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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

mardi, septembre 09, 2008

DES REPRÉSENTANTS DE L'ÉGLISE SÉCULIÈRE ET RÉGULIÈRE

Un tel spiritualisme n'empêchait pas les avances d'ecclésiastiques en mal d'un œcuménisme surprenant quand bien même, à côté de francs-maçons qui pouvaient abonder de bonne foi dans cette erreur, d'autres ne voyaient qu'une tactique à en faire profession. Que penser du P. Berteloot se laissant prendre à la duplicité des offres du F.·. Lantoine? Il semble avoir éprouvé un surcroît de confiance en la "Lettre au Souverain Pontife" du fait que son auteur était revenu, à la demande du Père, de la traditionnelle accusation de la maçonnerie contre les Jésuites d'avoir rédigé les fameux "Monita secreta"! Politesse pure et simple vis-à-vis d'un allié naïf. Le F.·. Lantoine n'en demeurait pas moins anti-chrétien malgré la main tendue à l'Église. N'écrivait-il pas un an après la parution de la Lettre à propos de la remise de la Bible sur les autels de la Grande Loge de France (non par conviction mais pour s'aligner sur la Grande Loge d'Angleterre):

Ils (les Francs-maçons) pensent que l'unité de la F.·. M.·. vaut bien une capitulation comme Henri IV disait: «Paris vaut bien une messe». Or, de même que cette messe a assuré en France pour des siècles l'hégémonie du catholicisme, qui sait si cette capitulation ne marquerait pas pour la F.·. M.·. française, la première étape d'une régression?

Le F.·. Lantoine confirme ici implicitement que le rapprochement proposé ne constituerait pas un retour si timide soit-il vers l'Église. Car, le plus piquant de cette citation c'est qu'on la trouve dans le chapitre intitulé le piège de Canossa (*) d'un livre écrit en 1939. Ce n'est donc pas la Maçonnerie qui devrait aller à Canossa, mais bien l'Église elle-même, sollicitée de revenir sur ses condamnations par une campagne prenant prétexte de l'anti-communisme et de la défense de l'esprit. Comment tant de prêtres ont-ils pu monter ingénument sur la galère du rapprochement? Combien étaient-ils à ces colloques fallacieux?

Des conversations se nouèrent entre des personnalités catholiques et maçonniques. Certaines se poursuivirent dans les années 1938 et 1939 chez Oswald WIRTH qui me demanda d'y prendre part. Les plus intéressantes avaient pour protagonistes catholiques deux dominicains, dont l'un était le R. P. GORCE. Elles étaient intéressantes parce qu'au lieu de s'en tenir à une préoccupation purement défensive contre le danger signalé par LANTOINE, elles en étaient venues à examiner quelque chose de constructif: la possibilité d'une collaboration sur le plan social, suggérée par la citation de CLAVEL donnée par LANTOINE à la fin de son livre:
Le christianisme et la Franc-Maçonnerie se complètent l'une par l'autre et peuvent se prêter un mutuel concours pour le bonheur de l'humanité.

Le R. P. GORCE se montrait particulièrement fougueux.
Extrapolant les thèmes de l'encyclique "Rerum Novarum" de Léon XIII (qu'il devait reprendre et commenter dans son ouvrage "La politique de l'Éternel", 1941), le R. P. GORCE partait en flèche et reprochait aux Francs-Maçons leur conservatisme social.

Ces conversations furent interrompues par la guerre.

(Schibboleth par le F.·. Corneloup du G. O. F. 1965)

De son côté, le F.·. Y. Marsaudon, du Suprême Conseil (rite écossais) écrivait de cette époque, dans Le Temple en 1946:

Nous appartenons à ce groupe de francs-maçons qui, depuis de nombreuses années, a tenté d'aplanir les difficultés qui semblaient insurmontables entre l'Église romaine et notre Institution. Tout n'a pas été facile. Il est cependant permis d'affirmer qu'à la veille de la guerre, de sensibles progrès avaient été réalisés dans le sens d'un "modus vivendi" acceptable pour les deux parties. Il ne s'agissait d'ailleurs que de conversations strictement privées; mais elles ont progressivement été élargies et des maçons de plus en plus nombreux ont pris contact avec des représentants qualifiés de l'Église séculière et régulière qui ont fait eux-mêmes un honorable effort afin de comprendre les buts réels de notre Ordre.


La guerre et l'occupation n'interrompirent pas le cours de colloques ailleurs que chez Oswald Wirth. En 1929 était apparu une Union de libres penseurs et libres croyants où les Abbés Lugan et Viollet ainsi que Marc Sangnier prenaient place à côté des francs-maçons. Voici que pendant l'occupation, on ressuscitait le même club sous le même nom. Si l'on pouvait supposer, sans doute, un sentiment d'union patriotique bien naturel en la circonstance, ce club n'en constituait pas moins au dire du Frère-Maçon Marsaudon une résurgence de l'ancien avec la persistance des manœuvres du rapprochement qui allaient gagner en profondeur après la guerre. On y trouvait, du côté maçonnique, le F.·. Lehman et le Comte Foy tous deux du Suprême Conseil de France et parmi les catholiques, le P. Dillard (13) et, refaisant surface, le P. Desbuquois . Le F.·. Yves Marsaudon qui rapporte cela dans son livre: L'œcuménisme vu par un Franc -Maçon de tradition, nous paraît ici au-dessous des réalités que le F.·. Corneloup , du Grand Orient de France, semble préciser davantage dans une curieuse note relative à l'action du F.·. Cauwel de la Grande Loge et dont voici un passage:

Peu avant son décès il avait remis un dossier à un de ses amis personnels (membre du G.·. O.·. de F.·.) que ce dernier me fit tenir plus tard. Ce dossier contenait des originaux et des copies de lettres de Cauwel, Riandey, de moi-même et... du R. P. Berteloot.

J'eus ainsi la surprise et la tristesse d'apprendre que, dans le même temps où nous conférions avec nos amis de la Grande Loge de France, ces derniers entretenaient une active correspondance avec le R. P. Il y était envisagé ce que l'on a appelé l'Union des forces spirituelles et il y est mentionné des conciliabules dont l'objet n'est pas précisé.

Dans ce dossier, j'ai trouvé aussi une singulière note dactylographiée, sans indication d'origine. Certains indices me portent à supposer qu'elle est de source anti-maçonnique. Cette note fait état de démarches de dignitaires écossais (nommément désignés) auprès du Provincial des Jésuites à Lyon en Novembre 1943 et peu après d'une audience accordée à Vichy par Pierre Laval.

Cette déclaration du Frère-Maçon Corneloup dans son ouvrage sur les démêlés intérieurs de la maçonnerie semble accuser davantage l'ampleur de tractations dont le Frère-Maçon Péloquin va, lui aussi, nous donner un écho.


Notes:

(*) Canossa, bourg d'Italie (Emilie, province de Reggio). C'est au château de Canossa, aujourd'hui ruiné, qu'en 1077 l'empereur d'Allemagne Henri IV alla faire amende honorable au pape Grégoire VII, au cours de la querelle des Investitures. Cet événement a donné naissance à la locution aller à Canossa, c'est-à-dire s'humilier devant celui auquel on résistait.

(13) Lehman et le P. Villard sont morts en déportation.

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