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vendredi, octobre 16, 2009

LES FAIS ET CHIFFRES DES SCIENCES SOCIALES

Les journaux et des magazines populaires sont pleins de rapports d'études par des scientifiques et des spécialistes des sciences humaines. Ces rapports citent souvent les statistiques, réfèrent aux chercheurs universitaires et font état de résultats excitants qui font autorité. C'est un fait étrange de la vie moderne que beaucoup de personnes qui demeurent très sceptiques sur les pouvoirs de l'argument raisonnable dans d'autres contextes sont enclins à accepter de tels rapports sur les apparences. Comprendre les procédures scientifiques qui sont à la base de beaucoup de telles études et la simplification et l'exagération qui peuvent faire partie du rapport est important. Cela refrénera toute tendance naturelle que vous pouvez avoir de prendre des résultats discutables et sans soin annoncés comme s'ils étaient indiscutablement vrais, simplement parce qu'ils ont été établis par des chercheurs qui sont censément des experts.

Nous essayons de vous donner une base raisonnable de scepticisme et de circonspection des résultats de quelques-unes de ces études. Nous exposons des concepts et des outils analytiques que vous pourrez employer pour évaluer ces études. Cette évaluation est utile même quand vous parcourez les journaux et les magazines. Mais c'est aussi utile dans des contextes dans lesquels vous vérifiez des découvertes de recherche, en particulier dans les sciences sociales. Ces découvertes sont fréquemment citées comme fondement pour des décisions significatives nous affectant tous: décisions dans la médecine, l'éducation, la loi et la gestion. Le public sait que les prétendus experts ne sont pas souvent d'accord et qu’ont fait beaucoup d'erreurs dans le passé. Mais malgré ces faits, il est intimidé par les spécialistes. Les forces institutionnelles et politiques encouragent le public à penser que d'autres doivent penser pour lui et qu'il ne peut pas examiner des questions humaines significatives pour lui. Dans certains contextes très compliqués, c'est en grande partie vrai. Mais souvent ces études expertes que l'on suppose faire autorité s’effondrent à la lumière d'une analyse par la simple logique.

Une étude du fonctionnement des sciences sociales et un regard sur certains des dispositifs standard comme l’opérationalisation, le prélèvement d'échantillons, les questionnaires et entrevues vous donnera confiance pour évaluer ces études scientifiques par vous-mêmes. Ainsi le but de ces chapitres sur le langage, la statistique et les méthodes dans les sciences sociales est politique aussi bien que logique. Nous enlevons un peu du pouvoir des experts pour le remettre aux mains des profanes informés et prudents.

La science n'est pas toute de faits brutaux

Parfois nous percevons les données scientifiques comme étant composées de faits brutaux qu’on ne peut remettre en question. De ce point de vue, un fait scienctifique est quelque chose qui existe tout simplement: il est là qui attend, en effet, et on ne peut que l’accepter. Les historiens, les critiques littéraires, les théologiens et les philosophes peuvent traiter de questions ambiguës dont plusieurs facettes doivent être considérées, mais la science commence par des faits brutaux.

Cette vision généralisée est sérieusement erronée. Les scientifiques eux-mêmes ne l'acceptent plus. Mais elle continue à hanter l'imagination populaire. L'idée des faits scientifiques brutaux est sérieusement trop simplifiée parce que les scientifiques doivent choisir les aspects du monde auquel ils vont prêter attention. Comme les autres, ils regardent le monde avec une attitude particulière et des questions à l’esprit. Ils observent ces faits qui leur semblent significatifs. Ce qui est significatif est une question de jugement, pas une question d’observation pure à résoudre.

Considérons, par exemple, un scientifique qui décide d'étudier la formation des attitudes envers le genre et l’aptitude du travail auprès des petits enfants. Il observera beaucoup de choses de ces enfants concernant leurs jeux et leurs relations avec leurs parents et enseignants. Mais en toute probabilité il ne se donnera pas la peine de noter la couleur de leurs cheveux parce qu'il n'y a simplement aucune raison de croire que la couleur de cheveux a un quelconque effet sur les attitudes qui l’intéressent. D'autre part, si les mères de ces enfants travaillent à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur de la maison peut très bien avoir un tel effet. Les faits du cas incluront des faits sur l'emploi.

Les scientifiques ne rassemblent pas des faits dans le seul but de les connaître. Ils cherchent à observer et à enregistrer des faits significatifs. Si un fait est ou n'est pas significatif est une question de jugement et ce jugement dépendra de beaucoup d'aspects de la situation, incluant:

• le problème que le scientifique étudie
• l'hypothèse, ou les hypothèses, que le scientifique essaye de confirmer ou d’infirmer
• les outils disponibles que le scientifique a et peut employer (des questions financières et morales peuvent poser des restrictions)
• les propres croyances fondamentales du scientifique; ce qu’il croit être la connaissance générale; ce que les autres scientifiques considèrent comme des croyances confirmées; les hypothèses scientifiques reliées qu'il considère comme plausibles
• les valeurs sociales, particulièrement celles des agences ou établissements qui l’emploient
• les valeurs personnelles du scientifique, particulièrement celles se rapportant aux problèmes de qu’il examine.

Si uns ou plus de ces facteurs devaient varier, les faits émergeant de l'enquête vont probablement varier aussi.

Les études des effets de radiation à bas niveau sont un exemple représentatif et épouvantable. Un bon nombre de chercheurs étaient incapables de continuer leurs enquêtes quand ils en sont arrivés à la conclusion que la radiation à bas niveau était un facteur causal dans la leucémie et dans les taux accrus de mort d'enfants en bas âge. Leurs découvertes étaient en conflit avec la haute valeur que les agents de capitalisation et les gouvernements mettent dans le développement effréné de l’énergie et des armes nucléaires et le financement de leur recherche a été coupé. À cause de cette situation sociale, des faits qui auraient pu avoir été découverts n'ont pas été révélés. D'autre part, sans doute que la haute estime que ces chercheurs mettaient dans la vie humaine leur a permis de persister dans leur travail tant qu'ils en étaient capables.

En réalité, cependant ce n'est pas essentiellement une critique de la science que nous faisons quand nous disons que ce qui apparaît comme des données scientifiques ne sont pas des faits simples, indéniables et incontestables. C'est une critique d'une interprétation de la science peu réaliste et excessivement dogmatique. Peu de scientifiques sérieux tiendraient aujourd'hui cette interprétation, car ils sont conscients du contexte théorique complexe derrière les données scientifiques. Les vulgaires citoyens, cependant, ont souvent une vue excessivement simpliste de la science. Cette vision peut les mener à croire erronément que les résultats scientifiques sont absolument autorisés et ne peuvent pas être mis en doute par le profane. Mais dans la science comme elle existe dans notre monde social, il y a plus de possibilités, plus de questions et d’interprétations plus distinctes que la plupart des personnes pensent.

Des mots différents décrivent-ils la même chose? Rn réalité, les faits comme tels n'apparaissent pas du tout dans la science. Ce qui apparaît ce sont les descriptions des faits. Il est particulièrement important de se rendre compte que le même fait ou événement peuvent être décrits de beaucoup de façons différentes sans qu'une de ces descriptions différentes soit nécessairement fausse. Des descriptions différentes peuvent donner une saveur ou un accent différent à un événement. Pour voir comment cela travaille, supposez qu’une jeune femme entre dans une pharmacie et, après avoir demandé au pharmacien des renseignements sur les sédatifs, achète une drogue vendable sans prescription. C'est un événement banal. Mais nous pourrions le décrire de quelques façons différentes et nos descriptions différentes le feraient ressembler un différent événement ou au moins, comme un événement avec des implications et effets différents.

L'événement pourraient être décrit d’une des façons suivantes:

A. Une jeune femme a acheté un sédatif léger sur le conseil d'un pharmacien.
B. Un pharmacien conseille à une femme inexpérimentée d'acheter un sédative léger.
C. Un pharmacien a augmenté ses ventes en conseillant à une jeune femme inexpérimentée d'acheter un sédatif de lui.
D. Un pharmacien riche a augmenté son marché en persuadant une jeune femme inexpérimentée qu'elle doit dépenser son argent durement gagné sur une drogue largement annoncée.

Comme nous progressons de A à D dans ces descriptions, l'événement acquiert un ton plutôt sinistre. Encore, étant donné l'information originale, il n'y a rien pour dire que l'information ajoutée dans A, B et C soit nécessairement fausse. Bien que la femme soit inexpérimentée, le pharmacien riche et que la vente augmente ses profits légèrement, la question est de savoir si ces aspects de l'événement doivent être mentionnés dans sa description. Ainsi, le cas illustre quelques points importants des faits dans la science sociale. (En fait, ces points s'appliquent à la science généralement, mais ici nous nous concentrons sur la science sociale.) Les faits dans la science sociale apparaissent dans des langues et peuvent êtres décrits de façons différentes, avec des implications très différentes, pour le même événement. L'événement que nous avons choisi pour illustrer notre propos est une banalité de la vie quotidienne, mais il vaut pour n'importe quel événement. Dans des affaires humaines il est particulièrement facile de changer des implications parce que une bonne partie de la langue touche aux valeurs et intérêts humains.

Nous pourrions récapituler le point de cette discussion comme suit:

Le même événement ou le fait peut être décrit de façons différentes, même quand aucune des descriptions disponibles ne donne une faussi information. Des descriptions alternatives peuvent varier significativement simplement par notre spécification des divers aspects de la vérité.

Le même événement ou fait peut sembler avoir des implications tout à fait différentes, selon la description sous laquelle il est considéré.

Ce point fondamental prend déjà beaucoup de la brutalité de ces faits brutaux scientifiques.

Si vous vous demandez quelle est l’application de ce point à la science sociale réelle, voyez l'échange suivant dans lequel Donald Symons, un anthropologue qui a écrit un livre sur l'évolution de sexualité humaine, est interviewé et questionné sur la langue dans laquelle il a voulu décrire la sexualité humaine. L'interviewer, Sam Keen de Psychology Today, a demandé à Symons pourquoi il avait voulu décrire la sexualité humaine en langue de capitalisme. Selon Symons, les mâles sont en concurrence pour les femmes, qui sont considérées comme des ressources rares. Chaque mâle cherche à maximiser son avantage en s’accaparant le marché féminin.

Keen: La langue que vous employez au cours de votre analyse me dérange. Dans votre analyse la langue de capitalisme règne en maître absolue.

Symons: Bien, je suis naturellement enclin à penser que la perception soit première et que la langue soit employée parce que c'est la langue disponible la plus précise. Cela peut être la langue économique et capitaliste, mais cela peut néanmoins être juste. Le livre de Michael Ghiselin, The Economy of Nature and the Evolution of Sex, applique des analogies économiques dans le grand détail aux stratégies d'accouplement animales. Mon livre peut être excessivement cynique, mais je crois en l’utilité du cynisme: ces gens agissent en termes de leur intérêt personnel.

La langue que Keen mettait en doute était celle des marchés économiques. Symons regardait les phénomènes du comportement humain et voyait des mâles choisissant des femmes avec une vision de leur succès reproducteur d'un investissement de sperme et de temps. Keen signale que le modèle que Symons emploie décrit les phénomènes de sexualité humaine en langue du marché économique, prenant comme point de vue primaire d’intérêt personnel de la gent masculine. Une description très différente résulterait sûrement si nous avions assumé que la gent soit essentiellement compatissante et sociable, au lieu de supposer qu'elle soit principalement intéressée. Ainsi il y a de très grandes suppositions derrière le choix de la langue de Symons. Le mâle individuel est primaire; le mâle individuel est considéré agir pour maximiser son propre intérêt; l'intérêt individuel masculin est d’avoir le plus grand nombre de descendents.

Évidemment, il est possible de décrire les phénomènes de la sexualité humaine comme Symons le fait. Certains aspects seront mis en évidence; d'autres seront omis. La même chose peut être dite des structures linguistiques alternatives qui pourraient être adoptées. C'est que le modèle que Symons a choisi n’est qu’une des nombreuses alternatives. Quand on lui a demandé de le défendre, il fait piètre figure: il répond seulement en disant qu'un autre auteur a fait de même, et commentant, sans soutien de la preuve, que probablement les gens agissent par intérêt personnel. Même s'ils le faisaient, est-ce que leur intérêt est l'intérêt génétique, comme le veut Symons? Les gens pourraient voir leur intérêt comme avoir beaucoup de plaisir dans la vie, ou gagner plus d'argent, même s'ils étaient intéressés. Nous surestimerions sûrement la neutralité du travail de Symons si nous oublions qu'il a choisi un modèle économique, basé sur l'intérêt personnel et il a choisi de le décrire en termes économiques. C'est une manière de décrire les choses, mais pas la seule. Le modèle économique de la sexualité humaine indique certaines questions et problèmes pour la recherche scientifique; un autre modèle en indiquerait d'autres.

Le choix de la langue est un choix. C'est un choix qui peut faire toute la différence en ce qui concerne la présentation des faits scientifiques, des bases des nouveaux problèmes scientifiques et des questions. De nouveau nous voyons pourquoi les faits scientifiques ne sont pas les choses solides et simples que beaucoup de consommateurs de science populaire prennent en tant que tels.

L'opérationalisation des termes. Une autre porte par laquelle le choix de la langue entre dans le travail scientifique est l'opérationalisation des termes clefs. Le mot opérationalisation se réfère à la façon qu’un chercheur emploie les procédures pour déterminer si un terme va s'appliquer dans un cas donné ou non. Le cas le plus familier d'opérationalisation est celui du terme intelligence. Si nous devions essayer de donner une définition précise de l'intelligence et de l'expliquer clairement en termes de comportement que quelqu'un pourrait mesurer, ce serait une mission impossible. Parce que, comme habituellement comprise, l'intelligence peut se manifester de beaucoup de façons différentes. Dans une situation, la chose intelligente à faire serait d’inventer un contre-exemple dévastateur à une fausse revendication; dans un autre, ce serait de demeurer coi et de laisser couler le mensonge. En termes très généraux, de dire que quelqu'un est intelligent est de dire qu'il puisse apprendre à faire une large gamme de choses et qu’il puisse apprendre rapidement et bien. Ainsi, comme terme, l'intelligence réfère aux valeurs et standards humains. Les choses apprises doivent valoir la peine de l’être et elles doivent être bien apprises. Encore est-il que les spécialistes des sciences humaines ont essayé de mesurer l'intelligence quantitativement. Pour certains buts, sans doute cette tentative est-elle valable.

Comme presque tout le monde le sait, les spécialistes des sciences humaines essayent de mesurer l'intelligence en employant des tests de quotient intellectuel. Les tests sont inventés, et en vertu des résultats populaires à ces tests, on donne une note très précise de 122, ou de 98, ou de 105, par exemple. On suppose que le nombre représente le niveau moyen de l'intelligence.

Il y a beaucoup de questions scientifiques, sociales et politiques sur ces tests de quotient intellectuel. Ici nous nous concentrions sur seulement une telle question: l'opérationalisation de notre concept d'intelligence par des tests de quotient intellectuel. Le concept préoperationalisé de l'intelligence est difficile à définir exactement; il implique des jugements de valeur des activités et des compétences et il permet à des gens d’être tout à fait intelligents à certains égards (mener leurs rapports personnels, par exemple) et tout à fait inintelligents dans d'autres (faire des mathématiques plus avancées, par exemple). Le terme intelligent, en français de tous les jour, est élastique et incertain. Comme il est normalement employé, ils est impossible de le mesurer précisément. Bien que Pierre puisse avoir un quotient intellectuel de 130 et Jean de 100, cela signifie peu de chose de dire que le Paul soit exactement de 30 points plus intelligent que Jean! Cela signifie quelque chose de dire que le résultat du quotient intellectuel de Pierre soit de 30 points plus haut que celui de Jean. Le concept ordinaire de l'intelligence est très incommode en autant que la recherche scientifique soit concernée. Si un chercheur veut étudier l'effet de l'intelligence sur le succès économique au milieu de la vie, il devra avoir une façon de mesurer l'intelligence; il devra avoir un test général sur l'intelligence qu'il peut s'appliquer à tous ses sujets. Typiquement il emploie un test de quotient intellectuel.

Les tests de quotient intellectuel opérationalise le concept de l'intelligence, remplaçant un concept flexible, incertain et évaluatif par un concept quantitatif. Un chercheur, qui opérationalise l'intelligence en points sur des tests de quotient intellectuel, a remplacé le concept ordinaire par une technique, et réduit l'intelligence en quelque chose de quantifiable. Il parlera de quotient intellectuel au lieu de l'intelligence. Mais néanmoins, il n’en demeure pas moins que c’est l'intelligence qui l’intéresse vraiment. Le projet original était d'examiner les effets de l'intelligence sur le succès à l’âge de la quarantaine. Personne n'aurait quelque intérêt aux tests de quotient intellectuel si on ne croyait pas que les nombres veulent nous apprendre quelque chose de l'intelligence. Ce cas est typique de l'opérationalisation: un concept évaluatif et quelque peu indéterminé a été remplacé par une mesure quantitative et très précise.

L’opérationalisation est une procédure scientifiquement nécessaire pour beaucoup de buts. Il pose, cependant, quelques problèmes de compréhension, particulièrement pour des profanes. L'intérêt et l'applicabilité de recherches dépendent d'habitude du sens préoperationalisé de termes si cruciaux comme l'intelligence. Personne n'aurait intérêt à la relation entre des tests de quotient intellectuel et le succès économique à moins de croire qu’ils ne soient étroitement rapprochés de l'intelligence. C'est l'intelligence plutôt que le quotient intellectuel par lequel les gens sont vraiment intéressés. Pendant le processus d'enquête scientifique, les aspects évaluatifs, indéterminés et nonquantitatifs de l'intelligence sont sous-jacents. Les chercheurs peuvent les oublier et travailler simplement avec le pointage numérique du quotient intellectuel. Néanmoins, ces aspects nonquantitatifs de l'intelligence seront jacents de nouveau dans l'interprétation et l’application des résultats.

Le concept de l'intelligence a été employé ici parce que les questions de la mesure de l'intelligence sont relativement familières. Le quotient intellectuel a souvent été une question politique dans notre culture et la plupart des personnes ont entendu des débats à savoir si le quotient intellectuel mesurait vraiment l'intelligence, quelque chose qui soit fixée indépendamment de l'environnement, et cetera. Mais les mêmes questions qui surgissent pour l'intelligence surgissent aussi dans beaucoup d'autres cas. La question d'opérationalisation est fondamentale et commune à la recherche dans les sciences sociales. Étant conscient que l'opérationalisation était nécessaire peut contribuer à votre compréhension des études empiriques faites dans ce secteur. Voici une liste de quelques termes qui doivent être au moins implicitement opérationalisés dans la recherche sociale scientifique: la persévérance, le champ d'attention, le complexe de féminité, le complexe masculin, le fait d'être introspectif, l’impulsivité, la faculté créatrice, le rendement, l’angoisse, la conviction et le bilinguisme.

Les termes dans la liste précédente sont:

1. Mentalistiques. Ils impliquent une référence à la conscience humaine dans le sens qu'ils sont compris en langue ordinaire. La science s'approche de la conscience humaine seulement dans la mesure où elle est reflétée dans le comportement, en langue, ou en états physiques du sujet.

ou

2. Évaluatifs. Ils impliquent des références, tacitement, aux valeurs et aux standards d'excellence dans un ou d’autres secteurs.

ou

3. À la fois mentalistiques et évaluatifs.

Ces termes et beaucoup d'autres décrivant des traits humains et des capacités doivent être opérationalisés avant qu'ils ne puissent être employés commodément dans la recherche scientifique. Chaque fois que vous voyez un terme ayant une de ces particularités, dans une étude scientifique ou le rapport d'une étude, vous devez être conscients que dans quelque sens les chercheurs l’ont opérationalisé. L'opérationalisation peut être par un test formalisé, comme avec l'intelligence. Ou cela peut être moins formel; les chercheurs conviendront simplement quels sortes de comportements ils appelleront persévérants ou impulsifs, ou quelque chose de même. Même une assez bonne opérationalisation capturera seulement des parties de la signification ordinaire d'un terme. La signification et l'applicabilité d'une étude peuvent être beaucoup sapées par les parties qui ne sont pas capturées.

Les points en jeu deviendront plus clairs quand nous verrons quelques exemples. Ce passage traite de la controverse des effets sur les enfants dans les groupes d'ages préscolaires de regarder des émissions télévisées en mouvement rapides:

À l'Université du Massachusetts, Daniel Anderson, Stephen Leven et Elisabeth Lorch ont comparé les réactions de soixante-douze enfants de quatre ans aux segments rapides et lents de l’émission pour enfants, Sesame Street. L'équipe de recherche a observé les enfants regardant des versions de différentes allures, les ont évalués par la suite pour mesurer leur comportement impulsif et la persévérance dans l’assemblage d'un casse-tête et les ont ensuite observés jouer pendant dix minutes. Ils ont conclu qu'il n'y avait absolument aucune preuve que les images rapides de télévision aient un impact négatif sur le comportement préscolaire des enfants et qu'ils ne pouvaient trouver aucune réduction de la persévérance et aucune augmentation de l’impulsivité ou de l'hyperactivité non concentrée.(2)

Ici les termes relevés sont des termes que les chercheurs ont vaguement opérationalisés. Ils ont décidés lesquels des comportements enfantins étaient impulsifs ou pas, persévérants ou pas avec un casse-tête; quels comportements étaient ou pas impulsifs, et cetera.

Examinons ces termes: persévérant, impulsif, hyperactif, effort soutenu, hyperactivité non concentrée.

Pensez maintenant au comportement des jeunes enfants. Vous devez vous demander comment un chercheur peut décider ce qui dénote de la persistance, de l'agression, et cetera. Vous pouvez être assurés qu'il e a une norme, mais bien sûr vous ne savez pas ce que c'est juste en lisant un rapport de l'étude et vous ne pourriez pas le découvrir en lisant l'étude elle-même. L'opérationalisation de tous ces termes implique des jugements interprétatifs qui peuvent avoir été faits différemment, aussi bien que les évaluations de comportement enfantin. Supposons qu'un enfant ait refusé de travailler sur un casse-tête comme demandé par les chercheurs. Montrerait-il moins de persistance qu'un autre enfant ou juste plus d'indépendance? Supposons qu'un enfant veule attirer l'attention d'un chercheur qui est alors occupé à montrer un autre casse-tête à un autre enfant. Supposons qu'il tire la robe d’une chercheuse, essayant d'attirer son attention. Est-ce de la persistance? ou de l’agressivité? ou de l’hyperactivité inattentive? ou de l’effort soutenu? ou aucun de ceux-ci? Vous pouvez voir que la signification des résultats va ici dépendre beaucoup sur la qualité des termes clefs dans l’opérationalisation. Étant donné la flexibilité et la nature évaluative de la langue ordinaire et la fluidité du comportement des petits enfants, beaucoup de jugements litigieux doivent être faits avant qu'un résultat ne soit déterminé.

Cela vaut la peine de faire attention à l’opérationalisation. Sans une compréhension quelconque de la façon dont les chercheurs ont déterminé l'applicabilité mentalistique ou des termes évaluatifs au comportement humain, vous n’avez seulement qu’une compréhension superficielle des conclusions auxquelles ils en viennent. Quand des termes centraux sont évaluatifs et qu'ils exigent des jugements du comportement humain, l’opérationalisation n'échappe pas à ces aspects. Il les écarte pour un temps, mais ils refont inévitablement surface.

Il est facile de manquer le fait que l'opérationalisation a eu lieu quand vous lisez une étude de recherche dans une source informelle comme un magazine de presse ou populaire. Si vous lisez l'étude elle-même, le fait sera évident. Typiquement, les chercheurs exposent les opérationalisations qu'ils ont employées - si des tests formels ont été appliqués, ou quels comportements ont été pris comme constituant le phénomène sous observation. Mais même dans ces contextes plus rigoureux, il vaut bien la peine de réfléchir sur l'opérationalisation et vous demander à quel point les tests correspondent au sens ordinaire des termes. Parfois les chercheurs utilisent le consensus parmi plusieurs différents observateurs comme base pour décider des critères pour déterminer ce qui est imaginatif, ou agressif, ou créateur. Cet accord élimine les jugements arbitraires purement personnels. Cependant, souvent les scientifiques travaillant dans le même secteur ont été soigneusement formés dans une ligne qui les fait partager les mêmes valeurs et suppositions. Ces valeurs peuvent différer énormément de celles du public ordinaire. Les comportement que les scientifiques considèrent être agressifs, vous pourriez les considérer comme étant imaginatifs. Puisque les mots agressif et imaginatif ont des implications évaluatives tout à fait distinctes, de telles différences peuvent être très importantes.

Nous obtenons une combinaison particulière de précision et d'imprécision quand les termes qui ont été opérationalisés sont alors incorporés dans des jugements statistiques, comme: «Ttrente-deux pour cent des enfants observés ont démontré un comportement agressif.» Le nombre, trente-deux, est précis et le pourcentage le fait sembler être comme si quelques résultats très définis avaient été obtenus. Mais le terme agressif est dur à opérationaliser; le terme est implicitement évaluatif et le comportement des enfants est assez chaotique qu'il y a beaucoup de décisions difficiles quant à savoir s'il faut appeler un comportement particulier agressif ou non. Quand nous entendons de telles revendications que: «Trente-deux pour cent des enfants observés ont démontré un comportement agressif,» sommes-nous impressionnés souvent par la précision des nombres? Mais cette précision est apparente, non réelle, dans le contexte. Les difficultés conceernant le terme agressif doivent être tenues en compte. Dans de tels contextes, les nombres peuvent induire les gens en erreur. Nous sommes enclains a avoir confiance en la statistique plus qu’en les jugements évaluatifs du comportement populaire. Et pourtant, si souvent, les évaluations sont là implicitement mises en dessous dans le choix des définitions opérationnelles. Une revendication comme: «Trente-deux pour cent des enfants ont observés ont démontré un comportement agressif» n'est pas précise. Elle est plutôt pseudo-precise, exploitant notre tendance à être impressionné par des nombres.

Données de questionnaires, sondages et entrevues. Un outil commun dans la science sociale est le questionnaire. Ici les données de la science dépendent des relations sociales entre les gens, particulièrement sur le rapport de confiance. Dans un questionnaire ou le sondage, on demande aux gens de répondre aux questions et le chercheur a l'intention de déterminer une conclusion de leurs attitudes, croyances, ou des actions sur la base de leurs réponses. Évidemment, il n’y a pas grand chose pour empêcher les sujets de mentir, la frivolité délibérée, ou l'inconséquence délibérée dans leurs réponses; c'est pourquoi nous disons que les recherches dépendent de la confiance.

Un livre sur l'étude célèbre de Margaret Mead sur des adolescentes au Samoa offre un exemple fascinant. Derek Freeman signale que quand Margaret Mead a étudié les attitudes et habitudes sexuelles des adolescentes au Samoa, elle était une étudiante inexpérimentée de troisième cycle, âgée de vingt-trois ans. Elle ne connaissait pas ce peuple ni des lèvres ni des dents et ne s’était pas informée du tout. Mead a vécu avec une famille blanche en menant sa recherche. Ses informateurs lui ont parlé d'union libre pendant l'adolescence, d'aucun stigmate rattaché à la perte de la virginité et d'aucune dépendance au sexe. Ces thèmes ont affecté des générations d'étudiants en anthropologie et de savants par le livre bien connu Coming of age in Samoa. Dans ce livre, Mead affirme que, sur la base de son étude de vingt-cinq adolescentes en 1925, les Samoans avait une culture dans laquelle les adolescentes étaient peu stressées par leur développement sexuel. De cette prémisse elle tirait la conclusion plus large que le stress adolescent était le produit, pas de la biologie humaine (qui est universelle), mais des circonstances culturelles et des attentes.

Freeman signale que les Samoans avaient une culture qui attachait une grande valeur à la virginité et que la délinquance, la violence et même le suicide étaient autant présents chez les adolescents samoans que chez les adolescents occidentaux. Avant que le livre de Freeman ne devienne une controverse publique en 1983, les Samoans instruits avaient depuis longtemps mis en doute la description de Mead de leur culture. Freeman ne soutient pas que Mead soit malhonnête, mais que, après une analyse détaillée de la preuve contradictoire, ses sujets l'aient trompée. En raison d'une combinaison d'inexpérience et d’un désir de trouver une culture humaine non contaminée montrant la nature humaine à son mieux, Mead les a crus. D'autres études avaient indiqué que les filles samoannes étaient gênées de discuter de sexe - hypothèse très plausible d'un point de vue du bon sens. Freeman avance que: «Quand Margaret Mead a persisté dans ces enquêtes sans précédent sur un sujet fortement embarrassant, il est probable que ces filles ont régalé leur enquêteur de contes imaginaires d'amour sous les palmiers.»

Cette controverse illustre l'importance d’être capable d'avoir confiance en les personnes étant étudiées et de croire qu'elles répondent honnêtement aux questions. Cela nous met en garde, aussi, en illustrant comment une étude douteuse, basée sur un petit échantillon et faite par un chercheur inexpérimenté, fait école pendant des années dans l’opinion et la recherche, si par malheur elle est prise au sérieux par les gens au bon moment.

Sur les questionnaires, des techniques peuvent être employées pour essayer de désherber les réponses malhonnêtes. Dans un questionnaire sur l'éthique, on demandait aux personnes interrogées de répondre par vrai ou faux:

Je n'ai jamais délibérément fait de remarque avec l'intention de blesser quelqu'un.

Celui qui répondait vrai, donnait aux chercheurs la preuve qu'il était malhonnête. Le mot jamais rend la déclaration si forte que presque personne ne puisse répondre sincèrement par l’affirmative. Mais étant donné que les chercheurs puissent détecter la malhonnêteté dans ce cas, ils font face à une décision à propos de leurs données. Méconnaissent-ils l’ensemble entier des réponses de ce sujet? (S'il en est ainsi, ils pourraient efficacement influencer leur échantillon vers l'honnête en omettant le malhonnête. Si vous étudiez des croyances populaires et des actions en ce qui concerne l'éthique, cette omission est très significative.) Préservent-ils les résultats et essayent-ils de tenir compte d'un degré de malhonnêteté? Le dilemme révèle de nouveau que les décisions doivent être faites quant à ce qui constitue des données: les données ne sont pas des faits irréfutables sans lien avec la politique et les décisions humaines.

Nous avons souligné les questions de langue et le rôle que les questions conceptuelles et évaluatives jouent dans la description des faits scientifiques. Dans un sondage ou un questionnaire, les questions doivent être soigneusement formulées. Elles ne doivent pas être vagues ou ambiguës et elles ne doivent pas poser des questions d'une façon préjudicielle ou truquée. On peut poser les questions de manière à contraindre pratiquement la personne interrogée à donner une réponse qui ne peut pas exactement refléter ses croyances et attitudes. Pour voir comment cela peut arriver, supposeons que vous soyez arrêtés sur une accusation de meurtre et que vous soyez innocents. Si un policier demande, "avez-vous acheté l'arme du crime ici dans la ville ou ailleurs?" Il vous demande une question incorrecte. Vous estimerez obligatoires accepter une de ses alternatives quand toutes les deux sont fausses. La bonne réponse est de rejeter la question, mais cette réponse exige une présence d'esprit qui peut vous faire défaut dans de telles circonstances!

Les questions dans les sondages, questionnaires et tests (réponses courtes) soi-disant objectives, peuvent être préjudicielles de diverses façons. Elles peuvent fortement suggérer une réponse qui est inopportune, ou bien due à la forme (comme dans l'exemple précédent) ou bien en raison des particularités spéciales de la formulation. La formulation peut être déviée pour transmettre un effet émotionnel spécifique ou comment faire naître des suppositions douteuses. Comme exemple de questions préjudicielles accablées d’émotion, songez à ce qui suit:

I. Êtes-vous en faveur de détrousser les cadavres de leurs organes pour profiter aux riches?

II. Êtes-vous en faveur d'autoriser les docteurs d’extraire les organes pour la transplantation, même sans le consentement des parents, dans les cas où ces parents ne peuvent pas être consultés?


Ce serait dur pour n’import qui de répondre affirmativement à la première question parce que détrousser les cadavres est rébarbatif! En plus, la question assume une fausse intention de transplantation: qui doit profiter aux riches. La deuxième question n'est pas préjudicielle de cette façon. Les résultats d’un sondage sur les dons d'organes différeraient presque certainement beaucoup si la question (i) était posée plutôt que la question (ii).

En fait, les logiciens ont un nom spécial pour ces questions suggestives et faussement coercitives. Ils les appellent des questions complexes et disent que ceux qui les posent commettent un sophisme: le sophisme de la question complexe.

L’exemple classique des logiciens est:

Avez-vous arrêté de battre votre femme?

Si une personne n'est pas un batteur de femmes avoué et qu’on lui pose cette question, il y a une forte implication pratique qu'il doive répondre par oui ou non. Le problème est que l'une ou l'autre réponse suggère qu'il a une fois battu sa femme. S'il ne l'a pas fait et ne veut pas dire qu'il l’a fait, il a un problème qui peut seulement être résolu en rejetant la question.

Le sophisme de la question complexe surgit quand une question est formulée de façon telle qu'elle a tendance à contraindre une personne interrogée à accepter une revendication importune ou fausse, sans autre raison que la formulation de la question. Quelques questions préjudiciables peuvent être considérées comme l'accomplissement du sophisme de la question complexe parce que leur forme suggère des émotions, des attitudes et des croyances que nous ne pouvons pas facilement accepter, mais qu’on nous oblige à accepter en raison des suppositions ou de la structure suggérée de l'information dans la question elle-même.

Les sondages sont souvent critiqués en raison du fait que l'on peut demander des questions afin de porter préjudice aux réponses ou afin de rendre les résultats du sondage difficiles à interpréter. Cela peut arriver ou bien à cause du sophisme de la question complexe ou bien par un choix de formulation, pour que la question soit accablée d’émotion dans une direction ou l'autre. Un cas significatif d'un sondage impliquant l'erreur de la question complexe est arrivé aux Etats-Unis à la fin des années 1940. Des personnes avaient été arrêtées pour espionnage sur les recherces atomiques et le gouvernement canadien avait reçu la preuve du transfuge soviétique Igor Gouzenko d'une vaste activité soviétique au Canada, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Dans un tel contexte, les citoyens américains ont été sondés pour voir s'ils étaient en faveur de la divulgation de secrets atomiques aux Russes. La question se lisait comme suit:

Êtes-vous vous en faveur de divulguer des secrets atomiques aux Russes?

Cela semble assez direct. Les gens disent simplement oui ou non et ensuite les résultats sont tabulés. Quatre-vingt-cinq pour cent étaient contre. Cependant, la question et, en effet, le concept entier d'espionnage atomique, était basé sur une fausse supposition - la supposition qu'il y avait des secrets atomiques qui pouvaient être appris par espionnage. En effet, la connaissance scientifique appropriée était accessible au public et le seul secret réel du programme atomique américain consistait en ce que le gouvernement et ses agences faisaient des tentatives énergiques pour s’accaparer le marché mondial de l’uranium. Nous voyons ici un cas tragique d'un sondage fondé sur une question inopportune. Les résultats du sondage ont été pris comme pertinents envers la politique publique. Mais les résultats n'avaient aucune signification réelle, parce que la question posée en était une qui n’existait pas. Par contre, le réseau d'espionage était bel et bien réel et il est décrit dans ce blogue. Voir Corruption in Canada!

Les Canadiens dans la province de Québec ont fait face à une question absurdement complexe lors du référendum de 1980 à propos du séparatisme. Après des décennies de sentiment nationaliste au Québec, un gouvernement qui avait exprimé sa propre conviction que le Québec soit beaucoup mieux comme un état séparé avec une vague association avec le reste du Canada a mis la question dans un référendum. Les «Québécois» ont dû voter oui ou non à la question suivante:

«Le gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d'en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l'égalité des peuples. Cette entente permettrait au Québec d'acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d'établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l'utilisation de la même monnaie. Aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l'accord de la population lors d'un autre référendum. En conséquence, accordez-vous au gouvernement du Québec le mandat de négocier l'entente proposée entre le Québec et le Canada?»

Comme question complexe, on ne peut trouver mieux! Beaucoup de problèmes surgissent. En premier lieu, le but visé de souveraineté-association était une politique dont les autres provinces canadiennes ne voulaient pas. La question est du type: Étant donnés A et B et C, devons-nous essayer de négocier X? Si A ou B ou C ne tiennent pas, nous avons une mauvaise question. Le non a remporté: plus de votes contre le séparatisme. Mais comment interpréter ces résultats n'est pas évident.

Les bons questionnaires n'ont pas de questions comme celle-ci. Ils évitent le sophisme de la question complexe, évitent l'ambiguïté et le manque de précision et les questions insidieuses. Ils demandent des questions qui peuvent être comprises facilement et répondues simplement. Si ces conditions sont manquantes, donc les données produites par ces questionnaires ne signifient absolument rien. Les questions mal formulées ne peuvent pas révéler les croyances et les attitudes populaires réelles. Peu importe combien de questionnaires sont remplis et tabulés, les résultats n'ont d'aucune signification si les questions sont incorrectement formulées. Il est facile d'oublier ce fait si quelqu'un vous montre des masses de données d'une enquête, mais c'est vrai.

Les tests d’attitudes et de traits de caractère peuvent être sérieusement défigurés si les questions constitutives sont négligemment rédigés. Un bon exemple de ce problème est une échelle qui a été inventée pour évaluer le trait de caractère généralement appelé machiavélisme. Machiavel était un théoricien politique italien, renommé pour sa thèse que les politiciens sont manipulateurs et cyniques. Sa vision morale peut se résumer à: la fin justifie les moyens. Une échelle pour déterminer le degré de machiavélisme des personnes, alors, indique le degré auquel elles s’empressement de manipuler les autres et de violer les principes moraux pour en arriver à leurs propres fins égoïstes.

Les personnes interrogées devaient répondre par d’accord ou pas:

1. Le bien-être d’un individu passe avant toute chose.

2. La meilleure façon de manipuler les gens est de leur dire ce qu'ils veulent entendre.

3. Le travail d'une personne est le meilleur indicateur de de ce qu’elle est.

4. C'est sage de flatter les gens.

5. En somme, mieux vaut être humble et honnête qu'important et malhonnête.

6. C’est dur d’avancer sans couper les coins rond.

7. Faire complètement confiance aux autres peut attirer des ennuis.


Toutes ces questions contiennent des défauts de formulation si sérieux qu'une réponse vrai ou faux ne signifie rien. À cause de ces défauts, l'échelle ne mesure rien. Voyons ce qui cloche avec chacune de ces questions.

1. Le bien-être d’un individu passe avant toute chose est ambigu. Cela peut signifier ou bien que chacun doive travailler pour son propre bien-être personnel avant tout - une vision machiavélique - ou bien que chacun doive travailler pour le bien-être de tous en premier. Le problème est le mot individu; est-ce universel ou particulier? Se réfère-t-il seulement à soi-même ou à d'autres individus aussi? La seconde signification n’indiquerait pas du tout du machiavélisme. Si vous êtes d'accord avec la déclaration l'interprétant de cette façon, votre accord indique même l’opposé si vous avez interprété la déclaration selon la première compréhension.

2. La meilleure façon de manipuler les gens est de leur dire ce qu'ils veulent entendre est aussi ambigu. Le mot meilleure peut signifier ou bien le plus efficace ou bien moralement le plus correct. Selon la première signification, l'acceptation n'indique pas de machiavélisme, car on reconnaît simplement que la flatterie est efficace; on ne reconnaît pas qu'il faille l’employé. Mais être d’accord selon la seconde signification indique du machiavélisme, parce que d’être d'accord excuserait la basse flatterie comme moralement bien.

3. Le travail d'une personne est le meilleur indicateur de ce qu’elle est est trop vague pour être utile à l'échelle. L'expression de ce qu’elle est cause problème. Cela peut signifier n'importe quoi: sa personnalité, sa loyauté, son intelligence, ses valeurs morales, et cetera. Vous ne pouvez pas savoir avec quoi vous êtes d'accord; donc votre accord ou désaccord n'indique rien de votre machiavélisme.

4. C'est sage de flatter les gens est sapé par l’ambiguïté du mot sage. Ce mot peut signifier intelligent, comme dans: «C’était sage de vendre les actions tandis qu'elles étaient hautes.» Ou cela peut signifier sain, selon des critères moraux, comme dans: «Il est sage de ne pas accepter un pot de vin.» Si sage est pris de la deuxième façon, donc être d'accord implique du machiavélisme. Mais s'il est pris de la première façon, non.

5. En somme, mieux vaut être humble et honnête qu'important et malhonnête est ambigu en cela que mieux peut signifier moralement mieux ou plus efficace pour le succès personnel. Le désaccord avec la déclaration selon la première signification indique du machiavélisme, mais pas l’accord selon la seconde signification.

6. C’est dur d’avancer sans couper les coins ronds est vague. Couper les coins ronds peut être attribué aux actes immoraux et illégaux ou simplement une omission des activités inefficaces et inutiles. Dans le dernier sens, vous coupez les coins ronds quand vous ne repassez pas vos chemises en tissu infroissable, mais penser que c'est bien n’indique en rien un caractère machiavélique! L'expression avancer est aussi plutôt vague. C'est tout à fait naturel de le prendre comme une indication du succès financier, mais ce n'est pas la seule signification possible.

7. C’est dur de n'être pas d'accord avec faire complètement confiance aux autres peut attirer des ennuis, en raison du mot complètement. Si vous prenez ce mot littéralement, vous devez être d'accord avec la déclaration. Et encore on suppose que l'acceptation indique du machiavélisme.

Nous avons travaillé cet exemple en détails parce qu'il illustre bien ce qui peut mal tourner avec la formulation sur les questionnaires ou les sondages. On demande aux gens de prendre une décision rapide sur une déclaration et on suppose que leur réponse indique une attitude ou la croyance sur un sujet d’une signification quelconque. On peut donner une réponse précise seulement quand les questions sont simples, sans équivoque et correctement liées au sujet de l'enquête. Cette question nous ramène à l’opérationalisation.

Les mêmes problèmes peuvent aussi surgir dans des entrevues si les questions ne sont pas soigneusement choisies. Dans ce cas, les sujets peuvent demander des clarifications sur les questions, pour avoir une chance de résoudre les problèmes. Mais interroger peut poser d'autres problèmes. Une entrevue est une situation humaine dans laquelle les gens réagissent réciproquement et l'interaction entre eux peut affecter les résultats. Un enquêteur très compatissant peut recevoir beaucoup plus de confessions significatives qu'un autre. Ainsi la personnalité de la personne faisant l'entrevue devient un composant de l'étude et ses effets peuvent être durs à calculer. (Si un enquêteur compatissant et chaleureux trouve plus de preuves d'ennuis matrimoniaux qu'un autre, il n'est pas toujours clair s'il y a plus d'ennuis ou si simplement que sa personnalité a mené à l'admission de plus de problèmes de la part de ses sujets.) Les résultats scientifiques sont le plus sûr quand ils peuvent être reproduits par des chercheurs différents. Mais puisque des gens différents ont des personnalités différentes qui peuvent affecter leurs techniques d'enquête, cette duplication peut être difficile dans le cas des entrevues. Les questionnaires, qui sont moins intimes, sont parfois considérés comme préférable aux entrevues pour cette raison. Bien sûr, un avantage de l' consiste en ce que les ambiguïtés ou d'autres défauts dans les questions peuvent être éclaircis.

Un autre problème avec l'entrevue consiste en ce que les gens ont tendance à dire ce que les enquêteurs veulent entendre. Ainsi, si questionné par un journaliste à quelle fréquence ils lisent le journal, les gens sont enclins à la surestimer pour ne pas déplaire à quelqu'un qui écrit comme métier. Aussi, les gens sont souvent gênés d’admettre dans un face à face une affiliations avec des groupes politiques ou religieux impopulaires. Ils peuvent avoir honte d’admettre des choses qu'ils seraient capables d'admettre sur un questionnaire écrit quand on garantit l'anonymat. Sur des sujets sensibles, alors, un questionnaire pourrait donner des données très différentes de ceux qui seraient révélés dans des entrevues.

Ainsi beaucoup de facteurs conceptuels et personnels peuvent affecter les données que les spécialistes des sciences humaines sont capables d'obtenir des sondages, des questionnaires, ou des entrevues. Ce n'est pas que leurs données ne signifient rien. Plutôt la signification proviendra en partie de la sensibilité au langage qui est derrière la formulation des questions et du soin de la prise en compte des facteurs personnels qui pourraient influencer les données d'une manière ou d'une autre. Se faire dire que la personne moyenne a un index de machiavélisme de 0,7 est insignifiant à moins d’avoir confiance en le test employé. Même alors, la combinaison d'un nombre 0,7 avec un concept si dur à opérationaliser donne un résultat qui peut être accusé de pseudo-précision. Les résultats d'un sondage, aussi, ne peuvent pas être mieux que la question demandée dans le sondage.


Les données de science sociale ne sont pas des faits brutaux. Nous devons choisir les questions sur la base dont les données sont rassemblées. Nous devons choisir le langage dans laquelle nous travaillons et ce choix déterminera attitudes et aspects du monde comme significatif ou pas. Nous devons choisir s'il faut employer des questionnaires, des entrevues, ou l'observation directe de comportement comme les moyens de découvrir ce que les gens pensent et font et quelles sont leurs capacités. Les concepts compliqués, impliquant des jugements de valeur et de la conscience humaine, doivent être opérationalisés. La confiance humaine est impliquée. Il faut décider quelles parties des données sont de quelque façon influencées et qui doivent donc être éliminées, ou escomptées. De toutes ces façons, les choix, les valeurs et les politiques entrent dans la construction des données. Ne pas comprendre telles choses a donné à beaucoup de personnes une compréhension dogmatique et excessivement simpliste de quoi s’agit les sciences sociales.

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EXERCICES

Examinez les cas suivants. Commentez, dans chaque cas, sur les implications légèrement différentes des diverses descriptions dans chaque cas. Inventez alors deux cas semblables de votre propre cru et expliquez à un ami ce que signifie votre version.

1. Descriptions de poids

a. Beaucoup de personnes pèsent de 7 à 15 kilos de plus que le poids sain idéal pour leur âge, sexe et grandeur.

b. Beaucoup de personnes sont obèses.

c. Beaucoup de personnes négligent de tenir leur poids dans les limites saines.

d. Beaucoup de personnes pèsent au moins 7 kilos de plus que la moyenne statistique pour leur grandeur et âge.

e. Beaucoup de personnes pèsent 15_30 livres de plus que normal pour leur âge et grandeur.

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