Ce qu'il y a de plus pénible, dans la tempête affreuse qui secoue la civilisation jusque dans ses fondements les mieux assis, c'est l'aveuglement général. Plus triste que les pertes gigantesques de l'humanité, et ses profondes blessures est cette cécité collective qui semble avoir frappé les victimes.
Partout on manifeste étonnement, surprise. En tout milieu on entend demander: "Mais qu'est-ce qui se passe? Où va-t-on? Qu'est-ce qui s'en vient? Qu'arrivera-t-il demain?".
Pour la foule, cette pauvre foule exploitée, trimée, ignorante, qui fait confiance à ses chefs, qui espère en la sagesse de ceux qui la dirigent, on comprend qu'elle ne voie rien, qu'elle n'apprécie pas le cours et la portée des événements. Mais pour les chefs en autorité, pour les dirigeants, les élites, il n'y a pas d'excuse à l'aveuglement, à l'incompréhension, au manque de vision. Puisque "gouverner c'est prévoir", leur rôle et leur devoir de gouvernants ou de chefs est de prévoir clairement les conséquences inévitables des actes posés par les hommes.
Il faut cependant dire -sans que ce soit une excuse - que depuis que la politique a rompu avec le christianisme il y a bientôt deux siècles, en se livrant au libéralisme, elle n'a fait que s'enliser toujours plus rapidement dans les ténèbres et dans la confusion.
LE LIBÉRALISME
On nomme Lucifer, qui fut le plus lumineux, le plus brillant des êtres créés, "le prince des ténèbres". À quoi peut tenir un renversement aussi total chez un même être, une chute du pinacle de la lumière jusqu'au tréfonds de la noirceur, l'effondrement de l'extrémité d'un sommet jusqu'à l'extrémité d'un abîme? Au principe libéral proclamé par Lucifer, principe qui fait de la raison de la créature la loi suprême de cette même créature, lui confère toute autorité sur elle-même, en fait l'origine de tout pouvoir qu'elle peut exercer, soustrait la créature à la volonté du Créateur. C'est le divorce total, la révolte sans compromis du fini contre l'Infini; c'est, sinon la déification de la raison personnelle, de l'ego qui pense, du moins son élévation à la hauteur de Dieu même sur le plan des attributions de l'Autorité, du Pouvoir et du Droit.
S'il est vrai que la lumière ne peut venir que de la source de toute lumière, Dieu Lui-même, il est pareillement vrai que l'éloignement de Dieu ne peut conduire qu'aux ténèbres. En faisant de la raison humaine l'Absolu suprême dont découlent tout commandement, toute loi et toute initiative, le libéralisme a posé le même geste que Lucifer. Et la politique en a subi la même chute terrifiante, chute qui n'est pas encore rendu à son terme mais qui s'accentue chaque jour davantage vers des ténèbres plus épaisses et un chaos plus profond, dont le communisme donne une première image. Dans des termes plus compréhensibles au profane, c'est ce que le Pape Pie XI expliquait de façon plus courte et plus claire lorsque, dans sa lettre encyclique "Quadragesimo Anno", il disait; "Le socialisme a le libéralisme pour père et le communisme pour héritier".
Maintenant, en cette ère de politique absolue, les impératifs de la politique sont acceptés par tous sans discussion ni esprit critique, ce qui explique que le libéralisme, le socialisme ou le communisme ont pénétré partout et gangrené tous les milieux.