On ne réfute pas le marxisme comme une autre doctrine, avons-nous dit, parce qu'il ne se présente pas comme une affirmation mais comme une «dialectique», une pratique, un «guide pour l'action».
Mais on peut réfuter les communismes. Qu'ils soient le rêve idéal des «utopistes» ou la transposition fixiste d'une «société sans classe», dont la perspective facilite la «Révolution permanente», dans l'un ou l'autre cas ils offrent des aperçus de la vie sociale communiste d'où peuvent être dégagés certains caractères permanents. Nous nous attacherons à quelques-uns d'entre eux, sans prétendre pour cela à une réfutation détaillée des systèmes, qui dépasserait l'objet de cet ouvrage.
- La société communiste borne le destin de l'homme à la vie terrestre.
- La propriété privée personnelle y est considérée comme illégitime.
- La famille disparaît plus ou moins selon les systèmes.
- Les groupements naturels et corps intermédiaires sont pulvérisés.
- L'État lui-même tendrait à disparaître après avoir été l'instrument de la collectivisation (surtout dans le communisme marxiste).
Ces questions touchant de près à la morale, tant privée que publique (48), aucun jugement ne peut avoir plus d'autorité en la matière que celui des Souverains Pontifes.
Nous nous bornerons donc, ici, à rappeler pourquoi l'Église condamne les COMMUNISMES (même non marxistes) en tant que tels et quand même ils ne professeraient ni haine ouverte pour la religion, ni inversion de la pensée.
Enfin, sans nier les succès techniques des sociétés où l'on a essayé du communisme, nous verrons comment les Papes jugent les résultats du collectivisme pour la finalité de l'homme aux plans naturel et surnaturel.
1. - La société communiste borne le destin de l'homme à la vie terrestre
«Ce que la raison et la foi disent de l'homme, écrivait Pie XI dans l'Encyclique Divini Redemptoris, nous l'avons résumé, quant aux points fondamentaux, dans l'Encyclique sur l'éducation chrétienne (49). L'homme a une âme spirituelle et immortelle; il est une personne, admirablement pourvue par le Créateur d'un corps et d'un esprit, un vrai «microcosme», comme disaient les anciens, c'est-à-dire un petit monde qui vaut (à lui seul) beaucoup plus que l'immense univers inanimé. En cette vie et dans l'autre, l'homme n'a que Dieu pour fin dernière; par la grâce sanctifiante, il est élevé à la dignité de fils de Dieu et incorporé au royaume de Dieu, dans le corps mystique du Christ. C'est pourquoi Dieu l'a doté de prérogatives nombreuses et variées: le droit à la vie, à l'intégrité du corps, aux moyens nécessaires à l'existence; le droit de tendre à sa fin dernière dans la voie tracée par Dieu; le droit d'association, de propriété et le droit d'user de cette propriété... (50)
«... C'est dans la société, ajoutait Pie XI, que se développent toutes les aptitudes individuelles et sociales données à l'homme par la nature, aptitudes « qui, dépassant l'intérêt immédiat du moment, reflètent dans la société la perfection de Dieu, ce qui est impossible si l'homme reste isolé. Ce dernier but de la société est lui-même, en dernière analyse, ordonné à l'homme, afin que, reconnaissant ce reflet des perfections divines par la louange et l'adoration, il le fasse remonter à son Créateur. Seul l'homme, seule la personne humaine, et non la collectivité en soi, est doué de raison et de volonté moralement libre... (51)
«À l'homme, à la personne humaine s'applique vraiment ce que l'Apôtre des Gentils écrit aux Corinthiens sur l'économie du salut: «Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu.» (52) Tandis que le communisme renversant l'ordre des relations entre l'homme et la société, appauvrit la personne humaine, voilà les hauteurs où l'élèvent la raison et la révélation! (53)
Comment le communisme appauvrit-il la personne humaine, Pie XI le montrait au début de cette même Encyclique.
«... Le communisme dépouille l'homme de sa liberté, principe spirituel de la conduite morale, il enlève à la personne humaine tout ce qui constitue sa dignité, tout ce qui s'oppose moralement à l'assaut des instincts aveugles. On ne reconnaît à l'individu, en face de la collectivité, aucun des droits naturels à la personne humaine, celle-ci, dans le communisme n'est plus qu'un rouage du système. Dans les relations des hommes entre eux, on soutient le principe de l'égalité absolue, on rejette toute hiérarchie et toute autorité établie par Dieu, y compris l'autorité des parents. Tout ce qui existe de soi-disant autorité et subordination entre les hommes « dérive de la collectivité comme de sa source première et unique. On n'accorde aux individus aucun droit de propriété sur les ressources naturelles ou sur les moyens de production, parce qu'ils sont l'origine d'autres biens, et que leur possession entraînerait la domination d'un homme sur l'autre. Voilà précisément pourquoi ce genre de propriété privée devra être radicalement détruit, comme la première source de l'esclavage économique... (54)
«Que deviendrait donc la société humaine fondée sur de tels principes matérialistes? Elle serait une collectivité sans autre hiérarchie que celle du système économique. Elle aurait pour unique mission la production des biens par le travail collectif et pour unique fin la jouissance des biens terrestres dans un paradis où chacun donnerait selon ses forces et recevrait selon ses besoins». C'est à la « collectivité que le communisme reconnaît le droit, ou plutôt le pouvoir discrétionnaire, d'assujettir les individus au joug du travail collectif, sans égard à leur bien-être personnel, même contre leur propre volonté, et, quand il le faut, par la violence. L'ordre moral, aussi bien que l'ordre juridique, ne serait plus, dès lors, qu'une émanation du système économique en vigueur; il ne serait fondé que sur des valeurs terrestres, changeantes et caduques. Bref, on prétend ouvrir une ère nouvelle, inaugurer une nouvelle civilisation résultant d'une évolution aveugle: une humanité sans Dieu!»
«... Voilà le nouvel Évangile que le communisme bolchevique et athée prétend annoncer au monde comme un message de salut et de rédemption! Système rempli d'erreurs et de sophismes, opposé à la raison comme à la révélation divine; doctrine subversive de l'ordre social puisqu'elle en détruit les fondements mêmes, système qui méconnaît la véritable origine, la nature et la fin de l'État, ainsi que les droits de la personne humaine, sa dignité et sa liberté.» (55)
Déjà Pie IX, parlant des «... criminels systèmes du nouveau socialisme et du communisme» montrait qu'il «ne sortira de cette conspiration aucun avantage temporel pour le peuple, mais bien plutôt un «accroissement de misères et de calamités»; car, ajoutait le Pape, «il n'est pas donné aux hommes d'établir de NOUVELLES SOCIÉTÉS et des COMMUNAUTÉS OPPOSÉES À LA CONDITION NATURELLE des choses «humaines.» (56)
Ceci est très important. Socialisme et communisme, en effet, n'avaient pas commis, en 1849, les ravages et les persécutions dont souffre aujourd'hui une bonne partie de l'humanité.
On ne pouvait accuser Pie IX d'être sensibilisé par les souffrances résultant de ces erreurs, comme le sont les Pontifes contemporains.
Et cependant, il est significatif de voir communisme et socialisme condamnés comme CONTRAIRES À L'ORDRE NATUREL, sans parler de l'ordre surnaturel. Et ceci dans leur principe même et au temps de leur première expansion, avant qu'ils soient les instruments de la frénésie dialectique du marxisme.
2. - La propriété personnelle considérée comme illégitime
Aussi n'est-ce pas seulement par un motif de prudence - et pour éviter une commotion trop brusque de la société - que l'Église repousse les atteintes communistes à la propriété personnelle. Mais dans la possession des biens de la terre, l'Église voit le moyen d'accéder aux biens célestes, si l'on en fait un usage raisonnable, réglé par l'esprit de pauvreté volontaire. «Les richesses, nous dit saint Thomas, sont un bien en tant qu'elles servent à l'exercice de la vertu.» (57)
«Ce qui excelle en nous, qui nous fait hommes et nous distingue essentiellement de la bête, enseigne Léon XIII (58), c'est la raison ou l'intelligence, et, en vertu de cette prérogative, il faut reconnaître à l'homme non seulement la faculté générale d'user des choses extérieures, mais en plus le DROIT STABLE ET PERPÉTUEL DE LES POSSÉDER... Il a le droit de choisir les choses qu'il estime les plus aptes, non seulement à pourvoir au présent, mais encore AU FUTUR.»
Droits conformes à la nature intelligente et libre des hommes ainsi que le notait Pie XII:
«La dignité de la personne humaine, écrivait-il, suppose donc normalement, comme fondement naturel pour vivre, le droit à l'usage des biens de la terre; à ce droit correspond l'OBLIGATION FONDAMENTALE D'ACCORDER UNE PROPRIÉTÉ PRIVÉE, autant que possible à tous...» (59)
«Il serait CONTRE NATURE, avertissait Pie XII, dans un autre message (60), de se vanter comme d'un progrès d'un développement de la société qui, ou par l'excès des charges, ou par celui des ingérences immédiates, rendrait la propriété privée vide de sens, enlevant pratiquement à la famille et à son chef la liberté de poursuivre la fin assignée par Dieu au perfectionnement de la vie familiale.»
Ce ne sont donc pas seulement le communisme ou le socialisme, intégralement appliqués, dont les visées sont dénoncées par Pie XII comme étant «contre nature», mais encore la mentalité socialisante, l'excès des ingérences du droit public dans le droit privé, etc...
Et cela, certes, à cause du bien personnel que la propriété privée représente pour l'homme, mais aussi à cause du bien qui en résulte pour la société.
C'est, en effet, tout l'esprit d'initiative, d'ingéniosité, d'émulation au travail qui est rattaché au caractère personnel de la propriété.
«L'homme est ainsi fait, précisait Léon XIII, que la pensée de travailler sur un fonds qui est à lui redouble son ardeur et son application... Nul qui ne voit sans peine les heureux effets de ce redoublement d'activité sur la fécondité de la richesse et sur la richesse des nations.»
3. Disparition de la famille
Avantages de la propriété privée pour l'épanouissement personnel, avantages pour la société, mais en particulier pour la famille.
Nous ne reviendrons pas ici sur la primauté naturelle qui revient à la famille monogamique, fondement de l'ordre social et véritable sanctuaire où s'éduquent les âmes (61). L'Église l'a toujours défendue contre le communisme dont Pie XI nous dit (62):
«En refusant à la vie humaine tout caractère sacré et spirituel, une telle doctrine fait nécessairement du mariage et de la famille une institution purement conventionnelle et civile, fruit d'un système économique déterminé. On nie par conséquent l'existence d'un lien matrimonial de nature juridico-morale qui soit soustrait au bon plaisir des individus ou de la collectivité et, par suite, on rejette l'indissolubilité de ce lien. En particulier, le communisme n'admet aucun lien spécial de la femme avec la famille et le foyer. En proclamant le principe de l'émancipation de la femme, il l'enlève à la vie domestique et au soin des enfants pour la jeter dans la vie publique et dans les travaux de la production collective au même titre que l'homme; le soin du foyer et des enfants est dévolu à la collectivité. Enfin on retire aux parents le droit de l'éducation, que l'on considère comme un droit exclusif de la communauté; c'est seulement au nom de la communauté et par délégation, que les parents peuvent encore l'exercer.»
Et si les Papes ont défendu la propriété privée avec une constante vigueur, c'est qu'ils voient en elle un moyen d'assurer la stabilité et la continuité de la famille.
«La justice sociale, écrit Pie XI dans l'Encyclique «Divini Redemptoris» (63), demande que les ouvriers puissent assurer leur propre subsistance et celle de leur famille par un salaire proportionné; qu'on les mette en mesure d'acquérir un modeste AVOIR afin de prévenir ainsi un paupérisme général qui est une véritable calamité.»
«Institution si naturelle et si indispensable à la vie de l'humanité et principalement DE LA FAMILLE», ainsi la qualifie Pie XII (64). Tel est aussi l'avis de ses Prédécesseurs dont on peut dire qu'aucun texte justifiant la propriété personnelle contre socialisme et communisme nomet cet aspect familial. Qu'on lise en particulier Quadragesimo Anno, Casti Connubii ou Rerum Novarum et l'on retrouvera cette sollicitude de l'Église pour la vie, même matérielle, des familles.
4. Disparition des groupements naturels
Nous ne pouvons que signaler brièvement l'opposition des Souverains Pontifes au nivellement égalitaire sous la férule d'un État envahissant vers lequel, de Platon à Marx, ont toujours conduit les communismes. Réfuter aussi complètement qu'il conviendrait la pulvérisation des corps sociaux reviendrait à exposer toute la doctrine sociale de l'Église. Dès ses débuts La Cité Catholique a insisté sur cet aspect souvent méconnu de l'«ordre social chrétien» qui est essentiellement un ordre de corps intermédiaires: professionnels, locaux, régionaux, allant de la famille à l'État en une hiérarchie vivante et harmonieuse (65).
Contentons-nous de rapporter ici quelques jugements sans équivoque de Pie XII: «L'État ne contient pas en lui-même et ne réunit pas mécaniquement dans un territoire donné une agglomération amorphe d'individus. Il est et doit être, en réalité, l'unité organique et organisatrice d'un vrai peuple.» (66)
«L'édifice de la paix reposerait sur une base croulante et toujours menaçante si l'on n'en finissait pas avec un pareil totalitarisme qui réduit l'homme à ne plus être qu'un pion dans le jeu politique, UN CHIFFRE DANS LES CALCULS ÉCONOMIQUES.» (67)
«Le caractère fortement centralisateur des nations modernes ayant pour conséquence de réduire à l'excès les libertés des communautés locales et des individus, vous rappelez le primat des valeurs personneIles sur les valeurs économiques et sociales: le bien commun en vue duquel le pouvoir civil est établi, culmine dans la vie autonome des person« nes (68).
«... En quelle direction faut-il alors chercher la sécurité et l'assurance intime d'une vie en commun sinon dans un retour des esprits vers la conservation et le rappel des principes de la vraie NATURE HUMAINE VOULUE PAR DIEU, à savoir: qu'IL y A UN ORDRE NATUREL même si ses formes changent avec les développements historiques et sociaux.
«Mais les lignes essentielles ont toujours été et DEMEURENT LES MÊMES: la famille et la propriété comme BASES D'ASSURANCE PERSONNELLE puis, comme facteur complémentaire de sécurité, les INSTITUTIONS LOCALES ET LES UNIONS PROFESSIONNELLES et FINALEMENT L'ÉTAT (69).
5. Disparition de l'État
Pas plus que celle des corps sociaux, l'Église ne souhaite la suppression de l'État, vers laquelle tendent certaines descriptions du communisme, celle notamment de Karl Marx dans son mythe de la «société sans classe».
Sur le fondement de l'Église... «reposent surtout, nous dit Pie XII (70), les deux colonnes principales, l'armature de la société humaine telle qu'elle est conçue et voulue par Dieu: la famille et l'État... Appuyés sur ce fondement, ils peuvent remplir sûrement et parfaitement leurs rôles respectifs: la famille en tant que source et école de vie, l'État en tant que gardien du droit qui a, comme la société dans son ensemble, son origine prochaine et sa fin dans l'homme complet, dans la personne humaine, image de Dieu... Les deux colonnes maîtresses de la société, en s'éloignant de leur centre de gravité, se sont malheureusement détachées de leur fondement. Q'en est-il résulté sinon que la famille a vu décliner sa force de vie et d'éducation, et que l'État, de son côté, est SUR LE POINT DE RENONCER À SA MISSION de défenseur du droit pour se transformer en ce Leviathan de l'Ancien Testament, qui domine tout parce qu'il veut tout attirer à lui? Sans doute, dans la confusion inextricable où s'agite aujourd'hui le monde, l'État se trouve-t-il dans la nécessité de prendre sur lui une charge énorme de devoirs et d'emplois: mais cette SITUATION ANORMALE ne menace-t-elle pas de COMPROMETTRE GRAVEMENT SA FORCE INTIME et l'efficacité de son autorité?»
Fragilité des thèses communistes de Marx
Pour ce qui est du communisme de Marx, nous nous attacherons d'autant moins à le réfuter que les marxistes sont loin d'être unanimes sur sa valeur. Ils y voient plus un instrument commode pour cultiver les «contradictions internes» dans les sociétés industrielles qu'une thèse économique définitive. Voyons, au regard du sens commun, ce qu'on peut en penser.
Concentration du capital:
Elle est d'autant moins fatale que l'industrialisation a progressé depuis Karl Marx. Tandis qu'il fallait une énorme concentration industrielle autour des machines à vapeur, l'électricité permet de décentraliser l'industrie. Elle pourrait même apporter la renaissance de petites entreprises personnelles, pour les industries légères notamment. Et que dire des espoirs suscités par l'énergie atomique dans ce domaine? Il faut professer un dogmatisme étroit pour paralyser l'économie contemporaine par le développement excessif du gros capitalisme et le gigantisme industriel.
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La «plus-value»: Dire comme Karl Marx que la «plus-value» (ou bénéfice) est illégitime parce que le prix d'un objet est le prix du travail qu'il a fallu pour le faire (71), ne résiste pas au moindre examen parce que le prix d'un objet n'est pas OUE le prix du travail qu'il a fallu pour le faire.
«Soit, écrivons-nous dans «Le Travail» (72), une toile laborieusement léchée par un rapin de cinquième ordre et le dessin prestement enlevé par un artiste de génie. C'est à ce dernier pourtant qu'ira le prix.» De même, le travail du viticulteur ne fait pas à lui seul le prix du vin. Il aura beau s'évertuer: si son terrain est médiocre, il ne vendra pas sa «piquette» comme un cru champenois ou bordelais!
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Lutte des classes:
Cette lutte des classes «qui fait couler des fleuves de sang», comme l'écrivait Pie XI (73) part d'une division schématique de la société en «classes» arbitrairement définies. Le propre d'une vie sociale saine est justement d'atténuer les hiatus entre professions et groupes sociaux, de telle sorte qu'une ascension continue, autant que graduelle, puisse s'opérer. Héritage, éducation, propriété personnelle, artisanat, progrès dans le métier, possibilités d'élever son niveau dans le sein d'une profession etc... , ces bienfaits des hiérarchies sociales rendent la notion de «classe» tellement absurde qu'il faut justement arracher les hommes à leurs communautés naturelles, les «désaliéner», en faire des «déshérités» et des «prolétaires» pour que les classes, théoriquement prévues, apparaissent dans la réalité.
M. Bertrand-Serret dans son ouvrage «Le mythe marxiste des classes» (74) en donne des exemples nombreux.
Peut-on dire que le directeur d'une grande firme est un «prolétaire» parce qu'il est salarié, qu'il vit dans un appartement en location et voyage par le train?
En revanche va-t-on taxer de «bourgeois» le forgeron et la mercière du coin qui possèdent en propre un pavillon de deux pièces et un carré de choux en Bretagne? Il fallait vraiment «chercher la Révolution» pour «trouver» les «classes» sociales... et, ainsi les faire lutter entre elles.
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Dictature du prolétariat: Elle serait le fait d'une classe ayant éliminé les autres et prenant le pouvoir politique par une révolution: en l'occurrence le prolétariat ouvrier.
Or, comme l'ont montré Akhminof, Djilas, et d'autres observateurs des pays communistes, ce n'est plus le mythique «prolétariat» mais une «nouvelle bourgeoisie» qui gouverne.
Aristocratie des «techniciens», qui passe plus ou moins à travers les «purges» à cause de ses compétences pratiques, ou aristocratie du Parti, véritable singerie des anciennes noblesses, mais avec ce caractère implacable des parvenus doublés de marxistes, sans cesse naissent de nouvelles classes parce que tel est l'ordre naturel des choses contre lequel les systèmes ne peuvent rien. Naissance de classes que les marxistes vont faire se heurter, s'opposer, lutter entre elles, selon les perspectives de la dialectique historique. Idéal même de cette «Révolution permanente» dont on voit bien qu'elle reste le danger constant, diabolique renversement de l'ordre social, derrière les façades mobiles et diverses des communismes contemporains.
CONCLUSION
Dans son Message de Noël 1955 Pie XII dénonce la mentalité de ceux qui «... croient pouvoir baser toute sécurité sur la productivité toujours croissante et sur le cours ininterrompu de la production toujours plus grande et plus féconde de l'économie nationale.
« ... La croyance erronée qui fait reposer le salut dans un progrès toujours croissant de la production sociale est une superstition... la plus dangereuse». Cette superstition... n'est pas... capable de dresser un rempart solide contre le communisme parce qu'elle est partagée par le parti communiste et même par de nombreux non-communistes. Dans cette croyance erronée, les deux partis se rencontrent et établissent ainsi un accord tacite qui peut induire les prétendus réalistes de l'Ouest à rêver de la possibilité d'une véritable coexistence.
«Dans le message de Noël de l'année dernière (1954), Nous avons exposé la pensée de l'Église sur ce sujet et Nous entendons confirmer cette pensée encore une fois. Nous REPOUSSONS LE COMMUNISME EN TANT QUE SYSTÈME SOCIAL EN VERTU DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE et Nous devons affirmer particulièrement les fondements du droit naturel. Pour la même raison, Nous repoussons l'opinion suivant laquelle le chrétien devrait regarder aujourd'hui le communisme comme un phénomène ou une étape dans le cours de l'histoire, comme un «moment» nécessaire de l'évolution de celle-ci et par conséquent, l'accepter comme décrété par la divine Providence.»
Pour ces raisons naturelles et surnaturelles les Papes ont condamné la mentalité collectiviste: qu'elle soit socialiste ou communiste, qu'elle soit marxiste ou non-marxiste. Ruineuse pour la société et pour les hommes, elle ne peut qu'être repoussée par l'Église et, de ce fait, elle est inacceptable pour les chrétiens.
De là, cette opposition radicale que soulignait Pie XI dans l'Encyclique Quadragesimo Anno. (75)
«... Le socialisme, s'il demeure vraiment socialisme, ne peut pas se concilier avec les principes de l'>Église catholique, car sa conception de la société est on ne peut plus contraire à la vérité chrétienne.»
«... Socialisme religieux, socialisme chrétien, sont des contradictions: personne ne peut être en même temps bon catholique et vrai socialiste.
«C'est notre devoir pastoral de les avertir (ceux qui veulent fraterniser avec le socialisme) du PÉRIL REDOUTABLE qui les menace: qu'ils se souviennent tous que ce socialisme éducateur a pour père le libéralisme et pour héritier le bolchevisme.» (76)
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Notes:
(48) Et non plus à la description du tour de pensée intellectuel comme le furent nos chapitres sur le marxisme-léninisme.
(49) Lettre Encycl. Divini illius Magistri, 31 déc. 1929 (A.A.S., vol. XXII, 1930, p. 49-86).
(50) Divini Redemptoris, § 27, Cf. Document II.
(51) Ibid., § 29.
(52) 1, Cor. III, 23.
(53) Ibid., § 30.
(54) Ibid., § 10.
(55) Ibid., §§ 12 et 14.
(56) Encyclique Nostis et Nobiscum, 8 décembre 1849, cf. Document I, § 7.
(57) On trouvera sur ce point la question plus largement traitée dans notre ouvrage Le Travail, chap. 1, p. 28.
(58) Rerum Novarum, 1891.
(59) Radiomessage Con Sempre, 24 décembre 1942.
(60) Radiomessage La Solennita, 1er juin 1941.
(61) Cf. notre ouvrage La Famille, lre partie.
(62) Divini Redemptoris, § 11. Cf. Document II.
(63) Ibid., § 52. Cf. Document II.
(64) Allocution aux membres du Congrès des échanges internationaux, 7 mars 1948.
(65) Cf. Verbe NUMÉRO 8 et supplément NUMÉRO 8, ainsi que nos études sur la «fonction supplétive des corps intermédiaires», Verbe, NUMÉROS 44 à 49.
(66) Radiomessage du 24 décembre 1944.
(67) Allocution au Consistoire, Noël 1945.
(68) Au Congrès de l'Association italienne du Conseil des Communes d'Europe, 7 décembre 1957.
(69) Message de Noël, 1956.
(70) Allocution au Consistoire du 20 février 1946.
(71) «Le travail, dit Marx, est la substance même de la valeur.»
(72) P. 126.
(73) Divini Redemptoris, § 57. Cf. Document II.
(74) Éditions du Cèdre, Paris.
(75) Cf. Document II, §§ 35, 36, 37.
(76) Cf. également l'avertissement de Pie XII sur le danger de la socialisation: Radiomessage aux catholiques autrichiens, 14 septembre 1953, cité dans Le Travail. p. 106, note 87.