Lénine?

Ainsi qu'il le déclare dans son œuvre l'Etat et la révolution, il est venu délivrer le marxisme de l'emprise des chefs de la «2e Internationale». Ces derniers, selon Lénine, «faussaient, déformaient et altéraient le sens révolutionnaire du marxisme; bref, ils lui ravissaient son esprit révolutionnaire». C'est pourquoi, en s'inspirant des écrits de Marx et d'Engels, il établit comme principe de base ce qui suit: «La substitution de l'état bourgeois par l'état prolétaire est impossible sans la révolution par la violence.»


3. - Quel est donc, d'après Staline, la définition du léninisme?

Dans une œuvre fort remarquable, «Les fondements du léninisme», Staline le définit ainsi: «Le léninisme est le marxisme à l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétaire. Plus précisément, c'est la somme des méthodes et des tactiques à employer dans la révolution prolétarienne en général; c'est la somme des méthodes et des tactiques de la dictature du prolétariat en particulier.»

4. - Quelles circonstances amenèrent Lénine à faire partie du "mouvement révolutionnaire"?

Au printemps de l'année 1887, le frère aîné de Lénine, Alexandre, était mis à mort, pour avoir trempé dans un complot machiné en vue d'assassiner le tsar d'alors, Alexandre III. Lénine n'avait alors que dix-sept ans. C'est ce frère qui avait mis entre les mains de Lénine un exemplaire de l'œuvre de Marx «Das Kapital», que Lénine avait commencé à lire. L'exécution de son frère a grandement contribué à orienter Lénine dans la voie de la «révolution».


5. - Quelles furent les premières activités révolutionnaires de Lénine?

Quelques mois après la mort de son frère, Lénine s'inscrivait comme étudiant à la faculté de droit de l'Université Kazan. Là, il «remua» tellement ses compagnons d'études par ses «activités révolutionnaires», qu'on dut le renvoyer de l'Université quatre mois plus tard. Il n'en continua pas moins d'étudier et d'approfondir les œuvres de Marx et d'Engels. En janvier 1892, il entrait au barreau. Mais il n'exerça pas longtemps sa profession. Bientôt, il se jeta résolument dans la «lutte révolutionnaire». C'est pour cette raison qu'en août 1893 il se rendait à St-Pétersbourg - ou Leningrad.


6. - Une fois rendu à Saint-Pétersbourg, à quoi Lénine s'occupa-t-il?

Il s'empressa de rassembler tous les groupes de marxistes de cette ville en un seul mouvement, auquel on donna le nom de «Ligue pour la lutte en faveur de l'émancipation de la classe ouvrière». C'est ainsi qu'il pouvait, vers 1895, assurer la fondation du mouvement que l'on appellera plus tard: «le parti ouvrier social démocrate de Russie». C'est de ce parti qu'allait naître beaucoup plus tard le parti communiste.


7. - Quel fut le premier mouvement marxiste de Russie?

C'est en 1883 que parut en Russie le premier mouvement marxiste. Ce mouvement, appelé «Emancipation du travail», fut fondé par Georges V. Plekhanov. Ce dernier est reconnu comme le premier disciple d'importance de Karl Marx en Russie. Plekhanov organisa d'abord son groupe à Genève, en Suisse, où il se trouvait alors en exil. Ce mouvement réussit assez bien, par ses campagnes d'éducation, à répandre les théories du marxisme en Russie; mais du point de vue «organisation», ses activités furent à peu près nulles.

8. - Quelles démarches Lénine entreprit-iI pour eneourager la fondation du parti ouvrier social démocrate de Russie?

Ce parti ouvrier social démocrate, qui devait devenir plus tard le parti communiste, tint son «premier congrès» à Minsk, en 1898. Cette première réunion ne donna guère de résultats, du point de vue «organisation», bien entendu. A ce moment-là, d'ailleurs, Lénine se trouvait en exil, en Sibérie. A son retour, il rejoignit Plekhanov à Genève, où il collabora à la fondation du quotidien l'lskra (l’Etincelle), qui devint en peu de temps «l'âme» de toute l'organisation. C'est par l'entremise de ce journal, en somme, que se prépara le deuxième congrès du parti ouvrier social démocrate de Russie. Ces grandes assises eurent lieu en juillet 1903, d'abord à Bruxelles, ensuite à Londres.

9. - Que se passa-t-il donc, à ce congrès, qui put laisser entrevoir des transformations profondes dans l'histoire du monde, et l'établissement prochain, par la force, de la dictature soviétique?

Après de longues discussions, les congressistes finirent par adopter le programme soumis par Lénine. Or, l'objectif principal proposé par ce programme était «la dictature du prolétariat par la révolution socialiste». De plus, Lénine exigeait que l'on déterminât sans retard les réformes sociales dont le parti social démocrate de Russie pourrait se servir pour accroître sa popularité auprès des masses et les amener à se laisser conduire aveuglément dans la voie de la «révolution par la violence». Encore de nos jours, la stratégie communiste n'a point changé .

C'est àce congrès que l'on entendit pour la première fois les expressions «Bolchéviques» et «Menchéviques». On disait de Lénine et de ses partisans qu'ils étaient des «Bolchéviques». On voulait dire, par là, qu'ils constituaient la «majorité», à ce congrès en particulier. Les adversaires de Lénine s'appelaient les «Menchéviques» car ils se trouvaient en «minorité» à ce congrès.

10. - Qu'advint-il du programme de Lénine?

Après le congrès, les «Menchéviques» s'emparèrent du quotidien l'«lskra». De son côté, Lénine s'empressa de fonder un autre journal. Il écrivit également plusieurs livres, dont un en particulier, intitulé «Un pas en avant, deux pas en arrière», s'est attiré beaucoup de renom, dès sa publication en 1904. Lénine y parle tout spécialement d'un «parti révolutionnaire discipliné» qu'il allait lui-même fonder un peu plus tard. Selon Lénine, ce parti servirait «d'avant-garde» à la classe ouvrière, imposerait ses vues aux travailleurs et les amènerait à se laisser conduire aveuglément dans la voie de la révolution par la violence, vers l'établissement de la dictature du prolétariat.

11. - Comment ces concepts de Lénine ont-ils contribué à favoriser l'établissement de la dictature soviétique en vertu de laquelle la minorité domine la majorité, ainsi que le démontrent avec tant de succès les deux règnes de Joseph Staline et de Nikita Khrushchev?

Lénine posa comme principe que le parti communiste deviendrait le parti des chefs de la dictature à la condition de demeurer un groupe restreint, dont l'arme principale -l'infiltration - servirait à dicter aux masses leurs façons de penser et d'agir. Il posa également comme principe d'organisation que ce petit parti, parvenu au pouvoir par le mensonge· et la violence, serait lui-même mené de façon rigide parce que Lénine appelait «le centralisme démocratique», mais qui n'était, en somme, que l'autorité fort arbitraire de la haute direction du parti. Et c'est ainsi que prenait naissance la toute-puissante dictature qui domine actuellement la Russie Soviétique et cherche à s'emparer de l'univers.

12. - A quel moment Lénine eut-il l'occasion de mettre ces idées en pratique?

C'est au cours de la révolution russe de 1905, qui suivit la défaite de la Russie des tsars aux mains des Japonais, que Lénine eut, pour la première fois, l'occasion de mettre ses idées en pratique. Cette révolution populaire spontanée fut néanmoins étouffée, en quelque sorte, par l'accord en vertu duquel le tsar se plia aux exigences de la «Duma», une institution comparable au parlement de certains autres pays.

l3. - Lors de la révolution de 1905, en quoi consistaient les divergences de vues et d'attitudes des Menchéviques et des partisans de Lénine?

Des deux côtés, on croyait que la «révolution bourgeoise démocratique» devait précéder «la révolution du prolétariat pour la conquête du pouvoir et l'établissement de la dictature du prolétariat». C'était d'ailleurs l'enseignement de Karl Marx lui-même. D'après les Menchéviques, cependant, le parti social démocrate devait jouer un rôle secondaire dans la «révolution bourgeoise» contre le tsar. Le parti ne tenterait pas de s'emparer du pouvoir, mais plutôt, il servirait de parti d'opposition à la «Duma», dans le seul but de protéger les droits essentiels des travailleurs. C'était également l'opinion de Plekhanov. Selon ce dernier, il devait s'écouler quelque temps entre la «révolution bourgeoise» et la «révolution du prolétariat». Mais Lénine n'était pas d'accord avec Plekhanov. Les deux amis finirent par se séparer... Mais aujourd'hui encore, les communistes ont beaucoup de respect pour la mémoire de Plekhanov. Surtout, ils font grand état de ses premières œuvres.

Lénine admettait, à l'instar des Menchéviques, que seule «une révolution bourgeoise démocratique» était possible, étant donné le niveau très haut du «progrès capitaliste». Mais en Russie, disait-il, il faut que le prolétariat «prenne aussitôt l'initiative» et établisse «une dictature révolutionnaire démocratique des prolétariens et des paysans». D'après lui, la période de transition ne devait servir, en Russie, qu'à l'évolution de la révolution du prolétariat.

14. - En plus des divergences d'opinions des Menchéviques et des partisans de Lénine, y avait-il, en 1905, au sein lIu parti social démocrate russe, un troisième courant d'idées?

Assurément. Et Léon Trotsky en était le principal protagoniste. Plus tard, on devait lui reprocher durement son attitude d'alors; mais à ce moment-là, Trotsky soutenait, avec quelque succès, que «la révolution bourgeoise démocratique», ainsi qu'il l'explique dans son livre «La révolution permanente», était venue beaucoup trop tard pour suivre l'évolution historique déterminée par Karl Marx. Le prolétariat doit donc s'emparer du pouvoir immédiatement, sans compter sur l'appui des paysans. Il doit plutôt compter sur ce que Trotsky appelle «l'appui des prolétaires des autres pays».

15. - Après la tentative de révolution, en 1905, quelle a été, pourrait-on dire, la réalisation la plus importante de Lénine?

Tout d'abord, il faut admettre que l'échec du parti social démocrate russe, en 1905, est dû, en quelque sorte, à toutes ces divergences de vues ci-devant mentionnées. Néanmoins, Lénine pouvait affirmer, dans son œuvre «L'aile gauche communiste - 1920», que sans la «répétition générale de 1905, la victoire de la révolution d'octobre aurait été impossible». Partant de ce principe, Lénine s'empressa, dès la fin de la révolution de 1905, de travailler à raviver les principes athées de Karl Marx. Une œuvre remarquable, «Le matérialisme et la critique empirique», couronna ses efforts. Il y démontrait longuement que le matérialisme dialectique est la seule conception que les marxistes se font de l'univers. Afin de mieux stigmatiser comme «chercheurs de Dieu» et «inventeurs de dieux» tous ceux qui mettraient en doute la validité du matérialisme dialectique et historique, Lénine s'attaqua principalement à tous ces philosophes qui acceptaient à tort la doctrine de l'idéalisme pur, en vertu de laquelle l'univers ne serait que le reflet de notre pensée. Lénine n'osa pas «se frotter» à saint Thomas d'Aquin, cependant. On sait que ce dernier se sert de l'existence du monde matériel pour prouver l'existence de Dieu. Il est tout de même intéressant de noter qu'en préparation de la violente révolution de 1917 - qui devait servir à établir la dictature de l'athéisme - Lénine éprouvait nettement le besoin d'inculquer la théorie du matérialisme dialectique à ses partisans.

16. - Quand Lénine eut-il l'occasion de mettre en pratique ses théories sur l'établissement, par la force, de la dictature de l'athéisme et de la "minorité"?

C'est la révolution russe de 1917 qui lui fournit cette occasion quasi unique. Dirigés par les forces d'Alexandre Kérensky, les partisans de l'établissement d'un régime démocratique en Russie s'emparèrent du pouvoir en mars 1917. En même temps - on était durant la le Grande Guerre, - la Russie des tsars subissait de lourdes pertes aux mains de ses ennemis. Lénine, de son côté, était encore en exil à Genève. Mais grâce à une entente avec le gouvernement de l'empereur, Lénine put traverser tout le territoire allemand, et ce, dans un train blindé. Le gouvernement impérial allemand croyait que les cris de «paix» et de «révolution» de Lénine réussiraient à éliminer la Russie du conflit mondial.


17. - Comment Lénine s'y prit-il pour déclencher la "révolution d'octobre" (le 7 novembre 1917)?

Pendant les premiers mois de 1917, Lénine demeura caché en Finlande. Lui-même et ses partisans en avaient convenu, puisque cela permettait à Lénine d'écrire son livre célèbre: «L'Etat et la révolution». Il y démontrait, comme nous l'avons vu, l'absolue nécessité de renverser «les gouvernements bourgeois» par la violence. Le 7 octobre, cependant, Lénine se rendit à Pétrograd - maintenant connue sous le nom de Leningrad - et décida le comité central de son parti à fonder le comité militaire révolutionnaire. Pendant que ce comité menait l'insurrection dirigée contre le gouvernement de Kérensky, les Bolchéviques, eux, s'emparaient de la direction d'un mouvement fondé en 1905 sous le nom de «congrès des Soviets de la Grande-Russie». C'est en soustrayant les Soviets à l'influence des Menchéviques et en utilisant ces forces pour son coup d'état que Lénine réussit à s'installer lui-même au pouvoir.


18. - En se servant des Soviets - un parti minoritaire comme d'un "bélier" pour enfoncer le gouvernement de Kérensky, Lénine ne posait-il pas un gcste de caractère "contre-révolutionnaire"?
l
Certainement. Voici d'ailleurs ce qui est arrivé. C'est le gouvernement de Kérensky qui avait renversé le tsar. Il s'empressa de former une assemblée constituante dont le rôle serait de rédiger une constitution démocratique pour toute la Russie. Mais grâce à une bande d'hommes armés, Lénine réussit à faire dissoudre l'assemblée constituante et à établir, par la force, une dictature au service de la minorité qui dirigeait le parti communiste. Aujourd'hui encore, c'est ce groupe minoritaire qui gouverne en Russie.

19. - Qu'étaient donc les Soviets?

Au début, c'étaient des groupes sans liaison qui étaient censés représenter soit les travailleurs, soit les paysans, ou les soldats. Or, le 7 novembre 1917, à Pétrograd, au palais de Smolny, s'ouvrait le 2e congrès des Soviets de la Grande-Russie. Le parti des Soviets de Pétrograd était déjà entre les mains des Bolchéviques. Mais ce jour-là, guidés par Lénine, les Soviets avaient écrasé le gouvernement provisoire. A la séance du soir du «congrès de la Grande-Russie», les Bolchéviques réussirent à dominer l'assemblée, au cri toujours plus fort de «Le pouvoir aux Soviets». Aussitôt, se formait le gouvernement des Soviets; et Lénine fut choisi comme «Président du conseil des commissaires du peuple».


20. - Quel nom ce régime des Soviets finit-il par choisir, et quelle forme de gouvernement inaugura-t-il?

Ce gouvernement devait être un peu plus tard connu sous le nom de «l'Union des républiques socialistes soviétiques». Il se proclama «dictature du prolétariat» ou gouvernement des travailleurs. En réalité, cette «dictature du prolétariat» n'est que la dictature du parti communiste, dont les «théoriciens sociaux» imposent aux masses les vues de leur organisation. Lénine l'a admis; et Staline aussi, en particulier dans son œuvre sur «Les problèmes du léninisme». Et l'on sait qu'au sein même du parti se trouve une autre dictature. Sur une population de 200 000 000, en Russie Soviétique, environ 6 000 000 sont membres du parti communiste. D'autre part, dans un livre intitulé «La véritable Russie Soviétique», David Dallin a démontré que 10 000 «activistes» contrôlent les 6 000 000 de membres. A leur tour, quoi qu'ils pensent ou quoi qu'ils fassent, ces «activistes» eux-mêmes demeurent sous la domination toute-puissante du chef suprême du Kremlin. C'est ainsi que l'on a érigé un véritable système de dictature personnelle. Au début, c'était la dictature de Lénine; hier, celle de Staline; et maintenant, celle de Khrushchev.

21. - Comment les communistes prétendent-ils établir le bien-fondé d'une dictature aussi rigide, capable des pires crimes, ainsi que l'a démontré le dictateur Staline?

Les communistes en établissent le bien-fondé par des arguments divers, dont le plus important paraît être «l'avènement de la société communiste» à travers le monde le paradis sur terre. - Parlant de l'établissement de la dictature soviétique, William Z. Foster écrit ceci, dans son livre «L'histoire des trois internationales»: «Dès les premières œuvres de Marx, les communistes envisagèrent la possibilité d'ériger une société sans classes, qui serait le résultat de la révolution du prolétariat. Cependant, on n'a pu y arriver, en Russie, dès le lendemain de la révolution de novembre; et on n'y est pas encore parvenu. La raison en est bien simple. A cause de l'attitude hostile des pays capitalistes qui l'entourent, les Soviets ont nettement éprouvé le besoin de maintenir un système de gouvernement rigide et de s'appuyer sur une armée puissante, afin de repousser avec succès toute attaque de forces contre-révolutionnaires venant de l'intérieur et du dehors. C'est seulement lorsque l'on aura «liquidé» ou écrasé la puissance du capitalisme que «l'Etat commencera de céder lentement la place à la société dite communiste».


22. - Est-ce que le mouvement international social démocrate a protesté contre l'établissement, par Lénine, d'une "dictature du prolétariat"?

Assurément. Dès 1918, Karl Kautsky, chef et théoricien attitré du parti social démocrate allemand, écrivait un livre dans lequel il dénonçait sévèrement la tyrannie et la dictature du régime soviétique. Kautsky dénonçait Lénine avec la même vigueur - sinon avec plus de vigueur encore qu'il avait critiqué Bernstein auparavant. L'attitude de Kautsky laissait entrevoir la renaissance de la «2e Internationale». Cette dernière, en effet, s'était dissoute au cours de la première Grande Guerre. On en reforma les cadres à Berne, en février 1919.


23. - Comment Lénine se défendit-il contre les attaques de ceux qui l'accusaient d'avoir établi une dictature "non-démocratique"?

Lénine écrivit un livre intitulé «La révolution du prolétariat et le renégat Kaustky». Cette œuvre, devenue très populaire dans les divers milieux communistes du monde, reprend certains des principes qu'il avait déjà formulés dans un autre livre, «L'Etat et la révolution»: «Le recours à la violence est inévitable; sans elle, on ne pourra remporter la victoire sur les gouvernements soi-disant bourgeois. Marx a d'ailleurs reconnu la violence comme le plus grand artisan du progrès. La dictature assure le triomphe du socialisme...» En même temps, Lénine réclama la fondation de la «3e Internationale communiste». Cette dernière fut donc fondée, lors d'un congrès tenu à Moscou du 2 au 6 mars 1919.


24. - Comment Lénine accueillit-il les congressistes réunis pour la fondation de la "3e Internationale communiste"?

La dernière partie de son discours d'ouverture fut un véritable cri de guerre: «Que la bourgeoisie, s'écria-t-il, continue de semer les ravages autour de nous et d'assassiner les travailleurs par milliers; un jour, nous remporterons la victoire. Le triomphe de la révolution communiste est certain».

Voilà quelles ont toujours été les idées, les attitudes et les promesses de tous les dictateurs soviétiques. Staline et Khrushchev se sont inspirés des mêmes principes que Lénine. Voici ce que ce dernier déclarait, dans un soi-disant «Compte-rendu ou tour d'horizon sur la scène internationale»: «Les forces sans cesse grandissantes de la révolution du prolétariat troublent et inquiètent profondément la bourgeoisie. La raison en est toute simple... L'époque de l'impérialisme est révolue; et le cours des événements favorise indiscutablement le mouvement révolutionnaire du prolétariat. La révolutIon mondiale est commencée; la révolution mondiale se poursuit avec succès dans tous les pays.»

(Ces déclarations son tirées des comptes-rendus cités par William Z. Foster, chef communiste américain, dans son ouvrage «L'histoire des trois internationales».)


25. - Quel était le programme de fond de la "3e Internationale communiste"?

Le programme déterminait les étapes à franchir pour assurer le progrès de la révolution à travers le monde. D'abord, la conquête, par le prolétariat ou le parti communiste, du pouvoir politique de tous les pays; ensuite, l'établissement de la dictature du prolétariat par les Soviets dissimulés dans tous les pays; «l'expropriation» des biens de la bourgeoisie et la socialisation des entreprises de production de tous les pays; enfin, grâce aux progrès réalisés, l'organisation «d'une société sans classes, la société communiste», fruit d'une grande promesse.

26. - Est-ce que les prédictions de Lénine sur la eonquête du monde par les Soviets et le programme de la "3e Internationale communiste" à cet effet se sont réalisés aussi rapidement que l'avait indiqué Lénine?

Non pas. Les Bolchéviques, il est vrai, firent éclater la révolution en Hongrie; mais ils faillirent à la tâche en Allemagne. Et les communistes semèrent la discorde et le mécontentement dans d'autres pays. Dans l'ensemble, cependant, les conquêtes des Soviets ne s'étendirent guère pour un certain temps au-delà des frontières mêmes de la Russie. Il revenait à Staline de surprendre totalement l'Occident au moyen d'un «slogan» fort ironique: «Le socialisme dans un seul pays». C'est lui qui, à la fin du dernier conflit mondial, réussit à étendre l'hégémonie des Soviets sur les pays maintenant prisonniers derrière le rideau de fer. Et Staline réalisa ses projets avec la collaboration empressée du gouvernement des Etats-Unis. De la Pologne à la Chine, les Etats-Unis livrèrent tour à tour les nations entre ses mains. Et tout cela se produisit, on se le rappelle, parce que Moscou avait réussi à faire accepter des autres le principe suivant: «L'Union Soviétique a besoin de nations amies le long de ses frontières. Cela seul peut assurer et maintenir la paix dans le monde.»


27. - A la suite de la mort de Lénine, en 1924, comment Staline parvint·il à se hisser au pouvoir?

Joseph V. Staline était devenu secrétaire général du parti communiste de la Russie Soviétique. Ses fonctions lui donnaient donc, dans la lutte pour la dictature, un avantage marqué sur tous ses adversaires. Le parti et son chef visible jouissaient d'ailleurs, auprès des communistes, d'un prestige inouï. On admirait ce «parti nouveau-genre» qui exigeait avant tout de ses adeptes une discipline rigide et une obéissance totale. Grâce à son influence prépondérante au sein même du parti, Staline réussit à se défaire de son plus proche rival, Léon Trotsky qui, on se souvient, avait été, lors de la révolution d'octobre, le collaborateur intime de Lénine. Mais Trotsky fut défait au comité central. Il fut ensuite limogé et exilé. Quelques années plus tard - le 26 août 1940 - la police secrète de Staline l'assassinait chez lui, en terre d'exil, non loin de Mexico.

28. - L'assassinat de Trotsky aux mains des communistes démontre clairement la froide brutalité de Staline. Quel auteur en fournit le meilleur récit?

Nous ne possédons pas de rapport détaillé du complot communiste contre Trotsky. Néanmoins on trouvera, dans le livre de Isaac Don Levine, «L'esprit d'un assassin», le récit le plus exact qu'on ait pu faire de cette conspiration, grâce aux témoignages mêmes des personnes mêlées à cette affaire. Ce compte-rendu nous prouve nettement que l'assassinat de Trotsky a été machiné, préparé et exécuté par la police secrète soviétique postée en territoire américain.


29. - Avons-nous d'autres exemples de la terreur et du carnage semés par Staline en rapport avec l'évolution logique du concept de dictature énoncé par Marx et Lénine?

Assurément. On les trouve dans l'acte d'accusation lancé contre les crimes de Staline par Nikita S. Khrushchev lui-même quelque temps après la mort de Staline, lors d'une séance à huis clos du 20e congrès du parti communiste de l'Union Soviétique tenu en février 1956. A ce moment-là, Khrushchev était le premier secrétaire du parti communiste de l'Union Soviétique. Il occupait donc l'ancien poste de Staline. Pour servir ses propres fins et aussi, pour tromper l'Occident sur le caractère des ambitions de son propre régime, Khrushchev laissa parvenir au Département d'Etat américain une copie de son discours secret avant même qu'on ne l'ait publié en Russie Soviétique. L'organisme New Leader a publié le texte de ce discours aux Etats-Unis. Il porte le titre de «Crimes à l'époque de Staline». C'est une écrasante condamnation d'un homme que plusieurs des commentateurs américains ont proclamé «un vrai champion de la démocratie».

30. - Qu'est-ce que Khrushchev espérait donc obtenir par sa dénonciation de Staline?

Il s'agissait pour lui, tout d'abord, de blâmer Staline d'avoir «trompé et liquidé de loyaux communistes», et, ensuite, d'amener l'Occident à croire que lui, Khrushchev, était d'un caractère plus paisible. Mais il n'approuva pas moins, au nom de Lénine, les crimes de terrorisme commis contre les autres groupes. Voici d'ailleurs ce qu'Anatole Shub écrit dans son introduction à l'ouvrage «Les crimes à l'époque de Staline»: «Ce qui est le plus révélateur, tout le long de ce discours de Khrushchev, c'est son dualisme paradoxal. Si, d'une part, on y souligne fortement et l'on y déplore amèrement les crimes de Staline contre ses camarades communistes, on se réjouit, d'autre part, au nom du «progrès socialiste», des actes criminels infiniment plus noirs commis par Staline contre le peuple de Russie. Dans son discours contre Staline, Khrushchev réaffirme, explicitement et implicitement, qu'il est nécessaire de considérer comme essentielle la politique de Staline; mais aujourd'hui, il le fait au nom de Lénine.» C'est ainsi que Khrushchev continua d'approuver la brutalité et la terreur comme moyens, pour les communistes, de parvenir à leurs fins. Le massacre qu'il ordonna en Hongrie, en octobre et en novembre 1956, nous en fournit la preuve. D'autre part, il réussit, par une tactique fort habile, à tromper totalement un Occident crédule et mal renseigné.

Pendant qu'il parlait de «direction collective» et condamnait Staline, on ne s'aperçut pas qu'il établissait solidement sa dictature. Il sut si bien cacher son jeu, qu'il amena nos dirigeants à se rendre à deux «conférences au sommet». On sait maintenant que ces deux rencontres - l'une, en 1955; et l'autre, en 1960 - n'ont servi qu'à accroître l'influence soviétique à travers le monde. Enfin, sa stratégie nous poussa à l'accueillir triomphalement, en 1959, comme un grand «champion de la paix».

31. - Diriez-vous, alors, que Khrushchev a pris, pour arriver au pouvoir, les mêmes moyens que Staline avait adoptés pour s'assurer la dictature?

Certainement. Staline avait accusé Trotsky de faire peu de cas des «volontés du parti». C'est de cette manière qu'il s'était défait de son adversaire. Ensuite, il s'était empressé de s'emparer de la direction du parti, afin d'établir sa dictature sur le parti et sur le peuple à la fois. La dénonciation de Staline par Khrushchev - que la presse trop crédule de l'Occident s'était hâtée de considérer comme une véritable répudiation - consistait, d'une part, à déclarer que l'ancienne dictature s'était rendue coupable «d'hérésie» en pratiquant «le culte de l'individu» et d'autre part, à affirmer que le parti communiste avait besoin, pour assurer son progrès, d'une «direction collective». De plus, Khrushchev imputait à la «bande de Béria» la plupart des crimes de Staline. Grâce à tous ces mensonges, grâce à ces stratagèmes, il établit solidement sa dictature et fit disparaître tout semblant de «direction collective». Tout cela est tellement vrai qu'aujourd'hui aucune discussion sérieuse ne peut avoir lieu dans un organe communiste d'importance sans qu'on l'appuie d'abord sur quelque déclaration de Khrushchev.


32. - Est-ce que Staline et Khrushchev ont tous les deux réussi à tromper l'Occident et à nous amener à travailler à étendre l'empire des Soviets?

Tous deux ont si bien réussi à tromper l'Occident, une grande partie de nos journaux et de nos gouvernants, que nous nous sommes dès lors employés, hélas! à renforcer notre propre ennemi, c'est-à-dire l'empire des Soviets.

Tout cela commença avec le «slogan» de Staline: «Le socialisme dans un seul pays». Chez nous, beaucoup de nos commentateurs crédules crurent alors que Staline avait alors abandonné tout projet de révolution mondiale. Aucun d'entre eux, il est évident, n'avait consulté son livre-guide, «Les fondements du léninisme», dans lequel il affirme que l'époque «commencée après la révolution d'octobre» doit renforcer la dictature du prolétariat dans un pays d'abord, qui servira ensuite comme «base d'opérations» pour le renversement de l'impérialisme dans tous les autres pays. La révolution s'étend au-delà des frontières d'un pays; l'époque de la révolution mondiale est commencée».

Quelques temps plus tard, Staline leurrait totalement les Etats-Unis et les autres pays de l'ouest, en promulguant la constitution de «1936». Ce document officiel garantissait la «liberté de parole», la «liberté de presse», la «liberté d'assemblée», la «liberté de manifestation», et même la «liberté de culte». Tout cela n'était qu'un paquet de mensonges. Et Khrushchev lui-même l'a nettement prouvé, par l'énumération qu'il fit des crimes inhumains commis par Staline.

Mais Khrushchev n'a pas employé d'autre formule que le mensonge. Grâce à la propagande qu'il fit «gober», en Occident, par une grande partie de nos journaux et de nos gouvernants, l'offensive communiste a pu se poursuivre en Afrique, en Asie et, par Cuba, jusqu'en Amérique latine.


33. - En somme, pourriez-vous dire que l'expansion de l'empire soviétique, sous Staline et Khrushchev, est le fruit de "l'infiltration" de la mentalité occidentale par les partis communistes, par leurs agents et par leurs "sympathisants"?

C'est exactement ce qui est arrivé. Les événements des dernières générations ont évidemment contribué à l'expansion de l'empire soviétique. D'autre part, notre «fameux» pragmatisme - qui prend pour critère· de vérité la valeur pratique des choses - nous a, en Occident, rendus extrêmement vulnérables à toute «infiltration» communiste. Il n'y a pas si longtemps encore - en juillet 1960 le Kremlin annonçait que «l'action subversive des partis communistes» constitue l'une des sources les plus fécondes de « l'expansion soviétique contre l'impérialisme américain». Et c'est précisément le même mois, juillet 1960, que l'on pouvait lire cette déclaration dans deux organes communistes: La revue «The World Marxist», et «The International Affairs».

Après avoir fait l'appel de tous les partis communistes du monde, l'ancien organe officiel résumait ses directives de la manière suivante: «La politique des partis communistes est claire et précise. Sur la scène internationale, on combat pour la paix et l'on rallie les masses pour la lutte contre les intrigues des «fomentateurs de guerres» impérialistes.» Parmi ces partis, c'est le parti communiste des Etats-Unis qui, d'après Moscou, constitue l'arme la plus efficace de la dictature soviétique. Ce parti s'est engagé à ne rien négliger, à faire tout ce qui est possible, pour assurer le triomphe définitif de la politique de Moscou sur les Etats-Unis et sur le monde occidental.

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