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Sectes et financiers dans les progrès du marxisme
Si l'on en croit Benoît Malon:
Pas plus qu'elle n'a de maître, l'Internationale n'a de fondateurs; elle est sortie vivante, pleine d'avenir, des nécessités sociales de notre époque et des douleurs croissantes de la classe ouvrière.
Mais l'histoire apporte un démenti à cet écrivain socialiste. Sans parler de la continuelle référence des chefs marxistes à leurs «grands maîtres»: Marx, Engels, Lénine, l'action de ces précurseurs n'est pas une invention d'esprits avides à rechercher les «dessous de l'histoire». Que les honnêtes citoyens aient pu, un instant, être abusés par le ton idyllique des rencontres d'où sortit la 1re Internationale, cela n'a rien d'étonnant. Mais il serait inexact de conclure à l'absence d'un dessein bien établi et volontairement poursuivi.
Beaucoup de travailleurs crurent, au début, au caractère philanthropique complaisamment affiché par l'Internationale.
Les uns avaient un désir sincère d'union avec leurs camarades des autres pays.
D'autres croyaient l'heure propice à ces réunions puisque l'Empereur des Français semblait les favoriser, et avec lui une partie de la bourgeoisie française.
Par ailleurs, Flora Tristan avait ouvert la voie, dès 1843, dans un sens très proche du marxisme, puisque l'idée d'une lutte des classes et celle d'une classe ouvrière unifiée, constituaient la base idéologique de son «Union ouvrière».
De telles circonstances favorisèrent la naissance de la 1re Internationale. Mais elles ne suffisent pas à l'expliquer. Encore moins expliquent-elles son rapide succès et son immédiate expansion.
Il faut savoir par qui et comment furent organisées les rencontres ouvrières de Londres en 1862 et 1864; comment Karl Marx avait préparé le terrain.
I. - LES MARXISTES DE FRANCE, L'EXPOSITION DE LONDRES ET LA PREMIÈRE INTERNATIONALE.
Dès 1860 on lit dans «Le Temps» et «Le Progrès» qu'un comité s'est formé pour faire participer des ouvriers à l'Exposition Industrielle qui doit se tenir à Londres en 1862.
Le Prince Napoléon s'occupe lui-même de former la commission ouvrière chargée d'élire les délégués. Les journaux ne voient que l'aspect économique du voyage: renseigner les ouvriers sur les machines modernes, permettre des rencontres avec les ouvriers étrangers et, par là, renforcer l'amitié des peuples. La commission ouvrière, de son côté, voit surtout «la réputation industrielle et artistique du nom français (1)».
Cependant l'enthousiasme aux élections professionnelles pour la désignation des délégués fut si grand que le Préfet de Police fit un instant fermer les sections et ne les ouvrit que sur ordre supérieur.
J'aimerais mieux, aurait-il dit, abolir la loi contre les associations que de voir effectuer ce voyage.
Les craintes de ce haut fonctionnaire n'étaient pas vaines. Apparemment il semblait que les promoteurs ouvriers du projet de représentation eussent correspondu au désir de l'Empereur et d'une partie de la bourgeoisie qui souhaitaient une amélioration du sort des travailleurs. En réalité, les auteurs du projet ouvrier, qu'allaient reprendre Arlès Dufour et les grands journaux, étaient Tolain, ciseleur (qui devait finir sénateur de la IIIe République) et Varlin, relieur, plus tard délégué aux finances de la Commune et fusillé à Montmartre. Tous deux appartenaient à des professions qui étaient loin d'avoir souffert du libéralisme économique. Derrière eux, ceux qui les avaient recrutés et les inspiraient avaient noms: Lévy-Lazare, opticien, et Fribourg. Ce dernier était l'un des correspondants habituels de Marx.
La mystification continua. ArIès Dufour obtint l'appui de Napoléon III... et la délégation partit aux frais de l'Empire et des grands industriels français!
Elle était entièrement composée de marxistes et son premier soin, arrivée à Londres, fut d'aller saluer le «maître» allemand.
L'assemblée des ouvriers se tint à la Taverne des Francs-maçons. C'était la réunion d'une de ces «Communes», ou groupements socialistes, que Marx avait fondées dans les divers pays d'Europe. Le ton des discours fut modéré pour ne pas donner l'alarme. L'idée qui s'en dégageait fut la nécessité pour tous les ouvriers de se grouper et d'entretenir des rapports entre eux. Sur la demande des Français, des Comités permanents furent établis «pour l'échange de correspondance sur les questions d'industrie internationale».
L'Internationale des Travailleurs était née.
Au retour de la délégation française, il ne fut plus question des bienfaits du machinisme ou de l'industrie nationale!
Tolain se présenta bientôt à une élection du Corps Législatif. Il n'obtint que 380 voix mais, au milieu d'un programme volontairement modeste, il posait électoralement la demande d'abrogation des articles 414, 415 et 416 du Code Pénal interdisant les grèves (2). C'était la méthode même que lui avait suggérée Napoléon III. Émile Ollivier reprit la proposition et par 222 voix contre 36 le Corps Législatif abrogea les articles.
Ainsi le terrain était-il préparé pour les conflits sociaux et l'instauration d'un climat révolutionnaire. Peu importait l'amélioration du sort des ouvriers. L'essentiel n'était-il pas que la lutte fût possible? Mais on ne comprendrait guère la rapide victoire de Tolain; et les complaisances de la bourgeoisie, voire de l'Empereur, sembleraient bien étranges si l'on ne savait comment l'affaire avait été montée et par qui elle était tenue.
Le célèbre Meeting de St Martin's Hall en 1864, avec l'intervention triomphale de Marx et les déclarations violentes contre le Capitalisme et les gouvernements bourgeois, purent surprendre les aveugles. On put s'étonner de voir en 1869 le nombre des adhérents français à l'Internationale s'élever à 433 785. On put s'affoler de voir - déjà - des cercles locaux former les ouvriers à la révolution marxiste.
Ce n'était que l'éclosion d'un long travail d'organisation auquel la Franc-Maçonnerie, le Carbonarisme et certains groupes de banquiers avaient prêté un appui constant.
II. - KARL MARX
À l'époque où Marx entra dans la vie politique, des sociétés secrètes existaient déjà en Allemagne professant les thèses socialistes utopiques; entre autres: la «Fédération des Bannis» et la «Fédération des Justes».
Elles devaient aboutir à la Fédération Communiste de 1847 qui, après un congrès tenu à Londres, publia le fameux «Manifeste du Parti Communiste» rédigé par Marx et Engels.
Descendant d'une lignée de rabbins et né à Trêves le 5 mai 1814, Marx étudia à Bonn, apprit la philosophie à Berlin avec Hegel comme maître, fut reçu docteur à 23 ans et, l'année suivante, obtint une chaire de philosophie à l'Université de Bonn. Il avait adhéré à 22 ans à «l'Union des Juifs pour la Civilisation et la Science». Cette association, fondée en 1819 par Ganz, Zunz, Moïse Moser et d'autres rabbins, se proposait de faire pénétrer dans la civilisation issue du Christianisme des idées spécifiquement juives qui la dissoudraient peu à peu. Sa grande thèse était celle d'un messianisme collectif et économique (3).
Un des adeptes les plus enthousiastes était le poète Henri Heine. Converti au protestantisme pour obtenir - en vain - une chaire de Droit, il était, en réalité, un ennemi du Christianisme. Il écrivait à Maurice Embden:
Je suis comme vous un indifférent en religion et mon attachement au Judaïsme provient de ma profonde antipathie pour le Christianisme.
Ses écrits antichrétiens le rendirent suspect. Il dut se réfugier en France en 1831. Il adhéra immédiatement à l'école socialiste de Saint-Simon et accueillit à Paris tous les révolution aires étrangers qui accouraient sous le régime de Juillet. Il aimait à dire d'eux: «Je caresse mes fauves». Parmi ces «fauves», «l'Union des Juifs» lui en adressa un en qui il reconnut aussitôt un révolutionnaire exceptionnel: Karl Marx.
Celui-ci avait déjà commencé à développer ses théories dans la «Gazette Rhénane» de Hanseman et Kamphansen. Il en était devenu directeur en 1840. Mais ses théories heurtèrent tellement les ouvriers allemands qu'il dut suspendre la publication de la revue et s'exiler en France. Heine le présenta alors à Arnold Rüge.
Le Carbonarisme allait, après «l'Union des Juifs pour la Civilisation et la Science», lancer Marx dans la voie du succès. Rüge était le chef de la «Jeune Europe» fondée par Mazzini, organisme de révolutionnaires qui fomentait l'agitation, organisait des attentats politiques et luttait contre la religion. Karl Marx allait absorber presque totalement la «Jeune Europe» et en faire un instrument de son socialisme. Rüge éditait les «Annales Franco-Allemandes» qu'un réseau secret faisait passer clandestinement en Allemagne. Marx fit des «Annales», très lues par les ouvriers d'Outre-Rhin, un organe communiste. Pendant ce temps Heine recrutait pour Marx une équipe d'intellectuels exilés qu'il fit entrer aux «Annales». Rüge n'était pas socialiste. Il fut mis en minorité et Marx devint le véritable chef du socialisme allemand. C'est dans l'équipe des «Annales» qu'on trouve, jeunes encore, Friedrich Engels, petit-fils d'un rabbin de Barmen et Ferdinand Lassal (dit Lassalle) petit-fils d'un rabbin de Breslau et futur chef du communisme en Allemagne.
Après la conquête des comités révolutionnaires allemands, Marx fonda des comités dans les autres pays. En France, ce furent Fribourg, Léon Frankel et Haltmayer qui prirent la tête. Il y eut aussi des comités en Autriche, au Danemark, en Roumanie, aux États-Unis.
Les premières réunions communistes en France se tinrent dans des Loges maçonniques, en particulier la «Loge des Saisons» qui était le centre d'action de Blanqui sous la Monarchie de Juillet (4).
Le gouvernement prussien exigea de la France, l'expulsion de Marx. Il se fixa à Londres avec Engels où, SANS PROPAGANDE EXTÉRIEURE, il organisa patiemment les RÉSEAUX internationaux du Communisme.
En 1848 il est à Paris, aux journées de Juin et cherche à canaliser l'émeute vers le Communisme. Il est arrêté. Henri Heine l'arrache au Conseil de Guerre. Il est interné dans le Morbihan d'où il s'évade et retourne à Londres.
Il correspondait avec les membres étrangers groupés en sections ou «Communes» par des émissaires secrets. La devise des affiliés était, douze ans déjà avant le meeting de St Martin's Hall: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous».
Tout en gardant son caractère secret à l'organisation suprême, Marx pensa à grouper les masses dans une vaste association répandue dans tous les pays. Ses agents travaillèrent alors à constituer cette 1re Internationale dont nous avons montré plus haut les débuts. Une question se pose alors. Comment une organisation révolutionnaire d'une telle envergure trouva-t-elle les moyens matériels d'une rapide expansion? Quelles complicités lui assurèrent la relative immunité qui lui permit de s'étendre sans trop de risques? Ici intervient la finance.
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Lorsque les ouvriers français revinrent de Londres après l'Exposition Industrielle personne ne prit autrement garde à l'absence de deux délégués restés à Londres comme «correspondants». Qui les payait?
Qui finança la 1re Internationale?
Certainement pas la quête au St Martin's Hall qui donna comme premier fonds 3 livres sterling! Le budget ordinaire ne dépassa jamais 200 livres sterling. Or, si l'on consulte le compte-rendu du Congrès de Lausanne (1867) on voit que, dès 1865, l'Internationale accordait des millions de subventions à des agitateurs. Une grève générale de la métallurgie aux États-Unis «toucha» 300 000 dollars.
Ce que nous avons dit du matérialisme à la fois religieux et économique de Marx, fait mieux comprendre combien ses théories révolutionnaires entraient dans le jeu de certains hommes d'affaire. Dès ses débuts ils appuyèrent la 1re Internationale.
Mais c'est surtout à partir de la fondation de la 2e Internationale qu'ils joueront un rôle important. Mentionnons ici l'appui bien connu de Jacob Schiff.
Il avait été commis de la maison Rothschild, puis s'était installé à New York en 1865 et avait épousé la fille de Loeb. Il devint ainsi directeur de la banque Kühn, Loeb et Cie, fondée par ces deux personnages et un troisième: Wolf.
Schiff s'attacha plusieurs grandes banques des États-Unis. Il devint ainsi un potentat de la finance américaine. Il adopta tout de suite les idées de Marx et devint le véritable banquier de la Révolution. Il avait été le disciple de Achad Haam, promoteur du sionisme. L'influence de Schiff devait être prépondérante. Il réussit, en 1891, à devenir le véritable maître de la société de colonisation juive fondée par le baron Hirsch, 'célèbre banquier qui avait ruiné l'économie française au profit de l'Allemagne.
Par la suite Jacob Schiff finança le Japon dans sa guerre contre la Russie tandis qu'il payait les agitateurs marxistes dans ce pays. Le comte Witte, plénipotentiaire russe, négociant aux États-Unis la paix avec le Japon, dut subir les conditions imposées par Schiff et Krauss, président de la B'Nai B'rith (5), en faveur des Israélites de Russie. Grâce à ces conditions ceux-ci furent l'âme de l'agitation jusqu'au moment où éclata la Révolution de 1917.
On n'explique pas tout le marxisme par le talmudisme économique de Karl Marx. On n'explique pas son extension par les seules forces des sectes maçonniques de diverses obédiences et l'appui financier des banques.
Nous avons montré combien le marxisme se situait dans un courant d'idées dites «modernes» et en était comme l'aboutissement logique.
Il ne faut pas négliger cependant l'influence des sectes sur son développement. Logiquement le marxisme s'insère dans un certain esprit révolutionnaire que le rabbinisme n'a jamais nié et dans celui des sectes maçonniques (6).
Historiquement, le marxisme n'eut pas bouleversé aussi vite le monde entier, le bolchevisme n'eut pas acquis sa puissance, si les appuis dont nous parlons ne leur avaient été constamment fournis.
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On pourrait continuer cette étude en montrant le rôle des sectes dans ce que les grands conflits modernes peuvent apporter à la Révolution.
Qu'il nous suffise, en terminant, d'attirer l'attention sur quelques événements qui ne sauraient plus surprendre.
«La Documentation Catholique» du 6 mars 1920 a reproduit un document établi par le «Secret Service» de l'armée américaine en 1916 et transmis aux Alliés. Il y est indiqué que la révolution qui se préparait alors en Russie était «fomentée par des influences distinctement juives». Parlant de ces influences, le document cite les noms de Jacob Schiff, de Warburg, Otto Kahn, Mortimer Schiff, Jérôme Hanauer, Guggenheim, Marx Breiting, tous de la Banque Kühn, Loeb et Cie. J. Schiff finança en 1917 son coreligionnaire Trotsky qui avait épousé la fille d'un financier israélite Jivotovsky. La banque Lazard de Paris et la banque Gunsbourg de Pétrograd versèrent aussi des fonds aux bolcheviks (7).
Spécialement importante, écrivait Samuel Gompers, travailliste américain, est l'adhésion à la cause bolcheviste du groupe de banquiers américano-anglo-germanique, qui aiment à s'intituler financiers internationaux pour masquer leur vraie fonction. Le plus important banquier de ce groupe et parlant au nom de ce groupe, en Allemagne, comme il se trouve, a envoyé des ordres à ses amis et associés afin que tous travaillent en faveur de la reconnaissance des Soviets (8).»
Le 11 mars 1918, le président Wilson télégraphiait à Lénine:
Le cœur des États-Unis est avec le peuple russe dans ses efforts pour se libérer à jamais du gouvernement autocratique et pour devenir le maître de ses propres destinées.
Verbalisme «diplomatique» pensera-t-on! Bien plutôt l'appui maçonnique à la Révolution. Si l'on pouvait encore en douter il suffirait d'évoquer, plus près de nous, le nom de Yalta. Les nations d'Europe centrale n'ont pas oublié qu'elles furent anéanties par la connivence Roosevelt-Staline. Et l'illustre aviateur Closterman a raconté en termes émouvants comment Varsovie fut écrasée par les Allemands tandis que les Russes attendaient l'arme au pied et que l'Amérique gardait un silence complice. Seule l'aviation anglo-française tenta désespérément de sauver les Polonais au prix d'héroïques sacrifices, mais en vain.
Faut-il encore rappeler l'abandon de la Chine par les Américains devant la marée communiste, la guerre de Corée où il y eut tant de victimes en pure perte?
Puisse le passé du marxisme nous éclairer sur l'avenir!
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Notes:
(1) Le Temps du 21 février 1862.
(2) Nous ne blâmons pas, ici, l'abrogation des «articles» pour elle-même. Dans l'état d'oppression où se trouvaient les travailleurs par le fait du système libéral, le droit de grève pouvait apparaître comme une légitime réaction de défense, en l'absence de toute organisation sociale juste. Mais ce n'est pas dans cet esprit que Tolain voulait «l'abrogation». Un marxiste n'est pas pour la réforme mais pour la Révolution (cf. supra, 1re. partie, ch. I et II; 2e partie, ch. I et note (70), ch. II; 3e partie, notes (28) et (29), ch. I). La grève allait devenir un moyen d'organiser la lutte des classes, dès cette époque.
(3) Baruch Lévi, ami de Rotschild et d'Adolphe Crémieux, écrivait à Karl Marx cette lettre qu'a reproduite la Revue de Paris du 1er juin 1928 (p. 57):
Le peuple juif, pris collectivement, sera lui-même son propre messie. Son règne sur l'univers s'obtiendra par l'unification des autres races humaines, la suppression des frontières et des monarchies, qui sont le rempart du particularisme et l'établissement d'une République universelle qui reconnaîtra partout les droits de citoyen aux Juifs. Dans cette organisation nouvelle de l'humanité, les fils d'Israël répandus dès maintenant sur toute la surface du globe, tous de même race et de même formation traditionnelle, sans cependant former une nation distincte, deviendront sans opposition l'élément partout dirigeant, surtout s'ils parviennent à imposer aux masses ouvrières la direction stable de quelques-uns d'entre eux. Les gouvernements des nations formant la République universelle passeront tous, sans effort, dans des mains israélites, à la faveur de la victoire du prolétariat. La propriété individuelle pourra alors être supprimée par les gouvernements de race judaïque qui administreront la fortune publique.
(4) Cf. Comin Colomer, Marx y el Marxismo, p. 113, Publicaciones Españolas, Madrid, 1949.
(5) Association maçonnique internationale réservée aux Israélites.
(6) Cf. la lettre collective de l'Épiscopat argentin sur la Maçonnerie, 1958. Verbe, tiré à part, no. 93, p. 59.
(7) S'il faut en croire le témoignage du comte Kessler, son biographe, Walter Rathenau, magnat de la finance et de l'industrie allemande, homme d'État de Guillaume II, aurait eu de curieuses sympathies pour le communisme:
Il se prononçait pour l'étatisation des monopoles industriels, l'abolition de l'héritage, l'impôt progressif, la libération du prolétariat, l'abolition des classes sociales!... Sans doute voyait-il bien lui-même tout le paradoxe de la situation où il représentait, lui, le grand chef de l'industrie, des idées plus socialistes que celles des agitateurs de ses usines... Rathenau me dit, ajoute-t-il, peu de temps après les troubles spartakistes de février 1919, que le bolchevisme était un système imposant à qui l'avenir appartiendrait sans doute. Dans cent ans le monde sera bolchevisé... Il nous manque les hommes pour mener à bien un système si complexe qui exige des dons d'organisation très supérieurs à ce qu'on peut trouver chez nous... La nuit je suis bolcheviste, mais au jour, lorsque j'entre à la fabrique et que je vois nos ouvriers et nos fonctionnaires, alors je ne le suis plus, ou pas encore. Il répéta plusieurs fois, pas encore.
Que reprochait-il aux ouvriers si ce n'est leur manque «d'esprit d'organisation», ce qui en aurait fait de bons marxistes, capables de mener activement la Révolution?
Curieuse connexion de l'esprit révolutionnaire et de la finance qui explique en partie les succès du communisme.
(8) New-York Times, 7 mai 1922.