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L'Histoire du Communisme
(Le marxisme-Iéninien)
1e partie: De Karl Marx à Lénine
1. - Est-ce que d'autres, immédiatement avant Karl Marx, ont réclamé la mise en vigueur des principes socialistes ou communistes?
Certainement. Ce sont ceux, tout particulièrement, que Friedrich Engels a surnommés «les trois grands utopistes». Les communistes les ont généralement considérés comme les théoriciens d'un «socialisme utopique».
2. - Quels étaient donc ces trois soi-disant socialistes utopiques?
D'après Engels, ce sont les trois personnages suivants: Robert Owen (1771-1858), qui vécut en Angleterre; et les deux français Claude H. Saint-Simon (1760-1825) et Charles F. M. Fourier (1772-1837).
3. - Qui était Robert Owen?
Owen était propriétaire d'un moulin prospère en Ecosse. Il s'en était porté acquéreur par voie de mariage. En 1800, à New Lanark, en Ecosse, il fonda un «atelier moderne» dans lequel il sut améliorer les conditions de travail des ouvriers, il est vrai, sans toutefois réussir à le débarrasser d'une certaine ambiance de paternalisme et «d'enrégimentation». Fort de l'idée que le capitalisme pouvait être défait par des «colonies communistes », Owen arriva aux EtatsUnis en 1824 et fonda une colonie du genre à New Harmony, Indiana. Après un lamentable échec, il décida de retourner en Angleterre où il s'appliqua, par son « agitation», à promouvoir des réformes dans le monde du travail et dans le champ de l'éducation.
4. - Qui était Saint-Simon?
Quant à Saint-Simon, il appartenait à la noblesse française. On a souvent dit qu'il était le fondateur du socialisme français. D'après lui, le domaine économique devait, à cause de son importance plus considérable, déterminer et orienter la politique du gouvernement. En conséquence, il prétendait que le gouvernement devrait avoir à sa tête un conseil d'industriels et de savants nommés par l'Etat. Tous les moyens de production devraient constituer un «fonds social ou public». Grâce à lui, Marx conçut l'idée que le socialisme était inévitable; mais Saint-Simon lui-même ne parvint jamais à comprendre toute l'ampleur des exigences du communisme authentique en rapport avec le déterminisme historique d'une «société sans classes».
5. - Qui était Fourier?
Fourier, lui, était un intellectuel, un idéaliste ou «perfectionniste» qui croyait que tous les maux étaient la conséquence des refoulements imposés par la société. Si l'on parvient un jour, disait-il, à en débarrasser les hommes, ils pourront travailler ensemble, animés d'un grand esprit de collaboration. Et il appela ce dernier phénomène «l'harmonie des passions». Pour arriver à ce système idéal, Fourier proposait l'organisation de «phalanges» qui comprendraient chacune 1 600 personnes, et dont l'enchaînement indéfini produirait une nouvelle société. C'est en effet cette formule qui amena des intellectuels de la Nouvelle-Angleterre à fonder, vers 1840, la colonie coopérative de Brook Farm, au Massachusetts. Dans son roman, « The Blithesdale Romance », Nathaniel Hawthorne l'a durement critiquée et ridiculisée.
6. - Est-ce que Marx et Engels ont accepté les théories de leurs prédécesseurs?
Bien que Marx et Engels aient su mettre à profit quelques-unes des idées de Fourier, Owen et Saint-Simon, ils s'opposèrent dans l'ensemble à leurs théories, qu'ils qualifiaient «d'utopiques» et de «non-scientifiques».
7. - Où est-il question du désaccord de Marx et d'Engels avec leurs trois prédécesseurs?
Il en est question en maints endroits dans les œuvres de Friedrich Engels, en particulier dans son œuvre monumentale «Anti-Duerhing». Il y déclare, en effet, que les trois «Utopistes» ne pouvaient être, à leur époque, autre chose que des «Utopistes». Mais il affirme avec énergie: «C'est à Karl Marx que nous devons les deux grandes découvertes qui ont fait du socialisme une véritable science: Premièrement, la conception matérialiste de l'univers; et deuxièmement, la révélation du secret de la production du capitalisme par le truchement du principe d'accumulation ou «valeurs de surcroît».
8. - Peut-on comparer les principes fondamentaux du "socialisme scientifique" avec les données du "socialisme utopique"?
Comme on l'a vu déjà, dans l'ensemble, le soi-disant socialisme scientifique de Marx et d'Engels comprend les principes fondamentaux suivants:
a) Le matérialisme philosophique et la conception matérialiste de l'histoire. En d'autres mots, la Matière est essentiellement à l'origine de toute vie et aussi, de l'activité de tous les hommes. C'est pourquoi de nos jours, les conditions économiques et les méthodes de contrôle de la production et de la distribution des biens constituent les facteurs déterminants de l'histoire.
b) Le principe d'accumulation - ou la théorie de valeur de surcroît - qui démontre qu'en réalité les capitalistes s'enrichissent aux dépens des travailleurs. Nous considérons de nouveau cet aspect du marxisme au chapitre sur «Les théories économiques du marxisme».
c) La lutte des classes, que l'on considère comme la source de toutes les transformations ou perturbations sociales de l'Histoire. On sait que l'on a intensifié la lutte des classes, aujourd'hui, au moyen de cette soi-disant découverte de «valeur de surcroît». De l'existence de ces trois soi-disant phénomènes, il s'ensuit, au moins d'après les arguments des marxistes, que «le socialisme est absolument inévitable». Les «Utopistes» ne pouvaient concevoir ces grands principes, et dès lors, on peut le supposer, ils ne pouvaient accepter le principe sous-jacent de l'évolution par la violence.
9. - De quelle manière Marx et Engels ont-ils d'abord formulé les principes de leur soi-disant socialisme scientifique?
C'est dans le «Manifeste communiste», paru en février 1848, que Marx et Engels révélèrent pour la première fois au grand public leur soi-disant socialisme scientifique. Voici ce qu'en rapporte le chef du parti communiste américain William Z. Foster, dans son «Histoire des trois Internationales»: «Or Marx, appuyé par Engels, y établit pour la première fois le mouvement socialiste sur une base scientifique. Ce fut un trait de génie.»
10. - Qu'est-ce qui a amené Marx et Engels à préparer et à publier le "Manifeste communiste?"
Le «Manifeste communiste» était, aux yeux de Marx et d'Engels, la proclamation officielle du programme de la Ligue communiste. Il constituait, en somme, le résu1tat des travaux et des recherches de cette organisation. 11. - Qu'était cette Ligue communiste? La Ligue communiste fut fondée au cours de l'été 1847. Elle était un soi-disant mouvement international et se composait de faibles délégations de Bruxelles, de Londres et de Paris. Karl Marx n'était pas présent «au premier congrès»; mais ni lui ni Engels ne laissèrent passer l'occasion, un peu plus tard, de se faire accepter comme membres du sous-comité chargé de préparer le programme ou «manifeste».
12. - Quelles méthodes Marx employa-t-il dans les cellules locales communistes en vue de fonder la Ligue communiste?
C'est à cette époque que Marx et Engels introduisirent ces méthodes de contrôle dictatorial et de diffamation de caractère qui ont depuis toujours caractérisé la conspiration internationale communiste. Les adversaires de l'idéologie communiste ont pu se rendre compte, depuis toujours, des tactiques de «bandit» employées par les communistes... En discréditant chacun de ceux qui ne partageaient pas ses opinions, Karl Marx réussissait à faire chasser tous ses adversaires des cellules communistes locales.
13. - A l'appui de votre assertion, pouvez-vous citer quelque personne qui fasse autorité?
On pourrait invoquer l'autorité de plusieurs personnages dignes de foi. D'ailleurs, la correspondance échangée entre Marx et Engels nous montre qu'ils discutaient librement - et grossièrement aussi - les méthodes employées. Voici néanmoins comment Léopold Schwartzschild a décrit dans son livre - le Prussien Rouge - «le genre de méthodes nouvelles inventées par Marx et Engels dans leur lutte sans merci pour le pouvoir.»
«La stratégie de Marx, dit cet auteur, consistait à engager le combat dans un champ autre que le domaine idéologique. En effet, des accusations en ce domaine ne saliraient pas suffisamment l'adversaire. Il fallait ajouter quelque chose de révoltant, du simple point de vue humain: soit un acte criminel, un scandale ou quelque chose, en tous cas, qui nous fasse voir en l'adversaire un personnage méprisable.»
14. - Marx et Engels ont-ils eu eux-mêmes recours, en certaines occasions, à ces sales méthodes de diffamation?
Voici, à titre d'exemples, quelques cas frappants qui prouvent que l'on a eu recours à ces tactiques répugnantes, au cours des années 1846-1848. Hermann Kriege, pour sa part, en fut victime. Il était pourtant un vieil ami d'Engels et de plus, membre du «parti communiste». Il fut chassé des rangs du parti pour avoir recommandé la distribution des terres à exploitation agricole entre les petits propriétaires. Pourtant, Marx lui-même avait suggéré cette initiative comme première étape du programme d'étatisation intégrale. Et naturellement, on accusa Kriege d'avoir, pour arriver à ses fins, accumulé des fonds par de nombreuses sollicitations «dans le monde prospère des affaires». On répandit la nouvelle à qui mieux mieux. Et cependant, Marx lui-même n'avait pas cru accomplir de sale besogne en obtenant pour lui-même, avec de «l'argent bourgeois», une presse d'imprimerie.
Wilhelm Weitling, un tailleur allemand, un des pionniers du mouvement communiste, ne connut pas un meilleur sort que le précédent. Il avait pourtant travaillé de toutes ses forces à la fondation du premier organisme communiste «la Ligue du Juste». Il fut chassé pour s'être porté à la défense de Kriege. Son attitude fut considérée comme «un plaidoyer en faveur d'un communisme émotif». (Selon le concept en honneur chez les marxistes, cette erreur consistait à employer les mots «amour», «humanité» et «moralité», dans le sens de «fausse et stupide sentimentalité» vis-à-vis des travailleurs.)
On se mit à faire courir toutes espèces de bruits autour de la personne de Weitling. Engels lui-même était à la tête de cette campagne de dénigrement. On accusa Weitling «de ne pas écrire et composer ses propres livres». En somme, on le déclara publiquement un «auteur plagiaire». Et pourtant, Marx et Engels eux-mêmes avaient abondamment pillé chez autrui. La plupart des mots-clés, des expressions de frappe ou des «slogans» du Manifeste Communiste provenaient d'écrivains antérieurs, tels que Marat. Néanmoins, la campagne de diffamation réussit à forcer Weitling à quitter l'Europe et à «gagner l'exil» en Amérique.
Le Dr Moses Hess fut également victime d'une campagne de dénigrement. C'est lui qui avait amené Marx et Engels à accepter le communisme; mais il eut, à l'occasion des attaques portées contre Weitling, la malencontreuse idée de le défendre. On cria aussitôt «Au scandale!» et l'on accusa Hess et son épouse de toutes sortes de turpitudes. Si l'on étudie la vie privée d'Engels, on peut dire que les accusations de ce dernier étaient osées et téméraires.
15. - A quoi le "Manifeste communiste" obligeait-il les communistes?
Aux termes du dernier article du «Manifeste communiste», les communistes devaient consacrer tous leurs efforts à atteindre l'objectif suivant: «Ils déclarent ouvertement que leurs buts ne seront atteints qu'au moyen du renversement par la violence de toutes les conditions sociales existantes.»
16. - Qu'advint-il de la Ligue communiste?
On peut dire que les méthodes employées par Marx lui valurent une victoire «nominale» sur ses adversaires; néanmoins, les officiers et les membres moins influents de la Ligue lui étaient opposés. Aussi Marx s'empressa-t-il d'avoir recours à un stratagème qu'il devait également utiliser plus tard à l'endroit de la «Première Internationale». Il fit accepter une résolution en vertu de laquelle on transférait le bureau de direction à Cologne. Là, ses nombreux partisans secrets firent tellement échec à la Ligue qu'ils réussirent finalement à la faire disparaître tout à fait.
17. - Quand et comment s'organisa la "PremIère Internationale?"
Il en fut de cette soi-disant «Première Internationale» comme de la Ligue communiste. Marx l'influença profondément, mais ce n'est pas lui qui la conçut. Elle prit plutôt naissance à Londres, à l'occasion de discussions sur la création d'une organisation internationale, pendant un «thé» offert par des travailleurs anglais à des délégués venus de la France et de l'Allemagne pour «assister» à l'Exposition Internationale de 1862. C'est à la suite de ces entretiens que fut fondée à Londres, en la Salle Saint-Martin, le 28 septembre 1864, «l'Association internationale des Travailleurs». Cette association devait plus tard devenir tout simplement la «Première Internationale».
18. - Quel fut le rôle de Karl Marx dans la fondation de la "Première Internationale"?
Lors de la fondation de l'Association internationale des travailleurs, Marx n'était pas l'un des officiers; mais il réussit à obtenir un poste dans le sous-comité chargé de rédiger «la charte» de l'organisation IW A. Il modifia complètement le texte du document proposé par l'assemblée, et le rédigea en s'inspirant des principes du communisme. Plus tard, cependant, il se plaignit d'avoir été forcé, sur les instances du conseil général de l'organisation IW A, de se servir de «la stupide phraséologie des bourgeois», et d'employer des expressions comme «la vérité», la «justice» et «la morale».
Les derniers textes de ce document reprenaient le «slogan» du «Manifeste communiste»: «Travailleurs de tous les pays du monde, unissez-vous!»
19. - Combien de temps dura la ''Première Internationale"?
La «Première Internationale» exista pendant douze ans: de 1864 à 1876, Pendant tout ce temps, c'est Marx qui «contrôla» le conseil général de l'organisme; mais c'est à cause de dissensions internes, tout le long de son existence, que l'organisation IWA finit par se dissoudre et disparaître.
20. - Quel était le principal adversaire de Karl Marx, à la "Première Internationale?"
Après 1868, c'est Michel Bakunin (1814-1876), chef ,des Anarchistes, qui devint le principal adversaire de Marx au sein de l'organisation IWA.
21. - Et qui était ce Michel Bakunin?
Ce personnage, issu de noble famille, naquit à Tvur, en Russie. Il abandonna les rangs de l'armée du tsar en signe de protestation contre la soi-disant persécution de la Pologne par les Russes. En exil, il devint le disciple de J. P. Proudhon, dont la fameuse devise était la suivante: «La propriété est un vol». Bakunin et Marx s'accordaient à reconnaître que l'Etat est appelé, en définitive, à disparaître; mais Bakunin refusait de suivre les grandes «étapes révolutionnaires» que Marx considérait pourtant comme vitales et essentielles, telles que «la dictature du prolétariat», et la fonction d'avant-garde d'un parti communiste agissant, apparemment du moins, dans l'intérêt du «prolétariat». Tandis que les communistes se promettaient de faire servir les «réformes» à l'établissement de leur dictature, en les utilisant comme «paravent ou écran» pour masquer leurs activités subversives, Bakunin et ses anarchistes n'avaient que du mépris pour elles et pour les efforts qu'elles imposent. Ils préconisaient plutôt le renversement immédiat de l'Etat. En résumé, leur attitude était agressive et provocante ; mais ils faisaient preuve de moins de ruse que les communistes dans leur campagne en faveur de l'athéisme.
22. - Pour arriver à ses fins, qu'est-ce que Bakunin proposait encore?
Bakunin proposait de détruire l'Etat par la révolte et recommandait aux organisations ouvrières de se mettre à l'avant-garde de l'insurrection projetée. C'est ainsi qu'il contribua à fonder le mouvement qu'on a appelé «l'Anarcho-Syndicalisme». Aux Etats-Unis, ses protagonistes se recrutaient principalement parmi les syndiqués de l'organisme «Industrial Workers of the World», mieux connu dans le public sous le nom de «l'IWW».
23. - Quelle fut, au sein de la "Première Intemationale", l'issue de la lutte entre les marxistes et les anarchistes?
Leurs dissensions amenèrent tout simplement la dissolution de la «Première Internationale». Vers l'époque du Congrès de la Haye, en 1872, les anarchistes étaient devenus si forts, que les chefs marxistes de l'organisme IWA sentirent tout à coup leur autorité menacée. Aussi Marx décida-t-il, au cours de ce congrès même, de les faire chasser. D'autre part, il craignait tellement qu'ils ne vinssent à «contrôler» tout à fait l'organisation que, sur proposition faite par Engels, on fit transférer le quartier général de l'organisation à New-York... Ce fut son coup de grâce. En 1876, au Congrès de Philadelphie, on déclara l'organisation officiellement dissoute.
24. - Pendant que le quartier général de l'organisation se trouvait à New-York, qui agissait, à la place de Marx, comme secrétaire général?
C'est un professeur de musique, du nom de F. A. Sorge (1827-1906) qui servit, à New-York, de secrétaire général de l'organisation. Sorge était originaire de Saxe, mais il était venu établir sa résidence aux Etats-Unis. C'est lui qui remit à la Bibliothèque Municipale de New-York une série de lettres et de documents tirés des dossiers officiels de la «Première Internationale». Ce recueil porte son nom: «La collection Sorge». Egalement, Sorge était le grand-père de Richard Sorge, chef du réseau d'espionnage soviétique au Japon. Cet agent secret, on le sait, a été démasqué par le général Willoughby.
25. - Qu'arriva-t-il après la dissolution de la "Première Internationale"?
Il y eut période d'accalmie sur «le front des organisations internationales révolutionnaires», au cours des treize années subséquentes, c'est-à-dire jusqu'à la fondation, en 1889, de la «Deuxième Internationale-Socialiste». Cette époque fut néanmoins très fertile en événements importants. L'histoire du marxisme en est profondément marquée: le communisme grandissait et s'étendait maintenant à divers pays. Au congrès tenu à Gotha, en Allemagne, en 1875, la fusion des «Lassalliens et des Marxistes» consolidait les cadres du «parti social démocratique allemand». Bien que plus tard les lassalliens fussent «assimilés et absorbés» par les marxistes, Marx lui-même dénonça sévèrement l'entente de Gotha, dans son œuvre maintenant célèbre: «La critique du programme de Gotha». Au dire de Lénine lui-même, cette œuvre de Marx fit époque. Dans son livre, «L'Etat et la révolution », Lénine dénonçait lui aussi «l'opportunisme» de cette entente, en vertu de laquelle on évitait d'envisager la nécessité de la révolution par la violence.
26. - Qui donc étaient les lassalliens?
Ils étaient les disciples de Ferdinand Lassalle, un habile avocat juif qui s'était lui-même rallié, dès 1848, au mouvement de Marx. Très bientôt, cependant, il y eut désaccord entre les deux parce que, principalement, Lassalle s'était fait le protagoniste d'un système appelé «la loi des salaires de fer». En vertu de ce système, le salaire des ouvriers ne devait jamais s'élever au-dessus du «niveau de subsistance». Au début, Marx introduisit ce principe dans le «Manifeste communiste», mais il lui préféra bientôt celui de «la valeur de surcroît», en vertu duquel les ouvriers sont spoliés, quel que soit le salaire reçu. Marx dut recourir à cette dernière théorie, car avec le temps, il devint évident que l'échelle des salaires «monte» de temps à autre.
Dans sa lutte contre Lassalle, Marx se servit de son langage habituel. Il invectiva son adversaire, et le traita, entre autres choses, de «juif bâtard».
27. - Quand et pourquoi fonda-t-il la ''Deuxième Internationale"?
La «2e» fut fondée le 14 juillet 1889, à la suite de la fusion de deux congrès réunis ensemble à Paris vers cette époque. Les marxistes, qui avaient déjà, en Allemagne, un très fort parti social démocrate, étaient là, en même temps que certains syndicats d'Angleterre et quelques groupes d'ouvriers français. On a surnommé ces deux dernières factions «les Possibilistes».
28. - Quels étaient le programme et la nature de la "Deuxième Internationale"?
On appelait «Socialistes» ou «Sociaux-démocrates» tous les partisans du mouvement. La «2e Internationale» avait certes des représentants dans beaucoup de pays, mais elle constituait une fédération à caractère plutôt desserré. Elle manquait d'autorité et de discipline. Avant 1900, elle n'avait même pas de bureau central. De plus, dès le début, on la sentait divisée en deux clans: d'une part, la grande majorité des partisans soutenaient que l'on pouvait arriver au socialisme par la voie du parlementarisme, c'est-à-dire par la victoire aux élections. D'autre part, la minorité, qui proclamait, à la suite de Marx, que la révolution par la violence est inévitable.
29. - Comment ces deux conceptions opposées ont-elles fini pa se "cristalliser"?
Au cours des années subséquentes - de 1889 à 1917 les partisans de ces deux tendances se sont ralliés qui à l'un, qui à l'autre des deux camps suivants:
a) Les «revisionnistes» pour une part, se tournèrent du côté d'Edouard Bernstein (1850-1932), un allemand «social démocrate» qui avait déjà été un compagnon de travail d'Engels et qui avait, durant plusieurs années, vécu en exil en Angleterre. Dans ses œuvres publiées en 1899 et 1901, Bernstein soutenait que le matérialisme constituait un système de philosophie inadéquat et pressait les marxistes de s'en détourner. Il affirmait, de plus, que la «démocratie sociale», devrait «volontiers se montrer ce qu'elIe est d'ailleurs en réalité: un parti social démocrate consacré aux réformes sociales».
b) Les communistes, pour leur part, se rallièrent à V. J. Lénine (1870-1924). Ce dernier préconisait sans réserves le matérialisme dialectique et sa conception de l'univers. En même temps,' il affirmait que la révolution par la violence était inévitable et se déclarait favorable à l'établissement de la dictature du prolétariat. Mais Lénine voulut aller plus loin que ces concepts marxistes. Il proposa donc, pour fins d'efficacité, l'organisation d'un «parti nouveau-type», d'un «parti fortement discipliné» dont les cadres seraient constitués par des «révolutionnaires professionnels». C'est sous l'inspiration de Lénine, en somme, que fut fondée «l'Internationale communiste». En mars 1919, «l'Internationale communiste» se dissociait complètement de la «2e Internationale».