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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

jeudi, juin 17, 2010

20-22

De la Mission de S. Joseph à Goïagoüen.


On nous mande deux choses de grande consolation de la Mission de S. Jean Baptiste, qui nous font assez connoistre que la Foy a fait de grands progrez en ce pays. L'une est que trente-neuf personnes y ont reçeu la grace du saint Baptesme, vingt desquels sont entrez peu de temps apres en possession de la gloire; on n'en peut pas douter à l'égard de seize petits enfans, et les quatre autres adultes ont donné à leur mort de grandes marques de predestination, principalement un jeune homme de vingt-cinq à vingt-six ans. Les charitez et les assistances particulieres qu'il avoit reçeuës de Messieurs les Prestres de Montreal, apres avoir esté mal traité de quelques François, n'ont pas peu servi à le gagner à Dieu. Toute sa famille, quoy qu'encore infidele, en a témoigné souvent ses reconnoissances, et s'est empressée mesme pour son salut. Sa mere estoit toute la premiere à le faire prier Dieu et à inviter le Pere Millet à l'instruire, et peu de temps avant sa mort, elle luy alla promptement donner avis du danger où estoit son fils, afin qu'il l'aydât à bien mourir, et le moribond correspondit fidelement à toutes ces graces.

J'espere, dit le Pere Millet dans sa lettre, qu'il ne sera pas le seul Chrestien ny le seul predestiné de sa famille, la joye qu'ils eurent apres sa mort de l'esperance de son bonheur eternel, n'est pas une petite marque de leur Foy: aussi ne me semblent-ils pas bien éloignez du royaume de Dieu, et le grand desir qu'ils témoignent de le revoir un jour dans le Ciel, me donne esperance de les voir bien-tost enfans de l'Eglise.

L'autre point qui doit donner bien de la joye aux ames qui desirent voir Dieu glorifié dans la conversion de ces Peuples, est la constance de leur chef Daniel Garakontié dans l'estime de la Foy, et dans sa fidelité à faire par tout une haute profession du Christianisme. ll la fit solemnellement il y a deux ans, lors qu'apres avoir esté baptisé à Quebec, il declara à son retour dans une assemblée publique, qu'il ne pretendoit plus faire aucune fonction de sa Charge qu'à l'égard des choses qui seroient conformes aux commandements de Dieu. ll fit encore cette declaration d'une maniere plus genereuse en la Nouvelle Hollande, en presence des Europeans qui commandent en ce païs, et des notables de toutes les cinq Nations Iroquoises, qui avoient esté appellez pour conclure la paix avec les Nations du Loup. Le Pere nous mande dans sa derniere, qu'il a fait paroistre un courage vrayment Chrestien cet Hyver, dans une maladie qui le mit à l'extremité: ses parens, et tout le bourg se voyant en danger de le perdre, le solliciterent avec beaucoup d'importunité de permettre qu'on employast pour sa guerison, les jongleries ordinaires qui passent pour remedes dans le païs; il y resista toujours fortement. Neantmoins s'estanl fait une ceremonie superstitieuse dans sa cabane, selon la pratique des Jongleurs, quand ils entreprennent la cure de quelque maladie, le Pere qui en eut avis, entra en quelque soupçon que le malade y avoit consenti; il le va visiter sur le soir, il trouve avec luy tous les anciens, qui, le croyant proche de la mort, estoient venus comme en corps par honneur pour luy dire le dernier Adieu. Le malade prit le premier la parole, et luy dit: Mon Pere, je me suis trouvé aujourd'huy bien en peine à l'occasion de la ceremonie qui s'est faite à mon insceu et hors de ma veuë, à l'autre bout de la cabane: Helas! ay-je dit en moy-mesme, que pensera et que dira de moy Teahronhiagannra (c'est le nom du Pere Millet)? il me croira un hypocrite et un dissimulé: non, mon Pere, je n'ay point changé de sentimens depuis mon Baptesme, je ne suis plus homme à consentir à ces sottises; j'ay seulement permis qu'on me scarifiât et qu'on me tirât un peu de sang de la teste, mais je ne croy pas en cela avoir offensé Dieu. J'ay trop de cœur, mon Pere, et j'ay promis à Dieu trop solemnellement de garder sa sainte loy toute ma vie, pour reprendre laschement les anciennes coutumes ausquelles j'ay renoncé et ausquelles je renonce encore presentement de tout mon cœur; non, mon Pere, je ne m'en dediray jamais, quand il iroit de ma vie. Le Pere le confirma dans ces bons sentimens, dont la compagnie demeura fort édifiée.

Depuis, nostre Neophyte ayant recouvré sa santé, est descendu à Montreal en qualité d'Ambassadeur, de la part de toutes les Nations Iroquoises, pour tenir conseil avec les peuples Algonquins dits Outaoüacs, qui y avoient leur rendez-vous, aussi bien pour les affaires qu'ils avoient entr'eux, que pour le debit de leurs pelleteries. Ce fut donc en cette assemblée de cent cinquante canots, c'est à dire de plus de cinq cents Sauvages de diverses Nations, qu'en presence de Monsieur de Courcelles, Gouverneur du pays, pour lequel tous ces Peuples ont une veneration tres-particuliere, Garakontié fit paroistre son esprit et son bon sens, mais particulierement sa Foy et son zele. Car apres avoir terminé leurs affaires, et confirmé par de nouvelles protestations d'amitié, et par des presens reciproques le traitté de paix, il leva la voix pour leur dire qu'il avoit esté autrefois comme eux, dans l'ignorance du vray Dieu, idolâtre de ses songes et de toutes leurs coutumes superstitieuses; mais que maintenant il estoit Chrestien, et qu'il vivoit heureux dans l'observance des commandemens de Dieu et dans l'esperance d'une vie éternelle, et il finit sa harangue en les exhortant éloquemment selon sa coutume, à l'imiter et à le suivre.

Un semblable discours party de la bouche d'un Sauvage qui declare ainsi naïvement les sentimens de son cœur, a souvent plus d'effet sur ces esprits que de la part d'un Missionnaire le plus zelé: en voicy deux exemples tout recents. Le mesme Daniel Garakontié, dit le Pere de Lamberville en sa lettre du 23. Septembre, ayant rencontré à son retour dans le païs, une de ses parentes malades à la mort, me vint trouver pour me demander pour elle quelque remede. Mon frere, luy dis-je, le seul remede qui luy puisse estre utile en l'estat où elle est, c'est le Baptesme, pour la preserver de l'enfer; mais elle n'a aucune disposition pour ce Sacrement; elle s'opiniastre à vouloir mourir comme ses Ancestres, qu'elle veut aller trouver au païs pretendu des ames: si tu as une veritable affection pour elle, fais tous tes efforts pour la rendre plus docile; mais haste-toy, elle n'a plus gueres de temps à vivre. Je ne luy eus pas plustost fait cette ouverture, que ce veritable Chrestien, ce sont les termes du Pere, qui n'a rien de Sauvage Iroquois que la naissance et le nom, l'alla visiter à l'heure mesme, avec un effet si admirable de son zele, qu'elle fut ensuite instruite suffisamment pour recevoir le saint Baptesme au grand contentement de toute la famille. Le Pere ne pouvoit encore approcher d'une autre pauvre creature mourante pour luy parler de son salut, parce qu'elle en témoignoit une grande aversion, aussi bien qu'une attache incroyable aux superstitions du païs. Dans cette peine, il eut recours à une femme amie de cette famille, qui n'estoit pas encore Catechumene, et qui ne venoit pas mesme à la priere; elle avoit cependant quelque connoissance de nos mysteres, avec une bonne intention. Elle eut tant de succez dés la premiere fois qu'elle parla à la malade de se faire Chrestienne, et elle mesnagea par son adresse, une entrée si favorable au Pere dans son esprit, qu'il fut le tres-bien venu dans sa cabane; elle l'escouta toujours depuis: estant donc suffisamment instruite, elle fut baptisée, et mourut tres-chrestiennement peu de temps apres son Baptesme. C'est ainsi, dit le Pere, pour conclusion de sa lettre, que malgré l'yvrognerie qui regne icy dans le dernier excez, et les autres obstacles que l'enfer oppose incessamment à l'avancement de la Foy, nous ne laissons pas de trouver des ames à gagner, et des fruits du Sang de Jesus-Christ à recueillir.

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Version en français contemporain

Chapitre v.

De la Mission de Saint-Jean-Baptiste à Onnontagué.

On nous écrit deux choses de grande consolation de la Mission de Saint-Jean-Baptiste, qui nous font assez connaître que la Foy a fait de grands progrès en ce pays. L'une est que trente-neuf personnes y ont reçu la grâce du saint baptême, vingt desquels sont entrez peu de temps après en possession de la gloire (ils sont morts peu de temps après). On n'en peut pas douter à l'égard de seize petits enfants, et les quatre autres adultes ont donné à leur mort de grandes marques de prédestination, principalement un jeune homme de vingt-cinq à vingt-six ans. Les charités et les assistances particulieres qu'il avait reçues de Messieurs les Prêtres de Montréal, après avoir été mal traité par quelques Français, n'ont pas peu servi à le gagner à Dieu. Toute sa famille, quoiqu'encore infidèle, en a témoigné souvent sa reconnaissance, et s'est empressée même pour son salut. Sa mere était la premiere à le faire prier Dieu et à inviter le Père Millet à l'instruire, et peu de temps avant sa mort, elle alla l'aviser promptement du danger où était son fils, afin qu'il l'aidât à bien mourir, et le moribond se conforma fidèlement à toutes ces faveurs.

«J'espere, dit le Père Millet dans sa lettre, qu'il ne sera pas le seul chrétien ni le seul prédestiné de sa famille. La joie qu'ils eurent apres sa mort de l'espérance de son bonheur éternel, n'est pas une petite marque de leur Foy. Aussi ne me semblent-ils pas bien éloignés du royaume de Dieu, et le grand désir qu'ils témoignent de le revoir un jour dans le Ciel, me donne espoir de les voir bientôt enfants de l'Église

L'autre point qui doit donner bien de la joie aux âmes qui desirent voir Dieu glorifié dans la conversion de ces peuples, est la constance de leur chef Daniel Garakontié dans l'amour de la Foy, et dans sa fidélité à faire partout une haute profession du christianisme. ll la fit solennellement il y a deux ans, alors qu'après avoir été baptisé à Québec. Il déclara à son retour dans une assemblée publique, qu'il ne prétendait plus faire aucune fonction de sa charge qu'à l'égard des choses qui seraient conformes aux commandements de Dieu. ll fit encore cette declaration d'une maniere plus généreuse en Nouvelle-Hollande, en présence des Européens qui commandent en ce pays, et des notables de toutes les cinq nations iroquoises, qui avaient été appellez pour conclure la paix avec les nations du loup. Le Père nous écrit dans sa dernière, qu'il a fait paraître un courage vraiment chrétien cet hiver, dans une maladie qui le mit dans une foffrance intense. Ses parents, et toute la bourgade se voyant en danger de le perdre, le press;erent de permettre qu'on employât pour sa guérison, les sorcelleries habituelles qui passent pour remèdes dans le pays. Il y résista toujours fortement. Néanmoins s'étanl fait une cérémonie superstitieuse dans sa cabane, selon la pratique des sorciers, quand ils entreprennent la cure de quelque maladie. Le P`rre qui en eut vent, soupçonna que le malade y avait consenti. Il va le visiter le soir. Il trouve avec lui tous les anciens, qui, le croyant proche de la mort, étaient venus comme en corps par honneur pour lui dire le dernier adieu. Le malade prit le premier la parole, et lui dit: «Mon Père, je me suis trouvé aujourd'hui bien en peine à l'occasion de la cérémonie qui s'est faite à mon insu et hors de ma vue, à l'autre bout de la cabane. Hélas! ai-je dit en moi-même, que pensera et que dira de moi Teahronhiagannra (c'est le nom du Père Millet)? Il me croira un hypocrite et un cachotier. Non, mon Père, je n'ai point changé de sentiments depuis mon baptême. Je ne suis plus homme à consentir à ces sottises. J'ai seulement permis qu'on me scarifiât (inciser superficiellement) et qu'on me tirât un peu de sang de la tête, mais je ne croi pas en cela avoir offensé Dieu. J'ai trop de cœur, mon Père, et j'ai promis à Dieu trop solennellement de garder Sa sainte loi toute ma vie, pour reprendre lâchement les anciennes coutumes auxquelles j'ai renoncé et auxquelles je renonce encore présentement de tout mon cœur. Non, mon Père, je ne m'en dedirai jamais, quand même il irait de ma vie.» Le Père le confirma dans ces bons sentiments, dont la compagnie demeura fort édifiée.

Depuis, notre néophyte ayant recouvré sa santé, est descendu à Montréal en qualité d'ambassadeur, de la part de toutes les nations iroquoises, pour tenir conseil avec les peuples algonquins dits Outaouais, qui y avaient leur rendez-vous, aussi bien pour les affaires qu'ils avaient entre eux, que pour la vente de leurs pelleteries. Ce fut donc en cette assemblée de cent cinquante canots, c'est à dire de plus de cinq cents Sauvages de diverses nations, qu'en présence de Monsieur de Courcelles, Gouverneur du pays, pour lequel tous ces peuples ont une vénération très particulière, Garakontié fit paraître son esprit et son bon sens, mais particulièrement sa Foy et son zèle. Car après avoir terminé leurs affaires, et confirmé par de nouvelles atestations solennelles d'amitié, et par des présents réciproques le traité de paix, il éleva la voix pour leur dire qu'il avait été autrefois comme eux, dans l'ignorance du vrai Dieu, idolâtre de ses songes et de toutes leurs coutumes superstitieuses, mais que maintenant il était chrétien, et qu'il vivait heureux dans l'observance des commandements de Dieu et dans l'espérance d'une vie éternelle, et il finit sa harangue en les exhortant éloquemment selon sa coutume, à l'imiter et à le suivre.

Un semblable discours sorti de la bouche d'un Sauvage qui déclare ainsi naïvement les sentiments de son cœur, a souvent plus d'effet sur ces esprits que de la part du missionnaire le plus zélé. En voici deux exemples tout récents. «Le même Daniel Garakontié, dit le Père de Lamberville en sa lettre du 23 septembre, ayant rencontré à son retour dans le pays une de ses parentes malades à mort, vint me trouver pour me demander pour elle quelque remède. Mon frère, lui dis-je, le seul remède qui puisse lui être utile dans l'état où elle est, c'est le baptême, pour la préserver de l'enfer. Mais elle n'a aucune disposition pour ce sacrement. Elle s'opiniâtre à vouloir mourir comme ses ancêtres, qu'elle veut aller trouver au pays pretendu des âmes. Si tu as une véritable affection pour elle, fais tous tes efforts pour la rendre plus docile. Mais hâte-toi! Elle n'a plus guère de temps à vivre. Je ne lui eus pas plus vite fait cette ouverture, que ce véritable chrétien, ce sont les termes du Pêre, qui n'a rien de Sauvage iroquois que la naissance et le nom, alla la visiter à l'heure même, avec un effet si admirable de son zèle, qu'elle fut ensuite instruite suffisamment pour recevoir le saint baptême au grand contentement de toute la famille.» Le Père ne pouvait encore approcher d'une autre pauvre créature (femme) mourante pour lui parler de son salut, parce qu'elle en témoignait une grande aversion, aussi bien qu'une attache incroyable aux superstitions du pays. Dans cette difficulté, il eut recours à une femme amie de cette famille, qui n'était pas encore catéchumène, et qui ne venait pas même à la prière. Elle avait cependant quelque connaissance de nos Mystères, avec une bonne intention. Elle eut tant de succès dès la première fois qu'elle parla à la malade de se faire chrétienne, et elle ménagea par son adresse, une entrée si favorable au Père dans son esprit, qu'il fut très bien venu dans sa cabane. Elle l'écouta toujours depuis. Étant donc suffisamment instruite, elle fut baptisée, et mourut très chrétiennement peu de temps apres son baptême. C'est ainsi, dit le Père, pour conclusion de sa lettre, que malgré l'ivrognerie qui regne ici dans au dernier excès, et les autres obstacles que l'enfer oppose incessamment à l'avancement de la Foy, nous ne laissons pas de trouver des âmes à gagner, et des fruits du Sang de Jésus-Christ à recueillir

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