d'un fantôme cosmique. Cette "marche à l'Esprit" dont parle Teilhard de Chardin leur permet de crier, sans souci des contradictoires, avec des complices ignorants peuplant l'Église catholique, à l'anthropomorphisme de celle-ci, à la dictature du Pontife romain, au pur symbolisme des Sacrements, à l'avènement trois fois heureux du CHRISTIANISME SCIENTIFIQUE.
Le Frère-Maçon Édouard Schuré, dans Les Grands Initiés a pompeusement loué l'apparition de ce mentalisme prétendument scientifique dans la pensée chrétienne non sans avouer qu'il n'est au fond que "mystères" fabuleux des gnoses païennes que:
La doctrine des mystères est à la source de notre civilisation, qu'elle a créé les grandes religions aussi bien aryennes que sémitiques, que le christianisme y conduit le genre humain tout entier par sa réserve ésotérique et que la science moderne y tend positivement par l'ensemble de sa marche, qu'enfin ils doivent s'y rencontrer comme en un port de jonction et trouver là leur synthèse.
IRÉNISME ET RAPPROCHEMENT
Nous poursuivons la révolution synarchique dans les consciences avant tout...
(Pacte synarchique)
Belle leçon pour les catholiques qui se donnant mauvaise conscience veulent à tout prix se mettre dans le vent et répudient une fermeté qui, cependant, n'exclut nullement la charité ni le sens missionnaire! Vont-ils croire que la "Paix sociale des enseignements ", pour parler comme Saint-Yves d'Alveydre, peut s'acheter au prix de leur irénisme tout neuf? Pensent-ils par ce moyen attendrir un vieil et solide ennemi qui ne peut espérer abattre l'Église si c'était possible - qu'avec leur propre conformisme?
Dans ce cas, disons-leur tout de suite qu'ils ont du retard sur le fait de l'irénisme et surtout qu'ils n'ont pas la paternité de la méthode! Tout historien sérieux des Sociétés secrètes ne peut manquer de reconnaître là une pratique VIEILLE AU MOINS DE TROIS SIÈCLES, un procédé systématiquement et habilement mis en œuvre pour PRÉSENTER EN MILIEU CATHOLIQUE LA FERMETÉ ROMAINE COMME UNE DÉFORMATION DU MESSAGE ÉVANGÉLIQUE et l'irénisme doctrinal comme l'expression du vrai christianisme rénové... grâce à elles.
IRÉNOPOLIS
Au milieu du XVIIe siècle, les Frères moraves, les Sociniens sous la conduite des Rose-Croix distribuaient des écrits clandestins en faveur d'un christianisme sans dogme et séparé de Rome. Ces libelles partaient de leurs centres d'Amsterdam et de la Haye, lieux d'édition baptisés pour la circonstance IRÉNOPOLIS. Ils y vantaient, bien entendu, leur religion fraternelle, leur laïcisme chrétien que meurtrissait la tyrannie pontificale. Ruar, l'un de leurs sectateurs se félicitait de ce que des théologiens - déjà! - ne partageaient pas cette fermeté et, de fait, certains catholiques espéraient de ces adeptes une défense commune du Christianisme. Le doux Jésuite Mersenne, perdu dans ses chiffres et ses tangentes, n'était pas loin de partager ce point de vue.
Au XVIlle siècle, habitués des salons, philosophes, encyclopédistes formaient un front commun contre "l'Intolérance", en des termes illustrés par Voltaire avec le sermon du pope lithuanien de sainte Toléranska, et se donnaient comme les apôtres de l'Église de la Sagesse protégeant l'humanité du plus sombre fanatisme.
Le libéralisme catholique a renversé le mouvement, c'est lui au contraire qui a fait les avances d'une attitude d'ailleurs condamnée par les Papes. La secte, alors, par la plume de Saint-Yves d'Alveydre donnait à ces libéraux l'encouragement d'aller plus loin encore:
Ne craignez pas, là où vous le pouvez, d'être l'âme de la liberté morale, de la TOLÉRANCE UNIVERSELLE, dussiez-vous, vous confondant avec les nations, Y PERDRE MOMENTANÉMENT VOTRE CORPS DE DOCTRINE ET DE DISCIPLINE, CETTE FORME QUE VOUS APPELEZ L'ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE; elle ressuscitera plus glorieuse et plus grande, plus religieuse et plus sociale.
(Mission des Souverains - p. 447)
Peu à peu la progression s'est accentuée. Il serait long, sans parler des relations personnelles de Bergson avec le rosicrucianisme résurgent, de relever les interférences doctrinales entre le modernisme et les sociétés ésotériques de cette époque. Le modernisme n'est-il pas d'ailleurs le rendez-vous de toutes les hérésies? (Sur toute cette période et la suite jusqu'à nos jours: Mystère d'Iniquité.)
L'anticléricalisme spectaculaire du commencement du siècle n'a pas donné tous les résultats qu'en attendaient les maçonneries. L'aveu en a été fait plusieurs fois et la méthode synarchique de désagrégation suivie d'intégration a enfin prévalu. Politique de la main tendue à laquelle, du côté catholique, on a songé à répondre par une étreinte charitable! La chose se comprendrait s'il s'agissait de faciliter à certains maçons qui s'interrogent sincèrement (et il y en a) un retour à la foi, à l'Église. Mais croire au désarmement de l'institution maçonnique, quelle duperie! Il serait plaisant de voir en elle une pécheresse repentante. Si ses chefs avérés ou occultes se font agents de pacification parmi ses membres et chez les profanes, il faut voir là un moyen en vue d'une fin toujours la même, mais singulièrement renforcée depuis un demi-siècle. Malgré les divergences politiques qui séparent les obédiences, un certain "virage spiritualiste" se manifeste uniformément, qui a été lancé dans les loges par le martinisme et les maçonneries dites chrétiennes. Au lieu de la lutte ouverte dont l'ère est close (du moins momentanément) la nouvelle tactique soi-disant pacificatrice porte sur la corruption de la doctrine et sur le relâchement de la discipline au moyen de prises de contacts ou de "prises de positions" ouvrant plutôt la porte de sortie que la porte d'entrée de l'Église catholique.
UNE SAINTE ALLIANCE
Or, dès 1922 le mouvement synarchique européen entrait officiellement en scène. En 1928, le P. Gruber, spécialiste des sociétés secrètes, eut à cette époque des conversations à Aix-la-Chapelle avec de hauts maçons d'Autriche et des Etats-Unis. Il conclut avec eux à la nécessité de mettre un terme aux polémiques. C'est que, malgré la part directe prise par les hautes instances maçonniques à la Révolution de 1917, celles-ci tenaient à en limiter l'extension territoriale. Un modus vivendi avec l'Église, puissance morale, était nécessaire. Telle fut l'argumentation à laquelle ie P. Gruber se rendit, sans apercevoir la correspondance de cette trêve avec la manœuvre de désintégration puis de réintégration de l'Église dans l'appareil synarchique.
Le Père Teilhard de Chardin, quand vint son tour, resta semble-t-il étranger aux manœuvres de rapprochement avec les maçonneries mais il s'y employa d'une autre manière dans le domaine mystico-philosophique. C'était un nouveau progrès. Nous ne faisons aucune calomnie ni médisance en disant cela après le jugement de la revue "Le Symbolisme", qui trouvait l'œuvre de Teilhard en bonne direction sur la "Voie royale". Le Père faisait partie du "Centre d'Études des problèmes humains" avec Alexis Carrel, Aldous Huxley, Lecomte du Nouy et Jean Coutrot, fondateur du groupe, chef des synarchistes avant la guerre. Il était également lié avec Maryse Choisy, directrice de la revue "Psyché". En 1964, grâce à lui, le Frère-Maçon Yves Marsaudon du Suprême Conseil de France, pouvait donc avec satisfaction constater les heureuses prémices d'un OECUMÉNISME APPELÉ À MARIER LA CROIX ET LE TRIANGLE:
La connaissance, les philosophies et les métaphysiques se rapprochent. Entre la formule franc-maçonnique du Grand Architecte de l'Univers et le point Omega de eilhard de Chardin, on discerne mal ce qui pourrait empêcher les hommes qui pensent de s'entendre. A l'heure actuelle, TEILHARD DE CHARDIN EST CERTAINEMENT L'AUTEUR LE PLUS LU, A LA FOIS DANS LES LOGES ET DANS LES SÉMINAIRES.
(L'œcuménisme vu par un Franc-Maçon de tradition - p. 60)
Enfin, le P. Riquet vint. Avec lui, ce ne sont plus les Francs-Maçons qui pénètrent les organisations profanes, c'est le Père Jésuite qui entre dans la Loge, maillets battants... les trois points du ternaire, sous les rayons du Delta lumineux. Grande Victoire! Il Y découvre la bonne volonté de la Veuve et l' œcuménisme des cœurs; chez le Frère-Maçon Marius Lepage, à Laval, en compagnie de leur ami Me Alec Mellor, qui s'empresse de faire paraître aussitôt son ouvrage NOS FRÈRES SÉPARÉS, LES FRANCS-MAÇONS, pour nous montrer, avec le nihil obstat de son collaborateur et critique le P. Bonnichon, et l'Imprimatur de l'Archevêché de Paris, les saintes perspectives d'une maçonnerie bleue sans secret et sur la voie de la perfection chrétienne par la pratique du symbolisme (voir Mystère d'Iniquité).
Nous attendons qu'on mette en pool la Grande Loge, le Grand Orient et la Sainte Eglise romaine pour commencer à combler le vœu de Saint-Yves d'Alveydre.