Génocides et crimes de masse
Comment caractériser les crimes du communisme?
Ni crimes de guerre ni génocide, ils relèvent de la catégorie des «crimes de masse». Les travaux sur les crimes du communisme posent une question de terminologie particulièrement importante: sur quelle notion peut-on s'appuyer pour établir une claire différenciation entre les cas de destructions de populations civiles et d'autres formes de violences collectives, telles que la guerre ou l'insurrection armée?
L'expression «crime de masse» permet de réfléchir en histoire à une définition des massacres de populations civiles, y compris le génocide, à savoir «l'intention de détruire un groupe en tant que tel» (convention de l'ONU de 1948).
Le crime de masse n'est pas un crime de guerre: il ne procède pas de «ce délire du champ de bataille» dont parle l'historien américain Christopher Browning (Des Hommes ordinaires, Les Belles Lettres, 1994) pour décrire les atrocités commises par des soldats contre d'autres soldats dans la dynamique même de la guerre.
Le crime de masse consiste en une destruction pure et simple de civils en grand nombre. Cette destruction, qui s'accompagne souvent d'atrocités contre des hommes, des femmes, des enfants, résulte d'une politique délibérée, ce que Frank Chalk et Kurt Jonassohn appellent la «tuerie d'un seul côté».
Les situations historiques et politiques sont très différentes d'un pays à l'autre. De cette diversité, on peut dégager deux dynamiques criminelles fondamentales, en fonction des objectifs visés:
1) La soumission d'un groupe
Le but est de détruire partiellement un groupe pour soumettre totalement ce qui en restera. Les responsables comptent sur l'effet de terreur pour atteindre un tel résultat.
Soit il s'agit «seulement» de parvenir à la capitulation du groupe visé pour lui imposer sa propre domination politique. L'URSS de Staline en offre un exemple singulier.
Soit il s'agit, une fois cette soumission obtenue, d'engager un projet de «rééducation» des membres survivants du groupe. C'est ce qui fut réalisé dans la Chine de Mao Zedong.
2) L'éradication d'un groupe
Le but est de faire disparaître un groupe d'un territoire contrôlé ou convoité par le pouvoir.
Soit on détruit partiellement le groupe pour le contraindre à fuir. La purification ethnique en ex-Yougoslavie au cours des années 1990 en est un exemple. Soit on détruit totalement le groupe, sans laisser à ses membres la possibilité de s'enfuir. La notion de «territoire à purifier» devient alors secondaire par rapport à l'extermination totale du groupe. L'extermination des Juifs par les nazis en est l'illustration extrême.
Quel que soit son objectif, la logique du crime de masse est proche de celle de la guerre. Elle repose sur la construction d'une figure de l'ennemi, fût-il un ennemi intérieur, à mâter ou à éliminer.
Jacques Semelin
Chercheur (CNRS) associé au CERI.
Présentement, le groupe cible est celui des chrétiens, mais plus spécialement des catholiques, plus difficiles à leur javeliser le cerveau.