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dimanche, novembre 02, 2008

DOCUMENT V
2

La dialectique marxiste appliquée en Chine communiste



«Les Communistes se considèrent seulement comme
les accoucheurs d'une société déjà grosse de ce qu'ils attendent...»
(1re Partie, Chap. 1.)

Pour marxiser le peuple chinois, les gouvernements ont mis en œuvre toutes les ressources de la «dialectique». Dès la victoire de la Révolution, le génie de MaoTse-toung a poussé cette «dialectique» à un point de perfection, peut-être jamais atteint jusqu'à ce jour.

La puissance économique et militaire chinoise croit à pas de géant. À part l'héroïque résistance de 3 ou 4 millions de Chinois catholiques (qui pourraient bien être le David de ce Goliath) et quelques infimes révoltes de paysans, il n'y a pas d'opposition apparente. La «marxisation» est-elle en bonne voie d'être atteinte? Il est trop tôt pour le dire. Ce qui semble certain, c'est que le gouvernement communiste a la situation bien en mains, et cela grâce à une application rigoureuse et sans faiblesse de la «dialectique».



Donnons un bref aperçu de ce «terrain » chinois, préparé par une longue histoire. Ce schéma n'est là que pour montrer les points d'insertion de la dialectique marxiste dans la pensée et la tradition chinoises. Quelques exemples illustreront, ensuite, cette mise en action des méthodes marxistes.


LE «TERRAIN» CHINOIS

Ce pays, où tout est immensité: la population (20 % de la population mondiale), l'espace, l'amplitude des calamités naturelles, le temps (la 1re dynastie, remonterait à 1989 avant Jésus-Christ), a une histoire marquée surtout d'instabilité. Instabilité de l'unité entre Nord et Sud; instabilité du pouvoir: 20 dynasties se succèdent en 21 siècles. Sauf de rares exceptions, les empereurs sont faibles et vils. Instabilité sociale résultant des alternances d'anarchie et de tyrannie, des inclémences de la nature, de la centralisation bureaucratique, des jacqueries successives. De là ces «contradictions internes» qu'on retrouve tout au long de l'histoire chinoise.


Contradictions, aussi, dans la pensée. Toutes les choses, selon R. Grousset (1), sont réparties entre deux principes opposés: le principe «gin»: ombre, froid, humidité, genre féminin; et le principe «gang»: chaleur, expansion, genre masculin. « A ces deux principes se « superpose le « tao », loi même de leur solidarité... et «de leur enchaînement sans fin:» (2). Ce «tas» n'est-il pas une force, un «élan vital», plutôt qu'un être?


La pensée chinoise taoïste n'a jamais atteint à la notion d'être, mais seulement à la «prise de conscience» du «mouvement» sensible à notre perception immédiate. Elle était donc, dans sa nature, foncièrement anti-métaphysique, et par là, très perméable à la dialectique marxiste.

La morale de Confucius (VIe siècle avant Jésus-Christ) est sociale, naturaliste et pragmatique. Elle ne rend aucun culte à Dieu mais aux ancêtres, fondements de la vie sociale. On vit même, avec les théories de l'époque Song (XIe au XlIe s.), une préfiguration de l'évolutionnisme et du matérialisme modernes. Notamment lorsque Tchou-Hi estime «qu'il n'y a pas, dans l'azur, de «Souverain du «ciel»: la loi dirigeant, la matière évolue...» (2)





Après Tchou-Hi, et jusqu'à Mao-Tse-toung, la pensée chinoise entre dans une dangereuse léthargie, dont seul le christianisme aurait pu la tirer.


La conquête de la Chine du Nord par Gengis-Khan, sonne le glas de la puissance chinoise.

L'Occident rattrapant son retard sur la Chine, commence à y pénétrer, mais le christianisme ne parvient pas à s'y implanter.

Au XIXe siècle c'est la curée. Le grand corps sans âme ne se défend plus et ne peut se réformer. Ses seules réactions sont celles des pirates égorgeurs et des persécuteurs de chrétiens (pavillons noirs, Boxers ...)


Au XXe siècle, la réaction nationaliste vient des «intellectuels de gauche».

La renaissance d'un patriotisme qui ressentait douloureusement le contraste entre les gloires passées et le régime «semi-ocolonial» où était tombée la Chine, plongèrent le malheureux pays dans un chaos d'un demi-siècle... dont le grand bénéficiaire allait être le Communisme international.

Tel est le terrain sur lequel opère le Marxisme. Utilisant partout et avant tout le sentiment national, il va s'efforcer d'introduire, dans tout ce qui peut lui résister, le « ferment dialectique», pour le détruire, ou au moins le neutraliser et, si possible, l'utiliser à ses propres fins.


LA RÉFORME AGRAIRE

À première vue, les buts de la «réforme agraire» en Chine apparaissent extrêmement complexes.


En Chine, la grande propriété était rare dans la plupart des provinces. D'après les journaux communistes eux-mêmes, propriétaires et paysans riches formaient 20 % de la population rurale et n'occupaient que 40 % des terres arables (3). Or, les «propriétaires terriens» et «paysans riches», tels que les définit la «réforme agraire», ne possédaient, pour la plupart, que quelques hectares de terrain à peine!

«La réforme agraire est une lutte systématique et farouche contre la féodalité... elle est l'occasion d'organiser politiquement les masses paysannes... Son but n'est pas de donner des terres aux paysans pauvres ni de soulager leur misère; cela, c'est un idéal de philanthropes, non de marxistes... Le vrai but de la réforme agraire, c'est la libération des forces agricoles du pays: «hommes, terre, matériel...» écrivait le secrétaire général du P.C. chinois. Liou-Chao-tchi, dans un rapport du 14 juin 1950.

Par «féodalité», il faut entendre toutes les structures sociales préexistantes à l'arrivée au pouvoir des communistes. La redistribution des terres est l'occasion pour l'État de se tailler la part du lion et de fonder des kolkhoses, tandis qu'il paralyse le commerce libre par des coopératives de consommation et une fiscalité écrasante. Il provoque ainsi l'exode des ruraux vers les villes. L'industrialisation visée par le gouvernement est, ainsi, favorisée.

Mais ces buts techniques ne sont pas vraiment «l'âme» de la «réforme agraire». Son but essentiel, c'est, selon Liou-Chao-tchi, «d'organiser politiquement les masses paysannes...» - entendez par là: convertir au marxisme une proportion aussi forte que possible de ces masses paysannes - ou au moins les neutraliser, et dégager de la masse des cadres totalement dévoués au parti. Et c'est ici qu'apparaît dans sa cruauté - et son efficacité pour briser les résistances - la méthode «dialectique».


Pour le matérialisme dialectique, la CONTRADICTION est le grand moteur de toutes choses. Dans l'ordre des relations humaines, la contradiction, le «ferment dialectique», c'est la lutte.

On procède donc à de minutieuses enquêtes, pour ressusciter les procès, faire sortir les vieilles haines, les jalousies, les rancunes. On ressort des histoires de prêts entre voisins: «un tel doit rendre aujourd'hui deux œufs qui lui furent «prêtés» voici trente ans. Mais l'immobilisation de deux œufs durant trente ans a causé du dommage au prêteur, car, s'il les avait gardés et fait 4couver, ces œufs auraient produit des poules, qui auraient dans leur vie pondu tant d'œufs... etc.» (4). Deux œufs se transforment en une fortune: Perrette n'en espérait pas tant!... Voici la haine entre deux familles, pour deux œufs oubliés depuis longtemps.

Le «ferment dialectique» majeur, c'est la lutte des classes... Il n'existait pour ainsi dire, pas de classes sociales, dans les villages de Chine, avant la «Libération». Le nouveau régime les a créées de toutes pièces, afin d'instaurer leur lutte dans les campagnes. Cinq classes rurales furent définies: propriétaires fonciers - paysans riches - paysans moyens - paysans modestes - paysans pauvres.


C'est ici que la «dialectique» montre ses ressources. Dans un grand nombre de localités, le classement par revenus, tel qu'il avait été défini primitivement, ne laissait dans les classes supérieures qu'une infime proportion de la population: qu'à cela ne tienne! les revenus de base de chaque classe furent abaissés, jusqu'à ce qu'une forte minorité de la population fut cataloguée dans les «classes riches»: désormais, la «lutte des classes» serait suffisamment étoffée pour porter ses fruits! L'abcès, soigneusement mûri, pouvait éclater, la moitié de la population rurale, lourde de haine (artificielle mais non moins violente pour cela!) était jetée contre les nouveaux parias. Inutile de s'étendre sur les détails atroces de ces procès populaires qui reçurent le nom significatif de «lutte», et des exécutions qui les suivaient. Les Pères des Missions Étrangères, et bien d'autres témoins, ont décrit ces horreurs (5).

Elle a fait d'un grand nombre de paysans chinois des exécutants, ou au moins des complices du crime, elle les a compromis devant leur propre conscience. Compromission plus difficilement surmontable qu'aucune autre, choc entre des passions exaspérées et le remords, «contradiction interne« de l'âme individuelle, ainsi livrée sans défense à l'empire du matérialisme dialectique.


LA «DIALECTIQUE» CONTRE LA FAMILLE

La Révolution marxiste s'acharne contre cette institution, au nom de sa volonté totalitaire, quand la famille constitue une résistance naturelle à son expansion.

En Chine, cette institution était la seule qui eût traversé sans encombres quarante siècles d'une histoire particulièrement mouvementée. La famille était la grande force de la Chine, celle qui promettait, en tout cas, de donner le plus de fil à retordre aux communistes.

Dans l'ancienne Chine, l'autorité du chef de famille sur les siens était absolue, pouvant aller parfois jusqu'au droit de vie ou de mort. Mais une loi du Ruo-Min-Tang, jointe aux campagnes libérales, avait déjà affaibli la famille chinoise.

Pour la détruire, la «dialectique» marxiste a usé de trois moyens bien distincts mais complémentaires: la «loi sur le mariage»; la dispersion des familles; et, surtout, la délation à l'intérieur des familles.


La loi du ler mai 1950 proclame que «les conjoints» doivent s'unir harmonieusement pour travailler à la production, lutter ensemble pour la construction de la société nouvelle» (6), ce qui déjà tend à détourner le mariage de ses fins naturelles. Le divorce tient une telle place dans la nouvelle loi - et dans la pratique - que le peuple de Chine a appelé la loi communiste sur le mariage «la loi sur le divorce» (7). Localement, on oblige maris et femmes à se séparer (quel terrain «dialectique», que les «contradictions internes» inévitables dans un ménage!). Toute infraction au texte de la loi, mais aussi toute résistance aux injonctions despotiques du moindre tyranneau de village, se traduit par un «procès populaire», avec ses sanglantes séquelles: exécutions, travaux forcés, meurtres, suicides.

Tout a été mis en œuvre pour éloigner les époux les uns des autres et les enfants de leurs parents. On s'efforce de développer le travail des femmes hors du foyer (jusqu'alors quasi-inexistant, et que l'État justifie par des arguments économiques), cela malgré l'opposition des femmes chinoises, y compris certaines dirigeantes communistes. On s'efforce de contraindre le jeune soldat éloigné de son épouse à divorcer. On envoie systématiquement le père de famille dans une entreprise éloignée, pour le séparer des siens, rompre le ménage, disperser les enfants sans père et les confier à l'État.

Mais l'essentiel, dans cette lutte, c'est la délation qui jette les uns contre les autres les membres d'une même famille, et surtout les enfants contre leurs parents. Pour les marxistes, le but policier est secondaire: l'important, c'est d'introduire dans la famille «la contradiction interne» la plus inhumaine, la plus atroce qui se puisse imaginer et, en même temps, la plus efficace. Pour en arriver là, les communistes ont utilisé deux moyens: la terreur et «l'envoûtement».

Répétez à longueur de journée - en particulier à l'école - à un enfant de 10, 15 ou 18 ans que, s'il ne dénonce pas les «crimes contre le peuple» de son père, « propriétaire foncier, mauvais payeur d'impôts, contre-révolutionnaire»... il est complice, donc coupable, et sera puni, le malheureux finira par céder: en sanglotant, il dénoncera son père. Seul le premier pas coûte: ici encore - comme pour les tortionnaires de «paysans riches» de la réforme agraire, la conscience d'avoir participé au crime est l'un des plus sûrs moyens de «conversion». Désormais, cet enfant sera, à son tour, un parfait instrument de terreur, pour contraindre ses camarades à dénoncer leurs parents.


Quant à «l'envoûtement», c'est une application directe de la technique de dynamique des groupes ou cybernétique. Celle-ci aboutit au déchaînement des instincts les plus primitifs, sinon les plus barbares (8). C'est dans ce sens que l'ont orientée les marxistes, surtout en Chine. L'affiche lancinante, partout retrouvée, le théâtre et surtout le film, ont largement contribué à l'envoûtement. Mais surtout les procès populaires et les accusations publiques.

Sur l'estrade se tiennent les accusés. En bas de cette tribune, des milliers de poings et de doigts se sont tendus comme des poignards, contre l'ennemi. Les accusés, «au visage et au corps de tyrans», ne dressent plus la tête, mais sont agenouillés... Puis jeunes et vieux, hommes et femmes montent sur cette plate-forme et accusent. Moment profondément émouvant. Du pied de cette tribune des voix s'élèvent: «Frappez-les!». «Alors, moi aussi, écrit le romancier Lao She « sans réfléchir et spontanément, j'ai crié: «Frappez-les! Pourquoi ne les frappez-vous pas?» ... Ce cri a fait de moi un autre homme». Et voici, quelques lignes plus loin, la conclusion parfaitement «dialectique»: «Maintenant, les relations de père à fils ne peuvent plus voiler la vérité». Faut-il s'étonner, après de telles déclarations d'un homme d'âge mûr et de haute culture, si l'on entend tel jeune militant communiste proclamer: «Celui qui n'a pas le courage d'abattre son père à bout portant, parce qu'il est un gros propriétaire, n'est pas digne d'être communiste» (9)... et tel autre se vanter ainsi: «C'est que j'ai des mérites, j'ai dénoncé mon père et je l'ai fait fusiller comme réactionnaire» (9)?

Contemplons, dans cet adolescent haineux, tendant un doigt vengeur vers celui qui a protégé son enfance, le visage du marxisme acharné à détruire la famille quand elle constitue une barrière à son déferlement. Ce qui ne veut pas dire que la «dialectique» ne saura pas utiliser à son profit les valeurs familiales, quand elles la serviront, comme on le vit en U.R.S.S., avant et pendant la dernière guerre.


LA LUTTE CONTRE L'ÉGLISE CATHOLIQUE


Lutte du pot de fer contre le pot de terre, semble-t-il. D'un côté la puissance formidable d'un État qui a réussi à subjuguer une nation de plus de 600 millions d'hommes; qui dispose d'une police et d'une armée de plusieurs millions, qui a pénétré partout, et dont les agents secrets, voient tout, entendent tout. De l'autre, trois ou quatre millions de chrétiens, dont les évêques et les prêtres disparaissent ou sont neutralisés les uns après les autres, dont tous les biens, y compris la quasi-totalité des églises, ont été confisqués, sans liens visibles avec le reste de la catholicité et surtout avec Rome, vivant sous la terreur... La partie ne semble pas égale, et le monde n'attache guère d'importance au combat de ces pauvres hères sans armées ni dollars! C'est pourtant le seul qui veuille sauver les hommes du marxisme. «Notre démocratie populaire a deux grands ennemis: au point de vue matériel, l'Amérique; au point de vue spirituel, le Pape et l'Église catholique. Nous devons craindre cette dernière force beaucoup plus que la première» (10). Cette déclaration situe le combat sur son véritable terrain. L'expérience chinoise montre bien, d'ailleurs, que les «pauvres hères» sont les seuls à offrir aux marxistes une résistance contre laquelle ils se brisent.

Et pourtant, l'assaut est puissant!

N'insistons pas sur les persécutions ouvertes contre les catholiques de Chine. Elles sont connues. Mais le gouvernement de Mao-Tse-toung sait bien que ce n'est pas par ces moyens qu'il arrivera à bout de la résistance catholique. Conformément à la «dialectique» c'est de l'intérieur qu'il veut détruire l'Église, par le jeu des «contradictions internes», en confiant aux catholiques eux-mêmes le soin de la détruire. «Il faut, écrit le R. P. Dufay, des Missions Étrangères de Paris, dans «l'Étoile contre la Croix» (11): «créer la contradiction, la lutte en son sein... diviser l'Église en fractions particulières (Églises nationales), opposer chacune de leurs «classes» les unes aux autres (lutte contre la Hiérarchie, «soviétisation» des diocèses) et transformer les croyances (rééducation idéologique dans le sens marxiste: cercles d'étude)».


En Chine, le «ferment dialectique», c'est le nationalisme. Nous avons brièvement évoqué, au début de cette étude, le renouveau patriotique, depuis un demi-siècle, en réaction contre la condition semi-coloniale. Les marxistes ont joué sur le sentiment national qui, en soi, pouvait être légitime et former la base d'un renouveau fécond; et cela tout particulièrement avec les catholiques, dont ils savaient bien que leur religion leur fait un devoir absolu d'un juste patriotisme. Le problème consistait à faire sortir la «contradiction interne» d'une opposition artificielle entre patriotisme et religion. La dextérité marxiste à créer la confusion, en employant les mots dans un sens différent de celui que leur donnent ses interlocuteurs, ne pouvait trouver là aucune difficulté. «Patriotisme»? Pour régénérer la Patrie, les Chinois doivent tendre vers ce but toutes leurs énergies, sans admettre aucune ingérence étrangère (prétend-on) et se soumettre corps et âme à l'État, instrument directeur de cette régénération.


«Catholicisme»? Obéir au Pape en toute matière doctrinale (l'État saura définir, le cas échéant, ce qu'il faut entendre par là), mais refuser toute ingérence des «congrégations romaines» dans les affaires «pratiques» de l'Église de Chine.
«Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu»?
Bien sûr! Mais César définissant ce qui lui revient - et c'est tout sans exception. Il veut annexer toutes choses, et l'homme en particulier: esprit, volonté, sentiments, corps, activités... (12) - il ne reste rien pour Dieu.»

De là est sorti, en Chine, le mouvement des «Trois autonomies»: les catholiques chinois sont capables, dans la pratique, de se conduire seuls; ils doivent donc, à l'égard de l'Église, revendiquer l'autonomie de gouvernement: («Rupture radicale de l'Église chinoise avec la hiérarchie catholique mondiale, et surtout avec le Vatican... taxés «d'impérialisme» (13) - l'autonomie financière (l'Église de Chine, spoliée de tous ses biens, ne doit recevoir aucune aide financière extérieure... C'est «la mort par asphyxie», dit le R.P. Dufay - l'autonomie apostolique «en rejetant la théologie occidentale ... Il nous faut rejeter tout cela pour puiser nous-mêmes dans le message du Christ une doctrine, une théologie conforme à nos pensées, à nos aspirations, à notre génie national...» (14). Par cette «autonomie apostolique», qui ne tend à rien d'autre qu'à placer sous le contrôle et l'inspiration communiste l'apostolat catholique, «l'Église est transformée en véhicule de l'idéologie marxiste et en instrument tactique révolutionnaire» (15).

Tel est l'aspect extérieur des mesures prises à l'égard des catholiques.


Ces mesures, de même que l'expulsion des Missionnaires et de l'Internonce apostolique - «Riberi, citoyen de Monaco et agent de l'impérialisme»! - gênent considérablement l'Église chinoise dans l'exercice de sa mission apostolique... Mais, cette fois encore, cet aspect reste secondaire: l'essentiel est dans l'ouvrage «dialectique» de désagrégation. Malgré les mesures prises très concrètement contre elle, les communistes voudraient qu'il reste une apparence d'Église. Leur travail est un travail de termites: la charpente est rongée intérieurement, sans que rien en paraisse changé à l'extérieur, jusqu'au jour où tout s'effondre. Quand le marxisme «n'a plus à pétrir qu'un magma anarchique d'individus inorganisés, il peut édifier les cadres de la société marxiste «aux lieu et place des anciennes structures» (16).

Désagrégation de l'Église chinoise en tant que société: les catholiques chinois, au début, ont failli, quelques «progressistes» aidant, s'y laisser prendre; il a fallu le sacrifice de prêtres héroïques: le jeune abbé Jean Tong Chetse, à Tchoung-King, le Père Beda Tsang, à l'Université «Aurore», Monseigneur Kiung, à Chang-Haï... et bien d'autres, que les catholiques ne doivent pas ignorer, pour leur faire reprendre pied. Désagrégation par l'opposition entre des prêtres sans faiblesse et les fidèles que tentaient d'entraîner des «comités paroissiaux» progressistes nommés par le gouvernement (et parmi lesquels se trouvaient des protestants, des bouddhistes!).


Désagrégation par les manifestations du «Mouvement patriotique» où l'Église catholique, sur ordre du gouvernement, est officiellement représentée, bannières et banderoles déployées, avec des slogans réclamant les «Trois autonomies» ou l'expulsion de Monseigneur Riberi! On essaie de compromettre «l'Église» aux yeux des fidèles...

Encore plus satanique est la désagrégation interne des âmes, par le «lavage de cerveau». Tout ce que nous venons de dire de la désagrégation sociale de l'Église chinoise y a contribué; mais plus encore les «cercles d'étude» obligatoires: «On étudie (donc) l'impérialisme sous ses formes différentes... Deux ou trois fois par semaine, parfois tous les jours quand la question traitée revêt une particulière importance, les chrétiens étudient... sous la présidence, si possible, d'un ecclésiastique progressiste et sous la direction effective des délégués du gouvernement local... L'impérialisme aurait pu se servir aussi de la religion dans un but inavouable... On insinue, bientôt on suggère ouvertement, puis on affirme, enfin on accuse... On dose le poison dans la proportion que les assistants peuvent ingérer sans mettre en branle les automatismes de défense... Autrement dit on brouille insensiblement toutes les idées, tous les plans, tous les faits. Le chrétien moyen perd pied... »(17) On brouille tout! jusqu'à ce que la malheureuse victime n'y comprenne plus rien, dans son pauvre cerveau qui n'est plus qu'un puzzle dont on a mélangé toutes les pièces: alors, avec les mêmes pièces, on reforme le puzzle totalement différent, à l'envers de ce qu'il était...

Une telle propagande aboutit à un véritable schisme que S.S. Jean XXIII dénonça lors du Consistoire Secret du 15 décembre 1958:

«
Il se trouva, hélas, des prêtres qui, craignant plus les injonctions des hommes que les sacrés jugements de Dieu, cédèrent aux ordres des persécuteurs et en arrivèrent même à accepter une consécration épiscopale sacrilège, d'où ne peut découler aucune juridiction, puisqu'elle fut accomplie sans «mandat apostolique». Usurpant ainsi, sans aucun droit, l'autorité sur le bercail du Christ, ils jetèrent le trouble, l'agitation et le scandale parmi les brebis...

Tous les moyens sont employés, toutes les tentatives perpétrées, Nous le savons, pour éloigner les fidèles du droit chemin et de l'unité de l'Église catholique
(18).»




Telle est la perversion encore jamais atteinte, semble-t-il, de la dialectique marxiste.

Que faire devant un tel déchaînement satanique?

Prier pour nos frères de «l'Église du Silence», prier spécialement la Vierge Marie et saint Michel que les marxistes ont en horreur. Prier aussi pour que Dieu nous épargne semblable fléau.


LES «COMMUNES» CHINOISES CONTRE LA FAMILLE

Un article de M. Robert Guillain dans «Le Monde» (19) décrit, d'après les journaux chinois, «La Révolution des Communes en Chine». Elle a pour effet de détruire la vie familiale afin d'augmenter la production et de faciliter la propagande politique.

Il s'agit en particulier de l'installation des réfectoires communaux, qui suppriment cet élément essentiel de la vie humaine qu'est le repas de famille.


Les journaux et la propagande vantent les nombreux avantages du système. On constate de sérieuses économies de céréales car le gaspillage inévitable de la vie familiale disparaît grâce à un contrôle plus serré. On économise de même le combustible... Les cadres du parti... ont les gens sous la main: ils les trouvent réunis pour leur faire des annonces, des séances d'éducation politique pendant ou après le repas.

Mais les deux avantages du système des réfectoires... c'est d'une part qu'il permet de gagner de nombreuses heures de travail pour l'ensemble de la commune... et c'est ensuite qu'il «libère les femmes pour la production». Autrefois les femmes qui travaillaient devaient également faire la cuisine pour leur ménage... Maintenant, expose un reporter chinois, elles peuvent travailler de plus longues heures «au lieu de six ou sept qu'elles faisaient » quand elles étaient retenues au foyer.

Les enfants, c'est encore la commune qui s'en occupe, dans les écoles ou dans les crèches qu'elle crée par priorité, en même temps qu'elle ouvre des réfectoires.


Liou-Chao-tchi, dans sa tournée du Honan, vantait récemment la
supériorité des crèches «à temps entier», c'est-à-dire celles qui prennent les enfants complètement en pension, alors que les anciennes crèches les rendaient chaque soir à leur mère.

Le «
Journal du Peuple» écrit que les enfants vivant à la crèche «ne pensent pas à la maison» ou «encore qu'ils considèrent la crèche comme leur maison...


On n'est plus très loin de dire que les enfants sont «eux-mêmes communaux.»

Grâce au réfectoire et à la crèche, voilà donc les femmes «libérées» des attaches familiales et libérées «pour la production».



Les statistiques les plus impressionnantes sont celles qui sont données dans le cadre du grand mouvement pour le doublement de la production d'acier. Les paysannes libérées se portent avec enthousiasme, nous dit-on, vers la production métallurgique campagnarde. Une région du Honan compte 150 000 paysannes qui font du fer et de l'acier dans les fabriques locales. Une autre a confié aux femmes 68 petites usines faisant de l'acier, 94 qui font du fer, et 18 équipes minières ...

Radio-Pékin ajoute que les femmes travaillent avec une égale ardeur dans les mines, les cokeries, les transports, la collecte de la ferraille.

Ceux qui connaissent les durs métiers des fonderies sidérurgiques ou l'épuisant labeur de la mine peuvent apprécier le bonheur des femmes chinoises que la communisation de la nourriture et des enfants a «libérées pour la production». La Révolution libérale avait, déjà en Europe au XIXe siècle, arraché les femmes à leur foyer et les avait «libérées pour la production» dans les usines ou les mines, le souvenir en suscite encore une juste indignation. Son héritière et son émule, la Révolution marxiste la suit dans la même voie en prétendant y ajouter «l'enthousiasme» de ses victimes.


La création des réfectoires a contribué à tuer dans les villages les
derniers vestiges de la propriété privée. Les paysans avaient encore dans les kolkhoses un bout de potager. Cela n'a plus de raison d'être depuis que le paysan a des tickets de légumes qu'il présente à la popote collective. La commune lui prend de même son porc ou ses poulets et jusqu'aux arbres qui donnent de l'ombrage à sa maison.» (20)

À la maison familiale, d'ailleurs, la commune substitue «des maisons collectives de taille beaucoup plus grande où logent de nombreuses familles.»

«Libéré» de ses aliments personnels, de ses enfants, de sa maison, le paysan chinois devient un prolétaire total, dont le salaire est calculé d'après le travail et «l'attitude», c'est-à-dire l'attitude politique. Les mauvais éléments sont punis par des retenues de salaires ou diverses sanctions.


Tandis que les kolkhoses, au moment de régler les comptes,
s'adressaient aux chefs de famille et leur comptaient ce qui était dû au groupe familial, les communes ne connaissent plus que l'individu et paient directement chacun, même les enfants mineurs. Mao Tsé-toung soulignait lui-même récemment, au cours d'une tournée provinciale, l'importance du changement qui abolit, dit-il, tout vestige patriarcal et féodal.

Il serait plus exact de dire: tout vestige de civilisation, tout vestige de cet ordre humain dans le Plan Divin, tout vestige de la société ordonnée autour de la famille, en raison de cette cellule familiale de tellement grande importance que Dieu l'a choisie pour nourrir et abriter son Fils.

Combien grave et instructif est le parallèle:

  • d'un côté Jésus, Marie et Joseph unis, attachés par les liens de la Sainte Famille, pour préparer le Salut des hommes;
  • et de l'autre, l'homme, la femme, l'enfant, disjoints les uns des autres, dégagés des liens du foyer, libérés par la Révolution pour la «production».

Et il y a des gens qui refusent de comprendre en quoi le communisme est


«intrinsèquement pervers»!

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Notes:


(1) Histoire de la Chine, p. 13.

(2) Ibidem, p. 33.

(3) J. Monsterleet. L'Empire de Mao-Tsé-toung, p. 21.

(4) Bulletin des Missions Etrangères de Paris, mai 1952, cité par J. Monsterleet, op. cit. p. 32.


(5) Voir en particulier, L'Empire de Mao-Tsé-foung de J. MODsterleet.

(6) Cité par J. Monsterleet, Op. cit., p. 145.


(7) J. Monsterleet, Op. cit., p. 145.

(8) «Les communistes sont passés maîtres dans l'orchestration de la sensibilité populaire», écrit J. Monsterleet, Op. cit., p. 166.

(9) Cité par J. Monsterleet, Op. cit. p. 189.


(10) L'Étoile contre la Croix, p. 59. Casterman, édit. Paris.

(11) P. 69. L'Étoile contre la Croix est un ouvrage de base, au sujet de l'action «dialectique» du Marxisme en Chine. Les catholiques devraient l'avoir lu et médité.

(12) L'Étoile contre la Croix, p. 58.

(13) Ibidem, p. 193.

(14) Ibidem, p. 194.

(15) Ibidem, p. 195.

(16) L'Étoile contre la Croix, p. 129.

(17) Ibidem, p. 107.

(18) La Documentation Catholique, 4 janvier 1959, col. 3.

(19) 21 novembre 1968.

(20) On ne peut trouver meilleur exemple de «désaliénation» (cf. 2e partie, ch. II).




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