À la veille d'une élection
(Publié dans le numéro du 1er avril 1958, mais écrit le 18 mars. L'élection fédérale avait lieu le 31 mars.)
La présente élection a encore fait perdre la tête à quelques créditistes. Mais, comme par le passé, les plus prompts à s'exciter en temps d'élection sont en général ceux qui remuent le moins - et souvent pas du tout - entre les élections. Ils ont le droit de s'amuser; mais nous ne leur reconnaissons pas celui de chercher dans les rangs de nos travailleurs les hommes qui leur manquent pour faire les frais de leur folichonnes aventures. Nous ne pouvons pas, non plus, sans rien dire, les laisser jeter la confusion dans les esprits, avilissant le sens du Crédit Social pour en faire une vulgaire course au pouvoir ou à des sièges parlementaires.
Ce qui devient déplacé autant que grotesque de leur part, c'est de nous reprocher de ne pas vouloir les suivre dans le sillage de lustucrus. Il n'appartient pas à des gens assis d'une campagne électorale à l'autre de donner des lignes de conduite à ceux qui se dévouent à l'année longue.
Nous désavouons catégoriquement et publiquement ces lucioles d'élection, pour que tout le monde sache bien qu'elles ne représentent point du tout le mouvement créditiste de chez nous. Après l'élection, quand nous demanderons aux hommes publics le dividende à tous, ou la finance au service des développements du pays, on n'aura pas le droit de nous dire, comme après certaines élections du passé: «Vous avez présenté tant de candidats, combien en avez-vous fait élire? Vous voyez bien que la population ne veut pas de votre Crédit Social!»
Ce langage-là pourrait revêtir un semblant de vérité si nous ne proclamions pas d'avance, et sans réserve, que le mouvement authentique du Crédit Social - le nôtre - ne présente absolument aucun candidat et n'appuie aucun de ces prétendus candidats du Crédit Social. Ils ne représentent qu'eux-mêmes, leur vanité et une petite clique du même cru. Le nombre de votes qu'ils pourront avoir ramassé sera absolument sans rapport avec la force créditiste existante.
- Mais faut-il donc se mettre derrière Diefenbaker ou Pearson, et peut-on espérer que ces vieux partis nous donneront jamais le Crédit Social?
- Le créditiste ne se met derrière personne. Il est en avant dans l'Union des Électeurs, debout devant les gouvernements de quelque couleur qu'ils soient, réclamant la même chose, avec la même persistance, que ce soit un Diefenbaker ou un Pearson, ou n'importe qui, à qui il s'adresse.
Et les créditistes n'attendent nullement le Crédit Social d'aucun parti, pas plus d'un jeune que d'un vieux. Ils n'attendent la réalisation du Crédit Social que de leurs efforts, que d'un peuple éclairé et formé par eux.
Le Crédit Social est bien plus un mode de civilisation qu'un texte de loi. Et une civilisation créditiste, comme n'importe quelle autre, ne se bâtit pas par une élection et ne s'obtient pas d'un parti.
Vers Demain. 1er avril 1958