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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

jeudi, janvier 22, 2009


PREMIÈRE PARTIE

MARXISME
et
«CIVILISATION MODERNE» (*)




INTRODUCTION (**)


Une connaissance exacte du communisme n'est pas chose facile.

Et cela tient à l'ampleur autant qu'à l'extrême complexité de ce que recouvre cette seule étiquette de communisme. Masse énorme dont l'aspect terrifie davantage dans la mesure où l'emploi d'un terme unique pour la désigner contribue à en donner une idée plus... monolithique.

Devant l'apparente homogénéité d'un tel bloc, beaucoup se découragent, tant la force de cette unité leur paraît redoutable.

En réalité, le singulier de l'étiquette: «communisme» sert de camouflage à un pluriel. Non que nous entendions nier, par là, l'union des parties que nous allons distinguer. Nous prétendons seulement que pareille distinction offre maints avantages théoriques et pratiques (1).


Avantages théoriques:

Cette distinction permet de mieux comprendre le phénomène communiste en empêchant maintes confusions qui interdisent trop souvent une intelligence rigoureuse de cette forme suprême de la Révolution.

Avantages pratiques, ou, mieux encore, tactiques:

Semblable distinction (sans détruire, répétons-le, l'étroite solidarité des parties qu'elle indique) permet de découvrir des joints, failles et «vires» (2), où le premier regard avait craint de trouver un monolithe inaccessible.

Le communisme, en effet, peut être comparé à ces chaînes de montagne qui, de loin, paraissent infranchissables. Vient-on à les observer de plus près, maints détours, maints cheminements se présentent qui permettent de contourner les différents massifs. Ces différents massifs appartiennent bien, certes, à une même chaîne. Ils n'en sont pas moins distincts. Et tout le secret du passage de la montagne tient à la connaissance de leur pourtour.

Il en est de même pour le communisme.

À le désigner par ce terme unique, il prend l'aspect d'une muraille redoutable à l'assaut de laquelle nul n'ose marcher. Mais, l'examine-t-on de près, des massifs apparaissent entre lesquels la progression est possible.

MARXISME, COMMUNISME (proprement dit), BOLCHEVISME ou TITISMES...; tels sont en quelque sorte ces trois massifs: l'ensemble formant ce communisme athée condamné par Pie XI dans l'Encyclique Divini Redemptoris.

Peut-être serait-il possible d'en distinguer d'autres.

Nous croyons plus sage d'arrêter là nos distinctions. Ce qu'elles mettent en lumière est vraiment fondamental et permet d'ordonner toutes les distinctions complémentaires. Au surplus, il n'est jamais bon de multiplier sans raison le morcellement de ce que l'on se propose d'étudier. Si le refus de distinguer implique toujours le risque de confondre, un trop grand souci du détail fait oublier la véritable structure des ensembles.


Communisme et marxisme

Marxisme, communisme, bolchevisme et titismes...

Synonymes pour beaucoup, ces mots ont cependant un sens distinct.

Certes, la relation: marxisme-communisme-bolchevisme est rigoureuse, et il serait vain de nier leur étroite connexion.

Le marxisme, pourtant, n'est pas le communisme, qui mérite à son tour d'être distingué du bolchevisme.

Maints esprits sont marxistes, aujourd'hui, qui ne sont pas explicitement communistes. Et nous verrons plus loin que le marxisme peut se développer, et se développe même, en un courant distinct du courant communiste proprement dit. D'autant plus qu'il est encore des marxistes honteux, se réclamant fort peu du maître à large barbe, mais très imprégnés cependant par sa dialectique. Mustapha Kemal, Hitler, pour ne citer que deux noms plus célèbres, seraient à l'occasion fort intéressants à étudier sous ce rapport.

Et de même, il existe des communistes fort peu marxistes, ou qui ne le sont que très inconsciemment (3), ce qui est une façon de ne pas l'être ou de l'être mal, le marxisme impliquant une certaine «prise de conscience» (4) de la «dialectique» (5) qui le constitue. Or, Dieu merci, bien peu parviennent à l'inquiétant degré d'inversion intellectuelle qu'implique cette pleine et entière «prise de conscience».

En gros, disons que le marxisme est la forme de pensée, le système philosophique, la DIALECTIQUE intellectuelle de Marx.

Il nous semble donc préférable de réserver le terme «communisme» pour désigner ce que l'on pourrait appeler la projection socialo-politique du marxisme. Ensemble de formulations fluctuantes et contradictoires dont, aucune, à vrai dire, n'engage essentiellement le marxisme (6) rigoureusement entendu. Ce dernier, nous le verrons, n'est pas un ensemble de propositions stables, de vérités à croire, mais une méthode, un tour d'esprit, une façon d'envisager le monde et de s'y comporter.

La distinction que nous proposons n'est donc pas arbitraire. Bien loin d'opposer marxisme et communisme nous ne voulons indiquer, entre les deux, qu'une différence de degré. Les vrais marxistes, en effet, les marxistes «conscients» sont assez rares, tandis que les communistes vulgaires pullulent. Or, ce à quoi s'attachent plutôt ces derniers, ce qui les meut, ce qui les «accroche», est, au fond, différent (dans son accentuation) de ce qui est le ressort intime d'un marxiste authentique.



En bref, le communiste ordinaire est communiste et agit en communiste dans la mesure où il croit encore, peu ou prou (7), à une VÉRITÉ (au sens traditionnel et STABLE du terme) et, partant, à LA VÉRITÉ (ainsi entendue) de ce que professe, de ce que promet «le Parti». En cela, il reste assez proche de ces premiers socialistes, de ces premiers communistes, qualifiés d'utopiques par Karl Marx, parce qu'ils se figuraient l'ordre social à promouvoir à la façon d'un Thomas More écrivant son «Utopie», type idéal, stable et définitif de perfection sociale proposé comme un terme à nos efforts ici-bas.

Le vrai marxiste, au contraire, le marxiste conscient, sait que la notion traditionnelle de VÉRITÉ (fondée sur la notion d'ÊTRE, et telle que l'entend le sens commun) est la toute première que sa «dialectique» pulvérise. La vérité, pour lui, ne tend plus à l'exprimer: «adaequatio rei et intellectus» des scolastiques (8), la conformation de l'esprit à l'être, mais l'IDÉE-FORCE plus efficace dans l'instant, et qui, demain, devenue improductive, sera reniée sans scrupule.

Ce qui tend à mouvoir le communiste vulgaire c'est encore, la poursuite d'un certain être, d'un certain état social (notion statique) considérés comme un terme définitif.

Ce qui anime, ce qui exalte, ce qui meut le vrai marxiste, le marxiste «conscient», c'est la perspective (essentiellement dynamique, SANS TERME aucun; résolument anti-statique) d'un mouvement pur, dont toute notion (stable) d'être est écartée... Idéal de plus en plus déferlant, pourrait-on dire, de «la Révolution continue» (expression de Lénine), ou de «la Révolution permanente» (expression de Trotsky..., reprise naguère par M. Billières).



Autrement dit, nous proposons, pour la plus grande clarté de notre étude, de distinguer le marxisme strictement entendu et pleinement «conscient», de ce par quoi il se manifeste; mais sans qu'on puisse dire pourtant que ses manifestations successives (si contradictoires d'ailleurs) l'expriment essentiellement. Elles permettent de deviner ce qu'il est, par le flux même de leurs contradictions; elles ne l'expriment pas dogmatiquement: car le marxisme est anti-dogmatique par essence.

Et cependant, il est une littérature toute pleine de ce qu'on est bien obligé d'appeler les propositions communistes, même si elles ont été contredites une semaine plus tard par le P. C. Il est chaque jour des milliers d'hommes qui, grammaticalement au moins, affirment, nient...; et leurs propos sont considérés chaque fois comme expressions du communisme. C'est donc l'ensemble de ces formules, de ces propos (et l'action même que ces propos et ces formules suscitent et animent plus directement) que nous proposons d'appeler communisme proprement dit. Car, en fait, c'est cela que le plus grand nombre connaît, ce à quoi il pense plus explicitement quand on lui parle, ou qu'il parle lui-même, du communisme. 'intelligence, la pleine «conscience» de la «dialectique» marxiste, est assez rare en effet.


Bolchevisme et titismes...

Si la différence d'accentuation nous semble assez indiquée entre les deux premiers termes de ce trinôme, reste à préciser ce que nous entendons par le troisième.

Cela est fort simple.

Marxisme et communisme sont essentiellement théoriques, idéologiques et leur action, peut-on dire, en reprenant une formule de Lénine, est une action avant tout «idéologique».

Avec le bolchevisme, au contraire, on quitte ce plan de l'idéologie, et, bien que sous couvert toujours de l'étiquette communiste, on assiste à l'action de forces qui ne relèvent plus nécessairement du marxisme ou du communisme strictement entendus.

En bref: le bolchevisme est pour nous un marxisme, un communisme aux prises avec le réel, avec la nature des choses; autant dire un communisme agissant et réagissant, non plus sous la seule impulsion de l'idéologie dialectique, mais selon toute la complexité de passions humaines, d'intérêts personnels, d'appétits de clans, de rivalités nationales, ou ethniques..., etc.

Ainsi, le bolchevisme fut-il et demeure-t-il un communisme aux prises avec la RÉALITÉ RUSSE. Communisme à la sauce panslave. Et cela, par analogie et extension, invite à placer sous cette même étiquette de bolchevisme le comportement du marxisme, du communisme aux prises avec d'autres réalités nationales ou ethniques: «titismes» divers, déjà manifestés ou possibles; attitudes plus particulières du communisme dans les pays latins, ou les pays anglosaxons, dans les pays satellites de l'U.R.S.S., ou en Afrique, en Chine, en Inde, dans le Proche-Orient, en Amérique du Sud, etc.

Car ce que l'on appelle «communisme» aujourd'hui c'est encore tout cela...

... Non seulement le tour d'esprit marxiste, sa «dialectique», suprême conscience et suprême ressort de l'élan révolutionnaire.

... Non seulement les schèmes de propagande, les mots d'ordre, les thèmes subversifs de la IIIe Internationale .

... Mais encore les fluctuations, les combinaisons plus ou moins diplomatiques d'une «puissance communiste» aux prises avec d'autres puissances, d'autres nations, communistes ou non.


Dans quel sens nous emploierons les trois mots

En bref, nous entendons:

- par marxisme: ce qui relève plus particulièrement du tour d'esprit, de l'orientation et de la méthode philosophique, en un mot, de la dialectique révolutionnaire (9).

- par communisme: l'ensemble, fort contradictoire et toujours mouvant, des thèmes de propagande et principes d'action habituellement connus sous ce titre même de «communisme».

- par bolchevisme et «titismes»: l'aspect russe et les diverses réactions politiques, sociales, militaires, nationales et internationales d'une «puissance communiste» bien déterminée, aux prises avec d'autres puissances.

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Notes:

(*) Anciens no· 90 et 91 de Verbe.

(**) Ancien n̊ 90 de Verbe. Les notes au bas des pages sont numérotées pour chaque partie du présent ouvrage.

(1) Il est bien entendu que les distinctions que nous faisons entre communisme et marxisme-léninisme n'ont qu'une simple valeur de convention. Elles permettent, nous semble-t-il, une étude plus commode de l'aspect idéologique de ce qu'on appelle globalement «le Communisme». Nous avons réservé ce dernier terme à l'aspect économique et social par un souci pratique. Mais nous n'entendons faire aucune querelle de mots à ceux qui préfèrent donner au mot «communisme» la plénitude de son sens et englober sous ce nom l'idéologie marxiste-léniniste. L'essentiel est de bien voir les réalités: l'idéologie, le tour d'esprit d'une part, et ses diverses applications d'autre part.

(2) Cheminement sur une paroi rocheuse.

(3) Cf. Maurice Thorez lors de l'allocution d'ouverture à l'École centrale des militants communistes (l'Humanité du 11 octobre 1955):

«La science de la révolution s'appelle le matérialisme dialectique et historique. Il n'est pas possible que toute la classe ouvrière soit également pénétrée de cette science. Au sein de la classe on trouve des niveaux de conscience bien différents. Le Parti s'efforce d'élever le degré de conscience de la classe. Comme Lénine l'a souligné, le rôle du Parti est d'apporter la conscience socialiste, la théorie scientifique dans le mouvement ouvrier.»

(4) Une des formules les plus typiques du marxisme. Nous l'expliquerons bientôt. Chaque FOIS que dans ce texte nous emploierons cette expression entre guillemets c'est qu'elle est prise dans son sens marxiste.

(5) Autre formule-type.

(6) Cf. Staline. «Le marxisme n'admet pas de conclusions et de formules immuables, obligatoires pour toutes les époques et toutes les périodes. Le marxisme est l'ennemi de tout dogmatisme.» (Extrait d'un article du Bolchévik no. 14 (1950) et publié dans À propos du marxisme en linguistique.)

(7) Nous disons: peu ou prou. Entre le marxiste «conscient» et le communiste ordinaire il n'y a pas en effet de coupure nette. Tout réside en effet dans une «prise de conscience» plus ou moins nette de la «dialectique» marxiste. Le communiste ordinaire, pour peu «conscient» qu'il soit, très souvent, de cette «dialectique», n'en demeure pas moins un agent authentique du mouvement révolutionnaire. Encore une fois ce que nous disons ne tend pas à opposer, à désolidariser le communiste et le marxiste, mais à noter, pour la plus grande rigueur d'une étude générale sur le communisme, certaines différences d'accentuation. La suite de cette étude le fera comprendre. Nous ne cherchons, pour l'instant, qu'à expliquer sommairement le plan que nous nous proposons de suivre.

(8) Il y a vérité, nous sommes dans la vérité, affirme le sens commun, quand il y a «adéquation», étroite conformité entre l'ÊTRE, le réel et ce que nous pensons, disons, exprimons..., etc.

Cf. Verbe, no. 107, 108, 109, Introduction d la Politique.

(9) Le communisme vulgairement entendu suppose, en effet, une philosophie pleinement élaborée, une philosophie de l'histoire, une philosophie de l'homme. L'œuvre de Marx, loin de se limiter au Capital et loin de parler seulement d'économie politique, prétend apporter une réponse au problème de l'homme, de son origine, de sa place dans l'univers, de sa fonction sur la terre, de son destin historique... , etc. C'est cet aspect, généralement oublié et fort mal vu, du mouvement communiste que nous étudierons sous l'étiquette plus particulière de «marxisme».

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