"Parti", contraire de Crédit Social.
Un vrai créditiste ne peut pas être un homme de parti. Parti et Crédit Social sont deux termes qui s'excluent l'un l'autre, par la nature et la définition de ce qu'ils signifient.
Soif du pouvoir
Le parti politique organise un groupe autour de politiciens pour essayer de prendre le pouvoir. Le Crédit Social conçoit le pouvoir redistribué aux individus: le pouvoir économique, par la garantie d'un dividende permettant à chaque individu de commander à la production les biens dont il a besoin; le pouvoir politique, en faisant de l'État la chose des personnes, au lieu des personnes la chose de l'État.La formule de parti porte les citoyens à mettre leur confiance dans un groupe de politiciens. Le Crédit Social apprend aux citoyens à prendre eux-mêmes leurs responsabilités et, en politique, à se faire les surveillants et la conscience des gouvernements.
Le parti politique divise le peuple, en formant un groupe pour lutter contre d'autres groupes à la recherche du même pouvoir; or toute division affaiblit. Le Crédit Social unit les citoyens autour d'aspirations fondamentales communes et les invite à unir leurs demandes pour qu'y soit fait suite par les gouvernants, quel que soit le parti au pouvoir. Si le peuple n'est pas assez fort pour mettre un gouvernement à son service, ce n'est pas le gouvernement qu'il faut changer, mais le peuple qu'il faut travailler à rendre plus puissant; cela ne se fait certainement pas par la division, mais par l'union. D'où la formule «Union des Électeurs».
Avec le pouvoir, la contrainte
Le parti politique veut le pouvoir, donc le droit de contraindre, car le pouvoir s'exerce par des mesures administratives, législatives, exécutives qui obligent sous peine de sanctions. C'est le contraire du Crédit Social, qui répugne à la coercition («compulsion», dit Douglas) et préconise la persuasion («inducement»). Le Crédit Social a horreur de l'obligatoire, il est pour la liberté de choix; or, tout ce qui vient du gouvernement est obligatoire.Le créditiste qui s'inféode à un parti, de n'importe quelle dénomination, pour la conquête du pouvoir, démontre par là même qu'il n'est pas véritablement créditiste, même s'il en porte le titre et quand même il connaîtrait très bien les propositions monétaires du Crédit Social. Il fait penser à un chrétien qui, tout en connaissant très bien les enseignements de l'Évangile, même au point de pouvoir les présenter aux autres, se conduirait d'après un esprit exactement contraire.
Aux pieds de l'argent
Le Crédit Social dénonce la dictature de l'argent. Or, ne voit-on pas des créditistes devenus électoralistes compter surtout sur la force de l'argent pour atteindre leur but?En 1944, Manning disait à l'Association Créditiste du Canada, en Convention à Toronto, qu'il était prêt à accepter l'argent de n'importe quelle source il vienne. Et l'organisateur de Caouette, Laurent Legault, disait de même à un petit groupe de pucerons réunis à Guigues le 10 août 1958: «L'argent, on en aura, même s'il faut se mettre à quatre pattes pour l'avoir.»
Dans le parti des Déraillés, on donne plus d'importance à l'argent qu'aux hommes. Les hommes, ça ne compte que comme voteurs une fois tous les quatre ans! C'est certainement loin du Crédit Social, cela.
Corruption
D'ailleurs, la recherche de sièges parlementaires s'accompagne généralement, pour ne pas dire toujours, de la convoitise des prébendes attachées aux sièges parlementaires. Appétit de l'argent en plus de l'appétit des honneurs. Et comme cet appétit, au lieu de s'assouvir, augmente à mesure qu'on lui cède, il arrive trop souvent que l'indemnité parlementaire ne peut plus satisfaire son homme. Il explore alors des sources extra-parlementaires où peut sombrer son sens de l'honnêteté.Ce ne sont point là des propos imaginaires. C'est en se basant sur des constatations que Lord Acton a pu écrire: «Tout pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument.»
Nous pourrions en donner des exemples sans avoir à sortir du Canada.
Vers Demain, 15 janvier 1962