La sainte mort de Madame de la Peltrie, fondatrice des Religieuses Ursulines en la Nouvelle France, et de la Reverende Mere Marie de l'Incarnation, premiere Superieure de ce Monastere
TROISIESME PARTIE.
La mort de ces deux Illustres personnes a esté une affliction publique: comme elles obligeoient tout le monde, tout le païs y a pris part, et les a regrettées. On les honoroit beaucoup partout, pour leur vertu et leur sainteté; mais elles estoient cheries et considerées, particulierement comme celles qui avoient donné commencement à l'instruction des jeunes filles Françoises et Sauvages, et qui par ce moyen avoient beaucoup contribué au bon establissement et au progrez des Colonies de la Nouvelle France.
Elles ont esté toutes deux appellées de Dieu pour ce glorieux dessein, presque en mesme temps, et toutes deux d'une maniere extraordinaire, sans s'estre jamais veuës ny connuës auparavant, au moins des yeux du corps. Ce qui fut dés lors un préjugé de l'excellence du caractere de leur vie et de leur conduite, comme il paroistra dans les Chapitres suivans. Il y a 32. ans que elles passerent la mer en un mesme vaisseau, et soustenues que elles ont toujours esté depuis, par de nouveaux renforts qui leur sont venus de France, d'année en année, et que le Ciel leur a mesme procuré parmy les filles que elles ont élevées dans le païs, elles ont formé une Communauté assez nombreuse, qui subsiste par une espece de miracle, et avec laquelle elles ont travaillé toutes deux de concert jusqu'au dernier soupir, à sanctifier grand nombre de familles, par les bonnes impressions qu'elles ont données de nostre sainte Religion, et des vertus Chrestiennes à celles qui les composent.
Mon dessein n'est pas de prevenir icy les Escrivains qui voudroient nous donner l'histoire complete de deux vies si saintes. Je ne pretends que toucher legerement quelque chose de leurs eminentes vertus, et de leur sainte mort, afin d'eviter le blâme de commettre une injustice, en tenant caché un bien qui doit estre public, et satisfaire en quelque maniere, comme par avance, à une infinité de personnes qui ne respirent que la gloire de Dieu, en leur donnant la connoissance de deux saintes Ames, qui ont brulé du mesme zele, et qui n'ont jamais eu d'autres pretentions que de vivre et mourir en son saint Amour, dans un païs barbare, et de le voir, au peril de leur vie, connu et aimé de tous les peuples de ce nouveau monde.
Je ne puis toutefois me dispenser de parler assez amplement de leur vocation au païs de Canada, parce qu'elle fera voir les voyes admirables de la divine Providence pour les sanctifier, en procurant en mesme temps à ces Nations barbares, un secours si avantageux pour leur salut; et quelque pensée que j'aye pour éviter la confusion de ramasser en des Chapitres separez, ce qui les regarde chacune en particulier, il faut neantmoins qu'apres avoir ouy cette pieuse Dame sur le sujet de sa vocation, nous en apprenions des circonstances tres-notables du narré que nous fera de la sienne, par l'ordre de son Directeur, la Reverende Mere Marie de l'Incarnation.
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Version en français contemporain
La sainte mort de Madame de la Peltrie, fondatrice des Religieuses Ursulines en la Nouvelle-France, et de la Révérende Mère Marie de l'Incarnation, première Supérieure de ce monastère
TROISIÈME PARTIE.
La mort de ces deux Illustres personnes a été une affliction publique. Comme elles lièrent tout le monde par un lien de reconnaissance, tout le pays y a pris part, et les a regrettées. On les honorait beaucoup partout, pour leur vertu et leur sainteté; mais elles étaient chéries et considérées, particulièrement comme celles qui avaient donné naissance à l'instruction des jeunes Françaises et Sauvagesses, et qui par ce moyen avaient beaucoup contribué au bon établissement et au progrès des colonies de la Nouvelle-France.
Elles ont été toutes deux appelées de Dieu pour ce glorieux dessein, presque en même temps, et toutes deux d'une manière extraordinaire, sans s'être jamais vues ni connues auparavant, au moins des yeux du corps. Ce qui fut alors un préjugé de l'excellence du caractère de leur vie et de leur conduite, comme il paraîtra dans les chapitres suivants. Il y a 32 ans qu'elles passèrent la mer en un même vaisseau, et soutenues qu'elles ont toujours été depuis, par de nouveaux renforts qui leur sont venus de France, d'année en année, et que le Ciel leur a même procuré parmi les filles qu'elles ont élevées dans le pays, elles ont formé une communauté assez nombreuse, qui subsiste par une espèce de miracle, et avec laquelle elles ont travaillé toutes deux de concert jusqu'au dernier soupir, à sanctifier grand nombre de familles, par les bonnes impressions qu'elles ont données de notre sainte religion, et des vertus chrétiennes à celles qui les composent.
Mon dessein n'est pas de prévenir ici les écrivains qui voudraient nous donner l'histoire complète de deux vies si saintes. Je ne prétends que toucher légèrement quelque chose de leurs éminentes vertus, et de leur sainte mort, afin d'éviter le blâme de commettre une injustice, en tenant caché un bien qui doit être public, et satisfaire en quelque manière, comme par avance, à une infinité de personnes qui ne vivent que la gloire de Dieu, en leur donnant la connaissance de deux saintes âmes, qui ont brûlé du même zèle, et qui n'ont jamais eu d'autres prétentions que de vivre et mourir en Son saint amour, dans un pays barbare, et de Le voir, au péril de leur vie, connu et aimé de tous les peuples de ce nouveau monde.
Je ne puis toutefois me dispenser de parler assez amplement de leur vocation en Canada, parce qu'elle fera voir les voies admirables de la divine Providence pour les sanctifier, en procurant en même temps à ces nations barbares, un secours si avantageux pour leur salut; et quelque pensée que j'ai pour éviter la confusion de ramasser en des chapitres séparés, ce qui les regarde chacune en particulier. Il faut néanémoins qu'après avoir entendu cette pieuse dame sur le sujet de sa vocation, nous en apprenions des circonstances très notables du narré que nous fera de la sienne, par l'ordre de son Directeur, la Révérende Mère Marie de l'Incarnation.